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6 | Parce que et les relations de discours

Axiome 6.1. Inférer Explication Parce que-C Régie

6.1.4 Problèmes de décision

Les relations de type Explication reprennent donc la tripartition du domaine d’interprétation des parce que-C causales présentée à la section 1.2. Ces relations, bien que différentes, ne sont pas toujours facilement identifiables en corpus.

6.1.4.1 Explication et Explicationmod

Les configurations en [c’est + adjectif] parce que-C ou [c’est + sn] parce que-C en particulier peuvent poser un problème d’interprétation, dû à la valeur modale

intrinsèque du lexème. Selon Debaisieux (2002, p. 360s), de la nature objective ou subjective de l’adjectif (ou de la construction nominale) dépendrait la lecture — respectivement — de contenu ou interpersonnelle de la parce que-C . Cette correspondance biunivoque est ensuite nuancée :

Nous poserons donc qu’il est généralement difficile de déterminer si [parce que-C ] exprime la cause d’un fait ou la justification de

l’énon-164 Chapitre 6 Parce que et les relations de discours ciation du jugement qui en résulte quand la séquence en question com-porte un élément « subjectif » (Debaisieux, 2013a, p. 223).

Il y a lieu de nuancer la nature subjective de l’adjectif. Un autre paramètre peut être convoqué pour décider des lectures à donner à ce type d’exemple : l’instance

de validation de Gosselin (2010)6, qui distinguera le sujet parlant du sujet modal ou instance de validation. La nature subjective d’un adjectif peut ainsi être validée

individuellement, comme en (6.16), ou non. Dans ce cas, la validation peut être

col-lective (« validée par un ensemble de sujets »), comme en (6.17), ou institutionnelle (« validée par un système de conventions »).

(6.16) a. E : "ah" "remarque" c’est bien "euh" quand même // LA1 : voilà //

E : parce que (** [pask@] **) elle < à vingt-quatre ans < LA1 : ( voilà // )

E : elle commence { à travailler |

et tout } //

LA1 : c’est une expérience inestimable pour elle //

b. E : [ ah remarque c’est bien euh quand même ]_1

LA1 : [ voilà ]_0

E : [ parce que [ elle ]_a [ à vingt-quatre ans ]_b LA1 : [ voilà ]_X

E : [ elle commence à travailler ]_c [ et tout ]_d ]_p LA1 : [ c’est une expérience inestimable pour elle ]_-1

(91aal1CG_vingt-quatre_ans_pcq2) (6.17) a. E : vous parlez couramment l’italien //

LS1 : { non | non | non } // c’est dommage d’ailleurs // "non" je

suis partie "euh" {{ chez | "euh" dans } une usine (+ de carrelage > puisque c’est mon métier ) | dans une usine de carrelage } où [ là-bas < tout le monde parlait français ] // donc < moi < j’y suis allée < je savais que je pourrais parler français //

et c’est dommage //parce que pour avoir vécu { deux | deux } mois < & // c’est

pas beaucoup deux mois //mais "enfin" { je | je } comprends un petit peu l’italien //

mais { je | par contre < je } le parle pas "non" // j’aurais dû en profiter //

mais "bon" // b. E : [ vous parlez couramment l’italien ]_8

6. La présentation du concept parGosselin (op. cit., p. 61s) lui donne pour origine le sujet modal de Bally (1932) et la qualité de validation de l’énoncé de Berrendonner (1981)††. Bally, Charles (1932). Linguistique générale et linguistique française, Paris, Leroux.

6.1 Les relations de type Explication 165

LS1 : [ non non non ]_7 [ c’est dommage d’ailleurs ]_6 [ non je suis

partie euh chez euh dans une usine [ de carrelage ]_5 [ puisque c’est mon métier ]_4 dans une usine de carrelage où là-bas tout le monde parlait français ]_3 [ donc moi j’y suis allée ]_2 [ je savais que je pourrais parler français ]_1 [ et c’est dommage ]_0 [ parce que [ pour avoir vécu deux deux mois ]_a [ c’est pas beaucoup deux mois ]_b [ mais enfin je je comprends un petit peu l’italien ]_c [ mais je par contre je le parle pas non ]_d ]_p [ j’aurais dû en profiter ]_-1 [ mais bon ]_-2

