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Des valeurs européennes communes favorisant l’appropriation du droit européen de l’anti-discrimination en France

Première partie. Le cadre juridique français de lutte contre les discriminations et l’influence du droit

Chapitre 1. Genèse de l’égalité femmes/hommes en

A. Des valeurs européennes communes favorisant l’appropriation du droit européen de l’anti-discrimination en France

L’historiographie de l’Europe politique, institutionnelle, dogmatique, sociale et culturelle d’aujourd’hui se réclame d’un triple héritage grec, romain et chrétien comme socle de la civilisation européenne (du VIIIe siècle av. J.-C. au XVe siècle) reçu de Rome, Athènes et Jérusalem. Le système européen de gouvernement, les lois, la littérature, l’art, l’architecture, l’essentiel de la philosophie, la religion, les sciences, la médecine, les jeux olympiques montrent définitivement que la civilisation occidentale est importée de la civilisation judéo-chrétienne et gréco-romaine. Le modèle grec de l’affirmation de l’universalité de l’homme considéré comme un individu est toujours revendiqué par l’homme occidental. Un ensemble de principes partagés dans la communauté constitue le socle de cette européanité (1) parmi lesquels, le principe de non-discrimination et les droits des femmes (2).

1. Des principes affirmés et garantis par des traités

Des valeurs communes aux États membres ont été affirmées pour la première fois par le traité sur l’Union européenne (ex-TUE) et actuel Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE), signé à Maastricht en 1992, elles ont été complétées par le traité d’Amsterdam (1997). La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000) est venue compléter la liste des valeurs Européennes : « L’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l’État de droit ». Elles ont également été érigées par l’Union européenne dans le traité de Lisbonne (2007), à savoir le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit, le respect des droits de l’homme, et des droits des minorités.). Elles sont dites communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes (art. 2 TUE). Cette communauté de

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principes s’explique, essentiellement, par l’héritage commun que partagent les États membres, en particulier celui des philosophes des Lumières et des préoccupations sociales. Ils font l’identité de l’Union, mais en réalité relèvent moins d’un héritage commun que de la volonté d’un avenir commun et du partage de certaines règles de droit. L’héritage culturel commun aux Européens est le fruit d’une histoire commune liée à plusieurs expériences partagées par la majorité des pays d’Europe dont les suivantes :

▪ La civilisation grecque ;

▪ L’Empire romain et la mise en place d’un droit écrit ;

▪ Le christianisme comme facteur structurant de l’Europe au Moyen-Âge ;

▪ La naissance des universités à partir du XIIe siècle, avec une forte mobilité dans toute l’Europe des enseignants et des étudiants ;

▪ La philosophie des Lumières porteuse de progrès démocratiques et d’un idéal de liberté individuelle ;

▪ La révolution industrielle avec le développement du capitalisme et de la protection sociale ; ▪ La Seconde Guerre Mondiale (1939-1945).

Michel LEVINET ajoute sur le plan juridique que la conception substantielle et non simplement formelle de l’État de droit constitue aussi un lien qui unit les peuples européens232.

Si la France arrive à harmoniser son droit par rapport au droit européen surtout parce qu’elle reconnait un ensemble de valeurs européennes admises comme communes, on peut déduire que l’ensemble a aussi partagé une histoire commune par rapport au statut des femmes.

2. Une histoire patriarcale commune

En matière de statut des femmes, on peut observer que l’Europe partage et véhicule une histoire patriarcale stricte depuis la Grèce antique. Les femmes formaient un monde à part,

232 LEVINET, Michel. « La Convention européenne des droits de l'homme socle de la protection des droits de l'homme dans le droit constitutionnel européen », Revue française de droit constitutionnel, vol. 86, no. 2, 2011, p. 237.

Voir également, CARPANO, Eric, État de droit et droits européens - L'évolution du modèle de l'État de droit dans le cadre de l'européanisation des systèmes juridiques, éd. L’Harmattan, Paris, 2005, 662p.

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exclues de la vie publique. Elles n’ont donc pas droit à l’espace public et ne peuvent s’exprimer en public. Aristote (384-322 av. J.-C), considère que la femme est inférieure par nature à l’homme en se fondant sur les différences biologiques qu’il constate. Selon lui, « le mâle est supérieur par nature et la femelle inférieure (…). L’un gouverne et l’autre est gouvernée »233.

