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La traduction des dialogues dans la saga Harry Potter

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

La traduction des dialogues dans la saga Harry Potter

WIESER, Lara

Abstract

Ce travail porte sur la traduction des dialogues dans la saga Harry Potter. Après une partie théorique sur la littérature de jeunesse, la langue non standard et la variation linguistique, nous avons étudié les interventions de plusieurs personnages à l'expression particulière.

Nous avons analysé le texte original, puis la traduction française, que nous avons ensuite comparée avec les versions allemande et espagnole afin de dégager les principales tendances et les stratégies adoptées par les traducteurs. Enfin, nous avons formulé des propositions de traduction personnelles, formellement plus proches de l'anglais, afin de restituer tous les aspects de la personnalité du personnage.

WIESER, Lara. La traduction des dialogues dans la saga Harry Potter. Master : Univ.

Genève, 2017

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:96119

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Lara Emilie Wieser

LA TRADUCTION DES DIALOGUES

DANS LA SAGA

Directrice de mémoire : Mathilde Fontanet Jurée : Estefania Pio

Mémoire présenté à la Faculté de traduction et d’interprétation (Département de traduction, Unité de français) pour l’obtention de la Maîtrise universitaire en traduction, mention traduction spécialisée.

Université de Genève

juin 2017

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Déclaration attestant le caractère original du travail effectué

J’affirme avoir pris connaissance des documents d’information et de prévention du plagiat émis par l’Université de Genève et la Faculté de traduction et d’interprétation (notamment la Directive en matière de plagiat des étudiant‐e‐s, le Règlement d’études de la Faculté de traduction et d’interprétation ainsi que l’Aide‐mémoire à l’intention des étudiants préparant un mémoire de Ma en traduction).

J’atteste que ce travail est le fruit d’un travail personnel et a été rédigé de manière autonome.

Je déclare que toutes les sources d’information utilisées sont citées de manière complète et précise, y compris les sources sur Internet.

Je suis conscient‐e que le fait de ne pas citer une source ou de ne pas la citer correctement est constitutif de plagiat et que le plagiat est considéré comme une faute grave au sein de l’Université, passible de sanctions.

Au vu de ce qui précède, je déclare sur l’honneur que le présent travail est original.

Nom et prénom : Lara Emilie Wieser

Nyon, le 14 mai 2017

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1. REMERCIEMENTS

Ce mémoire de fin d’études a été un travail de grande ampleur dont la réalisation a pris près de deux ans. Il a demandé un énorme investissement de temps, d’énergie et de volonté qui n’aurait pas été possible sans l’aide et le soutien de mes professeurs, proches et amis.

Je souhaite tout d’abord remercier ma directrice de mémoire, Mme Fontanet, de m’avoir guidée pendant ce projet en m’apportant conseils et corrections tout au long du travail et en répondant à mes innombrables questions. Je remercie également Mme Pio, ma jurée, pour ses précieuses suggestions et ses commentaires très utiles.

Je suis très reconnaissante à mes amis de la FTI (qui se reconnaîtront) de m’avoir encouragée et soutenue pendant ces longs mois. Merci à Sandra d’avoir relu mes traductions en faisant de très bonnes suggestions et, surtout, à Cloé, qui a relu mon travail avec une grande minutie, me permettant de corriger bon nombre de détails qui m’avaient échappé et d’améliorer bien des passages.

L’aide de tous mes amis et collègues ayant répondu à des « questions bizarres » sur leur langue maternelle m’a été particulièrement précieuse, notamment celle de Dorothee et de mon père pour l’allemand, d’Adam et d’Ellie pour l’anglais, de Veronica, et d’Isabel pour l’espagnol et de Vladimira pour le bulgare.

Un merci particulier à Patricia, qui m’a encouragée et motivée du début à la fin du travail et qui partage avec moi la passion d’Harry Potter, ainsi qu’à tous mes proches et amis qui m’ont soutenue de près ou de loin.

Pour finir, un grand merci à ma mère, qui a non seulement répondu à mes « questions de traductrices » et relu une bonne partie de ce travail, mais qui m’a aussi et surtout transmis à la fois son amour des langues et son amour de la lecture.

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« Toute littérature est traduction. Et traduction à son tour, la lecture que l'on en fait... D'où cet autre sentiment selon lequel on n'en aura jamais fini avec les textes que l'on aime, car ils rebondissent d'interprétation en interprétation... » Hubert Nyssen – Éloge de la lecture

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2. TABLE DES MATIÈRES

1. Remerciements ... 3

2. Table des matières ... 5

3. Avant-propos ... 7

4. Introduction ... 8

4.1. Problématique ... 9

4.2. Démarche adoptée ... 10

4.3. Présentation de l’œuvre ... 11

4.3.1. Remarques préliminaires ... 11

4.3.2. Biographie de l’auteur ... 12

4.3.3. Résumé de l’œuvre ... 13

4.3.4. Genres et caractéristiques ... 14

4.4. Les traductions ... 31

4.4.1. La traduction française ... 33

4.4.2. La traduction allemande ... 35

4.4.3. La traduction espagnole ... 36

5. Aspects théoriques ... 39

5.1. Traduire la littérature de jeunesse ... 39

5.1.1. Historique et évolution ... 39

5.1.1. Le champ théorique de la littérature de jeunesse ... 42

5.1.2. Quelques notions-clés ... 44

5.1.1. La traduction de la littérature de jeunesse aujourd’hui... 49

5.1.2. Spécificités de la traduction de la littérature de jeunesse ... 54

5.1.3. Particularités de l’œuvre étudiée ... 57

5.2. Le dialogue ... 59

5.2.1. L’oralité ... 61

5.2.2. La variation linguistique... 64

5.3. Traduire le dialogue ... 69

5.3.1. Traduire la variation linguistique ... 71

6. Analyse ... 78

6.1. Les dialogues dans Harry Potter ... 78

6.2. L’oralité d’une langue à l’autre ... 79

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6.2.1. Les marqueurs du discours ... 80

6.2.2. Le cas de l’« eye dialect » en anglais ... 81

6.3. Les personnages ... 83

6.3.1. Rubeus Hagrid ... 83

6.3.2. Mundungus Fletcher ... 97

6.3.3. Ernie Prang et Stan Shunpike ... 105

6.4. Les groupes venant d’autres pays ... 113

6.4.1. Les Bulgares ... 113

6.4.2. Les Français ... 120

6.5. Les créatures magiques ... 134

6.5.1. Les elfes de maison ... 134

6.6. Autres cas particuliers ... 143

6.6.1. Peeves ... 143

6.6.2. La cuisinière des Riddle et les villageois ... 148

7. Conclusion ... 151

7.1. Tendances générales ... 151

7.2. Évaluation critique du travail ... 153

7.3. Perspectives ... 155

8. Bibliographie ... 157

8.1. Sources primaires ... 157

8.2. Sources primaires traduites ... 157

8.2.1. En allemand... 157

8.2.2. En espagnol ... 157

8.2.3. En français ... 158

8.3. Sources secondaires ... 158

8.3.1. Théorie ... 158

8.3.2. Ressources linguistiques ... 163

8.3.3. À propos de J.K. Rowling et Harry Potter ... 163

8.3.4. À propos des traducteurs et traductions ... 164

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3. AVANT-PROPOS

J’ai baigné dans les livres depuis ma plus tendre enfance, tout d’abord sous la forme de bedtime stories que l’on me lisait, puis en tant que lectrice, découvrant tout ce qui me tombait sous la main.

Mes genres de prédilection étaient les romans d’aventure, d’horreur ou les policiers, mais je lisaisun peu de tout... sauf de la fantasy. « Pas mon truc », « pas assez intéressant », « trop surréaliste », disais-je. Puis est arrivé Harry Potter. J’ai repoussé cette lecture pendant quelques temps avant de me résoudre à commencer le premier tome... que j’ai littéralement dévoré. Fort heureusement, les trois premiers avaient déjà été publiés, ce qui m’a permis de satisfaire immédiatement mon désir de connaître la suite des aventures d’Harry et de ses amis.

