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Une valorisation discursive plus prononcée

ÉTUDE DE CAS

4. Mettre en valeur sa publicité

4.3. Les journaux d’information et la publicité : attirer l’œil et convaincre le lecteur

4.3.1. Une valorisation discursive plus prononcée

Avec les journaux d’information, la valorisation discursive des annonces commerciales doit répondre aux nouveaux enjeux de concurrence. Désormais, pour qu’un échange ait lieu, il faut que les acheteurs soient convaincus des qualités d’un produit. Ce faisant, les discours publicitaires se complexifient afin de pousser à l’achat.

Si les formes de valorisation discursive ne sont pas systématiquement présentes, elles s’imposent comme essentielles dans la publicité commerciale. On remarque ainsi qu’entre les années 1840 et 1850, ces formes croissent dans les journaux de Maine-et-Loire348. Elles sont alors présentes dans plus de 70% des annonces commerciales du Courrier de Saumur et de L’écho saumurois. Ces données sont liées à l’évolution des contenus publicitaires. En effet, les avis d’imprimés n’utilisent toujours que très peu de valorisation discursive. Au contraire, les publicités de produits médicaux ou cosmétiques en possèdent systématiquement une.

348 Voir l’annexe n°55.

On remarque également que le Lloyd nantais affiche des données plus faibles. Cela s’explique par la diversité plus importante des contenus publicitaires du journal. En conséquence, la concurrence est plus faible et il n’y a pas forcément besoin de recourir à ces procédés.

Figure 29. Formes discursives de la valorisation dans les journaux d’information de Maine-et-Loire

Ce graphique montre la répartition des formes de valorisation discursives dans le Journal de Maine-et-Loire, le Courrier de Saumur et L’écho saumurois. On constate que les formes élaborées sont majoritaires. Elles sont également en nette progression puisqu’elles passent de 54% à 79% entre nos deux décennies. Par rapport aux Affiches, la valorisation discursive est ainsi beaucoup plus complexe.

Cette transition vers un discours de plus en plus élaboré reflète le changement d’une

« économie traditionnelle, [où] la publicité peut se borner à informer du lieu et des conditions d’accès à des biens eux-mêmes traditionnels, c’est-à-dire connus » à une « économie pionnière, [où] la tâche de l’annonce est de créer socialement l’innovation en lui trouvant un marché, c’est-à-dire en apprivoisant les techniques nouvelles aux yeux d’un public ignorant 349». Effectivement, les formes de discours simples demeurent relativement descriptives tandis que les formes complexes servent à créer un intérêt au produit aux yeux des lecteurs.

Dans les grandes lignes, les champs lexicaux de ces formes sont similaires aux Affiches. On les retrouve également dans la presse nationale et les autres journaux régionaux. Concernant les discours simples, on retrouve ceux relatifs à la qualité du produit, au juste prix, à la provenance

étrangère et à la nouveauté350. Aucun champ lexical n’est nouveau et certains ont même disparu comme celui de la mode. De plus, dans la continuité des Affiches, certains champs ne sont pratiquement plus mentionnés comme la provenance étrangère. Les discours simples impliquent ainsi les mêmes façons pour valoriser une annonce commerciale que dans les Affiches mais avec moins de diversité.

Concernant les discours élaborés, ceux relatifs à la qualité du produit sont très largement majoritaires351. La valorisation discursive entre les Affiches et les périodiques d’information se différencie essentiellement sur cette caractéristique. En effet, il existe de multiples façons de mettre en valeur un produit en fonction de sa nature. Ceux liés aux contenus médicaux s’illustrent par leur variété. L’exemple suivant en témoigne :

« AVIS IMPORTANT POUR LA SANTÉ. Ainsi que tout ce qui obtient une grande vogue, le RACAHOUT a tenté la cupidité des CONTREFACTEURS, parmi lesquels se trouvent des gens qui, sans respect pour l’honorable profession qu’ils exercent, n’hésitent pas à tromper le public en lui vendant comme RACAHOUT de DELANGRENIER des substances sans propriétés analeptiques, qu’ils introduisent dans des flacons vides qu’ils rachètent. Il en est d’autres qui vendent à vil prix des imitations grossières dont ils ont puisé les recettes dans des journaux de pharmacie ou de médecins ; l’absurdité de ces mélanges est suffisamment démontrée par l’approbation de l’Académie royale de médecine, car il est évident pour tout le monde que ce corps savant n’aurait pas approuvé le RACAHOUT, s’il eut été composé de la manière indiquée par ces fausses recettes... Conformément à la loi, et pour atteindre la contrefaçon, M.

