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La variation linguistique

5. Aspects théoriques

5.2. Le dialogue

5.2.2. La variation linguistique

52 « onomatopeia or interjections imitating informal speech » (Cadera, 2012b : p. 296)

53 « generalization that spontaneous discourse is less explicitly structured, more aggregative and additive in nature, and with a preference for juxtaposition and coordination as sentence connection mechanisms » (Espunya, 2012).

54 « [the] acceptance of the use of a strategy applied in one language varies in other language communities » (Brumme et Espunya, 2012 : p. 12).

55 « [t]he authors’ frequent selection of certain elements of the variational chain in order to typify and differentiate characters » (Brumme et Espunya, 2012 : p. 14).

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Définition

Nous avons jusqu’à présent vu la différence entre la langue orale et la langue écrite, mais la réalité est plus compliquée que cela :

nous disposons de bien plus de deux langues à l’intérieur de notre langue première, véritable conglomérat de langues partielles, qui fait de nous des plurilingues dans le sens où nous maîtrisons plusieurs niveaux de langue (correct, officiel, familier, populaire, vulgaire, argotique...) et où nous passons de l’un à l’autre avec la plus grande facilité, parfois même au beau milieu d’une phrase.

(Demanuelli et Demanuelli, 1990 : p. 48)

On remarque en effet que la langue n’est pas homogène, car « il n’y a pas deux locuteurs pour parler de façon semblable, et il n’y a pas un locuteur pour le parler de la même manière en toutes circonstances » (Gadet, 2003 : p. 91).

Si, historiquement, la variation a longtemps été mise à l’écart dans les études de linguistique principalement pour des besoins théoriques (Gadet, 1989), il est indéniable qu’elle est présente dans tout échange, ne serait-ce que parce que chaque individu a ses propres habitudes langagières.

« Il est important de reconnaître qu’il existe plusieurs variétés de français, les unes à côté des autres, et souvent entremêlées les unes aux autres. Les variétés orales coexistent avec des variétés écrites. Le langage varie en fonction de l’âge, de la région, de la classe sociale, du groupe ethnique » (Delbecque, 2006 : p. 251).

Les différents types de variation

La variation, dont les manifestations linguistiques peuvent être d’ordre phonique, morphologique, syntaxique ou lexical, s’opère à plusieurs niveaux. Françoise Gadet (Gadet, 2003) distingue tout d’abord la variation selon les usagers et la variation selon l’usage.

Dans le premier cas de figure, on s’intéresse à des locuteurs qui ont des manières différentes de s’exprimer. La variation diachronique (ou historique) fait référence à l’évolution permanente de toute langue dans le temps. La variation diatopique (ou spatiale, régionale) fait référence aux particularités territoriales d’une même langue. Elle peut se produire à différentes échelles (nationale, régionale, etc.) et à plusieurs niveaux : les accents et les régionalismes (formes spécifiques à un lieu géographique) sont les plus courants et les plus faciles à repérer, mais on peut également observer des phénomènes phoniques et syntaxiques (ces derniers étant parfois difficile à différencier des formes familières). La variation diastratique (ou sociale, démographique) fait référence aux différences attribuables au contexte socioculturel du locuteur, notamment son âge, son origine, son niveau d’étude, son revenu, sa classe sociale, sa profession ou le lieu où il vit.

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Dans le deuxième cas de figure, on a affaire à un seul individu qui adapte sa façon de parler en fonction de la situation dans laquelle il se trouve. On parle alors de variation diaphasique (ou situationnelle et stylistique). Ce type de variation est universel ; il existe dans toutes les sociétés, toutes les communautés linguistiques et chez tout locuteur (de manière plus ou moins marquée), quelle que soit sa classe sociale (Gadet, 1989) et illustre un certain besoin de créativité des utilisateurs de la langue. Il est lié à la notion de « niveaux de langues » ou de « registres », mais cette dernière relève principalement du lexique, alors que la variation diaphasique peut aussi survenir au niveau phonique ou morpho-syntaxique (Gadet, 2007). La variation diamésique, elle, fait référence aux différences dues au canal de transmission, c’est-à-dire principalement entre l’oral et l’écrit.

« Mais "variation" n’implique pas "aléatoire" : il y a de la régularité et du système dans la variation » (Gadet, 1989 : p. 7). Ainsi, la langue serait composée de plusieurs sous-systèmes (ou variétés) comprenant chacun un ensemble de caractéristiques lexicales, phonologiques et phonétiques communes à certains groupes de locuteurs (Delbecque, 2006).