J’attendais la publication de chaque nouveau tome avec impatience, relisant systématiquement ceux qui précédaient afin de préparer ma lecture et de m’assurer de n’oublier aucun détail. Lorsqu’un tome sortait enfin en librairie, je le lisais d’une traite, après avoir bataillé ferme avec le reste de la famille pour le lire en premier ; il n’aurait surtout pas fallu qu’un de mes camarades me dévoile quoi que ce soit de l’intrigue, ce qui était peu probable puisque j’étais une des rares à lire la saga en anglais... mais on ne sait jamais. Après Harry Potter, j’ai découvert d’autres œuvres de fantasy et ajouté le genre à mes lectures habituelles. Harry Potter est toutefois resté un des livres les plus marquants que j’aie jamais lus.

En mars 2015, alors que commençaient les discussions autour des sujets de mémoire, j’ai eu l’occasion de m’occuper pendant quelques heures d’une petite fille, qui m’a demandé de lui lire une histoire. Le livre qu’elle a sorti de son sac était Harry Potter à l’école des sorciers, et elle m’a expliqué que ses parents lui lisaient un chapitre chaque soir. J’ai repris la lecture où elle avait été interrompue, à l’endroit de la rencontre entre Hagrid et Harry et, à mesure que je lisais, j’ai eu l’impression que certains personnages étaient totalement différents de ceux que je connaissais.

Arrivée à la maison, j’ai relu certains passages en français, puis en anglais, et j’ai eu la confirmation qu’il y avait des détails que je n’avais pas remarqués lors de mes premières lectures en français.

J’avais certes lu chaque tome en anglais et en français (un certain nombre de fois), mais c’était avant de commencer mes études en traduction et je ne l’avais jamais fait dans un esprit de comparaison. C’est à ce moment-là que j’ai su que je tenais mon sujet idéal : la traduction des dialogues dans Harry Potter.

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4. INTRODUCTION

Harry Potter, un nom familier qui a accompagné tant d’enfants – et d’adultes – de différentes nationalités. Depuis la publication du premier tome de l’heptalogie, en 1997, les aventures du célèbre sorcier ont fait le tour du monde pour, aujourd’hui encore, susciter l’engouement parmi les jeunes (et moins jeunes) lecteurs. Après la traduction des sept livres en plus d’une soixantaine de langues, l’adaptation cinématographique de la série, la création du jeu vidéo, sans parler de tous les produits dérivés liés à l’univers magique créé par J.K. Rowling, un huitième épisode, qui se déroule dix-neuf ans après1, a vu le jour en juillet 2016, sous forme de pièce de théâtre2. À la fin de la même année, un film inédit intitulé Fantastic Beasts (and Where to Find Them) est sorti, entraînant les spectateurs dans le monde des sorciers, mais cette fois aux États-Unis dans les années 19203. Il est prévu que quatre autres épisodes suivent ce premier film4, dans lesquels se retrouveront un certain nombre de personnages mentionnés ou présents dans la saga originale.

Il semblerait donc qu’Harry Potter ne soit pas un simple phénomène passager. Pour bon nombre de lecteurs de notre génération, c’est plus qu’un bon livre. C’est une occasion de plonger dans un univers littéraire magique, qui nous a suivis au fil des ans ; c’est le fait de grandir avec les personnages auxquels nous nous sommes attachés ; c’est le fait d’aborder des thèmes fondamentaux qui deviennent de plus en plus complexes au cours des aventures d’Harry et de ses amis.

Avec une telle médiatisation, les controverses sont forcément nombreuses (González Cascallana, 2003). Les deux camps sont généralement très clairement définis : on adore ou on déteste, il n’y a pas vraiment d’entre-deux. Pour certains, c’est une œuvre riche et marquante, destinée à faire partie du canon littéraire ; pour d’autres, c’est au mieux une lecture distrayante, qui fera passer un bon moment aux enfants et aux adolescents.

Si les discussions sur les aspects socio-économiques de ce phénomène5 littéraire (González Cascallana, 2003) ou même sur l’intrigue en elle-même (ou le lectorat visé) sont courantes, celles

1 https://www.pottermore.com/news/ww-publishing-cursed-child-script-book-announcement (consulté le 14 mars 2016)

2 https://www.harrypottertheplay.com/about/ (consulté le 27 février 2017)

3 http://www.fantasticbeasts.com/story.php (consulté le 27 février 2017)

4 http://www.theverge.com/2016/10/13/13276124/fantastic-beasts-and-where-to-find-them-five-movies-jk-rowling (consulté le 27 février 2017)

5 « I am certain that the phenomenal aspect of the reception of the Harry Potter books has blurred the focus for anyone who wants to take literature for young people seriously and who may be concerned about standards and taste that adults create for youth culture in the West. How is it possible to evaluate a work of literature like a Harry Potter novel when it is so dependent on the market conditions of the culture industry? » (Jack Zipes, cité dans Whited, 2002 : p. 7)

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qui portent sur les aspects linguistiques de la saga le sont nettement moins. On parle bien souvent de la Rowlinguistics (Waters, 2003), ce langage magique créé par l’auteur – et recréé par les différents traducteurs – mais le reste de la prose de J.K. Rowling n’a que peu été analysé. Pourtant, même si le style est peut-être moins marqué que celui d’autres œuvres du même genre destinées à la jeunesse, comme Le monde de Narnia, Le seigneur des anneaux ou Les aventures d’Alice au pays des merveilles, il est riche et présente de nombreux éléments intéressants.

L’intrigue et l’univers créé ont bien sûr joué un rôle central dans la réception de la saga par le public, mais ce ne sont pas les seuls facteurs qui ont conduit à son succès. Le style de la voix narrative est certes plutôt simple, mais les dialogues présentent une richesse particulière, qui a sans nul doute contribué à la popularité des personnages. Tout en gardant à l’esprit que l’œuvre était initialement destinée à un jeune public, on peut considérer que le discours direct est particulièrement important, car c’est un des éléments centraux permettant de caractériser les personnages de manière subtile.

4.1. PROBLÉMATIQUE

Au cours de ce travail, nous nous intéresserons aux dialogues de la saga Harry Potter et à la manière dont trois traducteurs les ont retranscrits dans leur langue (en allemand, en espagnol et en français), dans le but d’apporter des éléments de réponse à bon nombre de questions sur le sujet.

D’un point de vue général, quels sont les obstacles que le traducteur peut rencontrer lors de la traduction des dialogues ? Quels sont les points auxquels une attention particulière doit être prêtée ? Quelles sont les stratégies qui peuvent être utilisées pour surmonter les difficultés ? Quels aspects faut-il privilégier pour délivrer une traduction convaincante ? En quoi les choix du traducteur influent-ils sur la perception du public cible ? Quelles différences l’effet produit présente-t-il ?

D’un point de vue plus particulier, quelles sont les spécificités des dialogues dans Harry Potter ? Quels sont les personnages (ou groupes de personnages) qui se distinguent par leur manière de parler ? Quelles sont les méthodes utilisées par J.K. Rowling pour rendre leur parler différent et quels sont les effets produits sur le lecteur ? Quelles sont les difficultés particulières qu’ont pu rencontrer les traducteurs des versions française, allemande et espagnole ? Quelles stratégies ont-ils adoptées pour les surmonter ? Les effets produits sur le public cible sont-ils les mêmes que ceux ressentis par le public source ? Le résultat est-il réussi ? Y a-t-il des éléments discutables ou des points qui pourraient être améliorés ?

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4.2. DÉMARCHE ADOPTÉE

Afin de répondre à ces questions, nous avons décidé d’articuler notre travail en trois parties. Dans un premier temps, après avoir clairement délimité le sujet et la problématique, nous présenterons l’œuvre, son genre et son auteur, ainsi que les traductions étudiées. Ensuite, nous aborderons quelques points théoriques jugés pertinents dans le cadre de la traduction des dialogues, en particulier concernant l’oralité et la variation linguistique. Nous passerons alors à l’analyse des dialogues des personnages que nous aurons sélectionnés, partant de l’anglais pour comparer les stratégies adoptées par les différents traducteurs. Sur la base de nos observations, nous tenterons de déterminer, avec un regard critique, si les choix des traducteurs ont des conséquences sur la perception que les lecteurs peuvent avoir des personnages et de l’œuvre en général.

