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1 | Parce que : des exemples for- for-gés aux données attestées

1.3 Les analyses macrosyntaxiques de Debaisieux

1.1.1 Des critères génériques

Bien que, selon le médium, la typographie ou la prosodie soient parfois utili-sées pour différencier ces emplois de parce que (et de because), cette différence n’est généralement pas marquée formellement. Néanmoins, certaines manipulations per-mettent de distinguer ces deux emplois : il s’agit des tests permettant de vérifier qu’un élément est construit (régi) par le verbe de l’énoncé (cf. sections 1.3.2 et

2.2.1).

L’antéposition Les constructions en parce que opérateur peuvent être

anté-posées :

(1.2) a. Parce qu’il est seul, il pleure.

b. *Parce que leur voiture n’est plus là, les voisins sont partis

Selon Lakoff (1984, p. 477-478) et Verstraete (2007, p. 162s), la construction pré-posée est bloquée par la présence des modalités d’énonciation inhérentes aux parce

que-C en parce que connecteur, ce queLakoffexplique par l’incompatibilité desdites modalités avec le caractère présupposé (ou thématique) de la position (antéposée). Jivanyan (2015) explique l’antéposition possible des parce que-C par caractère

connu du segment introduit par parce que dans ses emplois comme opérateur.

Réponse à une question en pourquoi Seuls les parce que opérateurs peuvent

être interrogés avec ce type de question sans qu’un verbe performatif doive être rajouté (Groupe λ-l, 1975; Rutherford, 1970, etc.).

(1.3) a. (i) Il pleure parce qu’il est seul.

(ii) Pourquoi pleure-t-il ? Parce qu’il est seul.

b. (i) Les voisins sont partis, parce que leur voiture n’est plus là. (ii) *Pourquoi les voisins sont-ils partis ? Parce que leur voiture n’est

plus là.

(iii) Pourquoi dis-tu (penses-tu) que les voisins sont partis en va-cances ? Parce que leur voiture n’est plus là.

Verstraete (2007) explique le fait que seuls les parce que opérateurs puissent répondre à ces questions : les questions en pourquoi (plus généralement les ques-tions partielles) imposent leurs structures en focus-présupposition aux réponses en

parce que, avec la proposition principale comme présupposition et la parce que-C

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par énoncé (Jackendoff, 1972, p. 230), ce qui explique (donc) pourquoi seuls les

parce que opérateurs sont possibles.

Extraction Seuls les parce que opérateurs peuvent être clivés :

(1.4) a. (i) Il pleure parce qu’il est seul.

(ii) C’est parce qu’il est seul qu’il pleure.

b. (i) Il y a du poulet dans le frigo, parce que je n’ai pas envie de faire à manger.

(ii) *C’est parce que je n’ai pas envie de faire à manger qu’il y a du poulet dans le frigo

La fonction pragmatique de focalisation réalisée par l’opération syntaxique d’extraction montre que les parce que opérateurs introduisent un constituant de la base.

Question totale La mise en question (totale) des séquences en parce que

montre que les parce que connecteurs n’entrent pas sous la portée interrogative : (1.5) a. (i) Il pleure parce qu’il est seul.

(ii) Est-ce qu’il pleure parce qu’il est seul ?

b. (i) Il y a du poulet dans le frigo, parce que je n’ai pas envie de faire à manger.

(ii) Est-ce qu’il y a du poulet dans le frigo ? Parce que je n’ai pas envie de faire à manger.

(iii) *Est-ce qu’il y a du poulet dans le frigo parce que je n’ai pas envie de faire à manger ?

Ces trois tests sont utilisés par le Groupe λ-l (1975), par Rutherford (1970), et par Dik et al. (1990). Pour ces derniers, ils permettent de distinguer les

representa-tional satellites des interpersonal satellites (cf. la distinction external-internal de

Halliday et Hasan (1976)) :

Focus on satellites may be taken as evidence that they form part of the extended predication and are therefore representational satellites. Two tests which give a clear indication of the Focus status of a constituent are : occurrence as an answer to a WH-question [. . . ] and occurrence in contrastive contexts such as constructions with alternative negation and interrogation.A further test showing that representational satellites are part of the domain within which pragmatic functions are assigned is [. . . ] that all these satellites can be clefted. (op. cit., p. 40s)

Pour le gars, la possibilité de trouver une interrogation en pourquoi et le cli-vage montrent le caractère régi de l’élément testé, tout comme le test de l’insertion

