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La ségrégation professionnelle renvoie à « une répartition inégale des femmes et des hommes entre les différents emplois »510. Concrètement, les travailleurs « sont assignés, de droit ou de fait, à des professions différentes en fonction de leurs caractéristiques intrinsèques, comme leur sexe ou leur origine ethnique »511. La ségrégation professionnelle sexuée procède d’une concentration de femmes dans un nombre restreint d’emplois, une

506 COLETTE-LABBE, Élizabeth. « Stéréotypes : les femmes et le travail », Je suis féministe. [En ligne] le 9/06/2017, [Consulté le 28 octobre 2020]. Url : https://jesuisfeministe.com/2017/06/09/stereotypes-les-femmes-et-le-travail/.

507 BOZIO, Antoine ; DORMONT, Brigitte ; GARCIA-PEÑALOSA, Cecilia. « Réduire les inégalités de salaires entre femmes et hommes », Notes du conseil d’analyse économique, vol. 17, no. 7, 2014, p. 1.

508 DE CURRAIZE, Yves, et HUGOUNENQ, Réjane. « Inégalités de salaires entre femmes et hommes et discrimination », Revue de l'OFCE, vol. no 90, no. 3, 2004, p. 195.

509 BOZIO, Antoine ; DORMONT, Brigitte ; GARCIA-PEÑALOSA, Cecilia. Op cit., p. 1.

510 ROCHETTE, Mark., DESROCHERS, L. et LEPAGE, F. L’équité en emploi pour les femmes. Québec: Conseil du statut de la femme, 1993, p. 6.

511 BRIARD, Karine. Ségrégation professionnelle entre les femmes et les hommes : quels liens avec le temps partiel ?, Dares, Numéro 234, 2019, p.5.

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ghettoïsation féminine. Elle se manifeste par un rapport évident de subordination aux hommes, plus remarquables au sommet de la hiérarchie512. BURSHELL et al. la définissent comme une « situation où les travailleurs sont assignés, de droit ou de fait, à des professions différentes en fonction de leurs caractéristiques intrinsèques, comme leur sexe ou leur origine ethnique »513. Cette ségrégation consolide les stéréotypes de genre qui contingentent les possibilités d’emploi des membres de chaque sexe. Diverses théories ont été avancées pour expliquer l’existence et la persistance de la ségrégation professionnelle sexuée comme la théorie des préférences514, la théorie du capital humain515, la théorie des différences compensatrices516. Elles se fondent sur les préjugés concernant le choix (exemple des horaires plus souples ou du temps partiel) des femmes sur le type d’emploi qui les mène à l’inégalité salariale.

Selon l’Insee, en France, les femmes gagnent moins que les hommes quel que soit le poste et le niveau de diplôme, et cet écart salarial devient encore plus important à mesure que leurs diplômes sont élevés, et qu’elles occupent des postes à responsabilités/de cadre517. En 2017, cet écart est estimé à 29,4 % pour les titulaires d’un Bac + 3 ou plus, contre 15,8 % pour les individus qui n’ont pas le baccalauréat518. Du reste, on constate que peu de hauts

512 CHICHA, Marie-Therese. « L’équité salariale : mise en œuvre et enjeux ». Cowansville: Éditions Yvon Blais. Conseil du statut de la femme (1997). 25e anniversaire du Conseil du statut de la femme: dossier documentaire. Québec: Conseil du statut de la femme, 1993, Revue des sciences de l’éducation, p.684. Voir aussi DE SEVE, M. Pour une mise à jour des caractéristiques de l’emploi féminin de 1961 à 1986. Interventions économiques, 20, 1988, pp. 59-101.

513 BURCHELL, Brendan., HARDY Vincent., RUBERY, Jill., SMITH, Mark. A New Method to Understand Occupational Gender Segregation in European Labour Markets. Commission européenne, 2014, 161 p.

514 Pour Mincer et Polachek, repose sur l’idée qu’en raison de leur investissement dans la sphère domestique, les femmes anticipent une implication moindre dans la vie professionnelle et investissent donc moins dans leur formation

515 Dans son ouvrage l'économiste américain définit le capital humain comme "l'ensemble des capacités productives qu'un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc.".

BECKER, Gary. Human Capital. A Theoretical and Empirical Analysis, with Special Reference to Education Third Edition, University of Chicago Press, 1994, 412p.

516 « La théorie des différences compensatrices indique que le libre jeu de la concurrence sur les marchés doit conduire à des différences de salaire uniquement induites par des différences de pénibilité des tâches et de compétence ».

CAHUC, Pierre. « Pourquoi y a-t-il des différences de salaires ? », Reflets et perspectives de la vie économique, vol. tome xl, no. 1, 2001, pp. 13-24.

517 Observatoire de inégalités, « Les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes : état des lieux », 25 mars 2019.

518 Insee. (Simon Georges-Kot), « Écarts de rémunération femmes-hommes : surtout l’effet du temps de travail et de l’emploi occupé », No 1803, 18 juin 2020.

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postes sont occupés par des femmes ; cela explique en partie la différence de rémunération car les salaires horaires y sont plus élevés. Les secteurs d'activité les plus rémunérateurs sont également moins féminisés. Une partie de l’écart salarial s’explique aussi par l’assignation au recours plus fréquent des femmes au temps partiel et aux emplois moins valorisés. C’est ainsi que s’installe le Family pay gap, ou la discrimination en particulier salariale des mères de famille imputable aux interruptions de carrière, à la recherche d’un emploi proche du domicile, ainsi qu’aux horaires alignés sur ceux des enfants519. La courbe de salaire féminin tend à baisser après la naissance du premier enfant, alors que celui du père augmente au même moment520. On constate ainsi que le salaire des femmes est inférieur de 21% à celui des hommes quand elle est mère de deux enfants et de 31% lorsqu’elle à trois enfants, voire plus (sur 1 500 euros, la différence est de 465 euros). L’Insee indique par ailleurs qu’en 2017, 40 % des emplois féminins étaient concentrés dans quelques secteurs peu rémunérateurs, comme l’administration publique, la santé, l’enseignement ou l’action sociale521.

Comme le prescrit l’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) « Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur »522. Ce principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes semble n’être pas d’application effective depuis les premières revendications (fin de la seconde Guerre Mondiale) liées à sa reconnaissance par un certain nombre de textes issus du droit international (Convention 100 de l’Organisation Internationale du Travail [OIT] de 1951)523, et du droit national (Constitution de 1946)524.

519CONNES, Delphine. « Culture générale, Leçon de discrimination », Université numérique francophone,

520 Insee. No 1803, 18 juin 2020, op. cit.

521 Ibid.

522 L’Article 119 (modifié) du Traité de Rome créant la Communauté économique européenne (CEE) (« Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail.»), a été vite limité par la mention « même travail » parce qu’à cette période, les hommes et les femmes occupaient rarement les mêmes emplois.

523 La Convention 100 de l’OIT de 1951 affirme le principe d’égalité de rémunération « pour un travail de valeur égale ». Convention ratifiée par la France en 1952.

524 Le principe apparait dans le préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que : « La loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l’homme ». Cette reconnaissance entraine la suppression de la notion de « salaire féminin » par l’arrêté du 30 juillet 1946.

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La valeur (ou plutôt la dévalorisation) du travail féminin semble être guidée par des stéréotypes et des préjugés transcendants qualifications ou compétences.

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