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La « grammaire interpersonnelle » de Verstraete ( 1998 ,

1 | Parce que : des exemples for- for-gés aux données attestées

1.2 Trois domaines d’interprétation de la parce

1.2.2 La « grammaire interpersonnelle » de Verstraete ( 1998 ,

1999, 2007)

Les propositions de Verstraete (1999,2007) s’opposent à celle de Ferrari (1992) sur un point particulier. Là où Ferrari essaie de ramener les fonctionnements de

parce que à une valeur initiale et immuable, en lien avec l’analyse classique qui fait

de parce que une « conjonction de subordination » ayant vocation à introduire des « propositions subordonnées »,Verstraetesépare clairement l’élément introducteur du segment introduit (cf. section1.3et chapitre 2pour d’autres propositions allant dans le même sens).

Verstraete (2007) renonce d’ailleurs à l’opposition (simple) entre coordination et subordination, et propose une approche qui distingue quatre relations. Les re-lations définies dans cette « interpersonal grammar » reposent sur l’évaluation de trois paramètres,

modality, speech function and scope. [. . . ] they take care of three in-terrelated functions, organized around the central function of

moda-compris comme la cause de Q, et si cause (P, Q) n’est toujours pas interprétable, le prédicat dire est attaché à P.

Soit, avec l’exemple (1.1) reproduit ici en(i):

(i) a. cause (Q,P) : Il pleure parce qu’il est seul.

b. cause (P,Q) : Les voisins sont partis, parce que leur voiture n’est plus là.

c. cause (Q,question(P)) : Est-ce que Marie est malade ? Parce qu’elle a été vaccinée. d. cause (dire(P),Q) : Il y a du poulet dans le frigo, parce que je n’ai pas envie de

faire à manger.

. Blakemore, D. (1987). Semantic Constraints on Relevance, Oxford, Blackwell.

††. Sperber, D. et Wilson, D. (1986). Relevance : Communication and Cognition, Oxofrd, Basil Blackwell.

10. Nous reviendrons sur cette distinction, que nous utiliserons pour identifier les relations d’explications modales, en la rattachant aux unités (macrosyntaxiques) de noyau et d’ad-noyau, en section5.2.

1.2 Trois domaines d’interprétation de la parce que-C 23 A conn B modalité

d’énon-ciation propre à B modalité d’énon-cé propre à B B hors de la por-tée de A coordination ✓ ✓ ✓ modal subordination ✗ ✓ ✓ free subordination ✗ ✗ ✓ bound subordination ✗ ✗ ✗

Table 1.2 – Les quatre relations de Verstraete (2007, p. 283) lity : modality encodes a position towards the propositional content of the clause, speech function assigns responsibility for this position in speaker-interlocutor interaction, and scope delineates the domain over which this position operates (op. cit., p. 7).

Selon les valeurs accordées à chacun de ces paramètres, la relation entre deux segments A et B sera l’une des quatre présentées dans le tableau 1.2, où speech

function, modality et scope ont été traduits par modalité d’énonciation, modalité d’énoncé et portée, respectivement.

Les constructions en because, tout comme les parce que-C , ne peuvent entrer dans une relation de « modal subordination11» ; seules les relations de

coordina-tion (1.14-a), free subordination (1.14-b) et bound subordination (1.14-c)12 sont disponibles :

(1.14) a. Les voisins sont partis, parce que leur voiture n’est plus là. b. Parce qu’il est seul, il pleure.

c. Il pleure parce qu’il est seul.

Ces paramètres relèvent de la syntaxe interne de la parce que-C pour les deux pre-miers (la modalité d’énonciation et la modalité d’énoncé), et de la syntaxe externe de la parce que-C pour le dernier (Debaisieux, 2013b, p. 48) : le paramètre de la

portée (de A sur B dans un empan de texte de type A parce que B) se réduit à la

question de savoir si la valeur modale de A (la composante « interpersonnelle » de la grammaire selon Verstraete) s’applique à B.

La portée (scope) de Verstraete, est une notion intéressante qui permet d’ex-pliquer pourquoi les parce que-C microsyntaxiques ne peuvent avoir, en repre-nant la terminologie de Sweetser (1990)13, qu’une lecture de « contenu »

(content-11. Selon Deulofeu (2013, p. 475), la macrosyntaxe aixoise analyserait cette relation comme un « regroupement de noyaux », cf. (Blanche-Benveniste et al., 1990, p. 144s)

12. Elles correspondent à ce que nous analyserons (chapitres2 et5) comme des noyaux intro-duits, des parce que-C régies antéposées (préfixées) ou régies dans le noyau, respectivement.

24 Chapitre 1 Parce que : des exemples forgés aux données attestées conjunction reading). Verstraete (1998, 1999, 2007) argue que les constructions

bound subordinate, les parce que-C régies par exemple, ont une lecture de « contenu »

due à l’interaction des critères de portée et de rection (scope et embedding) : les constructions régies (les embedded clauses de Verstraete (1998, p. 193) ou les central

adverbials de Haegeman (2003)) sont sous la portée des modalités de la proposition principale (cf. tableau1.2). Étant sous la portée de la composante interpersonnelle (qui correspond à peu près à la « composante positionnelle » de Ferrari (1992)), la

parce que-C régie ne peut donc pas à son tour porter sur cette composante.

En fait, Verstraete (1998) précise que cette restriction ne s’applique qu’aux constructions régies liées, réalisées en une seule unité intonative (one-contour

confi-gurations), ce qui exclut donc les épexégèses.