La classification exposée ci-dessus paraît claire et bien définie, mais il est souvent difficile de déterminer à quel type de variation associer un trait spécifique (Gadet, 1989), car les productions d’un locuteur ne sont pas stables, les critères entrant en ligne de compte se recoupent bien souvent et les variations « diatopique, diastratique et diaphasique interagissent en permanence » (Gadet, 2007 : p. 24). En effet, les formes régionales (variation diatopique), par exemple, peuvent aussi être liées au statut socioculturel du locuteur (variation diastratique) et à une situation d’énonciation plus familière (variation diaphasique) (Gadet, 2003). De plus, la situation est différente pour chaque langue, car un type de variation donné n’a pas forcément la même importance dans toutes les sociétés. (Gadet, 2007)

5.2.2.1. Langue standard et norme

Lorsque des individus interagissent, ils évaluent constamment la manière de parler des autres. Ces perceptions subjectives des locuteurs existent dans toutes les langues et préexistent à la standardisation (Gadet, 2007). Il est intéressant de remarquer que « quelle que soit leur position dans l’échelle sociale, les locuteurs attribuent généralement la même signification évaluative à tel ou tel phénomène variable » (Gadet, 2003 : p. 103). Ainsi, une communauté linguistique est un

« ensemble de locuteurs qui partagent non les mêmes usages (ce qui n’est jamais le cas), mais les mêmes jugements de valeur en matière de langue (qui attribuent aux formes les mêmes valeurs, positives ou stigmatisées, indépendamment de leur usage propre) » (Gadet, 2003 : p. 104).

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La langue standard

Il en découle forcément un certain nombre de stéréotypes, plus ou moins répandus. Pour qu’ils prennent tout leur sens, un point de référence est toutefois nécessaire aux locuteurs. C’est là qu’intervient la langue standard, « qui fonctionne comme norme de référence parce que reconnue dans une communauté linguistique en tant qu’étalon de correction » (Moreau, 1997 : p. 194).

Même si l’on parle parfois de « variété standard » (Moreau, 1997 ; Gadet, 2007), il faut être prudent avec l’emploi de ce terme. S’il s’agit bien d’une variété de la langue, c’est aussi, contrairement aux autres variétés précédemment citées, une « construction linguistique et discursive, homogénéisante » (Gadet, 2007 : p. 28). Le processus de standardisation est plus ou moins important selon les idiomes ; en français, son importance est principalement liée à des raisons historiques. Il se déroule en quatre opérations, deux étant sociales (la sélection du dialecte d’un groupe dominant, puis l’acceptation ou l’extension de ce dialecte à une communauté plus large) et deux linguistiques (l’élaboration des fonctions de la langue standard et les codifications visant à garantir sa stabilité) (Gadet, 2007). On y retrouve toujours une dimension idéologique, car on cherche à favoriser l’uniformité, la stabilité et l’homogénéité de la langue afin de parvenir à l’intercompréhension des locuteurs. C’est une langue de pouvoir et de prestige (Epstein, 2012).

La norme

La norme fait partie intégrante de la langue standard, car elle « énonce qu’une certaine façon de parler est préférable aux autres » (Gadet, 2003 : p. 108) et s’oppose aux usages pluriels (Gadet, 1989). Généralement basée sur l’écrit (ce qui explique que la variation existe davantage à l’oral), elle découle de la codification et établit les formes normales et régulières de manière formelle (Gadet, 1996), afin de satisfaire le besoin de régularité dans les pratiques linguistiques permettant de parvenir à l’intercompréhension entre locuteurs issus de milieux différents.

La langue standard, délimitée des points de vue régional comme social, est la langue diffusée par les médias (Delbecque, 2006) et les locuteurs censés détenir la norme (le système éducatif et, en France, l’Académie, par exemple) (Gadet, 1989). Même s’il y a toujours des motivations et des jugements de valeur, tout ce qui est différent de l’usage standard et normalisé, ou perçu comme tel, tend à être considéré comme maladroit ou incorrect (Dargnat, 2012 : p. 84).

5.2.2.1. Dialecte, sociolecte, technolecte, idiolecte

Les termes « dialecte », « sociolecte », « technolecte », « régiolecte » et « idiolecte » sont étroitement liés au concept de variation, mais il existe un certain flou quant à leur définition. Nous allons

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brièvement passer en revue ces notions afin de les appliquer le plus justement possible dans notre analyse.

