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Valoriser les techniques : tapisseries et outils astronomiques

PREMIÈRE PARTIE : DÉCOUVRIR LA CORÉE, UN PAYS MÉCONNU : 1887-1894

II.1. Distribuer les œuvres coréennes dans les musées français

II.1.2.1. Valoriser les techniques : tapisseries et outils astronomiques

Collin de Plancy a eu à cœur de distribuer les objets collectés dans des institutions où ils seraient susceptibles d’être le mieux mis en valeur. C’est le cas par exemple d’objets dont l’intérêt est plus technique qu’historique ou artistique et qu’il adresse à des institutions spécialisées. Au premier rang de ces objets figurent deux tapisseries chinoises dont Collin de Plancy fait don en 1884 au musée des Gobelins351. Fondé en 1878, ce musée, attenant à la manufacture nationale de tapisseries des

349 MNC 12090 350 AMNC, 4 W 389 351 GOB 242 et 243

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Gobelins est logé dans une galerie construite expressément, à la lisière est de l’enclos des Gobelins abritant la manufacture depuis 1662. Collin de Plancy fait don au musée de deux tapisseries chinoises en 1888.

La première tapisserie représente un cerf et une biche dans un paysage, la seconde un bélier, un mouton et une chèvre. Elles sont attribuées au règne de Kangxi et datées de la fin du XVIIe siècle. Les tapisseries ont été encollées sur une toile, et fixées dans un cadre, sous verre, à une époque indéterminée.

Le don de ces tapisseries chinoises ne semble pas avoir été suivi du don de tapisseries ou de tissages coréens. Pourtant, Collin de Plancy en possède comme le montre le catalogue de la vente de sa collection en 1911 qui comporte plusieurs entrées « étoffes » listant notamment des « tapis à offrande » bouddhiques en soie352 ou un oriflamme de temple353.

Pourtant, une des caractéristiques des relations de Victor Collin de Plancy avec les institutions françaises est la fidélité. En dehors de la relation très étroite que le diplomate entretient avec le musée national de la céramique de Sèvres, ce trait se révèle dans ses rapports avec le musée de l’Observatoire354.

Ainsi, en 1887, l’état annuel de l’Observatoire de Paris indique l’entrée dans les collections d’un planisphère céleste confectionné en Chine en 1741355. Ce don s’accompagne sans doute aussi de photographies, comme l’indique la correspondance entre Vissière et Collin de Plancy :

« Vous avez sans doute appris que, à la suite du don que vous avez fait à l’observatoire de Paris de petites photographies des instruments astronomiques de Pékin, l’Amiral Mouchez a demandé à notre légation de faire exécuter pour son musée de grandes et nombreuses reproductions des mêmes instruments. Child vient de les terminer et nous allons envoyer

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Etoffes n°265 à 267 353 Etoffes n°264 354

James Lequeux, Laurence Bobis, L'Observatoire de Paris : 350 ans de science, Gallimard, 2012 355

Rapport annuel sur l’état de l’observatoire de Paris, pour l’année 1887, présenté au conseil dans sa séance du 21 janvier 1888 par M. le Contre-Amiral Mouchez, directeur de l’Observatoire, Paris, 1888, p. 21-22

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le paquet à Paris par la prochaine malle avec quelques renseignements. J’espère qu’après cela, vous allez au moins recevoir le mérite agricole356. » Le don d’objets chinois au musée de l’Observatoire semble d’après Vissière avoir intéressé beaucoup son directeur, l’Amiral Mouchez (1821-1892), astronome, directeur de l’Observatoire et fondateur du musée de l’Observatoire chargé de conserver des instruments astronomiques et des documents anciens permettant l’étude de l’histoire de l’astronomie.

Ce don est suivi en 1889 d’un autre, coréen cette fois. Le rapport annuel de 1889 mentionne le don par M. Collin de Plancy d'un large planisphère dressé par le Bureau astronomique de Séoul, remis à l'Observatoire par l'intermédiaire de M. Varat. Il est toujours conservé au musée de l’Observatoire357. Ce planisphère céleste en carton peint et laiton est orné de caractères chinois et d'étoiles dorées sur fond bleu foncé. Il porte au recto une représentation de la voie lactée, de plusieurs étoiles individuelles ainsi que des noms des éléments principaux de chaque constellation. Au verso sont indiqués les mois, les heures, les nombres de 1 à 30, les divisions de l'année en 34 parties et emplacement des équinoxes et des solstices. Selon Suzanne Débarbat, astronome, l’objet est à rapprocher d’un planisphère créé par Pak Kyu-soo (1807-1877) et conservé au Musée royal de Séoul. Davantage qu'une simple carte du ciel, il était probablement utilisé comme les astrolabes, bien qu'il n'y ait pas de réglette mobile, peut-être manquante358.