Dans la Rome antique, le statut des femmes est toujours régi par leur supposée infériorité naturelle. Le droit romain n’en fait pas des sujets234. Avec le mariage (entre douze et quatorze ans, ou encore des vestales dès l’âge de six ans), les filles passent de l’autorité paternelle à celle de leur mari235. Si les romaines ne peuvent occuper aucun rôle dans la vie politique, elles sont moins confinées dans le gynécée236 que les Athéniennes. Pour l’essentiel, elles ont pour rôle de garder le foyer, de s’occuper des tâches domestiques et assurer une descendance. Mais elles ont le droit de sortir accompagnées, et de participer (assises) aux repas des hommes. Comme le souligne Ghislaine TOUTAIN, Cornelia AFRICANA

(189 av. J.-C - 100 av. J.-C), fille de Scipion l’Africain, mère des Gracques, devient le symbole de la mère romaine sous la République, pour l’exemplaire éducation qu’elle donne à ses fils et pour sa forte présence sociale237. D’autres femmes telles que l’impératrice LIVIE (58 av. J.-C - 29 ap. J.-C), femme de l’Empereur Auguste, et AGRIPPINE, sœur de Caligula symbolisent la femme émancipée et influente de l’Empire. À partir du IVe siècle, le christianisme devient la religion de l’Empire et introduit un certain nombre d’amélioration en matière de droits pour les femmes. Pour l’essentiel, la loi civile va retirer au pater familias238 le droit de vie et de mort sur ses enfants, en particulier sur les filles en 390 ap. J.-C. Ghislaine TOUTAIN explique que si Jésus avait accordé une large place aux femmes dans sa mission (prières dans les catacombes, baptêmes des enfants, participation à une conversion de masse), ces dernières vont graduellement disparaitre de la construction de l’église, les apôtres n’épousant pas cette révolution prônée par le Christ. Pierre et Paul notamment, ont été les piliers de cette architecture totalement

233 TOUTAIN, Ghislaine. Quels nouveaux enjeux pour le féminisme européen?, Actes de séminaire du 15 novembre 2014, Fondation Jean Jaurès et la FEPS, Paris, p. 4.

234 Op., cit., p. 5.

235 Op., cit.

236 Ibid..

237 Ibid.

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masculine et dominante : Le premier n’acceptait pas de clerc femme, et le second affirma que les femmes étaient destinées au silence, à la pudeur et la soumission239.

Au moyen âge, les filles issues de la noblesse apprennent à lire et écrire et à coudre. Dans les campagnes, elles s’occupent de travaux champêtres avec leurs mères. La majorité des mariages sont arrangés, introduisant alors la notion de consentement dans l’institution. On voit de plus en plus une féminisation dans de nombreux métiers : boulangères, blanchisseuses, antiquaires, etc.

Pendant que nait le mouvement humaniste sous l’influence de Pétrarque et Boccace en Italie, pays qui était considérablement en avance sur les autres en Europe240, le tableau qu’on peut peindre des femmes en Europe demeure préjudiciable. Le droit Pater Familias constitua un liberticide pour les libertés féminines (dans le Code Napoléon). Dans l’ouvrage « Les femmes ont-elles connu une Renaissance ? », Joan KELLY montre que les écrits bourgeois sur l’éducation ont établi une distinction claire entre « une sphère domestique, considérée comme inférieure, dans laquelle évoluaient les femmes et la sphère publique, supérieure, réservée aux hommes, accomplissant ainsi une véritable « renaissance » des orientations et des pratiques de l’Athènes antique, avec son emprisonnement domestique des épouses citoyennes »241. Ce sont de nouvelles formes d’oppression pour l’auteur qui, attestent qu’il n’y a pas eu de renaissance pour les femmes, mais pour les hommes. Les rapports de sexe, dictaient une hiérarchisation entre les femmes et les hommes.

L’histoire de l’Europe a évolué positivement en faveur des femmes avec la reconnaissance de la discrimination comme principe et droit fondamental. La protection des droits fondamentaux requiert que les dispositions de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe s’imposent dans le paysage européen.

239 TOUTAIN, Ghislaine. Ibid.

240 « Entre les années 1350 et 1530 environ, l’Italie était considérablement en avance sur le reste de l’Europe en raison de la consolidation précoce sur son sol de véritables États, de l’existence d’une économie mercantile et manufacturière permettant de faire vivre ces dits États, et de l’élaboration de relations sociales échappant aux féodalités et aux corporations ».

KELLY Joan , « Les femmes ont-elles connu une Renaissance ? », Traduction de Juliette GALONNIER et Pauline FERRIER-VIAUD. Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 36 | 2019, mis en ligne le 16 octobre 2019, consulté le 30 mai 2020. URL : http://journals.openedition.org/traces/9684.

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B. Le principe de non-discrimination des femmes saisi par le droit

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