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L’équilibre entre subjectivisme et objectivisme dans la relation Suisse-UE

Section 2. Les éléments subjectifs caractéristiques

B. L’échec des orientations de 1992 sur un espace économique européen

1. Le processus de Luxembourg

A la suite de la conclusion des accords de libre-échange de 1972246 et de la libération atteinte en 1977, les Etats de l’AELE appellent à une coopération intensifiée au sein de l’AELE et à la poursuite des relations commerciales et économiques avec la Communauté247. Toutefois, la nouvelle impulsion souhaitée trouve peu de concrétisations, compte tenu de la situation économique difficile à la fin des années 1970. Hormis des accords ponctuels,

246 L’accord CEE-Norvège n’a été conclu qu’en 1973, à la suite du refus de la Norvège d’adhérer à la CEE (voir, supra, note 244).

247 Sommet de Vienne du 13 mai 1977, communiqué et déclaration, voir le 17ème rapport annuel de l’AELE (1976-1977). Pour une comparaison des échanges commerciaux de l’AELE, entre la période allant de 1959 à 1972 et celle allant de 1972 à 1975, voir l’EFTA Bulletin, n° 3/77, vol. XVIII, avril 1977, pp. 3-5. Du point de vue de la CEE en outre, les rapports avec les Etats de l’AELE « pouvaient être qualifiés de routiniers et courants, engendrant de temps à autre des accords pratiques et techniques pour faciliter les échanges économiques entre les deux groupes » : Helen WALLACE, « Vers un espace économique européen : chances et difficultés d’une négociation conclue au finish », R.M.C.U.E. 1991, n° 351, pp. 694-703, spéc. p. 696.

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Les éléments subjectifs et objectifs déterminant la relation

la relation CEE-AELE se développe surtout par l’établissement de dialogues réguliers à différents niveaux : à partir du milieu des années 1970, des réunions conjointes régulières sont organisées entre le Comité consultatif de l’AELE et le Comité économique et social des CEE ou encore entre le Comité de parlementaires de l’AELE et le Parlement européen.

Le contexte des relations CEE-AELE se modifie notablement au milieu des années 1980. D’abord, la libéralisation atteinte par les accords de libre-échange de 1972 est sur le point d’atteindre ses dernières limites puisqu’au 1er janvier 1984, les dernières barrières tarifaires entre la CEE et l’AELE sont supprimées. Ensuite, la Finlande, membre associé à l’AELE depuis 1961 s’apprête à devenir membre à part entière de l’AELE (au 1er janvier 1986) ; à l’inverse, le Portugal quitte l’AELE pour adhérer à la Communauté.

Celle-ci se prépare en outre à franchir une nouvelle étape importante avec l’Acte unique européen. Enfin, les Etats européens prennent conscience de la nécessité de renforcer leur cohésion économique pour faire face à la concurrence des États-Unis et du Japon. Par conséquent, la Suisse et les autres Etats de l’AELE, veulent éviter d’être « marginalisés ou satellisés »248, ou encore d’être « évincés »249.

Le 9 avril 1984, les ministres des Etats de l’AELE, de la CEE, ainsi que la Commission européenne, adoptent une déclaration qui ouvre la voie à ce qui est communément appelé « le processus de Luxembourg ». La Déclaration de Luxembourg affiche la volonté de ses signataires de créer « un Espace économique européen dynamique profitable à leurs pays »250. Ils se déclarent prêts à améliorer la libre circulation des produits industriels par le recours à l’harmonisation des normes, l’élimination des obstacles techniques, la simplification des formalités aux frontières et règles d’origine, l’élimination de pratiques susceptibles de fausser le jeu de la concurrence, ainsi que l’accès aux marchés publics. En outre, ils conviennent d’élargir et d’approfondir la coopération dans les domaines de la recherche, des transports, de l’agriculture, la pêche, l’énergie, et se montrent ouverts à des consultations

248 Josiane AUVRET-FINCK, « Espace économique européen », op. cit., pt. 5 ; René SCHWOK,

« L’AELE face à la Communauté européenne : un risque de satellisation », J.E.I., 1989, vol. XIII, n° 1, pp. 15-53.

249 Catherine FLAESCH-MOUGIN, « Les accords externes de la CEE » (chronique), R.T.D.E.

1990, n° 1, pp. 85-126, spéc. p. 86.

250 Déclaration de Luxembourg du 9 avril 1984 adoptée à l’issue de la 1ère réunion ministérielle entre la Communauté européenne, ses Etats membres et les Etats de l’AELE.

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sur la protection sociale, la culture, l’environnement ou encore la propriété intellectuelle.

Cette déclaration offre ainsi une impulsion à la coopération, élargie à de nouvelles questions et structurée par des accords-cadres comme celui de 1986 en matière de recherche251, ou des conventions multilatérales entre la CEE et les six Etats de l’AELE relatives à un régime de transit commun ou à la simplification des formalités dans les échanges de marchandises252, ou encore à la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale (convention de Lugano de 1988)253.

