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L’ensemble des données mobilisées pour soutenir notre recherche est composite déjà par les disciplines que nous avons choisies (sociologie, droit), mais également par leurs sources. Nous pouvons les regrouper en grandes familles.

Les théories critiques du droit international et les théories postcoloniales. Les théories

critiques du droit international CRT et TWAIL avec les théories postcoloniales, les cultural

Studies sont la base des déconstructions que nous proposons. Elles ont inspiré elles-mêmes des

lignes de pensées comme l’intersectionnalité (discriminations multiples) que nous exploitons également.

Les entretiens. Les échantillons présentés précédemment représentent en tout 83 entretiens

sous forme d’écrit, orale et vidéo.

Les textes juridiques. Pour élaborer un travail comparatif sur l’application du droit (droits

humains en général et de droit de la discrimination en particulier), nous avons fait une revue des textes qui ont instauré en France et au Burkina Faso des règles juridiques en ce sens. Le droit international, communautaire européen et ouest africain ont été nécessairement recensés. Cela concerne les déclarations, conventions internationales, les directives européennes, la charte Africaine et ses instruments visant à faire valoir les droits fondamentaux de non-discrimination.

Les sources publiées. Par sources publiées, nous faisons référence aux ouvrages, aux articles

de journal, de revues, de périodiques généraux et spécialisés, aux discours publics, etc. Nous avons eu recours particulièrement à des quotidiens comme Le Monde, Jeune Afrique,

Libération.

Les archives. Un ouvrage en deux tomes sur l’histoire du Burkina Faso, un recueil de lettres,

de notes administratives de la Métropole française pendant la colonisation (administrateurs, etc.), de mémoires, etc. de 1878 à 1991.

La construction de la thèse reflète la dynamique globale de notre recherche et déploie la problématique et les hypothèses en sixchapitres, regroupés en deux parties.

La première partie va démontrer comme annoncé que le processus de construction du droit de l’anti-discrimination en France a été articulé autour de débats, signes d’autonomie et de respect de la souveraineté d’un État.

Le premier chapitre analysera les vertus d’un droit européen issu des luttes de femmes et la dynamique du mouvement de société lors de son importation en France (droit, institutions et luttes des femmes) et en comparaison à ce qu’il en a été au Burkina.

Nous illustrerons les lacunes de l’universalisme dans le deuxième chapitre en abordant le processus d’importation du droit européen de la discrimination en France. La

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reconnaissance des différences découle de l’universalisme alors que dans le même temps, ce dernier garantit théoriquement l’existence du pluralisme et la diversité des identités, par exemple religieuse. Au plan historique, il a ainsi construit, justifié et légitimé des doxas sur l’inégalité des groupes humains, telles que le racisme, la colonisation, et aussi ignoré les droits des femmes155. Au plan conceptuel, l’universalisme pose problème car son discours est un « ensemble de normes, de principes et de valeurs, qui sont un héritage culturel et politique, porté par la population majoritaire et érigé en modèle pour tous »156.

Et le troisième chapitre va analyser ce qu’ont apporté les oppositions, les réticences, les discussions et débats entre la France et l’Union Européenne qui ont abouti à la loi de 2011157, et la souplesse de ce processus malgré les condamnations de la Cour visant à faire plier les juges français.

La deuxième partie traite de la contextualisation de l’importation/exportation d’outils juridiques et conceptuels occidentaux en Afrique et le problème de leur adaptation au terrain d’accueil. Elle va montrer comment greffer à un pays d’Afrique « noire » sous un prisme systémique du néocolonialisme, un droit étranger « prêt-à-porter » peut s’avérer être une gymnastique institutionnelle et sociale peu vertueuse vis-à-vis des populations comme des institutions.

Le premier chapitre va traiter de l’importation d’un droit « oxydé » par les rapports coloniaux caractérisant les outils « occidentaux » ‘vertueux’. Le terme « oxydé » se réfère au sens propre à l’action d’un oxydant ou agent oxydant ou d’oxydation sur un corps. Un exemple bien connu d'oxydation est la formation de la rouille par oxydation du fer quand celui-ci entre en contact avec l’eau et l’oxygène. La rouille, « cette couche de matière friable et rugueuse qui recouvre les objets en fer laissés aux prises avec de l'air et de l'eau, […] fragilise les objets qu'elle attaque dans un phénomène aussi appelé phénomène de

155 CANOPE. Fiche notion, Éduquer contre le racisme et l’antisémitisme, Universalisme républicain. Un pilier républicain hérité des Lumières, https://www.reseau-canope.fr/eduquer-contre-le-racisme-et-lantisemitisme/universalisme-republicain.html?