Dialecte

Le terme « dialecte » prête à confusion, car sa définition a beaucoup évolué au fil du temps, en partie à cause de l’interférence sémantique de l’anglais (Moreau, 1997). Le terme Dialect peut se définir selon des critères sociaux ou géographiques (« ne reposant pas sur des notions purement topographiques mais, de manière bien plus significative, sur une géographie humaine » (Demanuelli et Demanuelli, 1990 : p. 49), alors que ces deux aspects sont généralement distincts en français, même s’il arrive qu’ils se recoupent en réalité.

Au sens large, un dialecte est une variété de langue utilisée par un groupe spécifique, à un moment défini, en un lieu défini (Epstein, 2012). Il peut donc être une manifestation de la variation diatopique ou diastratique. Pour éviter les confusions, on préfère parler de « régiolecte », de

« topolecte » ou de « géolecte » si l’on prend en compte la dimension géographique du dialecte, et de « sociolecte » ou d’ « ethnolecte » si l’on prend en compte sa dimension sociale (Moreau, 1997).

Le dialecte ne peut exister que par référence à une autre variété (soit la variété standard, soit un autre dialecte) de laquelle il est structurellement proche (Moreau, 1997). Même s’il n’est pas, en tant que tel, une langue inférieure, il a souvent une connotation négative, car il dérive de la norme (Epstein, 2012) et a donc des « fonctions globalement plus restreintes » (Moreau, 1997 : p. 121) que la langue standard.

Sociolecte

Comme nous venons de le voir, le sociolecte est une manifestation de la variation diastratique. Il fait référence à la « langue parlée par une communauté, un groupe socio-culturel (défini par exemple en termes de longueur de scolarité, d’appartenance socio-professionnelle, de revenu) ou une classe d’âge » (Moreau, 1997 : p. 265)

Technolecte

Par technolecte, langue spéciale, langue de métier ou jargon de métier (Moreau, 1997), on entend une variété de langage qui est utilisée dans un contexte professionnel pour répondre à des

« nécessités pratiques et non à une intention esthétique » (Demanuelli et Demanuelli, 1990 : p.

240).

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Idiolecte

Alors que le dialecte, le sociolecte et le technolecte sont communs à un groupe de locuteur, l’idiolecte est l’ « ensemble des particularités linguistiques au niveau de l’individu » (Delbecque, 2006 : p. 252). Ainsi, on peut considérer qu’il « constitue le pôle individuel » alors que « le dialecte constitue le pôle collectif de la divergence » (Pergnier, 1993 : p. 195). Dans ce contexte, Demanuelli et Demanuelli parlent d’ « autonomie linguistique », un terme qui, à notre avis, décrit bien l’idiolecte :

On pourrait, à ce propos, parler de l’ « autonomie linguistique » de tel ou tel personnage de fiction, du moins dans le roman à la troisième personne faisant souvent appel au dialogue ; pareille réflexion renvoie aux tics et habitudes de parole, qui spécifiques d’un personnage, servent à le démarquer linguistiquement des autres bien sûr, mais aussi du narrateur-auteur (Demanuelli et Demanuelli, 1990 : p. 49).

Il est important de comprendre que l’idiolecte n’est pas la langue d’un individu en elle-même, mais l’usage qu’il en fait (Moreau, 2007), car tout être humain adapte sa manière de s’exprimer à la situation dans laquelle il se trouve.

5.2.2.2. Accent

Contrairement aux notions que nous venons d’exposer, qui peuvent présenter des variations au niveau phonique, morphologique, lexical et syntaxique, l’accent est « exclusivement attaché aux aspects phoniques des énoncés » (Moreau, 1997 : p. 9). Il s’agit de l’« ensemble des caractéristiques de prononciation liées aux origines linguistiques, territoriales ou sociales du locuteur, et dont la perception permet au destinataire d’identifier la provenance du destinateur » (Moreau, 1997 : p. 9).

S’agissant de la variété standard, on entend fréquemment que ses locuteurs n’ont « pas d’accent » (Moreau, 1997).

Il existe une différence entre les accents régionaux, dans une seule et même langue, et l’accent étranger. Dans ce dernier cas de figure, les spécificités phoniques de la production d’un locuteur indiquent qu’il pratique une autre langue, généralement dominante. Cet accent est présent quelle que soit la situation et « ne peut être modifié que par apprentissage ou intention délibérée d’imitation ou de déguisement vocal » (Morean, 1997 : p. 10). On retrouve par ailleurs les mêmes caractéristiques générales chez les locuteurs partageant la même langue première : par exemple, pour les francophones, le fait de systématiquement mettre en relief la dernière syllabe des mots ou, pour les hispanophones, de ne pas faire de différence de prononciation entre « v » et « b ».