1.1 L’opposition opérateur - connecteur 13 d’un adverbe paradigmatisant que nous présentons ci-dessous.

Modification par un adverbe Ce test est employé par le Groupe λ-l (1975). Il repose sur des adverbes analysés par Nølke (1983) comme des adverbes introdui-sant une présupposition sur l’existence d’un paradigme ouvert par le constituant ainsi modifié :

Les adverbiaux paradigmatisants [. . . ] relient la phrase où ils se trouvent à la même phrase différant seulement de la phrase en question en ce que l’adverbial est omis, et en ce que l’élément auquel il était lié est remplacé par un autre élément de même nature (op. cit., p. 19)

L’existence d’un paradigme fonctionnel pour les éléments régis est donc validée quand l’insertion d’un tel adverbe est possible (1.6).

(1.6) a. (i) Il pleure parce qu’il est seul.

(ii) Il pleure uniquement parce qu’il est seul.

b. (i) Les voisins sont partis parce que leur voiture n’est plus là. (ii) *Les voisins sont partis uniquement parce que leur voiture n’est

plus là.

Transformation et ambiguïté Certaines configurations font ressortir le

comportement ambigu, ou plutôt la double lecture des constructions à opérateur (Groupe λ-l, 1975; Rutherford,1970).

Transformation négative Les parce que opérateurs peuvent avoir des

inter-prétations ambiguës lorsque leur verbe recteur est modalisé : (1.7) a. Il ne pleure pas parce qu’il est seul.

(i) Ce n’est pas parce qu’il est seul qu’il pleure. (ii) S’il ne pleure pas c’est parce qu’il est seul.

b. Il y a du poulet dans le frigo, parce que je n’ai pas envie de faire à manger.

(i) Il n’y a pas de poulet dans le frigo, parce que je n’ai pas envie de faire à manger.

La réaction de (1.7-a) aux tests du clivage et à celui du Si-dispositif proposé par Sabio (2012, p. 122)2 montre le caractère régi de la parce que-C (l’emploi de parce

que comme opérateur). L’interprétation (1.7-a-i), que l’on peut retrouver avec

be-cause (voir par exemple Rutherford, 1970, p. 100) pose problème en sdrt : selon Asher et Lascarides (2003, p. 181), « because is a monotonic clue for Explanation »

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(axiome3.4, page79) ; il est néanmoins difficile de voir ici une explication, l’énon-ciation de (1.7-a-i) signifiant au contraire le rejet de l’identification d’une telle relation de cause à effet3.

Enchâssement Là aussi, les parce que opérateurs enchâssés peuvent être

am-bigus :

(1.8) a. Il l’épouse parce qu’elle est riche.

J’ai peur qu’il ne l’épouse parce qu’elle est riche.

b. Les voisins sont partis parce que leur voiture n’est plus là.

J’ai peur que les voisins ne soient partis parce que leur voiture n’est plus là.

L’exemple (1.8-a), repris de (Groupe λ-l, 1975), admet deux lectures : — J’ai peur de ce mariage car l’argent apporte des problèmes ;

— J’ai peur qu’il ne soit un coureur de dot.

La transformation de (1.8-b) transforme le parce que connecteur en opérateur, la rection se faisant avec la locution verbale « avoir peur », qui introduit une modalité explicite (épistémique et boulique).

Quantification Les constructions à parce que opérateurs sont ambiguës quand

elles sont quantifiées :

(1.9) Les clients viendront parce qu’il fait beau. Peu de clients viendront parce qu’il fait beau.

Cet exemple (toujours de (Groupe λ-l,1975)) admet lui aussi deux lectures : — Il y aura peu de clients ;

— La proportion de clients attirés par le beau temps sera faible.

Nous reviendrons sur ces constructions et à la manière dont nous en rendrons compte au chapitre5.

Dans toutes ces transformations, la parce que-C (en parce que opérateur) est sous la portée des modalités ou de la quantification. C’est une autre caractéristique de ces emplois, qui peut être syntaxiquement expliquée :

Another indication of the level of a satellite is the scope of the ope-rators. That is, σ1 [ predicate ] satellites fall under the scope of π1

operators, and σ2 [ predication ] and σ1 satellites both fall under the

3. Cela interdit aussi d’identifier Explication(α, β) grâce à l’axiome 3.3 (page 79), puisque le discours met en avant le fait que B, il est seul, n’est pas la cause de α, il pleure, soit ¬ causeD(σ, α, β).

