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6 | Parce que et les relations de discours

Axiome 6.3. Conséquence temporelle d’Arrière-plan (Asher et Lasca-

6.2.2 Arrière-plan q

La relation d’Arrière-planq(α, β) est identifiée si Kα est une proposition et Kβ

est une question telle que toute réponse possible satisfait la sémantique

d’Arrière-plan avec Kα.

(6.26) a. LS1 : { et | "euh" et } ça faisait longtemps que tu essayais avec Fred pour & "euh" //

CR1 : non // c’est { un | plutôt un } accident // LS1 : "ah" "ouais" //

CR1 : { un accident |

mais pas désagréable } //

LS1 : ouais //

CR1 : on aurait préféré un an plus tard // LS1 :

parce

que tu as quel âge > toi // CR1 : "euh" j’ai vingt-six //

LS1 : "ah" oui //et Fred < vingt-huit // ouais // "ah" et un an plus tard < { pourquoi | pour l’appartement } //

CR1 : non // par rapport à la compétition de Fred //

b. LS1 : [ et euh et ça faisait longtemps que tu essayais avec Fred pour euh ]_7

CR1 : [ non ]_6 [ c’est un plutôt un accident ]_5 LS1 : [ ah ouais ]_4

CR1 : [ un accident ]_3 [ mais pas désagréable ]_2 LS1 : [ ouais ]_1

11. La relation notée Dis(R)(α, β) signifie que la relation R(γ, α), présente dans le contexte discursif, est maintenant contestée. Cette relation est déclenchée par l’identification de la relation de Correction(α, β).

176 Chapitre 6 Parce que et les relations de discours Élaborationq τ7 Élaboration Arrière-plan π7e QAP π7p Correction CRπ6 CRπ5 Confq Élab. d’E π4 CRπ3:0 CRπ3:2 Acquiescement Conti. CRπ0 Arrière-planq Explicationq π1 πp QAP π-5:-6 π-1

Figure 6.8 – sdrs de 12als1CL_enceinte (ex. 6.26)

CR1 : [ on aurait préféré un an plus tard ]_0 LS1 : [ parce que tu as quel âge toi ]_p CR1 : [ euh j’ai vingt-six ]_-1

LS1 : [ ah oui ]_-2 [ et Fred vingt-huit ]_-3 [ ouais ]_-4 [ ah et un

an plus tard pourquoi ]_-5 [ pour l’appartement ]_-6

CR1 : [ non ]_-7 [ par rapport à la compétition de Fred ]_-8

(12als1CL_enceinte) En (6.26), ls1 veut que des informations soient ajoutées aux connaissances par-tagées, et demande à cr1 de situer son énoncé. Une relation de type Explicationq

(mâtinée de Confirmationq), qui interrogerait sur les causes de ce souhait aurait avancé une cause probable : parce que tu es trop jeune ? ou à cause de ton âge ?. La question de ls1 n’a rien d’une demande d’explication : les réponses possibles attendues (sachant que son compagnon a vingt-huit ans, cr1 est au minimum ma-jeure), comme j’ai vingt-six ans, ne sont pas, d’elles-mêmes, explicatives12. D’avoir

12. Cet âge de vingt-six ans n’est d’ailleurs pas trop éloigné de l’âge moyen des femmes à la naissance de leur premier enfant, soit vingt-huit ans en France en 2010, selon l’Insee (https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281068).

6.2 Les relations de type Arrière-plan 177 Entrée Arrière-planq Confirmationq Explicationq

A.1.1.1 ✓ A.1.2.1 ✓ ✓ A.3.1.1 ✓ A.3.1.2 ✓ A.3.1.3 ✓ ✓ A.3.1.4 ✓ A.3.2.2 ✓ ✓ A.3.2.3 ✓ ✓ A.4.1.1 ✓

Table 6.1 – Relations discursives et questions en parce que

été interprétée comme telle, la réponse aurait dû être accompagnée d’un argument supplémentaire pour être acceptable comme explication : j’ai vingt-six ans et je

suis encore étudiante. En fait, la demande d’explication vient après, en K−5 (cf. figure6.8), une fois que ls1 a pu établir (dans la mémoire partagée) les âges respec-tifs des deux futurs parents. Il s’agit donc d’une relation d’Arrière-planq, laquelle, comme sa parente Arrière-plan vue précédemment, est utilisée pour l’établissement en discours de référents sous-spécifiés. Les parce que-C de régulation par cadrage permettaient de saturer des référents introduits indirectement ; cette parce que-C en Arrière-planq cherche à établir en mémoire discursive une condition particulière sur un référent déjà présent et (jusque-là) insuffisamment caractérisé. Dans ce cas, la régulation par cadrage (puisque, là encore, le but de l’acte illocutoire — le qrg, pour question related goal — est d’obtenir des éléments permettant de faire les inférences pertinentes) est initiée par l’interlocuteur.

