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L’influence sur la volonté de l’Union européenne d’imposer une solidarité

Conclusion du chapitre 1

Section 2. Les éléments objectifs juridiques

D. Le processus d’élargissement de l’Union européenne

3. L’influence sur la volonté de l’Union européenne d’imposer une solidarité

Les spécificités des nouveaux Etats membres de la Communauté et désormais de l’Union européenne influencent à de nombreux égards la relation qu’elle entretient avec la Suisse. L’élargissement à l’Espagne et au Portugal, par exemple, s’est traduit par des dispositions spécifiques liées à certains territoires particuliers (les îles Canaries, Ceuta et Melilla) et par un règlement conventionnel d’importantes questions agricoles504. Mais l’influence la plus notable est celle de la situation économique et sociale générale des Etats adhérents aux Communautés puis à l’Union européenne. La disparité économique entre les Etats membres, consécutive à l’élargissement de 1986, sera déterminante. Elle explique la volonté de la Communauté d’éviter que les Etats de l’AELE bénéficient « unilatéralement des efforts de libéralisation consentis dans le cadre du programme du marché intérieur, sans pour autant contribuer à améliorer les conditions structurelles des régions d’Europe économiquement défavorisées »505. Il faut en effet comprendre cette exigence au regard des efforts de politique régionale et sociale entrepris, en complément des mesures de libéralisation et d’harmonisation, afin d’achever la réalisation du marché intérieur.

Le parallélisme avec le développement de la construction communautaire, qui mène un programme d’achèvement du marché intérieur complété par des efforts en matière de politique régionale et sociale, est alors suivi dans les relations AELE-CE, puisque l’accord EEE prévoira des mesures de

503 C’est le cas à l’égard des discussions consécutives au référendum du 9 février 2014 « Contre l’immigration de masse », visant une mise en œuvre compatible avec l’ALCP, du nouvel article 121 a de la Constitution suisse. Lors de leur rencontre du 16 juillet 2016, le Président de la Confédération suisse et le Président de la Commission européenne ont constaté que l’issue du scrutin sur le « Brexit » « rendait plus difficile la recherche d’une solution dans les délais fixés par la Constitution [suisse] » : newsletter du Département fédéral de l’économie, de l’innovation et de la recherche du 16 juillet 2016.

504 Sur les problèmes posés par ces questions, voir le message du Conseil fédéral du 12 août 1986 précité. Sur l’influence des adhésions espagnole et portugaise sur la relation entre les Etats de l’AELE et la Communauté européenne, voir Colomba PAINDAVOINE, La stabilisation progressive des relations entre la Communauté européenne et l’A.E.L.E., 1998, 753 p., spéc. pp. 177 et s.

505 Rapport du Conseil fédéral du 24 août 1988 sur la position de la Suisse dans le processus d’intégration européenne, op. cit., p.293. Il cite les propos du commissaire, W. De Clercq, tenus le 20 mai 1987, à Interlaken.

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Les éléments subjectifs et objectifs déterminant la relation

libéralisation, complétées par une contribution des Etats de l’AELE à la cohésion économique et sociale.

La Suisse n’ayant pas ratifié l’accord EEE, sa contribution à la cohésion économique et sociale a provisoirement été laissée en suspens506. La conclusion d’accords sectoriels en 1999, dont l’un porte sur la libre circulation des personnes, ne sera pas directement accompagnée d’une contribution à la réduction des disparités dans l’Union européenne. Pourtant déjà, le chef de la Mission suisse auprès des Communautés soulignait les soupçons qui pèsent sur la Suisse de ne profiter que des avantages de l’intégration conquise « à grands efforts et à des coûts élevés par les Européens »507. C’est l’élargissement de 2004 à huit nouveaux Etats, et en 2007 à deux nouveaux Etats, qui va conduire l’Union européenne à « inviter » la Suisse à participer à la cohésion économique et sociale. En étendant l’accord sur la libre circulation des personnes aux nouveaux Etats membres, la Suisse a accepté une telle contribution508. Elle se fait cependant de manière autonome : la Confédération ne participe pas directement à la politique de l’Union européenne. Un « memorandum » fixe le cadre de cette

506 A la suite du referendum du 6 décembre 1992, le Conseil fédéral déclarait : « Pour faire suite à la décision du souverain, la Suisse […] ne sera pas en mesure de partager les charges financières qui seront strictement liées à ce dernier ni en particulier de contribuer au fonds de cohésion créé par l’EEE » : Message du 24 février 1993 sur le programme consécutif au rejet de l’Accord EEE, FF 1993, vol. I, n° 11, pp. 757-942, spéc. p. 772, pt. 123.2.

