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1.3.2 mais une sous-utilisation de la dimension relationnelle de l’ANT

2. L E R ESEAU T ECHNICO E CONOMIQUE (RTE) : COMPRENDRE L ’ ISSUE DES PROJETS EN RETRAÇANT LA FORMATION ET LA DYNAMIQUE DU RÉSEAU

2.2. La description des RTE ou la compréhension des projets

Un RTE est une « réalité duale » (Callon et Mustar, 1992), il se caractérise par des acteurs hétérogènes, mais aussi par des intermédiaires. Les intermédiaires qui sont émis, consommés et transformés par les acteurs, circulent également entre eux. Ainsi, afin d’intégrer l’hétérogénéité des acteurs prenant part au processus d’innovation, le RTE est décomposé en différents sous-ensembles, appelés « pôles » (Callon, 1991, 1992; Callon et al., 1991 ; Callon et al., 1995) (2.2.1.). Ces pôles sont reliés entre eux par des intermédiaires (2.2.2.), et les comportements des acteurs dans et entre ces pôles s’apparentent à des comportements stratégiques (2.2.3.).

2.2.1.

L’analyse de l’hétérogénéité des acteurs du processus d’innovation à

travers l’identification des « pôles »

Les pôles sont distingués en fonction des familles d’acteurs les constituant. Callon et Mustar (1992) identifient les « pôles principaux » autour desquels le RTE est organisé, et les « pôles d’intermédiation » situés entre les pôles principaux.

37 Là encore, ces interactions et leur dynamique remettent en cause l’idée même d’un schéma linéaire du

processus d’innovation, reposant sur le cloisonnement des activités ou des fonctions (la conception, la production, le management) et le déroulement des différentes étapes du processus dans un ordre préétabli.

Chapitre 2. L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

Concernant les pôles principaux, les auteurs en recensent trois :

• le pôle « Scientifique » (S) qui créé des connaissances et assure la formation des personnels. Ce pôle rassemble les laboratoires, par exemple ;

• le pôle « Technique » (T) qui élabore les projets, les prototypes, les modèles de simulation, les normes et les brevets ;

• et le pôle « Marché » (M) qui organise l’expression des demandes des biens ou de services et qui comprend essentiellement les réseaux de distribution ou de commercialisation, les clients, les acheteurs, les usagers qui contribuent à exprimer une demande. Ce pôle correspond à l’univers des clients ou des usagers de l’innovation.

Concernant les « pôles d’intermédiation », Callon (1991) distingue deux pôles :

• le pôle « Transfert », situé entre les pôles « Scientifique » et « Technique » (ST);

• le pôle « Développement » situé entre le pôle « Technique » et le pôle « Marché » (TM). C’est au niveau du pôle Développement que se situe l’activité industrielle permettant la mise en relation des technologies, des compétences et des usagers.

L’entreprise doit donc être envisagée comme un large réseau où les activités et fonctions interagissent en permanence et sans ordre préétabli. Ce réseau se prolonge également à l’extérieur de l’entreprise, avec les publicitaires, les usagers ou dans le cadre de partenariats inter-firmes. La coordination et la coopération entre ces différents acteurs se matérialisent, selon Callon (1992), à travers la circulation de « toute une gamme d’intermédiaires » (Callon, 1992, p. 58). Pour Callon et al. (1995), « un réseau ne se limite pas aux seuls acteurs qui le constituent. Entre ceux-ci circule tout un ensemble d’intermédiaires qui donnent un contenu matériel aux liens qui les unissent » (ibidem, p. 416).

2.2.2.

