• Aucun résultat trouvé

1.3.2 mais une sous-utilisation de la dimension relationnelle de l’ANT

2. L E R ESEAU T ECHNICO E CONOMIQUE (RTE) : COMPRENDRE L ’ ISSUE DES PROJETS EN RETRAÇANT LA FORMATION ET LA DYNAMIQUE DU RÉSEAU

2.3. Les configurations des réseau

2.3.1. Les dimensions des réseaux : la prépondérance de la convergence

Le contenu de l’innovation ainsi que sa cible dépendent des acteurs et des modalités de collaboration. Pour les pouvoirs publics, promouvoir l’innovation renvoie donc à la capacité de construire des réseaux, de les faire évoluer, « de s’assurer qu’ils font émerger les compétences et les produits visés mais également [...] de corriger le tir en cours de route, voire d’interrompre une action pour en définir une autre » (Callon, Larédo, Mustar, 1995, p. 420). Dès lors, la construction des réseaux conduit à des configurations différentes,

Chapitre 2. L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

impliquant des promotions plus ou moins réussies de l’innovation. Pour Callon (1991, 1992), chaque configuration possible d’un réseau peut être définie selon trois dimensions : la longueur, l’irréversibilité et la convergence.

 La longueur

Un réseau peut être plus ou moins long en fonction du nombre de nouveaux acteurs ou entités incorporés en son sein. Or, la robustesse de cet allongement dépend de la force des associations (c'est-à-dire de la qualité des liens réalisés). Plus les associations sont fortes, plus la chaîne des relations peut s’allonger et se solidifier. Toutefois, allonger la chaîne des relations s’avère plus difficile lorsqu’il s’agit de rapprocher des organisations ou des institutions provenant d’univers différents.

Comme nous le verrons dans notre analyse, l’hétérogénéité des acteurs appartenant à des sphères publiques et privées n’empêche pas les allongements réticulaires, mais les rend nettement plus laborieux.

 L’irréversibilité

Un réseau irréversible est un réseau stabilisé. Il n’est donc plus émergent. Dans le RTE, ce sont les objets qui conduisent à irréversibiliser les choix opérés. Callon (1991, 1992) d’ailleurs associe la propriété d’irréversibilité à celle de traduction. L’irréversibilité d’une traduction a une double conséquence : elle rend impossible le retour à une situation dans laquelle la traduction n’était qu’une option parmi d’autres d’une part, et prédétermine (plus ou moins lâchement) les traductions futures, d’autre part. Dans ce cas, l’accord se durcit entre les acteurs et les traductions futures deviennent plus prévisibles, mais l’irréversibilité rend aussi tout retour en arrière impossible (Callon, 1991, p. 223). Par conséquent, un réseau irréversible se matérialise par un fort attachement des acteurs du réseau entre eux, mais entraîne tout retour à une situation antérieure difficile. Selon Callon « plus les interrelations sont multiples et croisées, plus les éléments associés sont nombreux et hétérogènes (non-humains, humains, conventions…), plus la coordination est forte et plus la probabilité de résistance des traductions est élevée » (Callon, 1991, p. 219).

 La convergence

L’objectif est de parvenir à une innovation plus ou moins stabilisée. Pour ce faire, les auteurs de l’ANT avancent que les différentes ressources ou intermédiaires circulant dans le RTE, nécessaires au processus d’innovation, doivent converger. Cette convergence s’exprime dans l’intensité et la diversité des interactions inter et intra-pôles (Callon, 1992, p.63) afin que tous les acteurs du réseau soient fortement liés et puissent agir rapidement et

Chapitre 2. L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

conjointement au développement de l’innovation : «l’objectif est que tout acteur appartenant au réseau, quelle que soit sa position à l’intérieur du réseau (chercheur, ingénieur, commercial, usager, etc.) puisse mobiliser, à tout moment, toutes les compétences du réseau sans avoir à se lancer dans des adaptations, des traductions ou des décodages coûteux » (Callon, 1992, p. 216).

La propriété de convergence du réseau met en avant la dynamique de l’innovation car « l’idée, le projet peut naître en tout point ; sa réalisation passe par toute une série d’interactions qui réarrangent le réseau, font naître de nouvelles compétences et de nouvelles connexions» (Callon et al., 1991, p. 286). En effet, pour que l’innovation puisse se transformer en objet stabilisé, il faut que les différentes ressources ou intermédiaires circulant dans le RTE (objets techniques, compétences, argent, etc.), tous nécessaires au processus d’innovation, convergent. Pour ce faire, les flux de ressources et les interactions inter et intra- pôles doivent être intenses et multidirectionnelles (Callon, 1992, p. 63)

La convergence d’un réseau se mesure grâce à la combinaison de deux dimensions : l’alignement et la coordination (Callon, 1991).

le degré d’alignement résulte des opérations de traduction opérées par un acteur ou une organisation.

Les opérations de traduction assurent l’établissement de liens intelligibles entre les différents acteurs. Cependant, préalablement souligné, il est possible aux acteurs de ne pas se conformer à la définition qui leur est attribuée. Si un réseau est composé de trois acteurs « X-Y-Z », et si une relation entre X et Z passe obligatoirement par Y, alors le degré d’alignement du réseau est qualifié de fort. La complémentarité entre les acteurs est alors forte. A contrario, si X et Y peuvent indépendamment entrer en relation avec Z, alors le degré d’alignement est faible, la complémentarité entre les acteurs est faible, et la substituabilité est forte. La dimension de l’alignement rend compte de la connexité38 du réseau (Callon et al., 1991, p. 290).

le second indicateur de la convergence d’un réseau repose sur son degré de coordination. Six modalités principales de coordination, inscrites dans les intermédiaires, sont à distinguer : les transactions marchandes (le marché), la hiérarchie (au sein d’une organisation), la confiance, la mise en circulation de dispositifs techniques, le partage des connaissances scientifiques communes, et enfin les compétences « incorporées » dans les êtres humains. Le degré de convergence pourra s’identifier dans les formes de coordination mises en œuvre (des

38 Concept topologique emprunté à la théorie des graphes, la connexité d’un réseau signifie l’existence d’au

moins un nœud du réseau (un sommet) à partir duquel il est possible de rejoindre tous les autres sommets du graphe.

Chapitre 2. L’approche de l’acteur-réseau au fondement de notre cadre conceptuel

structures organisationnelles unifiées, des conventions ou des contrats d’entente sont des preuves que les activités sont en interaction profonde) et dans la fréquence et la nature des intermédiaires circulant entre les pôles. Par conséquent, un réseau technico-économique fortement convergent est un réseau dont tous les éléments sont fortement connectés entre eux par des relations irréversibilisées. Les interactions y sont nombreuses et se matérialisent dans la circulation d’intermédiaires entre les pôles.

En identifiant le degré d’alignement et les modes de coordination, la nature des interactions est prise en considération dans le réseau.

Ainsi, un réseau convergent est un réseau dont les associations entre ses membres sont fortes. En d’autres termes, les intérêts respectifs des entités du projet sont alignés vers l’objectif général du projet. La dimension convergente du réseau apparaît donc comme prédominante pour la réussite du projet.

Outline

Documents relatifs