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La gestion de projet TI dans le domaine public

3. L A MÉTHODE PROJET DANS LE SECTEUR PUBLIC : UNE TRANSPOSITION PROBLÉMATIQUE

3.2. Les caractéristiques du domaine public

Nous avons résumé autour de trois grands points les caractéristiques du domaine public, c'est- à-dire les traits apparemment significatifs qui le différencie du secteur privé dans le cadre de projets technologiques. Ces traits traduisent notamment la difficulté de poser les principes d’un pilotage des projets publics par l’aval.

3.2.1.

Les utilisateurs du domaine public : une implication problématique ?

Pour Brunel et Weygand (2004), les différences culturelles (la maîtrise des outils informatiques, l’âge, etc.) rendent les modalités d’appropriation hétérogènes. Non seulement existe une résistance au changement, mais cette résistance varie d’un usager à l’autre. Pour Brunel et Weygand (2004) dans le pilotage des projets technologiques, l’implication des utilisateurs en amont devient une tâche très ardue. Or, l’intégration de leurs attentes en aval est presque toujours facteur d’une augmentation des coûts car elle exige des adaptations qui endiguent l’accroissement des budgets préalablement fixés. Brunel et Weygand (2004) soulignent que les démarches de réingénierie visant à faire du projet technologique un projet global et mobilisateur pour l’ensemble des personnels ne peuvent a fortiori être mises en œuvre.

3.2.2.

Les contraintes de fonctionnement des organisations publiques : faiblesse

des points de repère et parcimonie budgétaire

Une organisation publique bénéficie de peu de points de repère. En effet, Une organisation publique doit produire des services pour répondre à l’intérêt général, elle produit des biens communs (Pesqueux, 2007). Par conséquent, le niveau de satisfaction des usagers n’a pas toujours d’indicateurs mesurables. Si des indicateurs existent, ils ne sont pas directement liés avec le budget investi dans les projets. Par conséquent, les processus d’évaluation préconisés pour une gestion de la convergence des projets apparaissent ici problématiques à mettre en œuvre.

De plus l’informatique et les télécommunications sont perçues par les pouvoirs publics comme « obligatoires » au pôle des politiques publiques. Cependant, Brunel et Weygand (2004) constatent l’impératif de faible coût de ces projets et l’impératif d’absence de défaillance technique qui viendrait paralyser l’action publique. La contrainte budgétaire est donc forte d’autant que l’efficacité productive des technologies dans la réussite des politiques publiques n’est pas perçue et en tout cas non mesurée.

Chapitre 3. La gestion de projet TI dans le domaine public

3.2.3.

La décision dans le domaine public

Si l’importance de la compréhension des processus décisionnels a été soulignée dans la littérature en système d’Information (à travers notamment les travaux sur les systèmes d’aides à la décision (SAD)) (Lebraty, 2000 ; Lebraty, 2006 ; Lebraty et Pastorelli, 2003) ; nous allons voir que la décision dans le domaine public est difficilement identifiable, et qualifiée d’indéterminée par les auteurs (Muller et Surel, 1998).

Le manque d’explicitation des objectifs. La décision dans le contexte public serait bien plus un processus de décision fondé sur une forme d’arrangement mutuel entre des acteurs. Le compromis se situe au cœur même de ce processus (Lindblom, 1959, 1979). C’est la notion « d’incrémentalisme disjoint » développée par Lindblom (1979) lui permettant de décrire une démarche pas à pas, une démarche de tâtonnement, où les décideurs publics ne cherchent pas à brusquer les choses et investir des actions de rupture, mais bien plus à s’ajuster le plus possible et progressivement afin de concilier les désaccords des parties prenantes. Ainsi, le décideur loin d’affirmer des objectifs fixés et irréversibles, accepte de modifier ses buts en fonction des résistances qu’il rencontre. Par ailleurs, Cohen, March et Olsen, 1972), avec le modèle du Garbage can et dont l’exemple le plus souvent cité est celui des systèmes éducatifs (Musselin, 1997), montrent qu’il n’est pas besoin qu’un problème soit posé pour que les acteurs publics mettent en avant une solution qu’ils vont essayer de « placer » à l’occasion de l’émergence d’un problème. C’est alors, que le secteur public voit émerger des solutions qui n’ont pas besoin de problèmes pour être proposées. Ainsi, les hommes politiques font des promesses qui tiennent lieu de décisions, même si elles n’ont pas été précédées de réelles analyses du problème.

L’indétermination de la décision publique : Muller et Surel (1998) montrent que les préférences des acteurs ne sont jamais complètement explicites, les acteurs des politiques publiques ne sachant pas exactement ce qu’ils veulent, ou plus précisément souhaitant le plus souvent atteindre plusieurs choses à la fois. Par exemple, un acteur politique cherchera à la fois la solution qui lui parait la plus juste et celle qui lui donnera le plus de chance d’être élu. La difficulté d’identifier les décideurs. Pour illustrer cette difficulté, Bartoli (1994, 1997) parle « d’essaims décisionnels ». L’auteur souligne que les décideurs publics sont rarement uniques et qu’il est d’ailleurs préférable de parler de « contributeurs à la décision », plutôt que de décideurs. Cette difficulté d’identifier les décideurs provient de deux faits : d’une part, les décideurs sont imbriqués dans un réseau complexe de contributeurs à la décision, d’autre part, les influences informelles dans les processus de décisions publiques peuvent s’avérer nombreuses et significatives (les électeurs, les médias, ou encore le conseil municipal, l’Etat).

Chapitre 3. La gestion de projet TI dans le domaine public

A ce titre, Muller et Surel (1998) caractérisent les décisions issues du domaine public comme contraintes par trois facteurs : le poids des règles, les enjeux de pouvoir, et le prisme bureaucratique. Concernant le prisme bureaucratique, les auteurs soulignent les « jeux bureaucratiques » qui vont avoir tendance à « précoder » la décision. C’est le cas, par exemple où différents services peuvent participer à la décision, chacun va avoir tendance à intégrer la défense de ses intérêts propres, en tant que segment bureaucratique. Les auteurs préconisent alors d’identifier les différentes logiques à l’œuvre qui permettent de comprendre les positions adoptées.

Cet état des lieux permet de comprendre la complexité de mener des projets technologiques dans le contexte des marchés publics.

Conclusion : la conduite de projet dans le secteur public

Ce que nous pouvons retenir de la gestion de projet dans le domaine public :

• la rigidité du code des marchés publics oblige les acteurs à définir précisément les besoins en amont dans la rédaction d’un cahier des charges quasi-complet ;

• la réglementation instaure un découpage du processus de projet avec la séparation nette entre la conception du projet et son exécution, et suit une logique séquentielle linéaire ;

• la prévision des besoins est rigidifiée par le code des marchés publics ;

• la source de la prise de décision est floue, incertaine et imprévisible.

Ainsi après avoir menée une revue de la littérature liée à notre objet de recherche, nous souhaitons clôturer ce chapitre en exposant la formulation de nos questions de recherches issues de cette revue. Nous présenterons alors l’élaboration de notre grille de lecture nous permettant de lire nos données empiriques et d’appréhender cette recherche exploratoire.

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