La question de la structure et de l’approche du présent travail est une des premières à s’être présentée ; en effet, au vu de l’ampleur de l’œuvre et du sujet, il nous a semblé important de prendre un certain nombre de décisions avant de commencer nos recherches afin de ne pas perdre de vue notre objectif.

Pour commencer, nous avons décidé de nous intéresser à l’ensemble des livres plutôt que de nous limiter à certains d’entre eux. Cela peut certes paraître ambitieux, car notre analyse pourrait s’en retrouver trop peu détaillée en raison de l’important volume de textes, mais c’est une approche cohérente, puisqu’il s’agit bien d’une seule et même œuvre. Les personnages évoluent d’un tome à l’autre et, les dialogues contribuant grandement à l’image que le lecteur se fait d’eux, il nous semble nécessaire de tenir compte de toutes les informations à disposition, afin que notre analyse soit complète.

Il serait bien entendu chronophage et fastidieux de dresser une liste de tous les personnages et de les analyser les uns après les autres en appliquant des critères prédéfinis. C’est pourquoi nous procéderons à une sélection de ceux qui nous semblent particulièrement intéressant à étudier.

Même si nos choix resteront, dans une certaine mesure, arbitraires, nous essayerons de nous baser autant que possible sur des éléments objectifs ; ainsi, nous travaillerons à partir de l’anglais, ce qui nous permettra de retenir les personnages ou groupes de personnages qui ont une manière de s’exprimer particulièrement marquée. Par ailleurs, lors de notre lecture des différentes traductions, nous relèverons un certain nombre de détails spécifiques à l’une ou l’autre des langues.

Enfin, concernant les textes traduits, notre choix des langues traitées est plus subjectif. Une fois encore, il s’agit d’un projet ambitieux, mais il nous semble important de comparer les stratégies que différents traducteurs ont pu adopter pour surmonter les difficultés qui se sont présentées à eux.

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La plus grande partie de l’analyse sera consacrée au français, notre langue de culture, mais nous nous intéresserons également à certaines particularités des versions allemande et espagnole. La motivation principale qui explique ce choix est bien entendu qu’il s’agit de nos langues de travail, mais le fait qu’il y ait, d’un côté, une langue germanique (comme le texte original) et, de l’autre, deux langues romanes, nous a aussi paru intéressant. De plus, les traductions des premiers tomes de la saga dans ces langues ont toutes été publiées peu de temps après l’original, et surtout avant la sortie des adaptations cinématographiques ; dans ce cas, c’est un détail important, car après l’acquisition des droits de la saga Harry Potter et de tous les produits dérivés par la société de production Warner Bros en 19996, certains traducteurs entrés plus tard sur le marché se sont vu imposer des restrictions, notamment quant aux choix des noms de personnages7 (Lathey, 2005), pour des raisons commerciales8 (Goldstein, 2005).

4.3. PRÉSENTATION DE L’ŒUVRE

Ce premier chapitre a pour but de présenter l’œuvre étudiée. Après une courte biographie de l’auteur, nous résumerons dans les grandes lignes l’intrigue de la saga. Nous nous intéresserons alors à son genre (ou plutôt ses genres) avant de passer aux traductions étudiées.

4.3.1. R EMARQUES PRÉLIMINAIRES

La saga Harry Potter ayant été écrite à l’origine en anglais, mais ce travail étant rédigé en français, la question de la langue des termes inventés par l’auteur que nous avons utilisés dans la présentation de l’œuvre s’est très vite posée.

Même s’il peut paraître étrange, au premier abord, de mélanger les langues, nous avons décidé d’utiliser les termes créés par J.K Rowling (marqués par l’italique) plutôt que ceux de la version francophone ; en effet, au vu du sujet de notre travail, il serait délicat d’utiliser ces derniers puisqu’ils relèvent déjà de choix de traduction.

Par souci de compréhension pour les lecteurs francophones, nous indiquerons, dans la partie introductive, l’équivalent français des termes originaux choisi par Jean-François Ménard à leur première occurrence.

6 LISANTI, Tony, “Warner Bros. and the Magic World of Harry Potter”, in Licence! Global, 1er juin 2009. Disponible en ligne <http://www.licensemag.com/license-global/warner-bros-and-magic-world-harry-potter> (dernière consultation : 02.02.2016)

7 Tous les tomes de la saga publiés après les années 2000 contiennent l’indication suivante: « Harry Potter, names, characters and related indicia are copyright and trademark Warner Bros. »

8 “Another reason the Potters are a more complicated translation prospect than most books is the contractual requirements imposed by the film company, Warner (from whom questions like the stability of the characters’ names have some impact on their merchandising plan)” (Hahn : 2007)

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4.3.1.1. Liste des abréviations

Par souci de clarté et de concision, nous utiliserons des abréviations pour les titres des livres étudiés. Ainsi, nous utiliserons un code comprenant le numéro du tome et la langue, par exemple :

Harry Potter and the Philosopher’s Stone : HP 1 EN

Harry Potter à l’école des sorciers : HP 1 FR

Harry Potter und der Stein der Weisen : HP 1 DE

Harry Potter y la piedra filosofal : HP 1 ES

4.3.2. B IOGRAPHIE DE L ’ AUTEUR

Joanne Rowling est née à Yate, en Angleterre, le 31 juillet 1965. Bonne élève, elle a toujours été intéressée par l’écriture et aimait raconter des histoires (Sutherland Borah, 2002). Elle a étudié le français à l’Université d’Exeter et a obtenu un bachelor en français et en lettres classiques (Rowling, 2012).

L’idée d’Harry Potter lui est venue en 1990, alors qu’elle était bloquée dans un train retardé entre Manchester et Londres (Sutherland Borah, 2002). Cette même année, elle a déménagé à Porto pour y enseigner l’anglais en tant que langue étrangère. Parallèlement à son travail d’enseignante, elle a ébauché l’intrigue des différents tomes de la saga et commencé à écrire le premier (Rowling, 2012).

En 1993, elle a déménagé à Édimbourg où, jusqu’en 1995, elle a continué le premier tome de la saga. Elle l’a alors proposé à son agent Christopher Little, qui l’a transmis à plusieurs éditeurs.

Après neuf refus, Bloomsbury Publishing a finalement accepté de publier le roman en 1996, lui demandant toutefois d’utiliser ses initiales (le K pour Kathleen, le prénom de sa grand-mère) afin d’éviter un effet dissuasif sur un public de jeunes garçons, qui pourrait être influencé par le fait que l’auteur soit une femme (Sutherland Borah, 2002).

Harry Potter a immédiatement connu un grand succès auprès du public britannique, tout d’abord chez les enfants, puis également chez les personnes plus âgées (Rowling, 2012). Jusqu’en 2007, J.K.

Rowling a publié les six autres livres qui complètent la série, gagnant de nombreux prix littéraires (Rowling, 2012), tant pour le texte original que pour ses traductions. Grâce à ce succès, l’auteur fait désormais partie des personnes les plus riches du Royaume-Uni, selon le classement de Forbes Celebrity (Whited, 2002).

La saga a été traduite dans de nombreuses langues et l’adaptation cinématographique n’a fait qu’augmenter la popularité d’Harry Potter à l’échelle planétaire. J.K. Rowling a par ailleurs publié

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plusieurs autres livres appartenant à cet univers : Fantastic Beasts and Where to Find Them [Les animaux fantastiques] et Quidditch Through the Ages [Le Quidditch à travers les âges] en 2001, ainsi que The Tales of Beedle the Bard [Les contes de Beedle le Barde] en 2008 (Rowling, 2012).