1.1 L’opposition opérateur - connecteur 15 scope of π1 operators [ les constructions en parce que opérateur, par exemple ], that is the operators for negation, tense, and objective mo-dality (Dik et al., 1990, p. 41).

Les satellites de prédicat (σ1) modifient l’état de chose (State-of-Affairs, c’est-à-dire l’état, le procès. . .) décrit par la prédication, lequel est « somehow different with the satellite than it is without », alors que les satellites de prédication (σ2) le situent spatialement, temporellement, etc. Nous y reviendrons en 1.2.2, avec l’analyse (fonctionnelle) de Verstraete (1999), qui offre une explication syntaxique à l’existence de différents domaines d’interprétation (niveau du contenu

proposi-tionnel, modal et niveau des actes de langage).

1.1.2 . . . à des tests de rection

Les tests permettant d’identifier ces deux emplois font ressortir les différences syntaxiques de ces parce que-C (cf. section2.2.1). Les principaux sont l’extraction, les questions en pourquoi et l’insertion d’un adverbe paradigmatisant (Blanche-Benveniste et al., 1990; Groupe λ-l, 1975; Rutherford,1970).

En fait, la plupart de ces tests sont utilisés par le Groupe Aixois de Recherche

en Syntaxe (Blanche-Benveniste et al., 1984, 1990) pour distinguer les éléments

régis par un verbe de ceux hors rection (cf. section 1.3.2 et 2.2). Selon (Avanzi,

2007, p. 41) « les éléments régis par un verbe ont trois propriétés majeures : ils peuvent être disposés en paradigmes, modulés dans des dispositifs syntaxiques et concernés par les modalités du verbe duquel ils dépendent ». Les tests syntaxiques permettant de déterminer s’il y a rection, qui donc permettent de distinguer les emplois comme opérateur des emplois comme connecteur de parce que (les emplois, respectivement micro- et macrosyntaxiques de parce que) sont :

— la proportionnalité avec un équivalent paradigmatique (une proforme) et l’insertion d’un adverbe paradigmatisant, de par la disposition des éléments régis en paradigmes ;

— le clivage (l’extraction) et le pseudo-clivage, lesquels sont des dispositifs syntaxiques ;

— la portée des modalités ;

— le caractère obligatoire du complément ;

— l’insertion de et cela entre la parce que-C et sa base permet de distinguer les

parce que microsyntaxiques (modifieurs) des parce que macrosyntaxiques.

La proportionnalité avec un équivalent paradigmatique (un équivalent situé dans le même paradigme fonctionnel constitué par le verbe pour une même place de rection) regroupe la pronominalisation de constituants (équivalence des consti-tuants avec des pronoms (Blanche-Benveniste et al.,1990, 40s)) et la possibilité de

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trouver une interrogation correspondante (op. cit., p. 78) ; elle a pour conséquence la possibilité, pour les éléments régis, de s’organiser en « couples contrastifs ».

Le test de l’insertion d’un adverbe paradigmatisant repose sur la notion de l’existence, pour les éléments régis, d’un paradigme fonctionnel ; l’adverbe para-digmatisant présuppose l’existence d’un tel paradigme, et son insertion n’est donc possible que là où un syntagme est régi.

Le clivage (ce élément régi qui/que...) et le pseudo-clivage (ce que...c’est élément

régi) sont des « dispositifs de la rection », des « arrangements possibles entre le

verbe recteur et ses éléments régis » (op. cit., p. 55).

La test de la portée des modalités du verbe permet de savoir si un élément est régi, quand il est « concerné par les modalités ».

Les critères, à première vue hétérogènes, permettant de distinguer les emplois d’opérateur des emplois de connecteur de parce que trouvent dans la notion de

rection (verbale) de la macrosyntaxe aixoise un hyperonyme opératoire. Dans

l’ap-proche aixoise, une analyse syntaxique doit être menée sur deux niveaux simulta-nément, chacun ayant ses propres unités et sa propre combinatoire (section 2.2). Le niveau microsyntaxique sera celui des relations de rection (verbale, nominale, etc.).

La notion de rection, en plus de distinguer les différents fonctionnement de

parce que, déterminera la segmentation en unités rectionnelles de notre corpus

(cf. sections 2.5 et 4.2) préalable à une analyse discursive. Pour ces raisons, nous utiliserons dorénavant les termes de micro- et macrosyntaxe (et leurs dérivés) pour qualifier les parce que opérateurs ou connecteurs, respectivement.