En 1892, «quatre estampages de pierres gravées » offerts par Collin de Plancy parviennent également à l’Observatoire « par l’obligeant intermédiaire de son successeur dans ce poste, M. Courant, qui nous a envoyé en même temps les notices relatives aux quatre pièces en question placées à Séoul, dans l’ancien local du Bureau d’astrologie359. »

356 AMAE, Papiers d’agents, Vissière, Pékin, 8 sept 1888 357

Inv. 94. Notice en ligne http://obspm-bibliotheque.skin-web.org/fr/museum/document/planisphre-cleste/112899cb-5e07-4747-b8fe-cf1a2be51fc4?q=s%C3%A9oul&pos=5, consulté le 12/06/2019 358 Notice en ligne

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Rapport annuel sur l’état de l’observatoire de Paris, pour l’année 1892, Paris, 1893, pp.24-25. Voir Francis Macouin, « Victor Collin de Plancy et les livres », dans Elisabeth Chabanol (dir.), Souvenirs de Séoul. Op.cit., 2019, p. 19

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Grâce aux bons soins de Charles Varat ou de Maurice Courant, ces objets sont parvenus sans encombre à bon port. Ce ne semble pas être le cas d’envois ultérieurs de Collin de Plancy comme en témoigne un courrier qui lui est adressé en octobre 1892 :

« Je suis bien surpris et contrarié de la mésaventure arrivée au petit colis que vous m'aviez confié à mon premier séjour à Séoul renfermant un cadran solaire coréen. J'avais placé la petite caisse dans mes bagages et je l'avais religieusement rapporté à Tientsin et donnée à M. Lefèvre, chancelier du consulat, au moment où il expédiait à Paris, par le consulat général de Shang-hai la valise de la légation. Cette remise et l'expédition du petit colis aux Affaires étrangères ont eu lieu le 3 ou le 4 octobre 1890. Le bulletin d'expédition de la valise diplo partie à cette date de Tientsin pour Paris doit le mentionner. L'objet a dû arriver le 15 novembre aux Aff. Etran et le bureau spécial chargé du dépouillement des courriers pourrait renseigner sur la transmission ultérieure du colis à l'adresse de l'amiral Mouchez; La lettre d'envoi était jointe à la petite boite, il n'est donc pas surprenant que lettre et paquet aient subi le même retard. M. de Lucy Fossarien n'a jamais eu le petit colis entre les mains parce qu'au moment où je suis arrivé à Kobe mes bagages ont été transportés directement du bateau Owari maru à la gare après avoir été désinfectés comme les voyageurs à l'hôpital de quarantaine. Je n'ai donc pas ouvert mes bagages à Kobé et le petit colis a voyagé tout le temps avec moi jusqu'à Tientsin. Je pense que vous aurez pu retrouver la piste de votre envoi à l'amiral Mouchez en vous adressant au bureau des arrivées du Ministère des Affaires Etrangères à Paris. Dans tous les cas, je me propose bien quand j'irai à Paris de poursuivre ces recherches360. »

Le musée de l’Observatoire conserve – outre le planisphère déjà évoqué – un cadran solaire, une boussole, une boussole géomantique et une règle astronomique

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provenant de Corée, et offerts également par Collin de Plancy361. L’un de ces objets est peut-être le cadran solaire un temps égaré.

Ces deux exemples montrent que Victor Collin de Plancy a apporté son concours à des institutions spécialisées, relativement récentes sur la scène culturelle parisienne, par la collecte d’objets pouvant enrichir utilement leurs collections. L’attention portée à ce que nous appellerions aujourd’hui le « projet scientifique » de l’établissement, et la fidélité des liens tissés avec le personnel de ces institutions sont des constantes dans l’activité de collecteur de Collin de Plancy.

II.1.2.2. Le naturaliste : des spécimens pour le Muséum national

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