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➢ Les mesures favorisant l’accès des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives dans les organisations politiques et professionnelles

B. L’impact de l’importation du droit européen de la lutte contre les discriminations dans le cadre juridique, institutionnel,

2. Une convergence des instances juridictionnelles françaises

Le juge français est le garant de la protection des droits des citoyens et des libertés fondamentales. Du juge judiciaire des juridictions administratives ou du Conseil constitutionnel, le mécanisme de contrôle de constitutionnalité par la voie de l'exception prévu par l'article 61-1 de la Constitution introduit par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a renforcé leurs pouvoirs358.

Le Sénat rappelle que l’office du juge ne fait pas obstacle à d'autres modes de garantie des droits. Il se réfère particulièrement aux dysfonctionnements administratifs (retards, disparités de traitement, renvoi de l'usager d'un service à l'autre), à certains choix arbitraires dans le traitement des individus ou encore à de simples difficultés de dialogue notamment entre un service public et ses usagers qui peuvent difficilement être

356 SAURUGGER, Sabine ; SUREL Yves. Op cit., p. 188.

357 Op cit., pp. 189-190.

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appréhendées unilatéralement sur le plan de la légalité malgré tous les acquis juridiques et jurisprudentiels359. Il conclut ainsi que les juridictions existantes laissent « largement de place » pour qu’une autorité publique indépendante contribue également à la garantie de ces droits et libertés par la voie de la médiation, du dialogue, de l’incitation compte tenu des avantages pour les administré·e·s. Garantir une amélioration du taux des médiations réussies et apporter une réponse adaptée à chaque cas individuel participe à prendre une certaine distance avec le principe universaliste qui initialement refusait toute différenciation entre les français, citoyens d’une République une et indivisible. Les juridictions françaises vont effectivement laisser en ce sens une place au DDD en adaptant leurs procédures dans une certaine mesure dans la lutte contre les discriminations, particulièrement sur la question de la preuve devant le juge (a).

➢ L’allègement de la charge de la preuve en matière de discrimination

La preuve est la démonstration de la réalité d’un fait, d’un état, d’une circonstance ou d’une obligation. Juridiquement, la preuve est à la fois le moyen qu’une partie à l’instance met en œuvre pour soutenir sa prétention, mais aussi le résultat auquel on arrive lorsque le juge décide qu’un fait a été prouvé360.

L’article 1315 (alinéa 1) du Code civil ayant une portée générale expose l’essentiel du principe de fond concernant la preuve des obligations : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver […]». C’est la traduction de l’adage « Actor incombit probation; Reus in excipiendo fit actor » qui signifie que « la preuve incombe au demandeur ». L’alinéa 2 de l’article 1315 ajoute : « Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation » (Reus in excipiendo fit actor : le défendeur devient le demandeur en invoquant une exception). Ainsi au cours du procès en civil, la preuve incombe en principe au demandeur. Le débat essentiel devant toute juridiction pénale porte sur la culpabilité de la personne poursuivie. Il s’agit de déterminer si celle-ci est ou non coupable. Selon Georges

359 Ibid.

360 VERGES, Etienne; VIAL, Géraldine ; LECLERC, Olivier. Droit de la preuve, Thémis droit, PUF 2015, n°3. Un troisième sens est habituellement donné au mot « preuve » : celui d’opération par laquelle on convainc le juge (v. Lagarde (X.), Réflexion critique sur le droit de la preuve, LGDJ 1994, n°48)

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LEVASSEUR et Gaston STEFANI, l’aménagement de la charge de la preuve en procédure pénale n’est pas sans analogie avec celui qu’établissent les règles de procédure civile361. Les deux auteurs conviennent avec Donnedieu DE VABRES qui émet une réserve sur la règle reus in excipiendo fit actor, qui, ne peut être transposée en procédure pénale sans heurter la présomption d’innocence362. Ainsi, en vertu de cette présomption d’innocence, c’est à la partie poursuivante de rapporter la preuve de l’existence de l’infraction en matière pénale – (preuve aménagée en matière civile et régie par le principe de la liberté de la preuve (testings363, emails, etc.)364).