Les intermédiaires

Les intermédiaires, représentent « tout ce qui circule entre les acteurs et qui constitue la forme et la matière des relations qui s’instaurent entre eux » (Callon, 1992, p. 58). Ces derniers sont une des composantes essentielles du réseau puisqu’ils permettent de rassembler les acteurs et de leur donner une identité dans le réseau : « dites-moi quels intermédiaires sont mis en circulation par un acteur donné, dites-moi qui ils atteignent et comment ils définissent ceux qu’ils atteignent et je vous dirai ce que « fait » un acteur » (Callon, 1992, p. 60). Ces intermédiaires permettent de rassembler les acteurs, ils portent en eux « de manière totalement explicite tout un monde peuplé d’acteurs dont ils définissent les rôles, les intérêts, en un mot : l’identité » (Callon, 1992, p. 58). L’intermédiaire donne un contenu matériel aux liens qui unissent les acteurs du réseau. Sa mise en circulation assure le non-isolement des

Chapitre 2. L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

acteurs au sein des pôles. Ainsi, la forte présence ou non d’intermédiaires, de même que leur circulation dans le réseau sont des indicateurs de la nature des interactions entre les acteurs au sein des pôles. Dans la mesure où il vise à concrétiser les relations entre les entités, l’intermédiaire peut être matériel (un contrat, un texte), il vise alors à inscrire les relations formelles ; ou immatériel (les compétences, les connaissances), il retrace les relations informelles. Par conséquent, si les économistes, tendent à privilégier l’étude des modalités de coordination du marché de la hiérarchie (sous-traitance, cession de licences, collaboration, franchises, prises de participation minoritaires, etc.), les chercheurs de la théorie de l’acteur- réseau, quant à eux, privilégient la qualification des acteurs d’un réseau à partir des intermédiaires qu’ils échangent (des documents, des compétences, des expertises, des objets techniques, etc.).

A partir des notions d’acteurs, de pôles, d’activités et d’intermédiaires (quels qu’ils soient), un RTE se présente sous la morphologie suivante :

Figure 2 : La morphologie du Réseau Technico-Economique

Par ailleurs, le RTE ne permet pas seulement de décrire la formation d’un réseau et d’identifier ses différents pôles et intermédiaires. Il permet également de caractériser ces réseaux afin d’identifier les stratégies des acteurs et l’évolution de ces réseaux pour la « promotion » de l’innovation.

2.2.3.

Les stratégies des acteurs dans le réseau

Callon (1992), tout en appelant à des études empiriques à ce sujet, s’interroge sur le comportement stratégique ou non des acteurs dans le réseau. L’auteur remarque alors deux comportements typiques. Tout d’abord, les acteurs participant à la confection et à la

Chapitre 2. L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

dynamique du réseau, sont plutôt orientés vers des comportements stratégiques définis « comme la recherche délibérée de positions avantageuses dans le réseau parmi d’autres acteurs qui s’efforcent d’atteindre le même objectif » (ibidem, p. 61). Ensuite, ces stratégies obéissent à une double logique :

• faire en sorte que l’acteur se rende indispensable, c’est-à-dire qu’il devienne incontournable dans le réseau. Cette indispensabilité passe par la confection d’irréversibilités. L’auteur identifie ces stratégies comme des « stratégies d’attachement », dans la mesure où un acteur va faire en sorte que d’autres acteurs s’attachent à lui, de façon irréversible. Par exemple, tel industriel ne peut passer que par tel laboratoire dont les publications sont indispensables pour lui. On sait exactement qui collabore avec qui et les acteurs et les technologies à mobiliser sont clairement identifiés ;

• lutter contre ces mêmes irréversibilités créées par les autres, afin de pouvoir se dégager du réseau pour en édifier un autre. Il est crucial pour un acteur donné de pouvoir changer d’intermédiaires ou d’entrer dans de nouvelles interactions, afin d’éviter de se retrouver paralysé dans le réseau. Callon (1992) identifie ces stratégies comme des « stratégies de détachement ».

Les stratégies des acteurs dans le RTE oscillent donc entre de l’attachement et du détachement. Callon (1992) précise que les stratégies observées sont bien souvent un compromis entre ces deux extrêmes.

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