DELANGRENIER a déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris les modèles des flacons, cachets, vignettes, etc., afin de s’en réserver la propriété exclusive ; il poursuivra donc comme contrefacteur, ainsi qu’il l’a déjà fait, tout individu qui attentera à ses droits. Le véritable RACAHOUT DES ARABES ne se vend qu’en flacons carrés, du prix de 4 fr. […]. On doit s’assurer, en achetant, si l’enveloppe verte, qui couvre le bouchon du flacon, l’étiquette qui le porte et l’instruction qui l’accompagne, sont toutes les trois revêtues de la signature du propriétaire DELANGRENIER […].352»

L’annonceur en se plaçant comme victime de contrefaçons met en avant la qualité de son médicament. On retrouve également dans son annonce plusieurs procédés récurrents comme le recourt à un discours qui se veut scientifique afin de persuader les lecteurs de l’efficacité du produit. Pour cela, les annonces commerciales mentionnent des termes techniques. Elles mentionnent également plusieurs gages pour attester de la provenance et donc de l’authenticité du produit : signature de l’annonceur, « étiquette », « enveloppe verte »… Tout cela a pour objectif de lutter contre les contrefaçons et les charlatans qui infestent les annonces

350 Voir l’annexe n°56.

351 Voir l’annexe n°56.

352 Journal de Maine-et-Loire, 16 mars 1843 (le racahout est une poudre alimentaire).

commerciales. Tout comme d’autres annonceurs, Delangrenier met en avant le caractère officiel de son racahout en citant l’approbation de l’académie royale de médecine. De manière générale, la validation par les pairs devient nécessaire dans les annonces médicales : elle peut se faire soit par une institution, soit par des médecins (avec parfois des lettres imprimées qui servent de gages de qualité), soit par des récompenses octroyées lors d’évènements. Les médailles décernées lors des expositions universelles ressortent comme les récompenses indispensables d’un produit médical qui se veut fiable. Le discours publicitaire devient un véritable « faire-valoir » afin de donner une plus forte valeur au produit353.

Cette accumulation des procédés discursifs relatifs à la qualité des produits ont pour principal objectif de convaincre les lecteurs tout en leur assurant qu’il ne s’agit pas d’arnaque. Par ailleurs, cela permet d’avoir un discours approprié et qui peut renouveler les besoins des acheteurs « afin de multiplier les motivations d’achat 354». Pourtant, lorsque l’on voit les monts et merveilles promis par la plupart des avis commerciaux, on ne peut que douter comme dans l’exemple suivant :

« LES MALADIES CONTAGIEUSES, quelles qu’en soient la gravité, la forme et l’ancienneté, les affectations de la peau et les vices du sang, guérissent très-radicalement et en peu de temps par les BISCUITS OLLIVIER […].355»

A vouloir en promettre toujours plus, le discours publicitaire finit par desservir son objectif. Les produits pouvant guérir miraculeusement et agréablement toutes les affections d’une partie du corps ou du corps entier se multiplient dans la publicité commerciale. Il est alors difficile d’avoir confiance dans les promesses de ces discours. On peut alors comprendre ce qui nourrit la méfiance et le caractère anti publicitaire de la population française356. L’abondance des charlatans et la croissance des contenus publicitaires de santé réduisent la crédibilité accordée aux discours publicitaires et à leurs produits.

A côté de ces annonces majoritaires, on trouve un autre champ lexical du discours élaboré.

On le trouve sous la forme qui suit :

« L’UNION, compagnie d’assurances contre l’incendie et sur la vie humaine […]. La compagnie assure contre l’incendie et contre le feu du ciel toute espèce de propriété mobilière et immobilière. - Etablie depuis quatorze années, elle garantit un milliard sept cent millions de

353 LAGNEAU Gérard, La sociologie de la publicité, PUF, Paris, 1977, p. 10.

354 JEUDY Henri-Pierre, La publicité et son enjeu social, op.cit, p. 37.

355 L’écho saumurois, 24 avril 1855.

356 MARTIN Marc, Histoire de la publicité en France, op.cit, p. 30.

valeurs, et, en remboursant plus de huit millions de francs pour dommages d’incendie, elle a donné des preuves nombreuses de son équité dans le règlement des sinistres. […] 357»

En présentant ses actions, cette compagnie d’assurances évoque une démarche a priori bénéfique pour ses clients. Ce genre de publicité ne met pas en avant un produit mais plutôt l’image d’une entreprise. Appelée « publicité institutionnelle 358», son objectif est de se construire une bonne image sur le long terme auprès des lecteurs afin de les convaincre de la nécessité de son service.

En montrant l’intérêt qu’elle apporte pour le bien de la population, elle sort des démarches concurrentielles traditionnelles359. Étant très rares360, ces publicités et leurs discours semblent les plus efficaces.

Depuis les Affiches, le discours publicitaire s’est considérablement complexifié. En faisant surtout intervenir des formes élaborées, il met tout en œuvre afin de démontrer les qualités d’un produit. Le discours commercial en vient même à se discréditer à cause de ses excès. Quoiqu’il en soit, la valorisation discursive se voit désormais associée à des éléments visuels fréquents.

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