Il convient de remarquer que, dans le corpus, ces régulations par cadrage de-mandées par l’interlocuteur sont régulièrement couplées à une relation de

Confir-mationq (cf. tableau 6.1) :

(6.27) a. LH1 : et puis ils envoyaient les dossiers à la fin de l’année "euh" contraints { { de | de } faire { des | des } exceptions | de coller un timbre un peu plus cher pour des gros dossiers } "enfin" // il fallait les pousser pour envoyer le dossier à Falaise > je m’en rappelle //

E : à ce point-là //

parce

qu’il fallait que ce soit eux qui

l’en-voient //

LH1 : oui // avec { les lettres de motivation des professeurs | et tout } "ouais" //

178 Chapitre 6 Parce que et les relations de discours b. LH1 : [ et puis ils envoyaient les dossiers à la fin de l’année euh contraints de de faire des des exceptions de coller un timbre un peu plus cher pour des gros dossiers enfin]_3 [ il fallait les pousser pour envoyer le dossier à Falaise ]_2 [ je m’en rappelle ]_1

E : [ ce point-là ]_0 [ parce qu’il fallait que ce soit eux qui l’envoient

]_p

LH1 : [ oui ]_-1 [ avec les lettres de motivation des professeurs et

tout ouais ]_-2

(61alh1CG_contraints) La relation Confirmationq13peut être vue comme le « pendant interrogatif » de la relation d’Acquiescement (Prévot,2004, p. 233). Debaisieux (1994b, p. 115) avait relevé que les parce que-C de forme interrogative pouvaient avoir cette lecture :

la régulation peut être également le fait de l’interlocuteur [. . . ] nous parlerons, dans ce dernier cas, d’effet de « demande de confirmation ». Cette relation permet aussi de traiter les parce que-C qui mettent en doute les présupposés (ou les implicatures) d’une énonciation précédente (il s’agit là d’un emploi reconnu des parce que-C , cf. l’entrée parce que du tlfi14), mise en doute qui pourrait être présente en (6.27) ; l’exemple suivant, où la parce que-C met en doute une implicature conversationnelle, est cependant plus clair :

(6.28) a. LH1 : "ah" moi < j’ai dit au conseil de classe l’autre fois [ j’irai pas

à l’université // ] // ça < c’est { clair | et net } //

CM1 : "ben" une grande école // non // LH1 : une école de danse "ouais" // CM1 : { où |} ça //

LH1 : je suis têtue // {| soit à Paris | soit à l’étranger } //

mais je sais pas //

CM1 : parce qu’il y a que Paris > comme école de danse // LH1 : il y en a d’autres //

mais c’est nul //

CM1 : tu te retiens de bâiller //

b. LH1 : [ ah moi ]_11 [ j’ai dit au conseil de classe l’autre fois ]_10 [ j’irai pas à l’université ]_9 [ ça c’est clair et net ]_8

CM1 : [ ben une grande école ]_7 [ non ]_6 LH1 : [ une école de danse ouais ]_5

CM1 : [ où ça ]_4

13. Reese et Asher (2006) présentent une variante des Confirmationqdans le cadre des questions de reprise (les tag questions).

14. Parce que « [i]ntroduit une prop. interr. qui met en doute les présupposés ».

6.2 Les relations de type Arrière-plan 179 Valeur de la parce que-C Relations identifiées

régulation par cadrage Arrière-plan(α,p)

régulation par recadrage Arrière-plan(α,p) +

(

Correction(β,p)

Dis(Arrière-plan)(α, β)

demande de régulation Arrière-planq(α,p) +

(

(Confirmationq(α,p)) (Dis(Arrière-plan)(α, β))

Table 6.2 – Les relations d’Arrière-plan et les parce que-C de régulations

LH1 : [ je suis têtue ]_3 [ soit à Paris ]_2 [ soit à l’étranger ]_1 [

mais je sais pas ]_0

CM1 : [ parce qu’il y a que Paris comme école de danse ]_p LH1 : [ il y en a d’autres ]_-1 [ mais c’est nul ]_-2

CM1 : [ tu te retiens de bâiller ]_-3

(61alh1CL_que_Paris) En (6.28), cm1 semble s’étonner qu’il n’y ait en France qu’une école de danse de qualité, ce qui lui est pourtant confirmé par lh1. Cette mise en doute des présupposés déclencherait également la relation Dis(Arrière-plan), comme pour la régulation par cadrage (les présupposés étant liés par Arrière-plan à la sdrs en construction, cf. section 6.2.1.2).

