• Aucun résultat trouvé

Unité illocutoire et relations subordonnantes

4 | Une segmentation à l’interface macrosyntaxe/discours

4.3 Où inférer quelles relations de discours ?

4.3.2 Unité illocutoire et relations subordonnantes

Les unités minimales seront donc assimilables à une unité de discours, com-plexe ou non, selon leur composition interne. Les unités illocutoires rencontrées peuvent également être classées selon leur composition interne : elles peuvent être réduites (coextensives) à une unité noyau, et donc potentiellement être analysée en ude, ou posséder des ad-noyaux et être alors susceptibles d’une analyse en udc. Tous les composants illocutoires identifiés devraient, en tant qu’actes straté-giques, être arguments d’une relation discursive15. Cela nous l’avons vu précédem-ment, en section 4.1.2. La nature relationnelle (et asymétrique) des composants illocutoires nous donne également des renseignements sur le type de relations dis-cursives identifiables.

Où l’on retrouve l’asymétrie des unités macrosyntaxiques La rst de

(Mann et Thompson, 1988) reconnaît que certaines unités discursives sont « plus essentielles » que d’autres, et cette distinction apparaît dans la façon dont elle nomme les arguments des relations qui les lient : l’unité essentielle sera le noyau, l’autre le satellite. L’ordre dans lequel apparaissent ces unités peut varier, mais des tendances sont observées (tableau4.3).

C’est sans doute la même asymétrie qui se retrouve à l’intérieur des unités illocutoires, bien que les éléments entretenant ce rapport, et donc ce rapport lui-même, soient internes à (et l’asymétrie limitée par les frontières de) l’ui.

Donc le noyau macrosyntaxique, seule unité obligatoire (donc la plus « essen-tielle ») de l’ui, est analysable en rst comme un noyau, les ad-noyaux étant alors des satellites.

Enfin, nous pouvons supposer, avec (Fabricius-Hansen et Ramm,2008) et (Dan-los, 2009), que cette asymétrie est représentée en sdrt par la distinction entre les relations subordonnantes et coordonnantes.

15. Pour une raison pratique, les ad-noyaux quand ils sont présents, n’impliqueront pas for-cément (dans notre annotation) une segmentation en sdrt, et c’est particulièrement vrai pour les post-noyaux . Nous y reviendrons lors de la présentation pratique de l’annotation de notre corpus, au chapitre5.

4.3 Où inférer quelles relations de discours ? 115

Satellite before Nucleus

Antithesis Conditional Background Justify Concessive Solutionhood

Nucleus before Satellite

Elaboration Purpose Enablement Restatement Evidence

Table 4.3 – Ordre canonique des empans pour quelques relations en rst (Mann et Thompson, 1988, p. 256) N oyau ad-N (a) topique ad-N N oyau (b) topique N oyau ad-N (c)

Figure 4.3 – Les configurations possibles entre composants illocutoires en sdrt

Les conséquences de l’asymétrie Dans l’udc formée par les composants

illo-cutoires de l’ui, les relations asymétriques entre l’unité (ude ou udc) réalisée par ce noyau macrosyntaxique et les autres actes discursifs, à l’intérieur de l’ui, seront donc des relations subordonnantes. Plusieurs configurations sont possibles, selon les ad-noyaux présents, qui se résument ainsi :

— pré-noyau(x) < noyau

— pré-noyau(x) < noyau > post-noyau(x) — noyau > post-noyau(x)

Les in-noyaux et autres unités illocutoires associées qui par définition se rap-prochent des actes de régulation (lesquels ne peuvent prétendre à une relation coordonnante avec le noyau) sont écartés pour plus de lisibilité. Les structures construites par rattachement d’une nouvelle unité au moyen d’une relation subor-donnante sont données à la figure 4.3.

La construction en 4.3c représente un post-noyau rattaché à un topique do-minant le noyau. Il s’agit d’une configuration rencontrée par exemple quand une unité renvoyant à un événement est située entre deux unités, renvoyant à un état, qui constituent son Arrière-plan :

116 Chapitre 4 Une segmentation à l’interface macrosyntaxe/discours πF T Arrière-plan Arrière-plan Élaboration πa πc πb

Figure 4.4 – Représentation de (4.23) selon (Asher, Prévot et Vieu, 2007) été jetés contre la fenêtre. (c) Le village était alors plongé dans l’obscurité en raison d’une coupure de courant. [...]