(1.15) a. Barbara has come back because her lights are on / Barbara est revenue parce que la lumière est allumée / b. Barbara has come back / because her lights are on /

Barbara est revenue / parce que la lumière est allumée /

En(1.15-a)14, réalisé en une seule unité intonative (dont la frontière droite est marquée par« / ») , une seule lecture est possible, celle où le retour est motivé par un oubli. Quand deux énoncés phonologiques sont identifiables, comme en(1.15-b), une autre lecture est disponible, où la présence de lumière est l’indice d’un retour (possible) de l’occupant.

Le paramètre de portée permet donc d’expliquer que seule une lecture de

contenu est disponible en présence d’une parce que-C régie liée. Dans les cas

de coordination, c’est-à-dire en présence d’un parce que macrosyntaxique (les cas d’épexégèse ne sont pas traités par Verstraete (2007)), le terme droit (dans une configuration A parce que B) n’est donc pas sous la portée des systèmes interper-sonnels du terme gauche (de A). La parce que-C est donc libre de porter sur ces derniers, ou sur le contenu propositionnel de A.

Verstraete(et plus particulièrement (Verstraete, 1998,1999)) opère une double division des domaines d’applications des conjonctions : s’il rejoint (Sweetser,1990) dans sa division tripartite, il conserve néanmoins (sur les critères vus à la

sec-relation par un connecteur. Elle distingue le niveau du contenu propositionnel, le niveau épisté-mique et le niveau de l’acte de langage. Ce découpage peut être comparé à celui opéré par la Grammaire fonctionnelle (de Dik et al. (1990), par exemple), et les niveaux de la prédication, de la proposition et de la clause, ou encore aux états de chose (States of Affairs), à la modalité d’énonciation et à la modalité d’énoncé deVerstraete.

14. Ces exemples se distingueront, dans l’approche macrosyntaxique retenue pour l’analyse (cf. section1.3.2et chapitre2) : une parce que-C régie dans le noyau s’opposera à une parce que-C régie hors unité illocutoire (une épexégèse).

1.2 Trois domaines d’interprétation de la parce que-C 25

conjunction

external conjunction internal conjunction

internal-modal internal-speech act

Figure 1.3 – Les domaines d’utilisation des « conjonctions » selon (Verstraete,

1998)

tion 1.1) le niveau d’opposition (opérateur-connecteur) du Groupe λ-l (1975) (fi-gure 1.3), lequel correspond à la distinction entre parce que micro- et macrosyn-taxique basée sur la notion synmacrosyn-taxique de rection.

Verstraetepropose donc une tripartition semblable à celle de (Sweetser,1990), mais qui n’est plus uniquement basée sur des critères sémantiques. La distinction entre une lecture modale ou une lecture du niveau de l’acte de langage peut être illustrée par :

(1.16) a. Les voisins sont partis / parce que leur voiture n’est plus là / b. Les voisins sont partis / parce que je ne veux plus te voir traîner

devant chez eux /

Selon Verstraete (1999), expliciter la modalité d’énoncé a un « strengthening effect on the cohesion of epistemic examples and a disruptive effect on the cohesion of speech functional » : ainsi l’insertion d’un devoir épistémique en(1.16-a)rendra la lecture modale plus évidente, alors que cette même insertion en(1.16-b)perturbera l’interprétation (cf. 1.17).

(1.17) a. Les voisins doivent être partis / parce que leur voiture n’est plus là /

b. ? Les voisins doivent être partis / parce que je ne veux plus te voir traîner devant chez eux /

Cette approche fonctionnelle permet de donner une assise syntaxique aux ana-lyses sémantiques de Sweetser (1990), les paramètres interpersonnels et de portée fournissant des tests favorisant l’identification du domaine d’établissement de la relation causale15.

15. Nous verrons à la section5.2qu’une subdivision des niveaux du contenu et de la modalité d’énoncé est encore possible. Ces subdivisions sont proposées par Degand et Fagard (2008) par

26 Chapitre 1 Parce que : des exemples forgés aux données attestées

1.3 Les analyses macrosyntaxiques de Debaisieux

Les parce que macrosyntaxiques ont été étudiés par Debaisieux depuis (De-baisieux, 1994b), qui a proposé des analyses macrosyntaxiques de parce que selon différentes approches (la macrosyntaxe du gars et la pragma-syntaxe du Groupe de Fribourg, cf. chapitre 2). Ces analyses, en dehors de leur intérêt descriptif, proposent une extension des domaines d’interprétation des parce que-C et une ré-évaluation de la valeur causale de parce que, qui ne serait plus primitive (Ferrari,

1992; Moeschler,1989) mais due à un effet de sens. Cela rejoint l’analyse de Haßler (2008, p. 111), qui remarque que, pour parce que et d’autres locutions conjonctives, « on peut bien observer une fusion en une forme qui a acquis la fonction nette de subordination causale, mais [que] les traits sémantiques des composantes sont tou-jours présents et peuvent être activés dans des contextes spécifiques ».

Ces emplois de parce que qui ne relèveraient pas de la causalité sont identifiés pour because également : Schleppegrell (1991) décrit trois emplois de because à l’oral,

as a discourse-reflexive textual link which introduces a reason for or ex-planation of a prior statement ; as an expressive, non-causal link which introduces elaboration of a prior proposition16; and as a discourse marker which indicates continuation and response in conversational interaction (op. cit., p. 323)

Nous suivrons l’ordre chronologique pour présenter ces travaux.