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Dans les Affiches, un calendrier publicitaire influencé par la saisonnalité

ÉTUDE DE CAS

2. Publicité et consommation dans les journaux de l’Anjou : des marqueurs d’une société en industrialisation

2.4. Des saisons pour faire sa publicité ?

2.4.1. Dans les Affiches, un calendrier publicitaire influencé par la saisonnalité

La saisonnalité publicitaire peut s’étudier par trois aspects différents. Tout d’abord, on peut observer l’évolution du nombre de publicités en fonction des mois. Dans cette continuité, certains numéros n’ont aucune publicité et tendent à faire émerger un calendrier publicitaire. Enfin, une partie du discours publicitaire montre l’influence d’évènements ponctuels. Ces trois éléments ne se retrouvent que dans les Affiches.

Figure 14. Saisonnalité de la publicité dans les Affiches d’Angers

0%

5%

10%

15%

20%

25%

1774 1783 1803

Le graphique précédent permet de voir quels mois comportent le plus de publicité dans les Affiches d’Angers (la moyenne s’établit à 8%). Ainsi, il montre un aperçu de la saisonnalité publicitaire dans le périodique angevin. Ce graphique n’intègre pas l’année 1793 pour une raison simple. Sur les 203 numéros de 1793, 164 n’ont pas d’avis commerciaux et 60 numéros n’ont même aucune annonce. Les données de cette année sont donc trop faibles pour analyser la saisonnalité. Par ailleurs, il faut préciser que le journal n’a pas été publié pendant le mois d’avril 1774. L’imprimeur Billault compense ce manque en doublant les parutions en mai251. En revanche, le mois d’août 1774 est bien un mois sans publicité commerciale.

Le graphique permet de remarquer qu’entre les trois années, il y a un facteur aléatoire important. En effet, d’une année à l’autre, les données peuvent être très changeantes comme par exemple en juin où les variations vont de 3% à 12%. Ces variations s’expliquent par la présence d’annonceurs ambulants dans la publicité. Cet élément se retrouve dans le discours des annonces :

« Le cit. Garnier, peintre, de Paris, résidant à Nantes, et séjournant à Angers pour quelque tems, prévient le public qu’il entreprend tout ce qui concerne les décorations pour les appartements […]. 252»

Ces annonceurs de passage représentent une minorité visible des Affiches d’Angers : de 7% à 13%

en 1774, 1783 et 1803. Cette saisonnalité concerne particulièrement les publicités des services.

Les troupes de théâtre, les médecins et les charlatans ambulants alimentent les annonces commerciales du périodique angevin. Mais en réalité, ces annonceurs ambulants sont plus nombreux que ce qu’en disent les avis commerciaux. En effet, le discours publicitaire ne mentionne pas systématiquement cette caractéristique, notamment dans les publicités de divertissement qui n’en font jamais mention.

Même si « peu de marchands sont itinérants 253», ils ont une grande part de visibilité dans les annonces commerciales du périodique angevin. Les raisons sont évidentes : le journal leur offre une visibilité nécessaire puisque, par définition, ils n’ont pas de clientèle fixe. D’autre part, l’annonce commerciale ne leur pose aucun problème d’ordre réputationnel, contrairement aux professionnels bien installés. Ils n’ont pas cette nécessité d’entretenir une bonne image.

L’économie et les échanges d’Ancien Régime sont conditionnés par les saisons : les transports de marchandises se font principalement au printemps et à l’automne254. Le transport y

251 En conséquence, j’ai adapté les donnés de mai 1774 dans le graphique afin que ce rythme de parution exceptionnel ne fausse pas les résultats.

252 Affiches d’Angers, 30 thermidor an XI (18 août 1803).

253 MARGAIRAZ Dominique, Foires et marchés dans la France préindustrielle, éditions de l’EHESS, Paris, 1988, p. 114.

254 WORONOFF Denis, Histoire de l’industrie en France…, op.cit, p. 31.

est plus facile et moins coûteux. Malgré cela, le calendrier publicitaire ne reflète pas cette saisonnalité des échanges.

Par ailleurs, on constate que certains mois sont particulièrement riches en avis commerciaux. C’est le cas de juillet 1774 et de novembre 1783 et 1803 avec respectivement 20%, 14% et 21%. Si le pic de juillet 1774 n’a pas d’explication logique, le mois de novembre est la période de la foire Saint Martin255. Il s’agit d’une foire de marchandises où l’on peut y trouver des produits manufacturés et des produits de luxe256. Les foires ont un rôle économique central pendant l’Ancien Régime. Certains annonceurs signalent même directement que leur présence est liée à la foire. La foire de novembre a ainsi une influence très importante sur la saisonnalité de la publicité dans les Affiches d’Angers. On remarque d’ailleurs qu’octobre est le mois le plus pauvre en annonce commerciale. Les annonceurs préfèrent attendre novembre pour poster des annonces qui seront plus efficaces. Les autres foires de la ville, où l’on vend des bestiaux, n’ont pas d’incidence sur l’utilisation de la publicité.

La conséquence indirecte de ces évènements et des professionnels ambulants est la présence de numéros sans aucune annonce commerciale à l’image du mois d’août 1774. Il faut néanmoins remettre les Affiches d’Angers dans leur contexte : le journal a tout juste un an d’existence. Les professionnels pouvant être intéressés par les services d’annonces du périodique ne sont pas forcément au courant de son existence. De plus, le journal a besoin de temps pour se faire connaitre de la population locale et se construire un lectorat solide. Ainsi, les annonceurs potentiels peuvent remettre en cause l’utilité de poster une annonce commerciale dans les débuts du périodique.

Quoiqu’il en soit, les Affiches d’Angers connaissent une augmentation de ces numéros sans publicité commerciale avec l’augmentation du rythme de parution du journal. Si l’on compare avec les Affiches du Mans ou de Saumur, on trouve la même chose. En revanche, ces deux journaux montrent une évolution de la saisonnalité257. La publicité commerciale y est mieux répartie tout au long de l’année258. Plusieurs éléments peuvent entrainer cette diminution de la saisonnalité. Tout d’abord, les foires sont en déclin au XIXe siècle et ne stimulent plus de publicité. D’autre part, on constate une diminution des annonceurs ambulants. Dans le journal manceau, ils ne sont que 15 et 17 en 1812 et 1822. Leur nombre baisse à 0 en 1832 puis à 5 en 1842. Enfin, les travaux

255 MARGAIRAZ Dominique, Foires et marchés…, op.cit, p. 137.

256 ibid, p. 101.

257 Voir l’annexe n°34.

258 Pour les Affiches du Mans, seules les années 1812 et 1822 ont été placées dans l’annexe car mes sondages pour 1832 et 1841 ne prennent en compte que 6 mois (de janvier à juin). Mais a priori, les années 1832 et 1841 suivent la tendance.

d’aménagement des routes terrestres et fluviales durant la première moitié du XIXe siècle permettent de faciliter les échanges de marchandises tout au long de l’année et de baisser les prix de transport259.

Au XVIIIe siècle, la publicité commerciale des Affiches montre ainsi les caractéristiques d’une économie d’Ancien Régime. Reposant sur des structures anciennes comme les foires, cette publicité traduit une modernisation de l’économie au XIXe siècle. En conséquence, la publicité commerciale perd sa saisonnalité au profit d’un étalement plus régulier au fil des années. La publicité de la presse d’information se place dans cette continuité.

2.4.2. Dans la presse d’information, des campagnes publicitaires étalées au long de l’année

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