• Aucun résultat trouvé

Les premières bases juridiques de la relation Suisse-UE concernent des consultations avec la Haute autorité de la Communauté du charbon et de l’acier18, des concessions tarifaires avec la Communauté économique européenne accordées par exemple sur les fromages dans le cadre des négociations du G.A.T.T.19, ou encore une coopération scientifique avec la Communauté européenne de l’énergie atomique20. La relation revêt une importance particulière à la suite de la signature en 1972 des accords de libre-échange, sur le charbon et l’acier ainsi que sur les produits industriels21.

für Arbeitnehmende? : Überlegungen zur Tragweite des Personenfreizügigkeitsabkommens zwischen der Schweiz sowie der EG und ihren Mitgliedstaaten, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2009, 402 p.

17 Les développements mettront en évidence le rapprochement de la relation Suisse-UE sur celle établie au sein de l’EEE. Néanmoins, des différences subsistent. Pour une illustration récente, voir les explications quant à la différence d’application des mesures décidées par la Commission européenne le 28 avril 2016, entre l’EEE et la relation Suisse-UE, données par le Conseil fédéral suisse dans son avis du 17 août 2016, en réponse à l’interpellation parlementaire n° 16.3508 « Mesures discriminatoires contre les exportations vers l’UE de l’industrie sidérurgique suisse ».

18 Accord du 7 mai 1956 entre la Suisse et la Haute Autorité de la CECA, RO 1957 70 / JO A 7 du 21.2.1957, p. 85.

19 Accord des 29 et 30 juin 1967 concernant certaines concessions tarifaires, RO 1967 1998 / JO L 257 du 13.10.1969, p. 3.

20 Accord du 14 septembre 1978 entre la Suisse et la CEEA concernant la coopération dans le domaine de la fusion thermonucléaire contrôlée et de la physique des plasmas, RO 1980 693 / JO L 242 du 4.9.1978, p. 2.

21 Accord du 22 juillet 1972 entre la Suisse et la CEE (relatif au libre-échange), RO 1972 3169 / JO L 300 du 31.12.1972, p. 189. L’accord a été plusieurs fois modifié pour y inclure de nouveaux produits.

Accord du 22 juillet 1972 entre la Suisse et les Etats membres de la CECA, RO 1973 2057 / JO L 350 du 19.12.1973, p. 13. A la suite de l’extinction du traité CECA, cet accord ainsi que l’ensemble des « accords CECA » ont été abrogés par échange de notes des 4 novembre 2004 et 18 décembre 2009, RO 2010 567 / JO L 288 du 4.11.2009, p. 18.

10

Le sujet

Il faudrait en outre faire une place, parmi les premiers accords importants, à celui de 1989 sur l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie22. Dans un second temps, les négociations dites bilatérales, consécutives au rejet de l’EEE, ont abouti en 1999 à la signature d’un ensemble d’accords dits « bilatéraux I ». Même si les négociations sur les différents dossiers ont été menées suivant un principe de « parallélisme approprié »23 qui garantit un équilibre global des droits et obligations entre la Suisse et l’Union, les sept accords de 1999 n’établissent que des coopérations sectorielles.

Ils développent la relation Suisse-UE dans les domaines de la coopération scientifique, des transports terrestres et aériens, de la libre circulation des personnes, des marchés publics, des obstacles techniques au commerce et de l’échange de produits agricoles24.

De nouvelles négociations ont par la suite conduit en 2004 à la conclusion d’un nouveau paquet de neuf accords dits « bilatéraux II » qui poursuivent la collaboration entre la Suisse et l’Union européenne dans les domaines de la fiscalité, la lutte contre la fraude, les produits agricoles transformés, les statistiques, l’audiovisuel, l’environnement, l’immigration et celui de la coopération policière et judiciaire en matière pénale25.

Des accords comparables ont été conclus entre la Communauté et chacun des autres Etats de l’AELE.

22 Accord du 10 octobre 1989 entre la Suisse et la CEE concernant l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie, RO 1992 1894 / JO L 205 du 27.7.1991, p. 2.