Mais c’est la « Déclaration Delors » du 17 janvier 1989 qui propose un véritable tournant dans la relation AELE-CE. Cette relation peut se poursuivre, explique le président de la Commission européenne, selon deux grandes voies : « ou bien continuer dans le cadre des rapports actuels, en fait essentiellement bilatéraux, pour aboutir finalement à une zone de libre-échange entre la Communauté et les pays appartenant à l’Association européenne de libre-échange. Ou bien rechercher une nouvelle forme d’association, qui serait plus structurée sur le plan institutionnel, avec des organes communs de décision et de gestion, et ce afin d’accroître l’efficacité de notre action. Ce serait souligner la dimension politique de notre coopération dans les domaines de l’économique, du social, du financier, voire du culturel »254. Jacques Delors ouvre ainsi la voie à une considérable évolution des relations entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’une part, la Suisse et les autres Etats de l’AELE d’autre part.

251 Accord-cadre de coopération scientifique et technique du 8 janvier 1986 entre la Confédération suisse et les Communautés européennes, RO 1986 183 / JO L 313 du 22.11.1985, p. 6. L’accord-cadre se réfère à la déclaration du Luxembourg de 1984 et notamment en ce qu’elle soulignait que « l’interdépendance économique grandissante entre les Communautés et les pays de l’AELE justifiait en particulier une coopération dans le domaine de la recherche et du développement et ont souligné la nécessité d’accentuer ces efforts, notamment en vue de favoriser la mobilité des chercheurs, que, par ailleurs, les ministres ont souhaité qu’une attention particulière soit réservée à certains domaines industriels et technologiques d’avenir ».

252 Conventions du 20 mai 1987 entre la CEE, l’Autriche, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Suède et la Suisse, relatives à un régime de transit commun, RO 1988 p. 308 / JO L 226 du 13.8.1987, p. 2 ; et à la simplification des formalités dans les échanges de marchandises, RO 1988 301 / JO L 134 du 22.05.1987, p. 2. Les deux conventions de réfèrent à la déclaration du Luxembourg de 1984, notamment en ce qu’elle visait « la simplification des formalités aux frontières et des règles d’origine ».

253 Convention du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, RO 1991 2436 / JO L 319 du 25.11.1988, p. 9.

254 Discours du 17 janvier 1989 présenté par Jacques Delors devant le Parlement européen.

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Les éléments subjectifs et objectifs déterminant la relation

Son invitation était cependant tempérée par une préoccupation déjà aperçue lors de l’étude des négociations de 1957255 : c’est la « crainte que les disciplines et solidarités politiques qui étayaient les relations entre les membres de la CEE ne soient diluées dans l’effort d’intégration des adhérents de l’AELE dans un nouveau cadre de coopération »256. Le président de la Commission européenne soulignait en particulier que la Communauté n’était pas seulement un grand marché et qu’elle avait vocation à se transformer en union politique. « Ce contrat de mariage […] est indivisible, même si toutes ses stipulations ne sont pas encore mises en œuvre. Seule cette affectio societatis qui nous unit nous permet de transcender les difficultés et contradictions, bref d’avancer dans tous les domaines de l’action collective. Dès lors, il est extrêmement délicat de vouloir établir au sein de cette union, qui se veut exhaustive, des menus à option »257. Par conséquent, les solutions dépendraient du renforcement des structures de l’AELE, hypothèse ouvrant la voie à une coopération entre deux piliers : CE et AELE.

Les Etats de l’AELE ayant accueilli favorablement cette initiative, c’est sur

« une forme d’association plus structurée, avec des organes communs de décision et de gestion »258 que s’engagent les discussions relatives à un Espace Economique Européen dynamique et homogène259. Par dynamique, l’AELE et la CE visent à la fois les effets de la libéralisation attendus et « l’intention de l’AELE et de la CE de poursuivre l’extension du champ d’action de leur coopération »260. La négociation sur l’EEE est officiellement ouverte le 1er juillet 1990. Très complexe – elle a pu être considérée comme « la plus difficile »261 jusqu’alors menée par les négociateurs de la CEE – elle aboutit en octobre 1991 à un accord politique.

En décembre 1991, la Cour de justice des Communautés considère que le mécanisme juridictionnel prévu par le projet d’accord EEE est incompatible

255 Voir, supra, n° 93.

256 Helen WALLACE, « Vers un espace économique européen », op. cit., p.696.

257 Discours du 17 janvier 1989 présenté par Jacques Delors précité.

258 Déclaration d’Oslo du 15 mars 1989, adoptée à l’issue de la réunion des chefs de gouvernement de l’AELE.

259 Déclaration d’Oslo du 15 mars 1989, précitée. L’expression se retrouve également dans les conclusions conjointes de la réunion entre les Etats de l’AELE et la Commission adoptées à l’issue de la rencontre de Reykjavik du 5 juin 1986.

260 Secrétariat de l’AELE, L’Association européenne de libre-échange, Genève, 1987, p. 119, cité par René SCHWOK, « L’AELE face à la Communauté européenne : un risque de satellisation », E.J.I.L., 1989, vol. XIII, n° 1, pp. 15-53, spéc. p. 42.

261 Helen WALLACE, « Vers un espace économique européen », op. cit., p.700.

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avec le Traité CE262. Une seconde version est alors arrêtée et, à la suite de l’avis rendu le 10 avril 1992263, l’accord est signé en mai 1992 à Porto.

2. La signature de l’accord de Porto et la demande