Dans cet exemple repris de (Asher, Prévot et Vieu, 2007, ex.27), (a) et (c) sont rattachées à un framing topic qui domine (b).

La plupart des post-noyaux annotés dans le corpus ressemblent aux post-rhèmes et se classent en deux catégories (l’expression du point de vue du locuteur, ou reprise (lexicale, mais pas uniquement) d’un pronom du noyau), et ne sont pas susceptibles d’entrer dans ce type de configuration. Il semblerait qu’un post-noyau ne puisse pas construire4.3c.

(4.24) a. Segmentation macrosyntaxique

LH1 : "non"

mais DEUG de biolo < c’est bien si tu t’intéresses { aux animaux | et tout } //mais je sais pas si ça donne grand chose "hein" > DEUG de biolo //

b. Segmentation sdrt

LH1 : [ non mais DEUG de biolo ]_10 [ c’est bien si tu t’intéresses

aux animaux et tout ]_9 [ mais je sais pas si ça donne grand chose hein]_8 [ DEUG de biolo ]_7

(61alh1CL_profs) Si nous devions représenter (4.24), la sdrs de la figure 4.5b aurait notre préfé-rence. Malgré la symétrie proposée par la première sdrs, l’apport discursif de la deuxième occurrence de « DEUG de biolo » n’est pas comparable à la première, laquelle ouvre une sorte de topique discursif. L’apparition finale de ce segment sert plutôt à désambiguïser le ça du noyau K8, qui pourrait reprendre « tu t’intéresses aux animaux ».

Si effectivement les post-noyaux ne peuvent être reliés aux noyaux selon la confi-guration4.3c, il s’agirait d’un corollaire important de l’analyse macrosyntaxique, car nous pourrions adopter l’hypothèse que le noyau de la dernière unité illocutoire intégrée à la sdrs en construction apparaît toujours sur la frontière droite (d’un

4.4 Bilan 117 πa Arrière-plan Elab. Arrière-plan π10 π7 π9:8 π9 Contraste π8 (a) πa Arrière-plan Élaboration π10 π9:8 π9 Contraste π8 Élab. d’E π7 (b) Figure 4.5 – sdrs possibles de 4.24

graphe construit de gauche à droite et de haut en bas), et serait donc toujours accessible pour le rattachement des unités subséquentes.

4.4 Bilan

L’analyse macrosyntaxique16 du projet Rhapsodie nous permet donc une seg-mentation, théoriquement fondée et empiriquement vérifiée, plus systématique que celle offerte par les manuels rédigés pour chaque campagne d’annotation. Nous avons montré que la segmentation macrosyntaxique rejoignait sur de nombreux points les travaux théoriques sur la segmentation du discours en unités élémen-taires. En accord avec (Hannay et Kroon, 2005), nous nous restreindrons à an-noter le discours selon trois des quatre dimensions définies par (Steen, 2005) : la dimension conceptuelle n’est pas directement observable, et une segmentation en

propositions, comme le recommandent les grandes théories des relations discursives

(rst et sdrt en particulier) est difficile à mettre en place, du fait du manque de critères objectifs (cf. la propositionnalisation ad hoc de syntagmes adverbiaux, qui sont par ailleurs identifiés comme des unités discursives selon l’approche que nous avons retenue).

La segmentation en composants illocutoires permet de « dégrossir » le texte oral, suffisamment pour une analyse postérieure en sdrt ; un affinage subséquent, fondé sur le regroupement ou la fragmentation des unités macrosyntaxiques, four-nira les unités de discours élémentaires de l’analyse discursive (cf. 5).

16. Cette analyse, en s’inspirant de l’approche florentine de la lact dans la définition de son unité maximale est plus pragmatique sans doute que son autre parent aixois du gars. Nous conserverons le terme macrosyntaxe pour la définir, en réservant celui de pragma-syntaxe à l’approche fribourgeoise, dont les relations entre énonciations, plus pragmatiques que macro-syntaxiques, sont également bien plus développées.

118 Chapitre 4 Une segmentation à l’interface macrosyntaxe/discours

Enfin, les critères de la segmentation macrosyntaxique et les unités ainsi défi-nies nous permettent de faire des hypothèses fortes sur les relations identifiables, dans une unité illocutoire, entre les différents composants. L’influence des rela-tions macrosyntaxiques d’ad-fixation sur la structure du discours est un argument supplémentaire en faveur d’une analyse syntaxique liminaire.

5 | Une annotation du corpus en