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Présentation des formes de l’annonce commerciale

ÉTUDE DE CAS

1. La différenciation progressive de la publicité commerciale avec l’annonce de particulier dans la presse

1.1. Les formes de la publicité commerciale : petite annonce, réclame, annonce-affiche et annonce anglaise

1.1.1. Présentation des formes de l’annonce commerciale

Sur la période des XVIIIe et XIXe siècles, on compte quatre formes publicitaires différentes:

la petite annonce, la réclame, l’annonce affiche et l’annonce omnibus81. Ces formes se différencient par des codes typographiques et rédactionnels.

Chronologiquement, la petite annonce est la première forme utilisée par la publicité dans la presse. Elle se caractérise notamment par l’absence d’ « effet typographique »82, ce qui lui donne un aspect similaire au reste du journal. Une petite annonce de publicité se caractérise formellement comme suit :

« Madame Delahaye-Corbin, marchande de modes, près la prison, donne avis qu’elle vient de recevoir de Paris un assortiment de parures de bal, bonnets-turbans, diadême, bandeaux, fichus, tuniques, touffes, guirlandes, plumes, fleurs, garnitures de robe ; crêpes pour robe,

81 MARTIN Marc, Trois siècles de publicité en France, op.cit, p. 62. Ces formes sont identifiées en Édouard Lebey, directeur de l’agence Havas, en 1848 dans son Manuel de l’annonce.

82 Ibid.

rubans veloutés, épinglés et à lame d’argent ; schals 6 quarts, bas de soie et chaussons pour la danse ; le tout dans le genre le plus nouveau83»

La petite annonce publicitaire s’illustre ainsi par son aspect très codifié et son écriture simple. Elle propose généralement un ensemble d’objets à la vente. Très descriptive dans son contenu, elle présente brièvement l’annonceur, le lieu et les produits proposés avec une éventuelle formule de valorisation. Néanmoins, son utilisation comme forme de publicité pose une ambigüité sur la dimension commerciale du message. En effet, il existe plusieurs catégories de petites annonces avec des démarches et des logiques différentes : petites annonces d’emploi, de solidarité, de vente de particulier… Chacune a des particularités dans l’énonciation du message. Une annonce de particulier sera ainsi plus brève et moins valorisée. De rares annonces commerciales reprennent les codes des annonces de vente de particulier : l’annonceur vend généralement un objet probablement d’occasion. Seule l’énonciation de la catégorie professionnelle permet alors d’identifier le caractère publicitaire : « Un cabriolet à glaces, bon à courir la poste. S’adresser au Sieur Lemay, Sellier, rue de la Poissonnerie 84».

La dimension commerciale de la petite annonce publicitaire est ainsi difficile à repérer pour le XVIIIe siècle. En réalité, cette ambigüité fait écho à la perception de l’annonce par les contemporains. Cette dernière est perçue « comme un service que le journal doit à l’abonné »85. Poster une annonce, c’est surtout rendre service à la communauté en partageant un message à titre informatif et non commercial. Par ailleurs, la petite annonce étant un média nouveau et en construction, elle n’est pas une forme uniquement consacrée à la publicité et à sa dimension commerciale.

« Ainsi, la petite annonce se définit tout autant par la présentation que par le type de clientèle : l’annonce est faite par les « petits » clients, comme les particuliers ou les commerces 86». Jusqu’au début du XIXe siècle, elle demeure la forme de publicité la plus utilisée dans la presse87.

Au cours du XIXe siècle, la petite annonce publicitaire subit des transformations. Elle évolue alors vers une forme visuelle plus spécifique à partir du second tiers du XIXe siècle avec des

83 Affiches d’Angers, 18 nivôse an 11 (6 janvier 1803), pour le format original voir l’annexe n°1.

84 Affiches d’Angers, 31 janvier 1783.

85 MARTIN Marc, Trois siècles de publicité en France, op.cit, p. 40.

86 MAKAROVA Arina, « Le carnet et les petites annonces », KALIFA Dominique, RÉGNIER Philippe, THÉRENTY Marie-Ève, VAILLANT Alain, La Civilisation du journal Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Nouveau Monde, Paris, 2011, p. 1050.

87 MARTIN Marc, « L’âge de la petite annonce », Trois siècles de publicité en France, op.cit, pp. 21-52.

« lignes plus courtes et [des] caractères plus petits que ceux du texte rédactionnel 88». On parle alors d’« annonce anglaise » plutôt que de petite annonce publicitaire. On peut par exemple la trouver comme suit :

« Pour apaiser l’irritation du sang et les indispositions si naturelles au printemps, les médecins conseillent de recourir à la magnésie pure dont les principes purgatifs et absorbants sont généralement appréciés. Incorporée avec le cacao et le sucre, elle forme un chocolat qui, préparé par Desbrière, pharmacien-chimiste de Paris, en possède toutes les précieuses propriétés.

Dépôt à la pharmacie de M. Brière, à Saumur. 89»

L’annonce anglaise a une dimension commerciale plus assumée que la petite annonce publicitaire classique. La valorisation du produit est également plus prononcée.

