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La création d’un dispositif quasi-juridictionnel : Le Défenseur des droits (ex-Halde)

➢ Les mesures favorisant l’accès des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives dans les organisations politiques et professionnelles

A. Pression adaptative et convergence: Exemple de l’introduction de dispositif et de concepts en France

1. La création d’un dispositif quasi-juridictionnel : Le Défenseur des droits (ex-Halde)

En 1998, le Haut Conseil à l’Intégration (HCI) dans le rapport sur les discriminations suggérait la création d’une autorité de lutte contre les discriminations379. Un an après, la ministre du Travail, Martine AUBRY accueillait le Groupement d’études et de lutte contre les discriminations (GELD), groupe d’intérêt public à durée déterminée de six ans. La directive européenne du 19 juin 2000 « relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique »380 préconisait dans chacun des États-membres de l’Union européenne de se doter d’une haute autorité indépendante, ayant une fonction d’observatoire et d’aide aux victimes381.

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), autorité administrative indépendante a été créée par la loi du 30 décembre 2004 à la demande des instances européennes. La directive 2000/43/CE a tout d’abord été transposée par la loi no 1006-2001 du 16 novembre 2001 (premier texte législatif à être spécialement dédié à la « lutte contre les discriminations »), par la loi sur la modernisation sociale no 2002-73 du 17 janvier 2002 et par la loi du 30 décembre 2004 créant l’organisme de promotion de

378 PREVERT, Aline. Op. cit, p. 29

379 Le Haut Conseil à l’Intégration a été créé en 1989 avec pour mission d’élaborer un rapport et d’émettre des avis consultatifs demandé par le gouvernement sur « l’intégration des résidents étrangers ou d’origine étrangère » ; il a été dissout en 2012.

380Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.

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l’égalité qui met pleinement la France en conformité avec l’article 13 de la directive 2000/43/CE382. Conformément à l’article 1 de son texte fondateur, la Halde est chargée de lutter contre toutes les discriminations prohibées par la législation nationale et les instruments internationaux auxquels la France est partie prenante, y incluse la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) et la Charte sociale du Conseil de l’Europe qui évoquent toutes deux les discriminations à raison de toute situation. Elle est compétente pour traiter de toutes les discriminations directes ou indirectes prohibées en droit français, donc notamment sur tous les domaines et les critères des directives 43 mais aussi 78 de 2000. Son principal rôle consiste à recevoir des réclamations et à les instruire, à aider si nécessaire le réclamant à réunir des preuves, à saisir directement le juge compétent, ou à manifester le désir d’être entendu par lui, à charge pour celui-ci de décider de ce qui lui convient (c’est naturellement la deuxième formule qui, compte tenu du classicisme de la pensée institutionnelle française, a, en France, été retenue de préférence à la première). La Halde pouvait être saisie directement par toute personne s’estimant victime d’une discrimination ou par intermédiaire d’un parlementaire.

Dissoute en mai 2011 dans une nouvelle institution, ses prérogatives ont été versées à l’actuel Défenseur des Droits (DDD). L'article 71-1 de la Constitution prévoit que « le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ».

Il est perçu par certains comme la « côte mal taillée »383 en partie à cause de ses compétences et de ses modes de saisine qui le fait paraitre comme un organe parallèle aux instances juridictionnelles. Tout d’abord, C’est une autorité unipersonnelle jouissant de pouvoirs coercitifs résultant initialement d’une décision collégiale qui ne peuvent être

382 La directive 2000/43/CE a requis la mise en place dans ses pays membres, d’autorités de médiation, de sollicitation, de négociation.

383 SLAMA, Serge. « Les pouvoirs du Défenseur des droits : une cote mal taillée ? », Revue française d'administration publique, vol. 139, no. 3, 2011, pp. 461-476.

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délégués384 ni à ses agents385, ni à ses adjoints386. Dominique BAUDIS, premier Défenseur des droits qualifie ces pouvoirs combinés d’ « arsenal juridique très important »387.

Or, l’architecture de l’ordre judiciaire et administratif français est construite sur les principes de hiérarchisation et la séparation des pouvoirs. Dans sa décision sur la loi organique du 29 mars 2011 (déc. n° 2011-626 DC), le Conseil constitutionnel a rappelé que « l’article 16 de la Déclaration de 1789 et l’article 64 de la Constitution garantissent l’indépendance de l’ensemble des juridictions ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions, sur lesquelles ne [peut] empiéter […] aucune autorité administrative ». Le DDD a par exemple le pouvoir d’injonction, les poursuites disciplinaires388, la publication d’un rapport spécial tenant lieu de réprimande389, les observations en justice390 et la transmission de dossiers au parquet. Le pouvoir de consultation du Conseil d’État est une disposition « originale et sans précédent » selon Serge SLAMA391. La procédure est calquée sur celle des demandes d’avis du gouvernement et consiste pour le Défenseur des droits à consulter le CE lorsqu’il est saisi d’une réclamation non encore soumise à une autorité juridictionnelle qui pose une question sur l’interprétation ou la portée d’une disposition législative ou règlementaire.

384 Sur habilitation spéciale, les demandes d’explication, d’information et de vérification sur place peuvent être déléguées à des délégué⸱e⸱s et agent⸱e⸱s conformément à l’article 37 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 201. Et l’article 7 du décret n° 2011-905 du 29 juillet 2011 relatif à l’organisation et au fonctionnement des services du Défenseur des droits, dispose que seuls les agents publics de catégorie A ou assimilés peuvent recevoir délégation de signature.

385 Seules les demandes d’explications, d’information et vérifications sur place (sur habilitation spéciale) peuvent être déléguées aux délégués et agents (article 37 loi organique). Seuls les agents publics de catégo- rie A ou assimilés peuvent recevoir délégation de signature (décret n° 2011-905 du 29 juillet 2011 relatif à l’organisation et au fonctionnement des services du Défenseur des droits, article 17). SLAMA, Serge. Op cit., p. 463.

386 L’article 11 de la loi organique et article 2 du décret n° 2011-905 dispose qu’un certain nombre d’habilitations du Défenseur des droits ne peuvent être déléguées aux adjoint⸱e⸱s : notamment la demande d’avis et la consultation du Conseil d’État ou de la Cour des comptes, l’engagement de poursuites disciplinaires, les pouvoirs consultatifs, le pouvoir et la publicité de recommandations, la demande d’inspection aux ministres, le pouvoir d’injonction.

387 SLAMA, Serge. Op cit., p. 463.

388 Article 29 LO et articles 16 et 17 D. n° 2011-904.

389 Article 25 al. 4 LO et 15 D. n° 2011-904 : Lorsque ses recommandations ne sont pas suivies d’effet ou qu’il n’est pas satisfait par les informations, le Défenseur des droits peut enjoindre à la personne ou à l’organisme mis en cause de prendre les mesures nécessaires dans un délai déterminé. Sinon, il fait un rapport qu’il peut rendre public après l’avoir transmis à la personne ou à l’organe concerné⸱e.

390 Article 33 LO.

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Ces attributions quasi-juridictionnelles du DDD paraissent franchir la ligne imposée, et celles-ci participent à rendre l’organe efficace.

2. Une rénovation conceptuelle dans la politique française de lutte contre

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