Après la publication de la saga, J.K. Rowling a écrit pour un public d’adultes, publiant tout d’abord The Casual Vacancy [Une place à prendre] en 2012 (Rowling : 2012) puis, sous le pseudonyme de Robert Galbraith (Galbraith, 2014), une série policière composée à ce jour de The Cuckoo’s Calling [L’Appel du coucou] (2013), The Silkworm [Le Ver à soie] (2014) et Career of Evil [La Carrière du mal]

(2015).

Après avoir écrit l’histoire sur laquelle le script de la pièce de théâtre The Cursed Child (2016) [L’enfant maudit] est basé, elle s’est également essayée à l’écriture de scénarios pour le cinéma, avec Fantastic Beasts and Where to Find Them (2016) [Les Animaux fantastiques], expérience qui devrait se poursuivre si les quatre films suivants prévus voient bien le jour.

4.3.3. R ÉSUMÉ DE LŒUVRE

À la mort de ses parents, Harry Potter, âgé d’un an à peine, est confié à sa tante et à son oncle, qui ne lui portent aucune affection. Le jour de ses onze ans marque toutefois un véritable changement dans sa vie ; il reçoit une lettre lui annonçant qu’il est un sorcier et qu’il est attendu à l’École de magie et de sorcellerie d’Hogwarts [Poudlard] à la prochaine rentrée.

Il découvre un monde complètement différent de celui qu’il connaissait jusqu’alors et apprend qu’il est en fait un héros, car il est le seul à avoir survécu au sort jeté par Lord Voldemort, un mage noir extrêmement puissant qui cherchait à régner sur le monde. Ses parents sont morts durant son attaque, alors qu’ils essayaient de le sauver (et non dans un accident de voiture, comme le prétendaient son oncle et sa tante), tandis que lui s’en est sorti avec pour seule blessure une cicatrice en forme d’éclair sur le front. Voldemort a alors disparu, même si beaucoup savent qu’il n’est pas réellement mort et qu’il cherche à retrouver le pouvoir qu’il avait autrefois.

À Hogwarts, les élèves sont répartis dans quatre maisons (Gryffindor [Gryffondor], Hufflepuff [Poufsouffle], Ravenclaw [Serdaigle] et Slytherin [Serpentard]) en fonction de leur personnalité et de leurs qualités. Ils reçoivent une éducation de sorcier, avec par exemple des cours de transfiguration [métamorphose], de defence agains the dark arts [défense contre les forces du mal], d’herbology [botanique], de care of magical creature [soins aux créatures magiques], de potions [potions] et de charms [sortilèges]. Le sport le plus populaire est le Quidditch, pour lequel Harry se montre particulièrement doué. Il intègre l’équipe de Gryffindor dès sa première année.

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Très vite, Harry apprend à connaître Ron Weasley et Hermione Granger, qui deviennent ses meilleurs amis. Il se fait aussi rapidement un ennemi, Draco Malfoy [Drago Malefoy], qui appartient à la maison rivale, Slytherin, d’où sont sortis de nombreux sorciers qui ont basculé du côté obscur.

Les jeunes élèves sont entraînés dans de nombreuses aventures palpitantes et dangereuses, au grand dam de leurs professeurs et du directeur d’Hogwarts, Albus Dumbledore.

Au fil des sept tomes (un par année scolaire), la présence de Voldemort, sous différentes formes, se fait de plus en plus forte et Harry doit lui faire face à plusieurs reprises, aidé par ses amis et ses alliés, en particulier l’Order of the Phoenix [Ordre du Phénix]. Voldemort, de son côté, est accompagné de ses fidèles Death Eaters [Mangemorts], qui cherchent à l’aider à accéder au pouvoir et, enfin, à détruire Harry. Après plusieurs épisodes de combat, les deux camps s’affronteront lors de la bataille finale, durant laquelle soit Harry soit Voldemort devra mourir, car selon la prophétie

« l’un devra mourir de la main de l’autre car aucun d’eux ne peut vivre tant que l’autre survit. » (HP 5 FR : p. 944).

4.3.4. G ENRES ET CARACTÉRISTIQUES

Pour certains, Harry Potter n’est qu’un phénomène commercial banal, plein de clichés linguistiques et d’éléments d’intrigue que l’on retrouve couramment dans la littérature de jeunesse britannique (Wyler, 2003). Ce qui est sûr, c’est que la saga a envoûté son public, suscitant l’intérêt des enfants, mais aussi des personnes plus âgées, à tel point que les classements du New York Times ont dû être réorganisés pour inclure une catégorie « Youth and adults » lorsque la saga occupait les trois premières places des ventes tous genres confondus (Prince, 2010). Beaucoup de jeunes ont été encouragés à lire à la publication de l’heptalogie, et se sont ensuite tournés vers d’autres œuvres de fantasy jeunesse, par exemple celles de Tolkien (Wyler, 2003).

S’il ne fait aucun doute que l’on retrouve des éléments de fantasy dans Harry Potter, il serait réducteur de se limiter à cette classification. N’oublions pas que J.K. Rowling a étudié la littérature, bagage dont elle se sert pour enrichir son roman. Ainsi, la saga présente en fait un « mélange astucieux de thèmes classiques du merveilleux – la cape d’invisibilité, les Gobelins, les voyages sur des balais, les potions et objets magiques, comme le miroir qui révèle les désirs... – et d’inventions plus modernes et souvent amusantes, à l’image du vocabulaire » (Labbé et Millet, 2003 : p. 27).

C’est là une des forces du roman, comme le soulignent de nombreux auteurs et critiques :

By interweaving different genres, blending names, figures and objects from different sources, the Harry Potter stories acquire a stronger impact. In effect, the fact that the books are an amalgam of other stories works for, and not against, their spectacular success. (González Cascallana : p. 397)

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Les références à la mythologie grecque, aux légendes, à l’histoire et à la littérature qui se cachent dans les livres9 lui confèrent une certaine richesse qui plaira surtout aux lecteurs plus avertis et plus âgés que le public initialement visé.

4.3.4.1. La littérature de jeunesse

Définition

Même si des éditions pour adultes ont vu le jour par la suite, J.K. Rowling a initialement écrit la saga Harry Potter pour des enfants. Il n’est donc pas surprenant qu’on la retrouve généralement dans le rayon consacré à la littérature de jeunesse.

Encore faut-il s’accorder sur la définition de ce genre, reconnu depuis seulement 300 ans environ (Epstein, 2012), que l’on connaît sous le nom de « littérature enfantine », « littérature pour enfants », « littérature d’enfance et de jeunesse », « littérature pour les jeunes » ou « littérature de jeunesse ». Les tranches d’âge varient selon les éditeurs, mais les principaux concepts restent les mêmes (Bruno, 2010).

De manière générale, une première distinction est faite entre la littérature destinée aux enfants (qui, dans un premier temps apprennent à lire et, dans un deuxième temps, prennent goût à la littérature) et celle destinée aux adolescents. Pour ce dernier groupe, Pierre Bruno (Bruno, 2010) propose une division en trois sous-catégories. Il y a tout d’abord la période de la scolarisation prolongée, avec des classiques et des beaux textes qui sont intégrés dans le cursus scolaire, mais qui n’ont à l’origine pas forcément été écrits pour des adolescents. On peut citer, par exemple, Peter Pan, Oliver Twist, Charlie et la chocolaterie, Les Hauts de Hurlevent, Sa Majesté des mouches, Dix petits nègres, ou encore Le chien des Baskerville. Viennent ensuite les textes relevant de l’adolescence politisée, qui traitent des problèmes spécifiques de l’adolescence et de la société (dans le passé ou dans le monde contemporain), ainsi que des textes aux valeurs plus traditionnelles, (qu’il s’agisse de romans, de poésie, de polars, etc.). Enfin, la sous-catégorie la plus récente comprend les ouvrages destinés aux jeunes adultes. Apparue aux États-Unis, elle reprend la paralittérature pour adultes, notamment les romans sentimentaux, la fantasy et les livres d’horreur, en l’adaptant au public visé, par exemple en mettant en scène des héros plus jeunes et en procédant à une censure spécifique.