(12als1CG_dommage) Une parce que s’attachant à une construction en c’est X comportant un élément

subjectif ne sera considérée comme modale que si le caractère individuel de la

vali-dation est avéré (quand même en (6.16) est un bon indice du caractère individuel de la subjectivité, comme peut l’être la présence d’unités illocutoires associées, comme je crois, je pense, dans la base). La parce que-C a également un rôle dans l’établissement du caractère collectif de la subjectivité : la parce que-C introduit le plus souvent l’expression de l’opinion collective (la doxa). En (6.17), cette opinion collective est donc qu’on se doit de considérer toute période prolongée à l’étranger comme un séjour linguistique immersif. Dans l’exemple suivant, la parce que-C rappelle que pour une grande partie de la population, les fêtes familiales de fin d’année perdent de leur attrait quand le père Noël n’en fait plus partie.

(6.18) a. RG1 : quand j’ai su que le Père Noël n’existait pas "eh bien" < ma

mère < avec sa sœur < { { elle | elle } a dit | j’ai dit } [ { "euh" le Père Noël < il & (

parce

qu’elles parlaient entre elles // ) | le Père Noël tiens } ( comme ça) < c’est vous // { c’est "euh" | c’est vous } // ] //et { ma mère dit à sa sœur { { en | en } langue d’oc donc | en patois } | elle lui dit } [ tiens lo sap // ] // ça veut dire [ il le sait // ] //

AD1 : il le sait //

RG1 :

et voilà //

AD1 : tu as eu tort "hein" //parce que ça a été fini après //

b. RG1 : [ quand j’ai su que le Père Noël n’existait pas eh bien ]_12 [ ma mère avec sa sœur elle elle a dit j’ai dit euh ]_11 [ le Père Noël il [ parce qu’elles parlaient entre elles]_10 le Père Noël tiens ]_9 [ comme ça ]_8 [ c’est vous ]_7 [ c’est euh c’est vous ]_6 [ et ma mère dit à sa sœur en en langue d’oc donc en patois elle lui dit ]_5 [tiens lo sap ]_4 [ ça veut dire il le sait]_3

166 Chapitre 6 Parce que et les relations de discours

RG1 : [ et voilà ]_1

AD1 : [ tu as eu tort hein ]_0 [ parce que ça a été fini après ]_p

(75xad1CL_père_noël_pcq2) La parce que-C fait appel à la doxa, s’éloignant ainsi de la subjectivité individuelle. D’où l’identification d’Explication(0,p) en (6.17) et (6.18), et d’Explicationmod(1,p) en (6.16).

La difficulté à distinguer le domaine sur lequel porte la parce que-C , difficulté illustrée pour le couple contenu/modalité d’énoncé par les configurations en c’est X

parce que-C, se retrouve pour le couple modalité d’énoncé/modalité d’énonciation.

6.1.4.2 Explicationmod et Explication*

La lecture en acte de langage de la parce que-C dépend pour l’analyste, nous l’avons dit, de l’identification d’un besoin de justifier un acte de langage précédent, dans le but de ménager les faces des interlocuteurs. Une question ou une contra-diction peuvent être de bons indices du déclenchement d’un tel besoin (cf. (6.12) ou(6.14-b)). Toutes les questions ne seront pas considérées comme nécessitant un acte atténuant une possible agression, en particulier dans les entretiens dirigés (les extraits notés « CG »), où l’enquêteur ne fait qu’obéir à un protocole ayant été accepté par l’enquêté. Il est en effet plus difficile d’être agressé par une question quand celle-ci est constitutive d’un processus auquel on se soumet volontairement. Parfois donc, la décision d’annoter Explicationmod ou Explication* pourra sembler arbitraire.

