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Présentation des démarches publicitaires dans la presse : entre vente et service

ÉTUDE DE CAS

2. Publicité et consommation dans les journaux de l’Anjou : des marqueurs d’une société en industrialisation

2.1. Le fonctionnement des démarches publicitaires dans la presse régionale

2.1.1. Présentation des démarches publicitaires dans la presse : entre vente et service

Il existe une variété considérable de discours publicitaires. On peut néanmoins les catégoriser en deux grandes démarches : la vente et le service. Chacune possède ses particularités et des logiques différentes. En les identifiant puis en étudiant leur évolution, on peut caractériser les changements du marché de consommation transcrit par la publicité.

Cette répartition de la publicité entre le service et la vente se retrouve dans l’ensemble des journaux du corpus. Parmi les deux démarches, la publicité de service est la plus simple. Sur notre période, elle n’évolue que très peu. On peut la retrouver sous la forme qui suit :

182 MEISS Marjorie, La culture matérielle de la France XVIe-XVIIIe siècle, Armand Colin, Malakoff, 2016, p. 5.

183 LUGRIN Gilles, Généricité et intertextualité dans le discours publicitaire…, op.cit, p. 11.

184 FEYEL Gilles, « Ville de province et presse d’information locale en France, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », op.cit.

185 LUGRIN Gilles, Généricité et intertextualité dans le discours publicitaire…, op.cit, p. 21.

« Le cit. Sureau, officier de santé, dentiste, connu à Touarcé par la quantité de malades qu’il a guéris, prévient qu’il netoie les dents, ôte celles qui sont gâtées, en remet qui imitent le naturel.

Il traite avec succès les maladies vénériennes. Il demeure maison Azemar, porte Chapelière, n°

40, à Angers. 186»

Cette catégorie de publicité se caractérise par le fait que son annonceur propose ses services professionnels aux lecteurs. En faisant directement la promotion de son activité, il s’agit d’une démarche publicitaire allant directement du producteur du service aux consommateurs intéressés, sans aucun recours à des intermédiaires. A l’image du domaine tertiaire des XVIIIe et XIXe siècles, la publicité de service se caractérise également par l’audience qu’elle cible : elle n’est destinée qu’à des particuliers et non à des entreprises187.

Au contraire, la publicité de vente repose sur des ressources déjà disponibles et produites.

Il s’agit d’une démarche qui évolue sur notre période. Elle fait également appel à plusieurs procédés la rendant plus complexe. Au début de notre période, on peut la retrouver sous la forme suivante :

« Le sieur Fontaine, Marchand Maître Tailleur d’habits, à Angers, y demeurant rue Godeline, dite du Grand-Talon, tient chez lui toutes sortes de marchandises pour habillements, tant en soie qu’en laine, savoir : vestes brodées, tant en soie qu’en or & en argent, vestes de tissu en or

& argent, vestes de tricot en or & argent, tricot de soie & et de laine, bas de soie de toutes espèces, & toutes sortes de draperies, à juste prix. 188»

Ce genre de publicité s’illustre par des procédés de marchandage où l’annonceur n’est qu’un Nantes, a l’honneur de faire savoir qu’il vient d’établir un entrepôt chez M. Moiteaux-Ferron, négociant en épicerie, droguerie et papeterie, rue Boisnet, a Angers. Il prie les marchands qui l’ont honoré jusqu’à ce jour de leur confiance de s’adresser directement à l’entrepôt. On y trouvera toujours un assortiment considérable de bouchons fins et surfins, de liège en planches

186 Affiches d’Angers, 22 nivôse an XI (12 janvier 1803).

187 DAUMAS Jean-Claude, La révolution matérielle. Une histoire de la consommation (France XIXe - XXIe siècle), Flammarion, Paris, 2018, p. 22.

188 Affiches d’Angers, 24 janvier 1783.

189 LEMARCHAND Guy, L’économie en France de 1770 à 1830. De la crise de l’Ancien Régime à la révolution industrielle, Armand Colin, Paris, 2008, pp. 37-52.

et de semelles, et écritoires en liège, au même prix qu’à la fabrique. Le commerce y trouvera donc l’économie des frais de transport. 190»

Cet exemple permet d’apercevoir plusieurs changements caractéristiques de la publicité du second tiers du XIXe siècle. Tout d’abord, il est fait mention d’un dépôt. Les annonceurs ont ainsi de plus en plus recours à des intermédiaires afin d’étendre leur marché de vente. Ce système de dépôt apparait au début du siècle et se développe fortement à partir des années 1820. L’essor de cette pratique est permis par l’amélioration des voies de transports terrestres et fluviales dans la première moitié du XIXe siècle191. Les échanges sont facilités permettant la « construction d’un marché national 192».