Comme toute classification, ces groupes peuvent sembler artificiels, car un livre peut appartenir à plusieurs de ces catégories, et un autre n’entrer dans aucune d’entre elles. De plus, une sous- catégorie peut être totalement hétéroclite. Comme l’explique Nathalie Prince, lorsque l’on définit

9 « In fact, one of the pleasures of reading J.K. Rowling is deciphering the playful references to Greek mythology, legend, history, and literature that are hidden in the books » (González Cascallana, 2003 : p. 398).

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un genre littéraire, comme la science-fiction ou le roman policier, on se base sur des éléments thématiques, esthétiques ou poétiques qu’il est difficile d’appliquer à la littérature de jeunesse.

En effet, définir un genre littéraire, c’est supposer qu’il y a une unité au sein d’une pluralité de textes, car un genre, c’est ce qui se constitue par la répétition de formes, d’unités, d’éléments permanents invariants ; l’identité du genre n’est que le produit d’éléments identiques, et penser la littérature de jeunesse comme un genre reviendrait alors à identifier ces identiques, à reconnaître ces invariants, à les fixer pour reconnaissance. (Prince, 2010 : p. 9)

Or, le point commun à toutes les œuvres considérées comme littérature de jeunesse est un élément extérieur aux œuvres elles-mêmes : son public. La caractéristique de la littérature de jeunesse, c’est qu’il s’agit d’un « genre désignant un public particulier » (Prince : 2010 : p. 11).

À partir de cette composante de base, on peut distinguer trois types de livres pour la jeunesse : premièrement, les livres qui sont lus par des enfants, mais qui ne leur étaient au départ pas destinés, deuxièmement, les livres destinés aux enfants, mais gouvernés par la morale et l’éducation et troisièmement, les livres fondés sur l’imaginaire enfantin (Prince, 2010). Ces trois catégories sont apparues successivement dans l’histoire de la littérature de jeunesse, et c’est aujourd’hui la dernière qui domine sur le marché.

Bien que la littérature de jeunesse soit de nos jours un phénomène culturel important dans les sociétés occidentales, sa définition ne fait pas l’objet d’un consensus parmi les spécialistes (Pederzoli, 2012). Pour les besoins de ce travail, une conception très générale suffira : il s’agira pour nous de tout ce qui est écrit pour des enfants ou lu par des enfants (Epstein, 2012), y compris les livres initialement destinés aux adultes (comme Le Seigneur des Anneaux de Tolkien) ou ceux destinés à un public qui ne sait pas lire, ou qui a des capacités de lecture encore approximatives (Prince : 2010).

Un genre littéraire à part ?

La littérature de jeunesse regroupe des ouvrages très variés, notamment des documentaires, des livres d’activité, des livres-objets, des livres animés, des imageries et abécédaires, des premières lectures, des bandes dessinées, des livres illustrés, des livres d’images, des romans pour la jeunesse, des textes adaptés pour la jeunesse, des fables, des comptines, des chansons et des contes. (Prince, 2010). Ces exemples montrent bien que, fondamentalement, la littérature de jeunesse serait plus une étiquette attribuée – par les éditeurs ou les libraires – à certains livres, plutôt qu’un genre tout à fait à part (Epstein, 2012), puisque la plupart des genres se retrouvent dans les deux groupes10. Comme l’explique Jean Perrot dans l’ouvrage de Pierre Bruno consacré à ce sujet, « [l]a littérature

10 « literature for children and adults emcompasses many of the same genres. » (Oittinen, 2010a : p. 65)

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d’enfance et de jeunesse regroupe une masse floue de textes qui ne se qualifient comme tels que dans la mesure où ils sont publiés par un éditeur ayant choisi pour cible le public enfantin (Bruno, 2010 : p. 17). De tels livres transmettraient donc des valeurs et des connaissances de manière adaptée à leur public (du point de vue de ses intérêts et de ses capacités), mais en s’inspirant des genres littéraires de leur époque, ainsi que des conventions esthétiques et artistiques dominantes (Pederzoli, 2012).

S’il existe de nombreux points communs entre la littérature de jeunesse et la littérature destinée aux adultes, on peut aussi remarquer plusieurs différences. De manière générale les livres pour les jeunes sont plus courts, comprennent beaucoup d’action (et plus de dialogues et de péripéties que de descriptions, par exemple), et la composante de vraisemblance est moins importante que dans la littérature pour adultes (Epstein, 2002). De plus, les protagonistes sont souvent des personnages juvéniles (Bruno, 2010), dont les aventures sont contées avec un langage adapté au jeune public, dans une structure littéraire simplifiée. La fin a tendance à être plutôt optimiste et il y a souvent une dimension morale à l’histoire (Epstein, 2002).

En plus des limitations stylistiques, il existe un certain nombre de contraintes thématiques à la littérature de jeunesse, consistant en un certain nombre de tabous, notamment d’ordre religieux ou sexuel. Certains sujets, comme la mort, le viol ou l’argent, sont généralement laissés de côté (Bruno, 2010) afin que le lecteur ne soit pas choqué et que l’adulte puisse remplir son rôle de modèle de manière plus ou moins explicite.

Ces différences sont toutefois minimes, et certains considèrent qu’il n’y a pas de réelle distinction entre la littérature de jeunesse et la littérature pour adultes, car leur fonction est similaire (Oittinen, 2010a).

Bref historique

Ainsi, « on peut se demander s’il existe du point de vue théorique une littérature de jeunesse qui traverserait sans ciller les siècles et les décennies » (Prince, 2010 : p. 9). Si l’on s’intéresse aux différents livres qui ont été lus par des enfants, ou écrits pour eux, au fil des siècles, on remarquera que la définition du genre a beaucoup changé. Les concepts d’enfance et de jeunesse sont eux aussi en constante évolution (Epstein, 2012) et il est donc logique que cette littérature s’adapte constamment à son public.

D’un point de vue historique, la littérature de jeunesse en tant que telle a vu le jour très tardivement ; les livres, l’éducation et les images existaient, mais il manquait le « sentiment de l’enfance » (Prince, 2010), qui a vu le jour avec l’évolution culturelle de la société, lorsque l’enfant a

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été perçu comme un être à part, différent des adultes. Ce changement s’est produit autour du XVIIe siècle (Oittinen, 2010a), selon les cultures et les classes sociales.

Auparavant, une certaine forme de cette littérature existait déjà sous forme de folklore et de littérature populaire, qui a parfois touché les enfants. Ces livres n’avaient toutefois pas fait l’objet d’attentions particulières et avaient pour but de « désenfanter » (Prince, 2010), de montrer l’exemple et d’enseigner. Certains éléments communs à toutes les littératures, provenant notamment des légendes, des contes de fées ou contes populaires, et de la tradition orale, avaient été intégrés à des histoires imprimées, mi-ludiques, mi-didactiques, et lues par des enfants (González Cascallana, 2003).

L’appellation « littérature de jeunesse » voit le jour au moment où une certaine littérature est écrite spécifiquement pour les enfants (Prince, 2010). Le premier roman destiné à un public non adulte, Les aventures de Télémaque, est publié en 169911. Il s’agit d’une histoire récréative (même si la dimension morale y est très importante), écrite par Fénélon à l’intention des enfants royaux, entre autres le duc de Bourgogne (Prince, 2010).

Hormis ce cas isolé de livre écrit spécifiquement pour un jeune public, il faut attendre le XVIIIe siècle et les Lumières pour que « l’enfant devien[ne] un sujet intellectuel nouveau » (Prince, 2010 : p. 33), dont l’éducation doit comporter une partie de fantaisie pour être efficace. Les premières œuvres pour enfants sont publiées en Angleterre et évoluent peu à peu en fonction des valeurs de la société. Des livres sont alors publiés dans plusieurs pays du continent européen, principalement en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne et en France, et le genre prend une dimension internationale très liée à la traduction (Nières-Chevrel, 2008).