23 Voir les mandats adoptés par le Conseil de l’UE : Décisions du Conseil du 31 octobre 1994 (10439/94) ; et du 14 mars 1995 en ce qui concerne les domaines des transports routiers et aériens (5824/95 DCL1).

24 Voir la liste des sept. accords signés le 21 juin 1999 dans la bibliographie, et la présentation annexée au présent ouvrage. Pour un commentaire, voir Daniel FELDER/Christine KADDOUS

(dir.), Accords bilatéraux Suisse-UE (Commentaires) - Bilaterale Abkommen Schweiz-EU (Erste Analysen), Bruxelles/Bâle, Bruylant/ Helbing & Lichtenhahn, 2001, 783 p. et Daniel THÜRER/Rolf H. WEBER/Wolfgang PORTMANN/Andreas KELLERHALS (dir.), Bilaterale Verträge I & II Schweiz-EU – Handbuch, Zürich, Schulthess, 2007, 1251 p.

25 Voir la liste des neuf accords signés le 26 octobre 2004 en bibliographie et la présentation annexée au présent ouvrage. Pour un commentaire, voir Christine KADDOUS/Monique JAMETTI GREINER (dir.), Accords bilatéraux II Suisse-UE et autres accords récents, Bilaterale Abkommen II Schweiz-EU : und andere neue Abkommen, Bruxelles/Genève/Paris, Bruylant/Helbing & Lichtenhahn/LGDJ, 2006, 1006 p. et l’ouvrage de Daniel THÜRER

et a., Bilaterale Verträge I & II Schweiz-EU – Handbuch, op. cit.

On retrouve cette hétérogénéité dans les accords postérieurs qui portent sur l’éducation26, les mesures de contrôles douaniers27, les opérations de politique étrangère28, ou encore sur la navigation par satellite29.

Il en va de même des domaines dans lesquels des discussions ouvertes, et qui portent, par exemple, sur la contribution suisse à l’élargissement de l’UE (jusqu’ici menée de manière autonome) et l’accès au marché dans le domaine des produits chimiques conformément au règlement REACH de l’UE (cependant désormais suspendues). Surtout, des négociations ont été ouvertes dans les domaines de l’électricité, de l’agriculture et la sécurité alimentaire, de la coopération policière transfrontalière (en vue de permettre la participation de la Suisse au cadre « Prüm »), et de nouveau dans le domaine de l’audiovisuel (en vue de permettre la participation de la Suisse au programme de l’UE Europe Creative, qui englobe le sous-programme MEDIA). Un accord sur le commerce des droits d’émission de gaz à effet de serre a également été paraphé en décembre 2015 par la Suisse, et janvier 2016 par l’UE.

La relation Suisse-UE est ainsi établie sur le fondement d’une pluralité d’accords sectoriels : seule la juxtaposition de la centaine d’accords existants (leur nombre exact n’étant pas clairement défini30), et en particulier des vingt

26 Accord du 15 février 2010 établissant les termes et conditions de la participation de la Suisse au programme «Jeunesse en action» et au programme d’action dans le domaine de l’éducation et de la formation tout au long de la vie (2007-2013), RO 2011 879 / JO L 87 du 7.4.2010, p. 7.

27 Accord du 25 juin 2009 relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport des marchandises ainsi qu’aux mesures douanières de sécurité, RO 2011 983 / JO L 199 du 31.7.2009, p. 24.

28 La Suisse est engagée dans la mission ALTHEA auprès de la Force multinationale de stabilisation de l’Union européenne (EUFOR) en Bosnie et Herzégovine, dans la mission Etat de droit de l’UE au Kosovo (EULEX), et depuis 2016, dans la mission de conseil de l’UE sur la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine (EUAM Ukraine) ainsi que dans la mission civile de l’UE visant à réformer le secteur de la sécurité au Mali (EUCAP Sahel Mali). Cet engagement fait suite à six interventions, désormais achevées, à l’égard de : la mission de police civile de l’UE en Macédoine (Proxima), la mission d’observation en Aceh/Indonésie en vue de la démilitarisation de la région de l’Aceh, l’opération militaire EUFOR RD Congo, la mission civile de l’UE en RDC (EUPOL RDC), la mission de police civile de l’UE (MPUE) en Bosnie et Herzégovine ainsi que la mission militaire de formation EUTM au Mali.