A partir des années 1820, de nouvelles formes d’annonces se développent, notamment l’annonce-affiche et l’annonce omnibus. L’annonce-affiche se caractérise par l’utilisation d’une typographie spécifique. Avec cette nouvelle forme, l’illustration fait son apparition dans la publicité de presse et peut être associée au texte. L’annonce-affiche investit l’espace papier de façon conséquente puisqu’elle peut occuper jusqu’à une page entière. Ce faisant, elle « marque la promotion de la publicité commerciale 90». L’annonce-affiche s’illustre comme suit :

« 19, boulevard St-Denis, à Paris, en face la porte St-Denis. Grands magasins du Nègre.

Soixante années au moins d’existence et de succès dû à l’excellence de sa fabrication et au bon goût de tous ses articles prouvent à quel pont est fondé le renom que possède cette maison. On y trouve notamment un choix complet d’articles de mariage, tant en bijouterie qu’en joaillerie, tels que parures complètes, bracelets, chaines, et en orfévrerie riche ou unie, comme en montres de ses fabriques de Genève, de Suisse et de Paris, en platine, chronomètres de poche et de marine. Le nouvel agrandissement des magasins du Nègre lui permet de faire fabriquer sur lap lus vaste échelle un choix toujours renouvelé en pendules, livrées au prix le plus modéré 91»

Par rapport à la petite annonce, l’annonce-affiche est d’une structure plus complexe et est davantage rédactionnelle. De plus, cette forme d’annonce insiste plus sur les qualités du produit.

De son côté, l’annonce omnibus se compose « de lignes et de caractères plus petits 92» par rapport à l’annonce-affiche. Au sein du corpus de sources, l’annonce-affiche et l’annonce omnibus

88 MARTIN Marc, Trois siècles de publicité…, op.cit, p. 62.

89 Courrier de Saumur, 2 mai 1855. Pour l’aspect visuel, voir l’annexe n°2.

90 MARTIN Marc, Trois siècles de publicité…, op.cit, p. 62.

91 Courrier de Saumur, 10 janvier 1855. Pour l’aspect visuel, voir l’annexe n°3.

92 MARTIN Marc, Trois siècles de publicité…, op.cit, pp. 74-75.

sont relativement similaires, à tel point que l’on pourrait les confondre (elles partagent d’autres points communs qui seront abordés plus tard, notamment sur l’emplacement, le discours…). En revanche, ces deux nouvelles formes se démarquent de la petite annonce traditionnelle tant dans la forme que dans la perception des contemporains. Elles sont réservées à la publicité et leurs messages ont une dimension commerciale assumée. Ainsi, entre le début et la fin de notre période, une page d’annonces n’a visuellement plus rien à voir. On peut en observer deux exemples dans les pages suivantes.

En parallèle de ces trois types d’annonce, une autre forme de publicité se développe sur la même période : la réclame93. Ce terme est parfois utilisé comme un synonyme de la publicité mais il s’agit ici en fait d’une publicité dissimulée en tant qu’article rédactionnel94. Pour cela, elle présente l’intérêt d’une troupe de théâtre, d’une invention révolutionnaire, d’un livre…, tout en informant éventuellement sur les conditions d’achat (adresse, prix…). La réclame apparait au XVIIe siècle à une époque où le journal a vocation à informer. Ce faisant, jusqu'au début du XIXe siècle, la réclame n’a pas forcément cette volonté de tromper le lecteur. Au contraire, tout comme la petite annonce, elle a d’abord vocation à informer et rendre service à la communauté. Ce n’est que plus tard que la réclame devient réellement « une annonce déguisée en article, une publicité rédactionnelle qui a pour objet de tromper le lecteur 95». De par sa nature commerciale cachée, la réclame est difficilement identifiable, ce qui la rend plus efficace, notamment auprès des nombreux contemporains ayant une mauvaise perception de la publicité. Elle est rendue efficace par la confiance que portent les lecteurs envers leur journal96. Les réclames sont réputées pour être abondantes dans la presse parisienne et la presse d’information. Pour cette recherche, ce type de publicité n’a pas fait l’objet d’un travail sériel puisqu’il implique une lecture systématique de chaque numéro dépouillé. Par ailleurs, étant une publicité déguisée en article rédactionnel, elle n’utilise pas les mêmes logiques structurelles que les autres formes d’annonces publicitaires.

Même si quelques exemples seront utilisés pour détailler certains points, la réclame n’a pas été intégrée aux analyses statistiques sur l’annonce publicitaire qui suivent97.

93 Pour un exemple de réclame, voir l’annexe n°4.

94 MARTIN Marc, Trois siècles de publicité en France, op.cit, p. 62.

95 Ibid.

96 Ibid, p. 63.

97 On pourrait ajouter qu’un dépouillement systématique de la réclame serait sujet à la subjectivité de l’historien. En effet, sa dimension commerciale n’est pas toujours évidente et certains articles à but informatif pourraient être perçus comme une réclame par l’historien. Il n’y a d’ailleurs pas de chiffres précis concernant sa présence dans la presse, les études se contentent de dire qu’elle est très répandue.

Illustration 1. Page de petites annonces, Affiches d’Angers, 4 juillet 1783.

Illustration 2. Page d’annonces, Courrier de Saumur, 14 mars 1855.

La publicité commerciale a ainsi la possibilité de s’exprimer à travers quatre principales formes dans la presse. L’émergence de ces nouvelles formes entraine une nouvelle perception de la publicité passant d’un service principalement utilitaire à un outil commercial. En variant les formes, elle peut s’adapter afin de rendre son message le plus efficace possible.

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