Au XIXe siècle, la France et l’Angleterre sont marquées par une certaine rigueur morale (Prince, 2010) et il y a donc peu d’éléments merveilleux dans les livres pour enfants, qui mettent généralement en scène des enfants vertueux. Les adultes se servent plutôt de ces livres pour éduquer l’enfant, car les lecteurs ne peuvent pas réellement s’identifier à ces personnages modèles.

Avec Rousseau naît une nouvelle conception, qui réintègre la composante imaginaire et fantaisiste dans la littérature de jeunesse. Ainsi, de nombreux contes populaires et fantastiques, légendes et traditions sont repris, donnant naissance par exemple aux contes de Grimm en Allemagne, ou aux contes d’Andersen au Danemark (Prince, 2010). En France et en Angleterre, le merveilleux prend de l’importance et devient un concept central de la littérature destinée aux enfants.

11 http://www.larousse.fr/encyclopedie/oeuvre/T%C3%A9l%C3%A9maque/146245 (consulté le 3 mars 2017)

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L’essor éditorial du genre a lieu dès la deuxième moitié du XIXe siècle. Des collections spéciales voient le jour (comme la « Bibliothèque rose ») et de grands classiques historiques et romans d’aventures sont adaptés pour un public plus jeune. La littérature de jeunesse devient beaucoup plus variée et les personnages principaux mis en scène sont souvent des enfants, comme en témoignent les œuvres de Mark Twain, Charles Dickens, Rudyard Kipling ou la Comtesse de Ségur (Prince, 2010). Cela donne aux enfants la possibilité de s’identifier aux héros qu’ils accompagnent, excluant parfois même les adultes (comme dans Peter Pan, ou Alice au pays des merveilles).

Le genre connaît une période de stagnation au début du XXe siècle, où apparaissent l’album et la bande-dessinée. Avec des publications comme Tintin, de Hergé, en 1930, le Journal de Mickey, de Walt Disney, en 1934, ou Babar, de Jean de Brunhoff, en 1931, on assiste cependant à une sorte d’universalisation littéraire (Prince, 2010).

La censure est importante, même si la fonction première du texte destiné aux jeunes n’est plus d’éduquer moralement, car « il a pour obligation – et pour devoir – de ne pas déséduquer, de ne pas lui apprendre ou lui montrer les mauvaises choses » (Prince, 2010 : p. 59). Cette contrainte s’assouplit peu à peu et, dès les années 1970, les livres pour la jeunesse traitent de thèmes beaucoup plus variés.

Le statut de la littérature de jeunesse et sa qualité s’améliorent dans la seconde moitié du XXe siècle. Ainsi, des genres et des sujets qui n’étaient initialement pas destinés à un jeune public sont intégrés à la littérature de jeunesse, qui connaît une nouvelle ouverture et un renouveau d’authenticité (Ghesquiere, 2006). Les tabous s’atténuent et les romans gagnent en réalisme, abordant des sujets considérés importants par la société de l’époque, comme la guerre.

Alors que la littérature de jeunesse mettait autrefois en scène des héros apparentés à des personnages idéaux et passifs face aux aventures qu’ils n’ont pas provoquées, on a, dès la fin du XIXe siècle, systématiquement affaire à des héros actifs qui font des choses incroyables en toute liberté. Cette évolution donne la possibilité à l’auteur de s’adresser au jeune public, tout en le représentant, et permet aux jeunes de s’identifier de manière immédiate aux protagonistes.

Cette identification trouve son accomplissement quand le personnage vieillit au sein même de l’œuvre, en suivant l’âge de ses lecteurs, ce qui se passe notamment à la lecture des cycles ou des séries telles que Harry Potter et ses hypostases (Prince, 2010).

Avec l’apparition de séries, cycles et sagas comme Harry Potter, Le monde de Narnia, À la Croisée des mondes, Le Seigneur des anneaux, Le club des cinq ou encore Twilight, le développement d’une culture de jeunesse a accompagné l’évolution de la littérature de jeunesse. Les jeunes ne se limitent plus aux

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livres, car ils retrouvent leurs héros sur d’autres médias tels que les films ou les jeux. On assiste ainsi au passage d’une littérature de jeunesse à une culture de jeunesse (Prince, 2010).

Enjeux et contraintes spécifiques : le destinataire

L’enjeu principal de la littérature de jeunesse d’aujourd’hui reste le destinataire, ou plutôt le double destinataire des publications ; en effet, l’enfant étant incapable de se procurer un texte par lui- même, l’adulte joue un rôle de médiateur (Oittinen, 2010a ; Prince, 2010 ; Pederzoli, 2012). C’est une contrainte pour l’auteur, qui doit produire un texte capable de satisfaire deux publics à la fois (González Cascallana, 2003). Comme l’explique Oittinen :

Children themselves do not decide on how their literature is defined; neither do they decide on what is translated, published, or purchased for them. Children’s literature as a whole is based on adult decisions, adult points of view, adult likes and dislikes (Oittinen, 2010a : p. 69).

On peut parfois en venir à se demander si le destinataire réel des textes est en fin de compte

« l’adulte prescripteur » (Bruno, 2010), qui est responsable de la reconnaissance ou de l’oubli d’une œuvre de littérature de jeunesse, puisque c’est généralement lui qui l’écrit, la publie et l’achète. Le secteur éditorial recherche donc constamment un équilibre entre les aspirations littéraires, les contraintes éducatives et les exigences commerciales (Pederzoli, 2012).

Les livres pour la jeunesse s’adressent toujours à un double destinataire, mais le degré d’implicite peut varier. En effet, « il existe également des ouvrages pour enfants qui s’adressent en même temps à plusieurs destinataires officiels, même adultes, qui lisent l’ouvrage pour eux-mêmes, en qualité de véritables lecteurs » (Pederzoli, 2012 : p. 41). Ce phénomène est en réalité très ancien puisqu’il existait déjà à la fin du XVIIe siècle, avec des ouvrages de contes comme les Contes de Perrault ou les Fables de la Fontaine, qui peuvent être lus à deux niveaux (Prince, 2010). C’est d’ailleurs un des aspects qui intéressent les théoriciens, car de nombreuses œuvres encouragent le lecteur à faire des « lectures stratifiées, successives, de plus en plus profondes et finies, tout au long de son enfance/adolescence » (Pederzoli, 2012 : p. 42).

Il n’en demeure pas moins que les adultes possèdent un certain pouvoir sur la reconnaissance d’un livre : l’auteur décide de l’écrire, l’éditeur de le publier, les parents de l’acheter, les écoles de l’intégrer au cursus scolaire, etc. Même les succès éditoriaux peuvent être censurés dans certains pays, ou certaines régions. Dans le cas d’Harry Potter, par exemple, la présence de l’adulte s’est fait

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sentir lorsque le livre a été interdit dans plusieurs écoles en raison de son contenu « sensible » aux yeux de certains adultes12.

Enjeux et contraintes spécifiques : la dimension pédagogique

La question de la double appartenance de la littérature de jeunesse – au système littéraire et au système éducatif à la fois – est liée à celle du destinataire. Par le passé, la fonction première des livres destinés aux enfants était de les instruire et, même si cette dernière est aujourd’hui moins marquée qu’autrefois, la dimension éducative subsiste (Epstein, 2012). On recherche désormais davantage le côté divertissant et stimulant pour l’imagination (Epstein, 2012), car la qualité littéraire fait partie des valeurs de notre société contemporaine (Pederzoli, 2012), mais les objectifs poursuivis par les deux systèmes restent fondamentalement inconciliables, « [c]ar on ne saurait instruire tout en plaisant tout à fait. Est-on dans la littérature, quand la lourdeur est privilégiée à la légèreté, l’explication à la suggestion, le didactisme à l’art ? » (Prince, 2010 : p. 25). Une grande partie de la littérature de jeunesse cherche à transmettre aux lecteurs des connaissances de manière pédagogique, qu’il s’agisse d’un savoir scolaire, psychologique ou éthique (Bruno, 2010), ce qui entraîne un certain nombre de contraintes pour les auteurs et les éditeurs.

