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Un pays resté longtemps fermé aux influences étrangères et contraint de s’ouvrir par la force contraint de s’ouvrir par la force

PREMIÈRE PARTIE : DÉCOUVRIR LA CORÉE, UN PAYS MÉCONNU : 1887-1894

1.1.1.1. Un pays resté longtemps fermé aux influences étrangères et contraint de s’ouvrir par la force contraint de s’ouvrir par la force

Refermée sur elle-même, la Corée du début du XIXesiècle affronte de graves difficultés tant économiques – sécheresses et inondations provoquent des périodes de famines – que démographiques – la péninsule connait en 1822 un terrible épisode de choléra, ou politiques – le gouvernement est aux mains de clans qui se disputent le pouvoir et les paysans à bout se révoltent régulièrement50. Dans ce contexte difficile, les influences étrangères sont très mal perçues. C’est le cas par exemple du catholicisme qui tente de s’implanter. En 1831, le pape Grégoire XVI ayant érigé la Corée en vicariat apostolique charge les missions étrangères de Paris d’évangéliser le pays. Les paysans perçoivent dans cette doctrine religieuse venue de l’étranger un moyen d’améliorer leurs conditions de vie. Les yangban épris de néo-confucianisme y voient une remise en cause de l’ordre traditionnel, une influence de l’étranger et un

48 Pascal Dayez-Burgeon, Histoire de la Corée, op.cit., 2012, p. 85 49

Hendrik Hamel, Relation du naufrage d’un vaisseau hollandois sur la Coste de l’isle de Quelpaerts, Paris, 1670. Voir Laurent QUISEFIT, « Les voyageurs français en Corée au XIXe siècle », op.cit., 2015, p.30

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risque pour la stabilité du pays. De grandes purges ont lieux en 1839, puis en 1846 et en 186651 lors desquels périssent trois évêques et sept missionnaires français, ainsi que plus de 8000 fidèles convertis.

Le pays suscite néanmoins l’intérêt des puissances occidentales. Plusieurs tentent de forcer le pays à s’ouvrir. Le modèle est celui des deux opérations successives menées par le Commodore américain Matthew Perry au Japon. Par la menace, il obtient la signature d’un traité favorisant les Etats Unis, signé en 1854 et mettant fin à une politique de fermeture du pays dirigé par le shogunat des Tokugawa. Cette ouverture forcée pousse le pays à changer de système politique et à se moderniser52. A plusieurs reprises des puissances occidentales menacent de la même façon la Corée, mais sans résultat. Ce sont d’abord les Britanniques qui prennent comme prétexte le droit des baleiniers britanniques de pratiquer leur activité dans les eaux coréennes pour tenter d’imposer la signature de traités commerciaux en 1816 et 183253.

C’est ensuite la France qui organise des expéditions punitives en Corée suite aux massacres des missionnaires. La première de ces expéditions menée par le contre-amiral Jean-Baptiste Cécille en 1846 fait suite à la première guerre de l’Opium et s’inscrit dans le contexte de l’ouverture de la Chine au commerce français avec la signature d’un traité négocié par Lagrenée. Les Français voient alors dans la Corée un emplacement stratégique pour y fonder un comptoir commercial et un établissement militaire et affermir la présence française en Extrême-Orient, en s’appuyant sur les efforts des missionnaires français présents sur le territoire54. L’expédition échoue et déclenche en représailles une nouvelle flambée de persécutions contre les catholiques.

Les Russes mettent à leur tour la pression sur la frontière septentrionale de la Corée en 1864 et 1865, en partant de la nouvelle ville de Vladivostok, récemment fondée sur la façade sur l’océan Pacifique, arrachée à la Chine55. Face à ces menaces,

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Charles Dallet, Histoire de l’Eglise de Corée : précédée d’une introduction sur l’histoire, les institutions, la langue, les mœurs et coutumes coréennes, Paris, 1874

52 Le Japon : Des Samouraïs à Fukushima, collection « Pluriel », Hachette, Paris, 2011, p. 240 53

André Fabre, Histoire de la Corée, Langues et Mondes – l’Asiathèque, Paris, 2000, p. 174 54

Pierre-Emmanuel Roux, La croix, la baleine, le canon, op.cit., 2012, pp.62 et suivantes 55 Pascal Dayez-Burgeon, Histoire de la Corée, op.cit., 2012, p. 109

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le régent Daewongun répond avec fermeté : de nouveaux massacres de catholiques ont lieu, parmi lesquels des prêtres français. L’équipage du Général Sherman, navire américain venu négocier un traité de commerce, est massacré au printemps 1866.56 Ces événements déclenchent une nouvelle expédition française menée par l’Amiral Roze à l’été 1866, sans doute de son propre chef (voir plus loin). L’opération se solde par un échec diplomatique et militaire, l’expédition rapporte néanmoins en France une série de 300 manuscrits royaux pillés à la bibliothèque royale de l’île de Ganghwa57. Une nouvelle expédition américaine en 1871, censée venger l’incident dramatique du General Sherman n’obtient pas plus de résultat.

Ce sont finalement les Japonais qui obtiennent en 1876 la signature d’un traité d’amitié et de commerce profondément inégal. Le Japon a retenu la leçon occidentale, et c’est par la force et la menace qu’il obtient ce traité, inspiré par celui même qu’il avait été contraint de signer avec les États-Unis en 1853. Une première mission diplomatique envoyée en mai 1875 n’ayant pas abouti, une première opération militaire est menée en rade de Ganghwa en octobre aboutissant à une démonstration de force et au massacre de la garnison coréenne. Au retour en février 1876 de deux navires de guerre nippons, le roi Gojong cède et accepte la signature d’un traité qui autorise le Japon à établir des concessions dans plusieurs ports, et lui accorde la clause de la nation la plus favorisée58. Les puissances occidentales ont pour la première fois été précédées par un pays asiatique. La Corée est contrainte de s’ouvrir, et pour résister à l’influence japonaise, le roi Gojong choisit de multiplier les traités d’amitié : en 1882 avec la Chine et les Etats-Unis, en 1883 avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne, en 1884 avec la Russie.

En 1902, un observateur français remarque : « Ce « royaume ermite » est bien fait pour tenter la curiosité, car il est très peu connu. Le nombre de nos compatriotes qui ont erré sur ses routes est facile à compter et il n’y a pas très longtemps encore, la presqu’île de Corée était même considérée comme une île. Il vivait, depuis des siècles, bien tranquille, retiré sur lui-même, dans cette douce torpeur du réveil du matin (…)

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Pascal Dayez-Burgeon, Histoire de la Corée, op.cit., 2012, p. 110 57

Pierre-Emmanuel Roux, La croix, la baleine, le canon, op.cit., 2012, p. 194 58 Pascal Dayez-Burgeon, Histoire de la Corée, op.cit., 2012, p. 114

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Et le voilà maintenant brutalement arraché à sa quiétude et entraîné, à son corps défendant, je vous prie de le croire, dans l’orbite de la politique extrême-orientale59. » C’en est fini politiquement du « Royaume Ermite », mais cette vision demeure dans les récits des premiers voyageurs à y pénétrer et à en découvrir les charmes.

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