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Encadré 1. Stratégie et méthodologie d’enquête juridique et sociologique

A. Le terrain juridique et sociologique

1. Présentation du terrain juridique

a. Les critères de composition des échantillons E1 : les institutions publiques et privées

Tableau 1: E1 ou échantillon institutions publiques et privées du Burkina Faso

Nous avons formé un échantillon de professionnels du domaine des droits humains et de la lutte contre les discriminations (LCD) :

▪ 2 magistrats du Ministère de la Justice, de la promotion des droits humains et des droits civiques

▪ 2 conseillers d’institutions (CIMDH et DGPDH)

Structures publiques Structures privées

Nombre contacté 10 8

Enquêtes complètes 4 2

Sans réponse 6 6

Refus 0 0

143 La périphérie ne suffit plus à décrire l’ostracisation qui pèse sur des catégories comme les « noir.es », les anciennes colonies, les populations qualifiées de minorité. C’est dans ce sens qu’elles sont considérées comme la périphérie des périphéries. Des auteurs se réclamant des théories comme des CRT (Crenshaw) ou du féminisme postcolonial (Chandra) ont écrit sur cette vision.

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▪ 1 conseiller de la Commission nationale des droits humains (CNDH) ▪ La ministre de la promotion des droits des femmes

▪ 1 activiste du Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP).

Ce groupe nous a permis de questionner les outils juridiques et conceptuels qui organisent les réglementations, les pratiques, les actions en matière de droits humains et de LCD dans un croisement avec ceux importés de « l’occident ».

b. Les critères de composition des échantillons E2 : les responsables coutumiers et religieux

Tableau 2 : E2 ou échantillon de responsables coutumiers et religieux

Chefs coutumiers Religieux

Nombre contacté 6 6

Enquêtes complètes 1 5

Sans réponse 3 1

Refus 2 0

Le dernier échantillon est constitué de chefs coutumiers et religieux. Les traditions et les religions sont juxtaposées aux lois de la société « moderne » au Burkina Faso. Les normes ne sont pas inscrites obligatoirement dans des lois, elles peuvent vivre dans un groupe à travers des coutumes ou usages issus du groupe en question144. On parle de valeurs, de traditions, de représentations religieuses, sociales et de règlementations juridiques propres au Burkina, et ils en sont les représentants et les garants. Nous avons eu l’opportunité d’interviewer des personnalités dont les missions sont transversales et démontrent des richesses interdisciplinaires croisées. Exemple : Un ancien Bâtonnier et premier avocat du Burkina, chef traditionnel et également

écrivain145 et un Archevêque, rompu de la culture des masques, et enseignant à la retraite146.

144 BESNARD, Philippe. Becker Howard S., Outsiders. Étude de sociologie de la déviance. In: Revue française de sociologie, 1987, 28-1. Pp. 157-158.

145 Maitre Pacéré Titinga Frédéric, Grand prix littéraire d'Afrique noire.

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2. Présentation du terrain sociologique

a. Les critères de composition des échantillons E3 : les Burkinabè de la diaspora

Tableau 3 : E3 ou échantillon diaspora

Sur 54 demandes d’entretien envoyées à 54 couples, nous avons pu constituer un échantillon avec 26 couples hétérosexuels dont les âges vont de 18 à 50 ans147. Invariablement en activité professionnelle ou non, ayant des enfants ou non, mais d’ethnies et de religions différentes et instruit⸱es et non-instruit⸱es148.

b. Les critères de composition des échantillons E4 - Burkinabè résidant au Burkina

Tableau 4: E4 ou échantillon de Burkinabè vivant au Burkina

Sur 132 demandes d’entretien adressées à 132 couples résidant pour moitié dans deux villes (Ouagadougou et Bobo Dioulasso) et pour la seconde partie dans trois villages périphériques (Kokologo, Kokorowé et Kotédougou)149, nous avons constitué un échantillon avec 52 couples

Femmes Hommes Couples

Nombre d’approches 54 54 54

Enquêtes complètes 26 26 26

Sans réponse 8 10 18

Refus 6 4 10

Femmes Hommes Couples

Nombre approches 132 132 132

Enquêtes complètes 80 104

Sans réponse 24 12 36

Refus 1 0 0 10

147 L’âge de l’échantillon a révélé qu’il y a très peu de Burkinabè de plus de 50 ans en France. Cela peut signifier que la majorité regagne le Burkina vers l’âge de la retraite.