Le problème est que les discriminations se caractérisent par leur opacité. L’auteur du fait illicite va tout mettre en œuvre afin de dissimuler la réalité litigieuse, il prendra notamment soin de ne pas faire part explicitement de l’intention qui a motivé son traitement discriminatoire. Véritable frein à la lutte contre les discriminations, la charge de la preuve par le demandeur était difficile à rapporter365.

C’est dans cette perspective que l’UE adopte la directive no 97/80 le 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discriminations fondées sur le sexe. Elle couvre tout le champ du droit du travail sur la question de l’égalité entre hommes et femmes en matière de rémunération, d’accès à l’emploi, de formation, de conditions de travail. En transposant cette norme dans le droit interne par la loi no 2001-1066 du 16 novembre 2001, la France unifie le régime de la preuve de toutes les discriminations en matière de travail366, de harcèlement, de logement, de banque, etc. (Il faut souligner que le

361 STEFANI, Gaston ; Levasseur, G. « Les règles de preuve dans le procès pénal », Précis Dalloz, « Procédure pénale », 2e édition, Paris 1962, p. 276.

362 DE VABRES, Donnedieu, Traité de droit criminel, n° 1239 et note D. 1936.1.45).

363 La preuve recueillie par testing est recevable devant le juge pénal (Cass crim 11 juin 2002 n° 01-85.559).

364 C’est le principe de la liberté de la preuve qui prévaut en procédure : art. 427 du Code de procédure pénale. (v. Ract-Madoux (M.), « La loyauté de la preuve en matière pénale : la liberté des preuves », in Dossier spécial, La loyauté de la preuve en matière civile, commerciale, pénale et administrative, Actes du colloque organisé le 15 octobre 2015, par le Tribunal de grande instance de Paris, Procédures, décembre 2015, pp. 7 et s., spéc. pp. 35 et s.).

365 FABRE-MAGNAN, M. « Totems et tabous en matière de discrimination », RDC 2010 p. 1433 et s., spéc. p. 1435.

366 Cass. soc., 28 sept. 2004, n° 03-41.825 à 03-41.829, F-P+B, M. Hoarau et a. c/ Sté STAVS : JurisData n°2004-024967 : Dans un arrêt du 28 septembre 2004, la Cour de cassation dans un arrêt du 28 septembre 2004 qui a estimé que « Si le salarié doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser

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juge administratif avait pris les devants dans le célèbre arrêt Mme PERREUX367 en retenant un régime prétorien d’aménagement de la charge de la preuve368:

L’article 4 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 :

« Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

Sans renversement substantiel de la charge de la preuve, la personne qui invoque la discrimination, doit cependant établir des faits de nature à laisser supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ; quant à la partie défenderesse, il lui incombe de prouver que la mesure en cause est justifiée369 par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination370.

Sous l’influence de l’Europe, la France a procédé à l’aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination. En raison d’un « misfit » entre le droit européen de la lutte contre les discriminations et le droit interne français, la création de la Halde – incorporé dans l’actuel Défenseur des droits – a été en partie influencée par la directive européenne 2000/43/CE, à la suite de l’aménagement de la charge de la preuve (directive no 97/80). La doctrine aidant, la France a ainsi satisfait à la convergence d’une part, dans ce processus d’importation juridique et d’autre part institutionnel en aménageant son droit et ses institutions.

une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ».

367 CE, Ass. 30 octobre 2009, Mme Perreux, req n°298348, concl. Guyomar (M.), RFDA 2009, p. 1125 et n. Cassia (P.) p. 1146.

368 DANIS-FATOME, Anne. « Le dispositif propre à la charge de la preuve, frein ou outil de lutte contre les discriminations ? », La Revue des droits de l’homme [En ligne], 9 | 2016, mis en ligne le 04 mars 2016, consulté le 09 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/revdh/2051 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/revdh.2051.

369 Cass soc 12 avril 2012 n°11-14072.

370 Article 4 de la Loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

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II. Les enjeux de l’européanisation en matière de lutte contre les

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