D’autre part, dans cet avis commercial, l’annonceur est un fabricant cherchant à vendre sa production. Ce second exemple est caractéristique de cette autre démarche de publicité : celle où le monde artisanal ou industriel fait la promotion de son activité. Ce type d’annonce coexiste avec celle du monde marchand, ce qui donne deux sous-catégories de publicité de vente.

Figure 9. Évolution du marchandage et de la vente directe dans les journaux de Maine-et-Loire

Le graphique ci-dessus permet d’étudier l’évolution des deux sous-catégories de publicité de vente. Ces données se divisent en deux périodes : 1770’-1800’ et 1820’-1850’. Hormis pour les années 1780, la première période se caractérise par une majorité des procédés de marchandage.

En réalité, il faut nuancer la part de la vente directe sur cette période. En effet, cette part est élevée à cause du domaine de l’édition. L’imprimé fait l’objet d’une publicité depuis plusieurs

190 Journal de Maine-et-Loire, 29 Juin 1843.

191 WORONOFF Denis, Histoire de l’industrie en France. Du XVIe siècle à nos jours, Éditions du Seuil, Paris, 1994, p. 226.

192 Ibid.

siècles et les imprimeurs libraires ont pris l’habitude d’annoncer leurs ouvrages. De facto, ils profitent de leurs propres périodiques pour y faire leur publicité gratuitement. Néanmoins, si l’on exclue le domaine de l’édition, la publicité de vente est à l’image de la société : une économie de l’échange reposant sur le monde marchand. Il faut d’ailleurs attendre les années 1800 pour observer les premiers fabricants faire leur publicité dans les Affiches d’Angers. Cependant, ils font figure d’exception au sein d’une majorité marchande.

Au contraire, la deuxième période se caractérise par une croissance continue de la publicité de vente en provenance des fabricants. En fonction des journaux, les résultats fluctuent avec par exemple 100% des annonces publicitaires de vente directe dans le Journal de Maine-et-Loire en 1823193. On retrouve le même phénomène dans la presse nationale194. On passe d’une publicité utilisée par le monde marchand à une publicité produite par le monde artisanal et industriel. Ce changement peut s’expliquer par les transformations structurelles de l’économie française, notamment concernant l’industrie. A la fin de l’Ancien Régime, la production manufacturière repose essentiellement sur le « domestic system » et les « ateliers urbains »195. Ces types d’organisation de l’activité industrielle ont une production modeste. Ainsi, le secteur industriel n’a pas besoin d’avoir recours à la publicité pour vendre sa production, notamment dans un département comme le Maine-et-Loire où l’industrie est très modeste196. Par ailleurs, le monde marchand est suffisamment prospère et développé pour vendre cette production. Mais à partir du XIXe siècle, l’économie française s’industrialise et la production augmente fortement197. Ce changement de nature de l’économie pourrait expliquer la forte croissance de la vente directe dans la publicité. En effet, avec une production en hausse, les annonceurs doivent trouver de nouveaux débouchés pour vendre leurs produits. Avec des capitaux en hausse, ils peuvent recourir plus facilement à la publicité. Du même coup, on constate une diversification des cibles de la publicité de vente. A l’origine, la publicité n’est prévue qu’à destination des consommateurs particuliers. Désormais, à l’image de notre annonce de bouchons, la publicité peut aussi être destinée à des milieux professionnels. Tous ces changements sur la publicité de vente conduisent au passage d’une publicité contrôlée par les intermédiaires marchands à une publicité utilisée par les producteurs industriels.

193 Voir l’annexe n°24. Les données du Journal de Maine-et-Loire pour l’année 1823 s’expliquent par l’origine des annonceurs. En effet, seul le milieu de l’édition est représenté dans la publicité avec des imprimeurs libraires.

194 Voir l’annexe n°25.

195 LEMARCHAND Guy, L’économie en France de 1770 à 1830…, op.cit, pp. 64-67.

196 MAILLARD Jacques, L’Ancien Régime et la Révolution en Anjou, Éditions Picard, Paris, 2011, pp. 231-236.

197 LEMARCHAND Guy, L’économie en France de 1770 à 1830…, op.cit, p. 253.

Enfin, les deux annonces publicitaires citées plus haut permettent d’apercevoir une nuance légère. La publicité promeut soit une liste de produits, soit un seul produit. L’annonce commerciale tend de plus en plus vers la promotion d’un seul produit, notamment grâce à la hausse des ventes directes et à la spécialisation de la production industrielle.

La publicité commerciale repose ainsi sur deux grandes démarches publicitaires que sont le service et la vente. Cette dernière démarche est bien plus riche dans les possibilités qu’elle présente. Si ces deux catégories permettent d’englober la majeure partie de la publicité contemporaine, il existe aussi quelques démarches publicitaires à part.

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