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2 | Approches syntactico- syntactico-pragmatiques

2.5 Le projet Rhapsodie

2.4.2 Congruences et divergences/différences

Un court passage de l’extrait permet de comparer les analyses « multicritères » précédentes, et de les confronter à d’autres approches présentées elles aussi dans (Lefeuvre et Moline, 2011c). Il est intéressant en effet de mettre en regard les approches d’Aix et de Fribourg, prosodico-syntaxiques, et de Florence, plutôt dis-cursive, à des analyses exclusivement syntaxique (Le Goffic, 2011), prosodique (Morel,2011) ou prosodico-syntaxique à visée discursive (Simon et Degand,2011). Toutes les approches ne distribuent pas leurs unités macrosyntaxiques maxi-males avec la même facilité. Sur la figure 2.8, nous avons séparé les approches

23. Le regroupement défini prosodiquement ressemble à ce que la bien nommée Grammaire de l’intonation appelle un paragraphe oral, soit une

unité d’analyse de la parole spontanée, l’unité maximale susceptible d’une "gram-maire", au delà de laquelle les relations entre éléments relèvent de l’analyse du discours (Morel et Danon-Boileau,1998, p. 21).

Chaque paragraphe est décomposable en préambule(s) (unité à valeur thématique et modale), rhème (l’unité obligatoire) et post-rhème(s). Une séquence analysable en préambule-rhème peut être recatégorisée en préambule, en fonction de la caractérisation prosodique du rhème, comme le montre la figure2.8.

24. Et d’autant moins si l’on se place du côté de la réception : il est effectivement certain qu’en production la prosodie a un rôle important, elle impose la « dernière réorganisation avant énonciation » (Blanche-Benveniste et Martin,2011), mais au moment du décodage l’interlocuteur a accès à beaucoup plus d’informations.

2. 4 C om p ar ai so n d es ap p ro ch es p ré se n té es 59

Fribourg fin ( moi ) ( ma voiture ) ( elle est garée dans la rue ) ( j’ai un stationnement résident ) ( je passe devant ) Morel . . . ( moi ma voiture ) ( elle est garée dans la rue )n ( j’ai un stationnement résident )n( je passe devant )n

Aix . . . ( moi ma voiture ) ( elle est garée dans la rue ) ( j’ai un stationnement résident ) ( je passe devant )

Le Goffic fin ( moi ma voiture ) ( elle est garée dans la rue )Nfin ( j’ai un stationnement résident )Nfin ( je passe devant )Nfin

Rhapsodie fin ( moi ) ( ma voiture1elle est garée dans la rue )Nfin ( j’ai un stationnement résident )Nfin ( je passe devant )Nfin

S. & D. fin ( moi ) ( ma voiture ) ( elle est garée dans la rue )N ( j’ai un stationnement résident )Nfin (je passe devant )Nfin

Florence fin ( moi ) ( ma voiture elle est garée dans la rue )Nfin ( j’ai un stationnement résident )Nfin ( je passe devant )Nfin

Fribourg ( je ne peux pas m’empêcher d’ouvrir euh la porte de monter dedans. . . . . . et et d’aller euh à euh ( voilà ) cinq minutes en voiture ) Morel ( je ne peux pas m’empêcher d’ouvrir euh )n( la porte de monter dedans ) ( et et d’aller euh à euh voilà cinq minutes en voiture )n

Aix ( je ne peux pas m’empêcher d’ouvrir euh la porte ) ( de monter dedans ) ( et et d’aller euh à euh & ) ( voilà ) ( cinq minutes en voiture ) Le Goffic ( je ne peux pas m’empêcher d’ouvrir euh la porte de monter dedans. . . . . . et et d’aller euh à euh ( voilà )Ncinq minutes en voiture )N

Rhapsodie ( je ne peux pas m’empêcher d’ouvrir euh la porte de monter dedans. . . . . . et et d’aller euh à euh ( voilà ) cinq minutes en voiture )Nfin

S. & D. ( je ne peux pas m’empêcher d’ouvrir euh la porte )N( de monter dedans )N ( et et d’aller euh à euh voilà cinq minutes en voiture. . .

Florence ( je ne peux pas m’empêcher d’ouvrir )N( euh la porte ) ( de monter dedans ) fin ( et et d’aller euh à ) fin ( euh voilà ) ( cinq minutes en voiture )Nfin

Fribourg ( ce qui me mettrait peut-être euh un petit quart d’heure à pied ) fin ( donc au dernier moment je prends ma voiture ) fin Morel ( ce qui me mettrait peut-être euh un petit quart d’heure à pied )Nfin ( donc au dernier moment ) ( je prends ma voiture )Nfin

Aix ( ce qui me mettrait peut-être euh un petit quart d’heure à pied )Nfin ( donc ) ( au dernier moment je prends ma voiture )Nfin

Le Goffic ( ce qui me mettrait peut-être euh un petit quart d’heure à pied ) fin ( donc au dernier moment ) ( je prends ma voiture )Nfin

Rhapsodie ( ce qui me mettrait peut-être euh un petit quart d’heure à pied )Nfin ( donc au dernier moment ) ( je prends ma voiture )Nfin

S. & D. . . . ce qui me mettrait peut-être euh un petit quart d’heure à pied )Nfin ( donc ) ( au dernier moment je prends ma voiture )Nfin

Florence ( ce qui me mettrait peut-être euh un petit quart d’heure à pied )Nfin ( donc ) ( au dernier moment ) ( je prends ma voiture )Nfin fin : limites des unités illocutoires (Rhapsodie)

des bdu (S. & D.) des périodes (Fribourg) des paragraphes (Morel) 1 : à segmenter en pré-noyau\noyau selon (Benzitoun et Sabio,2012). des regroupements/énoncés (Aix)

des séquences (Le Goffic) des énoncés (Florence)

N : fin de noyau \comment \rhème

N : fin des unités rectionnelles de S. & D. n : rhème recatégorisé en préambule

nota : pour Fribourg, la segmentation se fait en domaine de rectionF.