156 Ibid.

157 LOI n°2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. JORF n°267 du 17 novembre 2001.

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corrosion »158. Au sens figuré, celui que nous souhaitons attribuer dans notre analyse, la notion « oxydé » se rapporte à la définition que nous avons attribuée à l’appellation « occidentaux » dans le cadre de notre travail. En rappel, « occidentaux » désigne principalement ici les États-Unis et l’Europe dans la conduite de leurs relations avec les ex-colonies d’Afrique « noire ». Et le champ sémantique de la notion « occident » entre guillemets dans nos argumentations désigne une construction impérialiste, par conséquent dominatrice qui s’incruste dans tous les domaines relevant de l’existence et du fonctionnement d’un pays dominé : juridique, politique, militaire, idéologique, économique, social, etc. Un droit « oxydé », qui, comme nous le verrons dans le chapitre 1 de la partie II, sera employé pour qualifier l’état actuel du droit Burkinabè en tant qu’invention hybride issue d’un mélange du droit précolonial, du droit colonial, du droit « traditionnel » contemporain, et du droit d’inspiration « occidentale ». C’est l’expression d’un ensemble de normes juridiques créées par le législateur Burkinabè en s’inspirant du droit « occidental ». De ce droit « oxydé » résulte par conséquent une dualité juridico-juridictionnelle, qui expose les institutions et les populations à une hybridation

Dans le deuxième chapitre, il sera question de l’importation coloniale des codes discriminatoires européens sexistes sur les africaines « noires ». Déculturées et expropriées de leurs droits, les populations hybridées parce qu’arrachées à leurs traditions, leurs croyances, leur philosophie, et soumises à celles de « l’occident » se retrouvent partagées entre deux configurations sociales et juridiques parfois très opposées, voire en contradiction comme l’atteste l’historien Joseph KI-ZERBO159. Et les outils « occidentaux » importés dans les anciennes colonies depuis le début des années d’indépendance sous l’égide de la coopération s’insèrent dans un processus de co-construction de la domination assumée selon le sociologue Patrick ROZENBLATT160. La domination est co-construite et assumée dans la mesure où les dirigeants des pays anciennement colonisés participent à la consolidation des rapports hiérarchiques entre leurs pays et les pays « occidentaux ». Elle est facilitée par l’importation/exportation de normes annoncée dans le titre de ce travail. Il y a exportation abusive justement parce qu’il y a importation et s’il y a importation car ces

158 MAYER, Nathalie. « Rouille », Futura Science, [en ligne], mis en ligne le [consultée le 04 janvier 2019].

159 KI-ZERBO, Joseph. « L’éducation détruite, » in SYLLA, Aliou. La réforme du système d’éducation, L’Harmattan, p. 76.

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normes sont reçues comme l’expression du « bon droit » comparé à celui du pays récepteur. En rappel, ‘l’exportation’ ici, est l’action du transfert qui s’effectue de « l’occident » vers les anciennes colonies dans un dessein colonial. Elle suppose une absence d’autonomie et une imposition. L’importation est ici l’action pour une ancienne colonie de copier et coller des acquis « occidentaux ». Elle est quelques fois le résultat d’une volonté libre.

Le troisième chapitre présentera en partie une réflexion sur les pratiques féminines anti-discriminatoires « noires » africaines, exogènes à la conception « occidentale » de la lutte contre les discriminations. Malgré des désistances remarquables en matière d’importation/exportation concourant à l’élaboration d’un droit en partie « oxydé », ces mémoires sont les témoins de résistances féminines et du droit coutumier, qui ouvrent la voie à une possible (dé)construction identitaire devant aboutir à l’invention d’un droit décolonisé et spécifique pour la société « noire » africaine anciennement colonisée et particulièrement pour les femmes burkinabé.

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