29 Accord de coopération du 18 décembre 2013 relatif aux programmes européens de navigation par satellite, RO 2014 299 / JO L 15 du 20.1.2014, p. 3.

30 Le nombre exact est difficile à établir compte tenu de l’extinction de certains accords notamment ceux relatifs à la participation de la Suisse à des programmes de l’UE. A cela s’ajoute une variation possible selon que l’on inclut les protocoles modificatifs des accords existants, et surtout les décisions des comités mixtes Suisse-UE institués par les accords,

Le sujet

principaux, permet d’avoir un aperçu de cette relation et de son importance31.

Outre ces liens sectoriels variés, il faut également tenir compte de la particularité, pour la relation Suisse-UE, de certaines lois fédérales suisses.

En 1988, le Conseil fédéral a décidé d’instituer un contrôle de compatibilité avec le droit communautaire des projets de loi qui présentent une dimension transfrontière32. Cet examen dit « d’eurocompatibilité » était destiné à éviter des divergences considérées comme inutiles et infondées avec le droit communautaire.

Il ne s’agissait donc pas d’instaurer un alignement systématique du droit fédéral suisse sur le droit communautaire, mais de réaliser un alignement dans la mesure où il relèverait de l’intérêt de la Suisse. A la suite du refus du peuple et des cantons suisses de ratifier l’accord EEE, le Conseil fédéral suisse a décidé de poursuivre cette politique, en considérant que : « Ce n’est que si le droit suisse est compatible avec le droit européen qu’il sera possible de maintenir toutes les options, à savoir adhérer à l’EEE ou à la CE sans obstacles infranchissables ou, le cas échéant, choisir une autre solution limitée à des accords bilatéraux »33. La Suisse a ainsi adopté un paquet législatif dit « Swisslex », reprenant de nombreuses adaptations au droit de l’Union européenne prévues pour l’accession à l’EEE dans le projet « Eurolex ». Cette adaptation s’est

qui modifient les accords, mais dont la nature conventionnelle est ambigüe (voir, infra, partie 2, titre 2, n° 749 et s.).

En 1993, la Commission recensait 35 accords dans sa communication du 1er octobre 1993 sur l’avenir des relations avec la Suisse, COM(1993) 486 final. En 2006, le Conseil fédéral soulignait « une vingtaine d’accords sectoriels principaux et une centaine d’accords secondaires » : Rapport Europe 2006 du Conseil fédéral du 28 juin 2006, FF 2006, n° 35, pp. 6461-6622, spéc. p. 6478, pt. 2.3.3. Dans le même sens, voir la déclaration de la Commission du 26 avril 2007 lors du débat au Parlement européen, relatif aux relations entre l’UE et la Suisse, et la résolution du Parlement européen du 7 septembre 2010, « EEE-Suisse: obstacles à la pleine mise en œuvre du marché intérieur », JOC 308E du 20.10.2011, p. 18–22, pt. C.

Cependant, en 2011, la Commission européenne estimait à environ 85 le nombre d’accords conclus : Réponse de Catherine ASHTON du 28 janvier 2011, à la question parlementaire E-9527/2010 du 15 novembre 2010, JO C 265 E du 09.09.2011, p. 33.

31 Il s’agit surtout ici de souligner la variété des domaines de coopération entre l’UE et la Suisse.

Le contenu des principaux accords apparaît dans la deuxième partie (sur l’assimilation de la Suisse à un Etat membre : infra, partie 2, titre 1, n° 515 et s.), ainsi que dans l’exposé synthétique présenté en annexe.

32 Rapport du Conseil fédéral du 24 août 1988 sur la position de la Suisse dans le processus d’intégration européenne, FF 1988, vol. III, n° 37, pp. 233-445, spéc. p. 365.

33 Message du Conseil fédéral du 24 février 1993 sur le programme consécutif au rejet de l’Accord EEE, FF 1993, vol. I, n° 11, pp. 757-942, spéc. p. 762, pt. 11.