148 L’instruction ici s’entend au sens « occidental » : avoir été scolarisé, avoir obtenu des diplômes.

149 Cet échantillon témoin a été composé dans trois villages dont deux à proximité de Bobo Dioulasso. Cette ville est particulière parce qu’elle a deux ethnies autochtones : les Bobo et les Dioula contrairement à

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hétérosexuels dont les âges vont de 18 à 70 ans, en activité professionnelle ou non, ayant des enfants ou non. Les personnes âgées font partie d’une richesse orale qu’il aurait été dommageable d’écarter pour se conformer à l’échantillon de la diaspora. La règle de la pluriethnicité, de l’âge et de l’instruction a été aussi appliquée à cet échantillon. La différence ici est que le groupe a été composé de 26 couples résidant en milieu urbain et 26 couples vivant en milieu rural. Tout comme l’âge élevé, le sexe masculin, le faible niveau d’instruction, être originaire d’un village laisse penser que l’on est fermé aux questions relatives aux droits des femmes que les citadin⸱es.

D’une part, il était important pour nous d’obtenir un groupe multiethnique (sens ethnique conçu au Burkina Faso)150 pour mettre en relief le lien entre l’appartenance ethnique et leur rapport aux discriminations envers les femmes (acceptation/rejet ?) ou aux droits des femmes en général. L’ethnie étant pour nous une construction sociale comme la « race », nous souhaitions montrer que les difficultés que rencontrent le système Burkinabè de lutte contre les discriminations sur les femmes n’est pas nécessairement lié à l’origine ethnique, ni au fait d’être « noir·e » en réponse aux arguments communs, mais à autre chose : l’éducation familiale.

D’autre part, l’échantillon devait être composé de personnes instruites, et non-instruites, jeunes et âgées car l’on pense communément que l’instruction « occidentale » est la réponse à tous les maux en Afrique « noire » et nous souhaitons déconstruire cette conception des connaissances uniques. L’on attribue également aux personnes plus âgées (aux hommes précisément) d’être les plus attachées aux traditions africaines, les plus négatives telles que la division sexuée des tâches, la reproduction des discriminations envers les femmes. Nous démontrons que les femmes, les jeunes, les personnes instruites et les citadin⸱e⸱s peuvent l’être autant, sinon, plus que les hommes âgés, les personnes non-instruites et celles vivant en milieu rural.

Les ménages ont ainsi relaté le contenu de l’éducation en famille (ex : division ou non des activités selon le sexe des enfants), les motivations des traitements des enfants en fonction de leur genre (les jeux, les sorties), sur les conditions de vie de ce pays d’Afrique « noire » qui se débat entre ses valeurs, ses religions, ses coutumes et les influences « occidentales » et eurasiatiques151.

Ouagadougou qui était une ville Mossi à la base. Ces deux villes respectivement bi et mono ethnique(s) ont accueilli des dizaines d’ethnies migrantes et sont devenue des villes cosmopolites. Par contre, les trois villages retenus (Kokologo, Kokorowé et Kotédougou) sont demeurés mono ethnique. Kokologo est essentiellement d’ethnie Mossi ; Kokorowé est Bobo et Kotédougou, Dioula.