Comme nous l’avons vu précédemment, la littérature de jeunesse avait, à une époque, une fonction purement éducative, qui s’est atténuée aujourd’hui. Pourtant, même si l’idée de plaisir et d’évasion est très importante, les livres d’aujourd’hui continuent à transmettre des savoirs de manière subtile, notamment en matière de connaissances du monde, d’idées et de valeurs reconnues dans la société13. Les choix lexicaux et syntaxiques de l’auteur dans sa manière de présenter les évènements peuvent contribuer à ancrer des opinions dans l’esprit des jeunes lecteurs14.

Cette double appartenance est une des raisons pour lesquelles, même si la littérature de jeunesse gagne en popularité, elle garde une position marginale dans le monde de la littérature, « méprisée par les élites culturelles et universitaires » (Prince, 2010 : p. 23). Elle est certes présente chez les éditeurs et dans les librairies, mais le nombre d’études critiques et de recherches à son sujet est encore faible (González Cascallana, 2003), car on la considère comme une littérature inférieure, qui n’est pas encore aboutie en raison des contraintes formelles imposées par son public. Elle est toutefois peu à peu intégrée aux corpus scolaires, ce qui témoigne d’une plus grande reconnaissance qu’autrefois, mais elle reste bien souvent controversée (Bruno, 2010). Il n’en

12 http://www.huffingtonpost.com/deji-olukotun/the-banning-of-harry-pott_b_1864502.html (consulté le 8 janvier 2017)

13« Apart from being entertainment and a tool for developing children’s reading skills, it is also an important conveyor of world knowledge, ideas, values and accepted behaviour. » (Puurtinen, 1998 : p. 525)

14 « Language such as the lexical and syntactic choices made by a writer to describe events, characters and their relationships, can help create and maintain beliefs, values and relations of power » (Puurtinen, 1998 : p. 526)

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demeure pas moins que le débat à son sujet est ouvert ; alors qu’on la définissait auparavant simplement comme une littérature moins complexe, moins aboutie et moins littéraire que celle destinée aux adultes, il y a de nos jours des tentatives pour la « définir objectivement, en fonction des dispositions psychologiques de ce public, des lois spécifiques à l’écriture pour la jeunesse » (Bruno, 2010 : p. 110).

Harry Potter : littérature de jeunesse ?

Les deux premiers tomes d’Harry Potter sont typiques d’un livre de jeunesse, mettant en scène la magie et entraînant les enfants sur les traces du jeune Harry dans un monde magique rempli d’aventures. Pourtant, tome après tome, le héros et ses compagnons grandissent, et les thèmes abordés évoluent peu à peu (Whited, 2002).

C’est à partir du troisième livre qu’apparaît une dimension plus « adulte » (Whited, 2002). Alors que les enfants s’intéressent principalement aux aventures des protagonistes et au côté magique du monde des sorciers, les adultes comprendront les clins d’œil que leur fait l’auteur avec ses références historiques, littéraires et mythologiques, et percevront certaines métaphores permettant à l’auteur d’aborder des questions existentielles comme l’immortalité et la mort, le pouvoir, la discrimination15 et les différences de classe sociale16, la culture et le nationalisme ou la dualité de l’âme17 (Whited, 2002).

Cette superposition de deux dimensions permet un « jeu de clés proportionnel aux compétences de ses lecteurs éventuels » et « suppose des lectures différentes entre tous les âges » (Prince, 2010 : p. 148-149), ce qui a sans aucun doute contribué au succès de la saga. Elle confère une certaine richesse à l’œuvre, qui ne sera que renforcée par les centaines de références historiques et littéraires figurant dans ses pages, ainsi que par le mélange de différents genres faisant de la saga quelque chose d’unique et de différent de ce qui existait déjà.

4.3.4.2. La fantasy

Description du genre

Pour beaucoup, la fantasy remonte à la nuit des temps, mais elle n’est en réalité pas aussi vieille que ne le suggèrent bon nombre de ses intrigues (Besson, 2007). Le genre en tant que tel n’a en fait vu

15 Par exemple lorsque les gens « différents » sont exclus de la société, comme le professeur Lupin parce qu’il est un loup-garou, ou les géants, etc.

16 Notamment avec la rivalité entre Ron et Malfoy et l’opposition entre les halfblood [sang-mêlé] et les pureblood [sang- pur]

17 Harry a une partie des pouvoirs de Voldemort, auquel il est irrémédiablement lié, comme le montre par exemple sa maîtrise du parseltongue [fourchelang]. Dumbledore, qui semble être l’incarnation du bien au début de la saga, a un côté obscur qui sera découvert dans les derniers livres, tandis que les actions de Snape [Rogue] montrent qu’il n’est pas réellement du côté du mal.

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le jour que durant les trois dernières décennies du XXe siècle (Beaudou, 2005) et ce, même s’il est l’héritier du merveilleux légendaire et de nombreuses autres formes littéraires datant d’il y a plusieurs millénaires.

La fantasy appartient aux littératures de l’imaginaire, par opposition aux littératures réalistes ou du réel, et désigne à l’origine l’imagination créatrice (Baudou, 2005). Elle s’inspire de nos légendes, de nos croyances et de nos rites, construisant ou revisitant des légendes et des mythologies (Labbé et Millet, 2003), et mettant en scène une « noblesse passée marquée par l’héroïsme » (Besson, 2007 : p. 4), les splendeurs de la nature, le supernaturel magique ainsi que des créatures issues de la mythologie et du folklore (Besson : 2007). Ses frontières sont toutefois poreuses et elle est donc souvent confondue avec d’autres genres, notamment la science-fiction.

Pour saisir l’essence du genre, il faut tout d’abord comprendre son nom dans le contexte où il a vu le jour. « Fantasy » est un anglicisme, qui indique bien son origine anglo-saxone, à partir de laquelle différentes traditions se sont développées. Lorsque l’on adopte une approche française de la déinition du genre, on se retrouve bien vite confronté au problème de la traduction du nom : peut- on parler de « fantastique » ? La réponse est à la fois oui et non ; il y a en effet en français une distinction entre le merveilleux et le fantastique, liée à l’histoire de la littérature et du folklore français, qui n’existe pas du tout en anglais (Besson : 2007). Dès lors, les auteurs et critiques ne s’accordent pas sur la correspondance plus ou moins exacte d’un de ces deux termes, ou de tous les deux, avec le concept anglo-saxon de la fantasy : pour certains, la fantasy comprend à la fois le merveilleux et le fantastique (Baudou, 2005) ; pour d’autres, il s’agit d’un genre qui se situe « à la frontière du merveilleux, du fantastique et de la science-fiction » (Labbé et Millet, 2003) ou, pour d’autres encore, d’un genre qui « se confond plus ou moins avec les récits utilisant l’effet littéraire connu sous le nom de merveilleux » (Besson, 2007). De ces désaccords, il convient de retenir qu’il n’y a pas de correspondance exacte entre la fantasy anglo-saxone et un ou plusieurs genres reconnus par la littérature francophone. Peut-être trouvons-nous là une des raisons expliquant l’anglicisme ?

Définition

Jusqu’à présent, nous avons certes discuté des différents genres pouvant plus ou moins correspondre à la fantasy anglo-saxone, mais cela ne nous éclaire pas réellement sur ce qu’est un texte de fantasy. Jacques Baudou (2005) a commencé sa définition du genre en indiquant ce qu’il n’est pas. Pour lui, les ghost stories, les textes satiriques et les fables animalières ne relèvent pas de la fantasy. De plus, la fantasy se distingue du roman d’horreur et de la science-fiction par son but :

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elle ne cherche ni à susciter la peur, l’épouvante ou la terreur, ni à stimuler l’intellect, mais elle joue sur une gamme d’émotions bien plus étendue (Baudou, 2005).