L’identification de Confirmationq est autorisée par la forme de la question : les interrogatives totales (à polarité) attendent une réponse en oui ou non (plus généralement, toute réponse permettant d’inférer oui ou non par IQAP, comme en

6.28). Quand la parce que-C interrogative n’est pas une question totale, l’identi-fication de Confirmationq (et, partant, de Dis(Arrière-plan)) est bloquée, et seule est identifiée Arrière-planq, qui représente l’apport (fondamental) de la seule parce

que-C , sans ces effets de sens ajoutés (cf. (6.26)).

Une parce que-C de régulation sous forme interrogative déclenche donc

Arrière-planq. Le besoin de régulation par cadrage découle du médium : le discours, à l’oral, se déroule le long d’un axe temporel, qui rend impossible tout retour correctif (qui ne laisserait pas de traces) sur les éléments déjà énoncés. Les apports correctifs ou les précisions apparaissent donc in situ, et peuvent être le fait du locuteur ou de son interlocuteur. La régulation par cadrage au moyen d’une parce que-C se traduira en sdrt par l’identification d’une relation d’Arrière-plan ou de sa variante interrogative Arrière-planq, entre celle-ci et le segment en avant-plan à spécifier.

180 Chapitre 6 Parce que et les relations de discours

Les relations d’Arrière-plan sont donc indissociables des parce que-C à

valeur de régulation. L’apport d’éléments nécessaires à l’interprétation qui ca-ractérise ces emplois de parce que peut cependant prendre plusieurs formes, que l’on modélisera par l’identification de relations rhétoriques supplémentaires, le cas échéant (cf. tableau 6.2). Ces variantes partagent cependant le motif commun du

parenthésage de la parce que-C (et des unités qui peuvent en dépendre, dans les

configurations en Arrière-planq), qui est invariablement analysée comme une pa-renthèse discursive (un discourse aside) et majoritairement comme une papa-renthèse

syntaxique15. La collocation, fréquente mais optionnelle, de ces relations de type

Arrière-plan avec d’autres relations discursives (comme précédemment Explica-tionmod et Preuve) montre la nécessité de distinguer les différents fonctionnements de la parce que-C (cf. tableau6.1).

6.3 Les relations Élaboration et Commentaire

Les parce que-C de régulation ne sont pas causales et n’entraînent pas l’iden-tification d’une relation de type Explication. Ces configurations, dans lesquelles la

parce que-C est généralement introduite sous forme d’une parenthétique, ne sont

pas les seules qui permettent une lecture non causale de la parce que-C . Nous nous intéresserons dans cette section à deux configurations des parce que : une confi-guration en enchaînement, où la parce que-C élabore un énoncé précédent, et une configuration en incise, où le locuteur produit un commentaire, introduit par un

parce que, sur une énonciation précédente.

6.3.1 Élaboration

La relation d’Élaboration est une relation subordonnante, qui est identifiée lors-qu’un constituant décrit un sous-état ou un sous-événement de l’éventualité décrite dans l’autre constituant (cf. l’exemple (3.6), simplifié en (6.29)). La notion d’apport

d’informations supplémentaires, bien que trop vague et insuffisamment

discrimi-nante (une Explication apporte également des informations supplémentaires), dé-finit, informellement, le rôle du second argument d’une relation d’Élaboration. (6.29) Max a passé une agréable soirée hier. Il a fait un merveilleux repas et il

a ensuite gagné une compétition de danse.

15. Du fait de leur extension différente — une unité de discours (complexe, une udc) pou-vant être constituée de plusieurs unités illocutoires —, certaines parenthèses discursives, dont le point d’insertion serait situé entre deux ui par exemple, ne seront pas considérées comme des parenthèses syntaxiques.

6.3 Les relations Élaboration et Commentaire 181 Plus formellement, cette relation, qui a évolué depuis (Asher, 1993)16, est in-férée à l’aide de l’axiome suivant :

Axiome 6.4. Inférer Élaboration (Asher et Lascarides,2003, p. 206) (?(α, β, λ) ∧ Top(σ, α) ∧ subtypeD(σ, β, α) ∧ Aspect(α, β)) > Élabora-tion(α, β, λ)

où subtypeD « indique que le type de la seconde éventualité est un sous-type de celui de la première dans une hiérarchie de types s’appuyant sur la séman-tique lexicale des éventualités et/ou sur des connaissances du monde restreintes au contexte discursif [σ] » (Bras, 2008, p. 44). L’éventualité principale de l’unité élaborante eβ est incluse (l’inclusion peut aller jusqu’à la co-extension temporelle, ce qui permet à Élaboration de marquer les reformulations17) dans l’éventualité principale de l’unité élaborée eα :