507 Alexis LAUTENBERG, « Les accords bilatéraux vus de Bruxelles », in D. FELDER/ C. KADDOUS

(dir.), Accords bilatéraux Suisse-UE, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 21-24, spéc. p. 24.

508 Voir le message du Conseil fédéral du 15 décembre 2006 sur la contribution de la Suisse à l’atténuation des disparités économiques et sociales dans l’UE élargie, FF 2007, vol. I, n° 5, pp. 439-506, et la réponse de la Commission européenne du 9 février 2011, à la question parlementaire E-9959/2010 sur la contribution suisse à la cohésion, JO C 265 E du 09.09.2011.

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contribution509 et est suivi d’accords entre la Suisse et les Etats de l’UE bénéficiaires510.

En conclusion, le droit de l’UE exerce des influences nombreuses sur la relation Suisse-UE, lesquelles varient selon l’aspect de la construction de l’Union européenne considéré. Les règles de compétences ont des conséquences sur le type d’accord conclu avec la Suisse. Le processus d’unification explique que les accords, ainsi que les législations suisses, reprennent parfois le droit de l’UE, notamment dans les règles dites du premier degré. La réalisation d’une union joue de manière ambivalente comme cadre d’intégration de la Suisse. Enfin, l’élargissement contribue à renforcer les liens établis entre la Suisse, l’Union européenne et ses Etats membres. La liste n’est pas exhaustive : il manque probablement une analyse de l’influence de la démocratie au sein de l’Union européenne, des modalités de représentation des Etats et peuples européens et de la participation à la prise de décision. L’analyse dynamique et notamment institutionnelle de la relation Suisse-UE conduira à constater que se pose, avec une prégnance peut-être plus forte qu’elle ne le semble, la question de l’exercice de la liberté politique au sein de cet ensemble formé progressivement entre la Suisse et l’Union européenne511. Mais sans anticiper sur ces réflexions, l’influence sur la relation Suisse-UE du caractère démocratique de l’Union européenne est difficile à déterminer512. La relation Suisse-UE n’en reste pas moins marquée par le droit de l’UE qui, à la fois, favorise et limite l’établissement d’accords

509 La contribution de la Suisse à la cohésion n’a pu être réglée par un accord classique contraignant juridiquement (voir l’exposé des motifs de la proposition de décision du Conseil du 20 octobre 2005 autorisant la conclusion, au nom de la Communauté, d’un mémorandum d’entente entre la CE et le Conseil fédéral suisse, et autorisant certains États membres à conclure individuellement des accords avec la Confédération suisse en vue de la mise en œuvre du mémorandum, COM(2005) 468final). Le Memorandum est donc considéré comme n’ayant « pas de caractère contraignant en droit international » (Rapport Europe 2006 du 28 juin 2006, FF 2006, vol. II, n° 35, pp. 6461-6622, spéc. p. 6496, pt. 3.1.4). Sur l’incidence de ce caractère non-contraignant en matière de relations extérieures de l’UE voir CJUE, 28 juillet 2016, Conseil c. Commission, aff. C-660/13.

510 Le détail des projets est disponible sur le site des autorités fédérales : https://www.erweiterungsbeitrag.admin.ch/erweiterungsbeitrag/fr/home.html [consulté le 1er mars 2017].

511 Voir, infra, partie 2, titre 2, conclusion du chapitre 2, n° 969, les réflexions sur la liberté politique dans l’ensemble Suisse-UE.

512 Cet élément varie notamment selon que l’on met l’accent sur le déficit démocratique de l’Union ou sur le renforcement de la démocratie. Il dépend aussi de la conception du niveau européen, comme une menace pour l’exercice des droits démocratiques nationaux, ou au contraire comme un regain démocratique dans le cadre d’un nouveau paradigme.

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Les éléments subjectifs et objectifs déterminant la relation

basés sur ce droit. A cette action se superpose celle du droit de la Confédération suisse : la structure étatique et les stratégies législatives permettent de placer la relation avec l’Union européenne au centre des discussions, mais rendent en même temps difficile l’établissement d’une vision à long terme de cette relation.