On distingue généralement deux types de fantasy : la low fantasy et la high fantasy. La low fantasy met généralement en scène un monde rationnel qui est physiquement familier aux lecteurs. Les évènements surnaturels se produisent de façon brusque et sans explication. Pour un lecteur francophone, cette catégorie comprend principalement le fantastique18 et le roman d’horreur (Baudou, 2005). La high fantasy, quant à elle, met en scène des intrigues qui se déroulent dans un monde secondaire, différent du nôtre, dans lequel les lois ne sont pas les mêmes que chez nous. La majorité des œuvres publiées de nos jours appartient à cette catégorie (Baudou, 2005). Cette dernière peut encore être subdivisée en myth fantasy (où l’on trouve une causalité surnaturelle (ou des pouvoirs divins) ayant des racines dans la mythologie) et fairy tale fantasy (où le don de la magie qui prend source dans les contes populaires est accordé à certains hommes ou certaines créatures).

Les deux sources principales de la fantasy sont la mythologie et les contes (contes populaires ou contes de fées littéraires), mais le genre puise également de l’inspiration dans la littérature médiévale, où le merveilleux occupe une place très importante (Baudou, 2005). Ainsi, compte tenu de tout ce que nous avons vu, nous retiendrons pour notre travail la définition de la fantasy proposée par André-François Ruaud : « Une littérature qui se trouve dotée d’une dimension mythique et qui incorpore dans son récit un élément d’irrationnel au traitement non purement horrifique, notamment incarné par l’utilisation de la magie. » (Baudou, 2005 : p. 8).

Bref historique

La fantasy voit le jour à l’époque victorienne, durant la seconde moitié du XIXe siècle et se développe parallèlement à un courant réaliste, marqué notamment par les œuvres de Charles Dickens (Besson : 2007). Elle s’inscrit dans la continuité du mouvement gothique de la fin du XVIIe et début du XIXe siècle, période pendant laquelle de grandes œuvres fantastiques telles que Dracula ou Frankenstein ont été publiées, mais procède à un renouvellement de la tradition. Moins axée sur l’horreur que ses prédécesseurs, elle reprend des éléments du Moyen-Âge et du folklore pour créer des mondes enchantés dans lesquels le surnaturel domine (Besson : 2007). C’est à cette époque par exemple que Lewis Carroll écrit les aventures d’Alice, soit Alice’s Adventures in Wonderland et Through the Looking Glass (and What Alice Found There). Dès le début, de nombreux livres de fantasy sont écrits pour les enfants, mais sont également lus par des adultes ; ainsi, « la

18 « [R]elèvent de ce genre des fictions réalistes ou d’apparence réaliste dans lesquelles le surnaturel, l’irrationnel, ou le monstrueux font irruption. » (Baudou, 2005 : p. 5)

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fantasy est effectivement liée dès ses origines au jeune public, et prolonge auprès des adultes un émerveillement de l’enfance » (Besson, 2007 : p. 24).

Le principal tournant dans le domaine est marqué par J.R.R. Tolkien, souvent considéré comme le père fondateur du genre. La fantasy existe certes avant la publication de ses œuvres (The Hobbit, en 1937, et The Lord of the Rings, en 1954), mais Tolkien est le premier à reprendre des éléments mythologiques pour créer un monde, un usage qui sera systématiquement répété par la suite (Besson : 2007). Par conséquent, la définition actuelle du genre est en fait issue de la réinvention qu’il en a fait et les livres publiés après lui reprennent un certain nombre d’éléments-clés de ses romans, par exemple une société de type médiévale dans laquelle l’élite possède des pouvoirs magiques, le thème de la quête ou de la mission, la lutte entre le bien et le mal, ainsi que des personnages issus du folklore, de la mythologie et des contes de fées (Baudou, 2005).

À cette époque sont publiées d’autres œuvres qui s’inspirent fortement de ce qu’il a écrit, comme les Chronicles of Narnia, de C.S. Lewis. Ainsi, au début du XXe siècle, l’essentiel des grandes tendances du genre sont acquises. Il est dès lors admis qu’une œuvre de fantasy est influencée à la fois par le conte et le mythe, qu’elle s’inspire de traditions culturelles très anciennes et qu’elle met en scène des mondes, des créatures et des héros (Besson : 2007).

Comme nous l’avons déjà dit, ce genre s’est tout d’abord développé en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord, où la fantasy et le merveilleux font partie intégrante de la culture, avant de s’étendre jusqu’en Europe (Besson : 2007). En France, 1999 est une année très importante, car elle marque la publication chez Gallimard de deux auteurs-clés J.K. Rowling et sa saga Harry Potter et Philip Pullman et sa trilogie, His Dark Materials (Baudou, 2005). Depuis, il y a eu un regain d’intérêt pour le genre qui a permis aux conventions et idées reçues qui régissaient la publication de fantasy dans le monde francophone d’être revues.

Les sous-genres de la fantasy

Avec l’essor de la fantasy et le grand nombre de nouvelles œuvres publiées, le genre a continué à évoluer, donnant lieu à des livres très divers, ce qui a entraîné un certain besoin de subdiviser la fantasy en plusieurs sous-genres (même si, pour certains auteurs, il s’agit d’une opération purement commerciale) (Besson : 2007). Il existe bien entendu de nombreuses classifications différentes, mais nous nous contenterons de donner ici un bref aperçu des sous-genres les plus courants19.

19 D’après Baudou, 2005, Besson, 2007, Labbé et Millet, 2003 et Stableford, 2009.

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 La fantasy humoristique (light fantasy) est marquée par l’humour, le non sense, le comique, l’auto-dérision, la satire, la parodie ou l’humour noir, à l’image de la série Discworld, de Terry Pratchett.

 La fantasy urbaine (urban fantasy) met en scène une ville contemporaine dans laquelle survient la magie. Neverwhere, de Neil Gaiman est un exemple de ce sous-genre.

 La fantasy exotique (oriental fantasy, comprenant ou non l’arabian fantasy et l’hindu mythology) a pour point de départ un pays lointain, généralement non occidental. On peut citer comme exemple Spirit Mirror, de Stephen Marley.

 La fantasy historique (historical fantasy) se déroule à une période historique précise choisie par l’auteur. On peut y rattacher (bien que certains auteurs les séparent) la fantasy arthurienne, qui aborde la légende de différentes manières. The Rebel Passion, de Katharine Burdekin est un exemple de ce sous-genre.

 La fantasy scientifique (science-fantasy) voit se développer les moyens de la fantasy dans le contexte de la science-fiction. Dans ce cas, une autre planète devient généralement un monde secondaire. On peut citer comme exemple Glimmering, d’Elizabeth Hand.

 La dark fantasy se déroule dans un univers sombre et est proche du roman d’horreur, comme Faerie Tale, de Raymond E. Feist.

 La fantasy épique ou héroïque (epic fantasy, sword and sorcery, heroic fantasy20) désigne toutes les œuvres descendant de Tolkien, dont l’intrigue se déroule souvent au Moyen-Âge et met en scène un héros, généralement solitaire, investi d’une mission ou d’une quête. On peut citer des œuvres très variées dans cette sous-catégorie, notamment Royal Assassin, de Robin Hobb ou la série Conan, de Robert E. Howard

Ces sous-genres restent toutefois discutables et discutés, car certaines œuvres appartiennent à plusieurs d’entre eux, alors que d’autres ne correspondent à aucun d’entre eux. Si l’on prend la saga Harry Potter, par exemple, on peut la rattacher dans une certaine mesure à la fantasy héroïque (Harry est un héros chargé de mener à bien une mission), à la fantasy urbaine (puisque le monde magique est ancré dans la réalité, contrairement à une œuvre de fantasy « classique ») (González Cascallana, 2003) et même, selon certains auteurs, à la dark fantasy (Baudou, 2005).

20 De nombreux auteurs distinguent ces trois sous-genres les uns des autres, mais d’autres les comprennent comme des synonymes (notamment Besson, 2007 et Stableford, 2009).

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