11

poursuivie dans des domaines variés, principalement et logiquement dans les domaines les plus directement liés à l’économie, comme en matière de concurrence, mais également en matière sociale.

Cette adaptation autonome du législateur fédéral suisse, qu’elle se réalise sur un ensemble de textes ou, selon la formule du Professeur Jacot-Guillarmod

« par doses homéopathiques »34 à l’occasion de chaque projet législatif, revêt une importance primordiale pour la relation Suisse-UE. L’homogénéisation du droit suisse avec le droit de l’Union européenne, qu’elle assure une unification du marché entre les cantons suisses35 ou qu’elle ouvre la circulation aux produits commercialisés dans l’Union européenne36, a été en pratique très largement assurée37.

En effet, l’« eurocompatibilité » de l’ordre juridique suisse favorise la conclusion ultérieure d’accords entre l’Union européenne et la Suisse, cette dernière pouvant faire valoir lors des négociations qu’elle est d’autant plus susceptible de mettre en œuvre un accord fondé sur le droit de l’Union, qu’une partie de sa législation est déjà homogène avec ce droit. Ce constat est très net en matière économique, l’adaptation autonome permettant

« de faciliter l’accès au marché intérieur »38.

Par conséquent, la relation entre l’Union européenne et la Suisse apparaît fondée sur divers accords sectoriels, auxquels s’ajoutent des actions parallèles et casuistiques du législateur fédéral suisse. Ces différents actes juridiques reprennent, dans des proportions variables, des dispositions du

34 Olivier JACOT-GUILLARMOD, « L’ordre juridique suisse face à l’ordre juridique communautaire : aspects normatifs et judiciaires », in D. SCHINDLER et a. (dir.), Le droit suisse et le droit communautaire : convergences et divergences, Zürich, Schulthess, 1990, pp. 1-20, spéc. p. 4.

35 C’est en particulier l’objet de la loi fédérale sur le marché intérieur (LMI), du 6 octobre 1995, RO 1996 1738. Même si elle n’est pas traitée dans le cadre de cette étude, on soulignera que l’adaptation se réalise également au niveau cantonal.

36 Loi fédérale du 12 juin 2009 modifiant la loi sur les entraves techniques au commerce (LETC), RO 2010 2617, parfois également appelée loi « sur le principe Cassis de Dijon », par référence à la jurisprudence de la Cour de justice (CJCE, 20 février 1979, Rewe-Zentral AG c. Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, aff. 120/78, Rec. 1979, p. 649).

37 Le législateur fédéral n’adopte « qu’exceptionnellement » des actes juridiques non compatibles avec le droit de l’UE : rapport du Conseil fédéral du 3 février 1999 sur l’intégration, FF 1999, vol. IV, n° 22, pp. 3600-4011, spéc. p. 3634. C’est notamment dans les domaines de la politique fiscale et agricole que la législation suisse se démarque davantage de celle de l’Union.

38 Rapport Europe 2006, op. cit., p. 6477 pt. 2.3.2.

Le sujet

droit de l’UE, sans que cette utilisation ne soit rattachée à un projet global tel que celui poursuivi par l’accord EEE. Or, cette approche assez technique de la relation Suisse-UE, qui conduit parfois à voir une « intégration douce »39 – quoique partielle – de la Suisse dans l’Union européenne, ne doit pas laisser penser que la voie choisie est une voie « paisible ».

II. Un bilatéralisme sous tension

Le bilatéralisme institué entre l’Union européenne et la Suisse, parce qu’il est faiblement encadré institutionnellement, accorde une place quasiment quotidienne à la question « politique ». Alors que le politique est limité dans la définition des normes applicables (laquelle suit une approche essentiellement pragmatique), il recouvre une place importante dans la mise en œuvre des accords. Par conséquent, dans la relation Suisse-UE, le « politique » est relégué à une place marginale dans la définition d’une relation conçue comme pragmatique, ce qui en affecte la stabilité juridique dans la mise en œuvre des accords conclus (A). Cette tension sous-jacente à la relation Suisse-UE pourrait cependant être juridiquement encadrée puisque la Suisse et l’Union européenne ont ouvert en 2014 des négociations sur des questions dites institutionnelles (B).