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L’influence sur la volonté de l’Union européenne de préserver son intégration

Conclusion du chapitre 1

Section 2. Les éléments objectifs juridiques

C. La réalisation d’une union économique et politique

2. L’influence sur la volonté de l’Union européenne de préserver son intégration

L’achèvement du marché intérieur a conduit les Etats de l’AELE à vouloir se rapprocher des Communautés, également intéresées par cette perspective, bien que soucieuses de préserver le marché commun481. Cette préoccupation des Communautés est expliquée par le Conseil fédéral suisse :

477 Rapport du Conseil fédéral du 18 mai 1992, sur la question d’une adhésion de la Suisse à la Communauté européenne, FF 1992, vol. III, n° 27, pp. 1125-1320, spéc. p. 1135.

478 Ibid., p.1136. Le Conseil fédéral souligne que les pays tiers subissent l’évolution de la réalisation de l’Union, dotée de nouveaux domaines de compétence notamment ceux de la politique étrangère et de sécurité et des affaires intérieures et judiciaires, dont les effets des décisions « vont déterminer dans une large mesure la marche de l’Europe et, finalement, le champ de manœuvre de leurs propres décisions de politique intérieure et extérieure » (id.), et dont le poids dans la négociation conventionnelle, bilatérale ou dans l’enceinte d’organisation, ne peut que croître à leur détriment.

479 Rapport du Conseil fédéral du 18 mai 1992 op. cit., p. 1130.

480 Ibid.

481 Voir le discours du Commissaire W. De Clercq du 20 mai 1987 lors de la rencontre avec les Etats de l’AELE à Interlaken (cité par le rapport du Conseil fédéral du 24 août 1988, sur la position de la Suisse dans le processus d’intégration européenne, FF 1988, vol. III, n° 37, pp. 233-445, spéc. p. 292) et le discours du Président de la Commission Jacques Delors, du 17 janvier 1989, présenté devant le Parlement européen.

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« l’accent mis sur la priorité à accorder à l’intégration communautaire est l’expression d’une exigence fondamentale. Elle est le corollaire du fait que les Etats membres de la CE ont consenti le sacrifice d’une renonciation à l’exercice de certains droits de souveraineté pour "assurer par une action commune le progrès économique et social de leurs pays" (préambule du Traité CEE). L’intégration leur confère un droit de participer aux activités de la Communauté et leur ouvre des possibilités de coopération qu’ils n’auraient guère pu obtenir d’une autre manière et qui les libèrent - pour une large part dans certains domaines - de la nécessité de collaborer avec des Etats tiers »482.

Cette exigence apparaît assez forte, précisément au moment où l’intégration s’intensifie483. Les années 1980-1990 marquent en effet une étape essentielle pour la réalisation de l’union économique, et les Communautés, notamment la Communauté économique, cherchaient à en assurer les conditions optimales. Concrètement, la protection du marché intérieur s’est déclinée sur plusieurs volets d’exigences.

D’abord, d’un point de vue temporel, il s’agissait pour la Communauté d’éviter que les négociations avec les Etats de l’AELE ne retardent la mise en place effective du marché intérieur484. Plus encore, il s’agissait de faire en sorte que le moment choisi pour approfondir la relation coïncide avec le programme d’achèvement du marché intérieur. La Suisse (comme les autres Etats de l’AELE) avait ainsi accepté que « l’accord instituant l’EEE entre en vigueur parallèlement à l’achèvement du marché intérieur de la CE »485.

Suivant cette logique, c’est un parallélisme avec le marché intérieur qui est visé d’un point de vue matériel. La perspective d’achèvement du marché intérieur a en effet orienté les discussions: du point de vue de la Communauté, le marché intérieur a vocation à être le point d’ancrage de sa relation avec les Etats de l’AELE dont la Suisse. Par conséquent, la négociation s’établit sur un référentiel large : non seulement les règles du marché intérieur, mais aussi des domaines allant au-delà du programme du marché intérieur, considérés comme complémentaires. En d’autres termes, la

482 Rapport du Conseil fédéral du 24 août 1988, op. cit., p. 292.

483 Rapport du Conseil fédéral du 24 août 1988, op. cit., pp. 293-294.

484 Ibid.

485 Communiqué de la réunion ministérielle du Conseil de l’AELE, Genève, 12 décembre 1989.

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Les éléments subjectifs et objectifs déterminant la relation

Communauté souhaitait que des règles (que l’on a appelées règles primaires) basées sur de larges pans du droit communautaire : non seulement les libertés de circulation, mais aussi des règles « liées » au marché intérieur,

« associées » à son bon fonctionnement486.

Enfin, l’influence du marché intérieur se veut également structurante d’un point de vue institutionnel, c’est-à-dire au niveau des règles secondaires qui régissent l’interprétation et la modification des règles primaires (ayant vocation à être basées sur celles du marché intérieur). D’une part, l’intégration d’Etats tiers dans le marché intérieur ne doit pas aboutir à limiter l’autonomie de la Communauté : dans cette Maison appelée Communauté, seuls les membres en seraient architectes et en conserveraient soigneusement les clés487. La Communauté ne souhaitait notamment pas établir des règles secondaires qui accordent une influence trop forte aux Etats de l’AELE dans le processus d’adoption ou d’interprétation du droit communautaire488. D’autre part, la Communauté voulait éviter un morcellement des règles tirées du marché intérieur. Il fallait ainsi garantir que les règles secondaires maintiennent « l’arrimage » des règles primaires sur le marché intérieur en termes d’interprétation et de reprise du droit communautaire.

L’achèvement du marché intérieur et la réalisation d’une union économique et politique ont ainsi eu des effets ambivalents pour la Suisse et la Communauté: ils ont accru leur volonté de rapprochement d’un côté, tout en exacerbant leur volonté de préserver leur autonomie. Enfin, la relation entre la Suisse et la Communauté, puis l’Union, est marquée par l’influence du processus d’élargissement de cette dernière, lequel tend à développer le réseau conventionnel établi en incluant une logique de cohésion.

486 Il s’agit notamment de domaines relevant de « politiques horizontales et d’accompagnement » du marché intérieur, comme la recherche, l’éducation, l’environnement et les transports.

487 Discours de Jacques Delors du 17 janvier 1989, précité.

488 La Cour de justice a veillé à l’autonomie de l’ordre juridique communautaire dans le contrôle des règles secondaires relatives à l’interprétation du droit. Elle a considéré comme portant atteinte à l’autonomie, l’organisation juridictionnelle prévue dans la première version de l’accord EEE : CJCE, 14 décembre 1991, Projet d’accord portant sur la création de l’Espace économique européen, avis 1/91, Rec. 1991, p. I-06079. Sur l’utilisation de l’avis 1/91 pour analyser les règles secondaires prévues par les accords Suisse-UE, voir, infra, titre 2, chapitre 2, n° 410 et s.