150 Chaque ethnie a ses spécificités mais ce ne sont pas des entités fermées, car il existe des affinités entre elles, ainsi que des alliances (mariages) interethniques en dehors des limites de chaque groupe. Les groupes formés par melting-pot ethnique sont donc composés d’ethnies migrantes. Interroger des populations arrivées avec leurs bagages culturels, traditionnels et religieux qui se sont installées dans un milieu présentant plus ou moins des caractéristiques différentes, permettra de percevoir des mutations, des influences dans leur processus d’intégration. Peut-être que leur perception sur des questions contemporaines ont connu des mutations au contact des autres groupes ?

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Analyse

Ces démonstrations ont pour vocation de poser le construit social – « Ensemble de formes, de modèles, de moules de conduites, admis dans une société donnée, et destinées à exercer certaines fonctions »152 – comme un acte inventé à un moment donné qui, de ce fait n’est pas ascriptif ou immuable à l’image de l’universalité attribuée aux droits humains, à la légitimité autoproclamée de l’homme « occidental » de juger unilatéralement comme le dit Fanon, de la « valeur normative »153. L’essentialisation de la « race » et du sexe contribue à asseoir une hégémonie ethnocentrée mâle et « blanche » qui s’opère via le néocolonialisme sur les ex-colonies, or, la France par exemple voue des bras de fer avec la transposition de certains outils européens de lutte contre les discriminations154.

152 STŒTZEL, Jean. La morphologie sociale, 1978.

153 FANON, Frantz. Œuvres, Paris, La Découverte, 2011, http://indigenes-republique.fr/la-conference-de-fanon-sur-racisme-et-culture-60-ans-apres/.

154 L’histoire de la France recèle de ces analogies, comme lorsque le Général de Gaulle se dressa à son corps défendant contre la tentative de colonisation de son pays contre les Etats-Unis. Ce pays a battu des billets de banque qui y ont été introduits pendant le débarquement de Normandie. Dans ses mémoires de guerre, Général de Gaulle évoque cette affaire de façon amère : « Les troupes et les services qui s'apprêtent à débarquer sont munis d'une monnaie soi-disant française, fabriquée à l'étranger, que le Gouvernement de la République ne reconnaît absolument pas »154.

Le gouvernement américain à l’origine du débarquement de Normandie à l’aube du 6 juin 1944 se refusait à reconnaître le Comité Français de Libération Nationale (CFLN) du Général De Gaulle comme gouvernement français. Pendant le débarquement du 6 juin 1944, le gouvernement américain a émis des billets de banque imprimés entre février à mai 1944 par le Bureau of Engraving and Printing (Bureau normalement chargé d'imprimer les dollars américains et les autres documents officiels du gouvernement fédéral qui étaient destinés à être échangés contre les billets drapeau utilisés en France sous le gouvernement nazi. Un « billet drapeau » est un billet de banque français fabriqué aux États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale en vue de remplacer ceux fabriqués sous l’occupation allemande. Le terme billet drapeau a été utilisé parce que le drapeau français figurait au verso de plusieurs de ces billets.

Pourtant, De Gaule crée une monnaie faible fabriquée à Chamalieres (Bordeaux) pour les anciennes colonies françaises. Le 26 décembre 1945, le gouvernement du Général de Gaulle enregistre le Franc CFA auprès du FMI sous l'appellation « franc des colonies françaises d'Afrique ». Le pacte colonial soumettait ces monnaies à la métropole dont l'objectif était de cantonner ces colonies dans le rôle exclusif de producteur de matière première ; la métropole ayant le rôle majeur de les transformer dans ses usines ou les exporter à l'état brut afin d'alimenter les réserves de change de la Banque de France154. D'où l'idée de créer pour sa colonie des monnaies faibles qui permettent d'acheter à vil prix les matières premières. Le franc CFA est utilisé aujourd’hui par plus de 150 millions d'Africain·es et de comorien·nes.

Voir NUBUKPO, Kako. « Sortir l'Afrique de la servitude monétaire, L'Économie politique », éd. la dispute, vol. 68, no. 4, 2015, p. 31.

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