Le problème du rattachement se pose également quand deux unités sont po-tentiellement disponibles :

(6.19) a. LA1 :

et

puis j’ai cru que c’était super cher //

et en fait < { j’ai | j’ai } regardé sur internet // = en fait < (XX) j’ai tout regardé //et en fait < je me suis aperçue que j’ai une a∼ & il y a une bou∼ & { il y a | il y a } des chaussures d∼ fabrication française // il y a une usine en France "bon" { qui est dans le sud |} // "euh" non // {| qui est à côté de Grenoble |} // rien à voir // {| pas dans le sud } "enfin" "bon" //

et "euh" ils font des chaussures de danse //

et tu choisis tout //

E : mais { tu au∼ | tu auras } pour "euh" & // c’est vendredi (XXX) //

LA1 : oui // { non | non | non } // je les aurai pas vendredi // E : "ah" "ouais" //parce que

LA1 : ( "non" je les aurai pas vendredi // ) E : je me disais [ ça faisait un peu juste ] //

6.2 Les relations de type Arrière-plan 167

b. LA1 : [ et puis j’ai cru que c’était super cher ]_17 [ et en fait j’ai j’ai regardé sur internet ]_16 [ en fait (XX) j’ai tout regardé ]_15 [ et en fait je me suis aperçue que j’ai une a∼ il y a une bou∼ il y a il y a des chaussures d∼ fabrication française ]_14 [ il y a une usine en France ]_13 [ bon qui est dans le sud ]_12 [ euh non qui est à côté de Grenoble ]_11 [ rien à voir ]_10 [ pas dans le sud ]_9 [ enfin bon ]_8 [ et euh ils font des chaussures de danse ]_7 [ et tu choisis tout ]_6

E : [ mais tu au∼ tu auras pour euh ]_5 [ c’est vendredi (XXX) ]_4 LA1 : [ oui ]_3 [ non non non ]_2 [ je les aurai pas vendredi ]_1 E : [ ah ouais ]_0 [ parce que ]_p.1

LA1 : [ non je les aurai pas vendredi ]_X E : [ je me disais ça faisait un peu juste ]_p.2

(91aal1CL_usine_pcq1) Dans cet exemple, πp peut être rattaché à π0 par Explication*, si la lecture retenue est celle où e donne son avis sur la date de réception probable d’une commande passée sur internet par la1 : ne connaissant pas tous les paramètres de cette transaction, son intervention en π0 peut sembler inappropriée, d’où une justification en parce que. Une autre lecture voit en πp la cause de la question en

π5:47.

6.2 Les relations de type Arrière-plan

La relation Arrière-plan(α, β) est identifiée lorsqu’un constituant donne des informations sur la situation dans laquelle l’éventualité décrite dans l’autre consti-tuant se produit. Le segment en avant-plan doit décrire un événement, celui en arrière-plan un état (cf. l’ exemple ci-après, repris de (Muller et al., 2012)). (6.20) a. Marie entra dans la cuisine. Pierre faisait la vaisselle.

b. Pierre faisait la vaisselle quand Marie entra.

7. L’analyse syntaxique de cet empan de texte est délicate : une analyse en greffe (Deulofeu,

2010) est possible

∧mais { tu au∼ | tu auras } pour "euh" [ c’est vendredi (XXX) // ] //

mais n’a pas été retenue, en partie à cause du trop grand poids de l’interprétation, due à la non-transcription d’un segment inaudible, à la non-réalisation de certains arguments (l’objet, par exemple), etc. La locutrice la1 répond cependant à la question telle que nous la comprenons, tu les auras pour vendredi ?

168 Chapitre 6 Parce que et les relations de discours La relation d’Arrière-plan correspond à deux configurations, « en arrière » et « en avant », selon les positions respectives de segments en avant-plan et en arrière-plan. Cette relation est considérée comme subordonnante depuis (Vieu et Prévot,

2004).

Axiome 6.2. Inférer Arrière-plan (Asher et Lascarides, 2003, p. 207) 1. ?(α, β, λ) ∧ state (α) ∧ ¬ state (β) > Arrière-planen arr. (β, α, λ) 2. ?(α, β, λ) ∧ state (β) ∧ ¬ state (α) > Arrière-planen av. (α, β, λ)

La relation d’Arrière-plan de la sdrt agrège les relations d’Arrière-planrstet de Circonstancerstde la rst8 (Asher, Prévot et Vieu,2007). En sdrt, l’identification de cette relation implique que les segments reliés se chevauchent temporellement (ce qui n’est pas nécessaire pour Arrière-planrst) :