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Charles de Montigny et l’arrivée en France des premiers objets coréens objets coréens

PREMIÈRE PARTIE : DÉCOUVRIR LA CORÉE, UN PAYS MÉCONNU : 1887-1894

1.1.2.2. Charles de Montigny et l’arrivée en France des premiers objets coréens objets coréens

Charles de Montigny (1805-1868) fait partie dans les années 1840 et 1850 des fervents partisans de la colonisation de la Corée. Plusieurs intérêts le motivent. Tout d’abord la protection des missionnaires français menacés par la politique violente de répression du christianisme est perçue comme l’« instrument idéal pour la propagation de l’influence politique et morale françaises en Chine, étant donné que la France n’y avait pas encore vraiment d’intérêts commerciaux. » La protection des

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70 000 chrétiens présents sur le territoire coréen aurait permis d’avoir un poids politique, et des débouchés commerciaux89.

Le deuxième axe de la politique de Charles de Montigny en Corée est le soutien dans les eaux territoriales coréennes des intérêts de la flotte des baleiniers français attirée dans la région par une forte concentration de baleines au nord-est de la péninsule90. Le naufrage d’un baleinier en 1851 donne justement l’occasion de se rendre en Corée. Le Narval, parti du Havre en 1850 s’échoue en avril 1851 à Pigum. Quelques marins s’échappent et parviennent à Shanghai où ils retrouvent Montigny. Ce dernier, qui se proclame ministre plénipotentiaire en Cochinchine, Corée, Japon, organise aussitôt une expédition en compagnie de son interprète Michel Alexandre de Kleczkowski (1818-1886) et du directeur d’une maison de commerce britannique à Shanghai, M. James Mac Donald, ainsi que de cinq matelots du Narval et d’une vingtaine de Chinois91.

La mission accoste à Cheju et y rencontre Yi Hyon’gong, protecteur des frontières, sous une pluie battante. Coréens et Français communiquent en chinois, par écrit. Ils finissent par retrouver les naufragés, emprisonnés dans des cellules. Montigny et Kleczkowski ne « furent pas long à se persuader que leur arrivée épargnait aux infortunés un départ pour le continent coréen où ils auraient certainement péri de faim et de misère92. » Bien que les naufragés soient secourus et puissent retourner à Shanghai sains et saufs, Montigny tente sans succès de monter l’événement en épingle pour obtenir un mandat du gouvernement français pour une intervention officielle en Corée afin de garantir les intérêts économiques français notamment dans la pêche à la baleine, et une réparation financière pour les massacres de missionnaires et les humiliations subies par ses prédécesseurs93. Montigny fait de son aventure un autoportrait dithyrambique bien éloigné du récit circonstancié de Mac Donald, le commerçant britannique qui faisait partie de

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Pierre-Emmanuel Roux, La croix, la baleine, le canon, op.cit., 2012, p. 86 90 Pierre-Emmanuel Roux, La croix, la baleine, le canon, op.cit., 2012, p. 103 91

Pierre-Emmanuel Roux, La croix, la baleine, le canon, op.cit., 2012, p. 123 92

Pierre-Emmanuel Roux, La croix, la baleine, le canon, op.cit., 2012, p. 125 93 Pierre-Emmanuel Roux, La croix, la baleine, le canon, op.cit., 2012, p. 130-131

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l’expédition, paru dans le North China Herald de Shanghai, et dans le Chinese

Repository de Canton en juillet 185194.

Si l’expédition n’a pas de suite, elle est néanmoins l’occasion pour le consul de rapporter en France des objets coréens. Quelques-uns d’entre eux parviennent dans les collections du musée de la marine. Ils sont connus par une mention manuscrite ajoutée à un exemplaire du catalogue de la collection rassemblée par Charles de Montigny et édité en 185495. Dans cet exemplaire96 sont listés à la main des « Objets non compris dans la collection chinoise, cédés à l’Etat par M. de Montigny et donnés par lui au Musée Impérial. » A la page 8 sont également mentionnés des « Objets de Corée provenant de l’Expédition de Mr de Montigny dans ce pays en 1851 pour y opérer le sauvetage des 20 naufragés français du Narval » : « Un manteau en papier coréen, imperméable, un grand drapeau coréen en tissu de bambou, délicatement travaillé et un serre-tête en crin noir d’un travail très remarquable, un vase coréen en métal jaune du pays servant à différents usages domestiques et même de vase nocturne97, un éventail coréen en papier imperméable et une enveloppe renfermant du papier à écrire, un paquet d’étoffes fabriquées dans les îles Liéou-Tabou. » L’ensemble des objets asiatiques rapportés par Charles de Montigny est exposé au musée de la marine du Louvre en 1854 avant d’être présentée dans une salle du Palais des beaux-arts de l’Exposition universelle de 1855. C’est là qu’elle est acquise par le ministère d’Etat et de la maison de l’Empereur pour le musée de la Marine. Les objets sont par la suite déposés, et il est aujourd’hui difficile de retrouver les pièces coréennes évoquées98.

94 Pierre-Emmanuel Roux, La croix, la baleine, le canon, op.cit., 2012, p. 130 95

Catalogue sommaire des objets d’art antique et de Haute curiosité de la Chine composant la collection de M. de Montigny, consul de France à Shang-Kai et Ning-Po, Paris, Maulde et Renou, 1854

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Retrouvé par Madame Geneviève Lacambre dans la documentation du département des peintures du Louvre. Je tiens ici à la remercier de m’avoir indiqué l’existence de ce document et d’avoir eu la gentillesse de m’en adresser une copie.

97 Ce pot de chambre métallique semble avoir fasciné les voyageurs français. Charles Varat le mentionne dans son récit, illustré par une représentation de cet objet que les Coréens de l’époque Joseon transportaient partout avec eux.

98 Geneviève Lacambre, « Les collections chinoises et japonaises du musée de la Marine avant 1878 : un cas marginal pour l’ethnographie », dans Marie-Barbara Le Gonidec et Didier Bouillon (dir.), Le rôle des voyages dans la constitution des collections, 130e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, La Rochelle, 2005, p.94-109

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Deux vases sont également offerts par Montigny au musée de la céramique de Sèvres en mars 1856. Ces deux bouteilles en terre cuite à glaçure marron, d’usage courant sont caractéristiques de la production céramique populaire de l’époque Joseon. L’inventaire du musée de Sèvres mentionne les conditions dans lesquels ces objets ont été collectés en Corée : « Ces bouteilles ont été rapportées par Mr de Montigny, consul de France à Schang Kaï lorsqu'il dut en 1851 opérer le sauvetage de l'équipage du baleinier le Narval, naufragé sur les récifs de l'Ile de l'oiseau volant : Elles lui avaient été apportées pleines de rafraichissement par les habitants du littoral.99 »

1.1.2.3. Le « pays du matin calme » dans les descriptions des

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