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Avec la presse d’information, une disparition des acteurs locaux dans la publicité ? :

ÉTUDE DE CAS

3. Les acteurs de la publicité commerciale

3.1. Provenance géographique des annonceurs

3.1.3. Avec la presse d’information, une disparition des acteurs locaux dans la publicité ? :

« dépôt chez… »

Avec la diminution des annonceurs locaux dans les journaux d’information du Maine-et-Loire, on pourrait s’attendre à ce que la publicité n’est plus de lien avec le département. Afin de conserver une efficacité optimale, les annonceurs extérieurs font jouer un nouvel échelon d’acteur.

Avoir un lien avec l’espace local est indispensable pour la publicité des journaux régionaux.

En conséquence, les annonceurs extérieurs développent un réseau sur ces territoires grâce à des

282 WORONOFF Denis, Histoire de l’industrie en France…, op.cit, p. 226.

procédés d’intermédiation. Ils sont liés aux démarches de dépôts déjà évoquées précédemment283. L’intermédiation consiste à utiliser des professionnels locaux et qualifiés pour vendre les produits annoncés dans les publicités. Ces procédés se développent énormément avec l’augmentation des annonceurs extérieurs dans les journaux d’information mais ils existaient déjà dans les Affiches :

« Le Sieur Ménager Dorseau, Marchand Linger, rue des Poéliers, donne avis que le Sieur Malherbe, l’aîné, Négociant à Loudun, l’a chargé de sa correspondance pour la Ville d’Angers ; il tient magasin de Bougie Économique, annoncé dans nos précédentes Feuilles. Il donne avis qu’il tient aussi magasin de Bougie du Mans, & et qu’il a d’excellent Vin de Bordeaux à vendre. 284»

Deux semaines plus tôt, le négociant Malherbe venant de la Vienne postait une annonce dans les Affiches d’Angers pour vendre ses bougies. Mais en l’absence d’un lien local avec Angers, son entreprise est incertaine. L’association avec Dorseau permet de palier à ces problèmes en mettant en place un système de dépôt. Cet exemple où l’on voit l’intermédiation se mettre en place à travers le journal est un cas unique du corpus. De manière générale, les Affiches de Maine-et-Loire et du Mans ne présentent que peu de cas d’intermédiation à cause de l’importance des annonceurs locaux.

Figure 19. Annonces extérieures avec un ou plusieurs intermédiaires dans les journaux de Maine-et-Loire

Ce graphique montre la proportion des procédés d’intermédiation dans les avis commerciaux émanant d’annonceurs extérieurs. Avec 69% et 70%, la majorité des annonces

283 Voir « Présentation des démarches publicitaires dans la presse : entre vente et service », pp. 67-71.

284 Affiches d’Angers, 18 mars 1774.

commerciales de l’extérieur du département présente au moins un intermédiaire local. En comparant entre les trois journaux d’information de Maine-et-Loire, on constate que ce taux est stable : entre 65% et 74%285. A priori, il est en faible augmentation puisqu’il passe de 65% à 72%

dans le Courrier de Saumur entre 1849 et 1855.

A partir de la professionnalisation du milieu publicitaire, le recours à l’annonce commerciale serait peu efficace selon l’historiographie. En cause, les courtiers ne cibleraient pas forcément les bons journaux286. Les procédés d’intermédiation à l’échelle locale montre le contraire. Les annonces commerciales présentent deux possibilités d’intermédiation. Le premier cas est le moins efficace et aussi le plus rare. Il se retrouve sous la forme suivante :

« Gland Doux. Ce café est efficace dans les migraines, maux de tête, d’estomac, fortifiant pour les enfants […]. Dépôt dans les principales maisons d’épicerie et droguerie. Signé : Lecoq &

Barguin. 287»