Fi g u re 2.8 – C om pa ra iso n de s se gm en ta tio ns (m ult icr itè re )

60 Chapitre 2 Approches syntactico-pragmatiques économes et les approches plus libérales.

Les approches économes ne le sont pas toutes au même degré, mais toutes le sont

par le même critère. Les unités que sont le paragraphe, la période et le regroupement sont toutes trois définies prosodiquement, leurs frontières droites marquées par un intonème conclusif. Étonnament, alors queBerrendonner comparait sa période au

paragraphe oral deMorel, dans l’extrait analysé c’est le regroupement de Blanche-Benveniste et Martin qui s’en rapproche le plus. Les deux paragraphes oraux et les deux regroupements sont effectivement coextensifs, et débordent de l’analyse (ces unités commencent avec le tour de parole, cf. figure 2.3), alors que pour Berrendonner cet extrait comporte exactement deux périodes. Là encore, cette différence pourrait être due au caractère plus subjectif de l’analyse prosodique fribourgeoise.

La question n’est pas anodine, car, pour ces approches, ces unités maximales sont des unités-seuils, distinguant l’analyse du discours de la macrosyntaxe (au sens large, qui inclut la grammaire de l’intonation, la pragma-syntaxe et la macrosyntaxe aixoise). Ces unités maximales prosodiques ont chez Berrendonner un pendant textuel, les périodes étant des programmes discursifs complets.

Les approches libérales se distinguent des précédentes par la nature de leurs

unités maximales. La composante prosodique, quand elle existe, est relativisée et non plus prédominante. Le Goffic (2011), dont l’approche présente quelques simi-litudes avec celle de Fribourg, utilise dans le traitement de l’extrait deux modules, l’un syntaxique, l’autre textuel. L’analyse s’appuie sur la transcription du texte oral, sans annotation prosodique ni ponctuation, la segmentation se faisant sur des bases syntaxiques. La phrase syntaxique étendue, dont le constituant essen-tiel est un « prédicat porteur d’un acte de langage » appelé noyau, « comporte en elle-même (à ses marges) des éléments relatifs à son énonciation » (des préfixes ou des suffixes, lesquels viennent se placer avant ou après le noyau), et ces éléments périphériques « font partie intégrante, sinon de la proposition (appréhendée par son contenu propositionnel) du moins de la proposition énoncée hic et nunc » (op.

cit., p. 14). La phrase est donc vue à la fois comme un acte de prédication et un

acte d’énonciation. La segmentation en phrases ou plutôt en séquences, la séquence « étant un essai, couronné de succès ou non, de construction d’une unité phrase » Le Goffic (2011, p. 11), est donc proche de la segmentation en énoncés de Florence et de Rhapsodie (figure2.8). Dans le module textuel, les phrases syntaxiques par-ticipent à la « construction d’un modèle de représentation du texte », construit à la manière de la grammaire de la période, en ajoutant « chaque nouvelle unité à l’état en cours de la représentation ». Chaque frontière de ces macro-unités tex-tuelles coïncide avec un paragraphe tonal de Morel, ce qui valide, d’une certaine manière, l’existence de ces derniers, tout en relativisant l’importance de l’analyse

2.5 Le projet Rhapsodie 61 prosodique pour une segmentation (macrosyntaxique) de l’oral.

Les unités discursives de base (Basic Discourse Unit ou bdu) de Simon et De-gand (2011) ont une double composante, prosodique et syntaxique. Les analyses syntaxique et prosodique sont réalisées indépendamment, et la correspondance (ou non) des deux critères permet de distinguer quatre unités différentes. Si les frontières prosodique et syntaxique coïncident, l’unité discursive est congruente. L’unité discursive peut également être groupée par la syntaxe ou groupée par

l’in-tonation, selon la composante qui en marque la frontière. La dernière catégorie

regroupe les unités discursives pour lesquelles « plusieurs unités de rection et uni-tés prosodiques se chevauchent sans que leurs frontières coïncident » (op. cit., p. 53). Leur analyse syntaxique s’inspire des travaux du gars, et est donc très proche de celles de Rhapsodie, de Blanche-Benveniste et Martin (2011) ou de Le Goffic (2011). L’analyse prosodique se fait de manière automatique, et découpe le signal sonore en unités intonatives majeures, intermédiaires et mineures. Cepen-dant, seules les frontières majeures (de continuation ou conclusives) sont utilisées dans l’identification des bdu : de ce fait, les bdu, ou au minimum les bdu groupées par l’intonation, auront tendances à être plus étendues et moins nombreuses que les unités maximales des autres approches « libérales », ce qui la rapproche des « économes ».

2.5 Le projet Rhapsodie

Sans préjuger du rapport entre syntaxe et prosodie en discours, le projet Rhap-sodie avait pour but d’en modéliser l’interface, à travers l’élaboration d’un corpus de référence du français parlé. La méthode à adopter pour l’annotation de ce cor-pus supposait donc que l’annotation syntaxique et l’annotation prosodique soient réalisées séparément. De plus, selon (Pietrandrea et al., 2014, p. 331s),

in order to identify the maximal structures of syntax and prosody, it is necessary to take into account three mechanisms of cohesion that appear to operate simultaneously and independently from one other in spoken discourse : syntactic cohesion, illocutionary cohesion and prosodic cohesion

De ce fait, l’annotation syntaxique et l’annotation prosodique ont été réalisées séparément.