Cette annonce évoque des intermédiaires mais sans préciser des noms particuliers ou des adresses. Cette absence entraine forcément un manque d’efficacité car le lecteur ne peut-être certain du lieu où pouvoir acheter. Environ 10% des annonces ayant de l’intermédiation sont dans ce cas. Ces annonces commerciales présentent tout de même l’avantage d’être universelles : on peut les insérer dans n’importe quel journal, leurs discours n’auront pas besoin d’être changés. La seconde possibilité nomme directement des professionnels locaux :

« Pommade des chatelaines ou l’hygiène du Moyen-Age. […] Composée par CHALMIN, à Rouen, rue de l’Hôpital, 40. - Dépôt à Saumur, Chez Eugène PISSOT, coiffeur-parfumeur, rue Saint-Jean, 2. Prix du pot : 2 fr. 288»

La majorité des annonces commerciales avec de l’intermédiation est dans ce cas. Soit ces avis présentent un intermédiaire de la ville où parait le journal. Soit ils présentent plusieurs intermédiaires des villes et petites villes locales : Angers, Saumur, Doué-la-Fontaine, Beaufort, Chateauneuf-sur-Sarthe… En présentant des intermédiaires locaux et potentiellement connus de la population, ces annonces commerciales bénéficient d’une meilleure efficacité. En revanche, elles sont plus difficiles à mettre en place. Cela implique de les adapter pour chaque journal afin de faire correspondre les intermédiaires avec la bonne région. En conséquence, ces avis commerciaux sont certainement plus coûteux.

285 Voir l’annexe n°41.

286 FEYEL Gilles, « Presse et publicité en France (XVIIIe et XIXe siècles) », op.cit, p. 863.

287 Courrier de Saumur, 20 juin 1855.

288 Courrier de Saumur, 20 juin 1855.

Les intermédiaires sont toujours cités à la fin des annonces et en petits caractères. Ils occupent une place secondaire mais offrent une meilleure efficacité à la publicité. Ces intermédiaires présentent également un autre avantage. En étant connus de la population, ils apportent un gage de sécurité et une confiance pour les lecteurs.

L’intermédiation est un procédé réservé avant tout à la publicité de la presse régionale. Les annonceurs de la presse nationale étant majoritairement parisiens, l’intermédiation en est presque absente. Cependant, on a de très rares annonces évoquant les principaux intermédiaires des grandes villes de province. Par exemple, une annonce pour une farine médicinale dans La Presse évoque des intermédiaires de 25 villes différentes : Toulouse, Lyon, Montpellier, Angers, Rouen, Rodez… L’intérêt est de cibler le lectorat provincial des journaux parisiens. Si le taux de pénétration de la presse parisienne en province est faible : 1,57 pour 1 000 habitants289, les pratiques secondaires (co-abonnement, cabinets de lecture, café…) permettent à un même numéro d’être lu par plusieurs dizaines de personnes290.

Dans tous les cas, ces pratiques d’intermédiation se révèle être complexes. Elles cachent de véritables réseaux couvrant l’intégralité du pays afin de faire fonctionner au mieux la publicité commerciale en province. La question est de savoir comment ils ont été mis en place et par qui.

Les agences publicitaires parisiennes ont évidemment un rôle important et sont au centre de ces réseaux. Les annonceurs participent-ils à élaborer ces réseaux ? Les intermédiaires sont-ils à l’initiative de leur intégration dans ces réseaux ou sont-ils contactés pour en faire partie ? Ces questions ne trouveront malheureusement pas de réponse dans cette recherche.

Ainsi, l’intermédiation s’impose comme un procédé essentiel dans la publicité commerciale des journaux d’information régionaux. Liée aux annonces provenant de l’extérieur du départeent, elle permet de faciliter et d’améliorer l’efficacité des échanges commerciaux. Les annonceurs et les intermédiaires sont deux échelons d’acteurs de la publicité dont les profils professionnels peuvent être étudiés.

289 FEYEL Gilles, « La diffusion nationale des quotidiens parisiens en 1832 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 34, n°1, 1987, p. 51.

290 Ibid, p. 53.

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