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Conclusion du chapitre 1

Section 2. Les éléments objectifs juridiques

A. L’influence du droit constitutionnel suisse

3. L’influence des droits politiques fédéraux

L’exercice des droits politiques en Suisse a donné lieu à des votations pour l’adhésion à l’Union européenne544 et à l’opposé pour le retrait de la demande d’adhésion545, ainqi qu’à des votes dans le domaine des accords

538 Message du Conseil fédéral du 5 février 1960 sur la participation de la Suisse à l’association européenne de libre-échange, op. cit., p.889, qui expliquait pourquoi « La volonté d’indépendance du peuple suisse s’oppose […] à une adhésion à la communauté » (ibid.).

539 Constitution de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.), RO 1999 2556, RS.101.

540 Art. 55, al. 1, Cst.

541 Art. 54, al. 1, Cst.

542 Sur ce point, voir Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, L’État, Bern, Stämpfli, 3ème éd., 2013, 880 p., spéc. pp. 446 et s.

543 Ibid., p. 21.

544 Initiative populaire fédérale « Oui à l’Europe! », aboutie le 14 février 1997, rejetée par votation du 4 mars 2001. Le Conseil fédéral et l’Assemblée avaient recommandé son rejet (Message du Conseil fédéral du 27 janvier 1999, FF 1999, vol. IV, n° 22, pp. 3494-3504 ; Arrêté du 23 juin 2000 de l’Assemblée fédérale, FF 2000 n° 26, pp. 3322-332). Cette initiative subit « un cuisant échec » (René SCHWOK, Suisse-Union européenne, l’adhésion impossible ?, op. cit., p.90) : plus de 76% des votants la rejettent et la totalité des cantons.

545 Plus exactement, l’initiative « Négociations d’adhésion à l’UE que le peuple décide! » aboutie le 7 juin 1994 ne visait pas directement le retrait de la demande d’adhésion faite par le Conseil fédéral en 1992, mais à en empêcher tout effet. Elle visait à confier au peuple et

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Suisse-UE. Ceci s’explique par le système démocratique suisse qui permet au peuple et aux cantons de se prononcer régulièrement sur la relation de la Suisse à l’Union (a). Ces droits de participation du peuple et des cantons contribuent probablement à éloigner la Suisse d’une adhésion à des ensembles intégrés tels que l’EEE ou l’Union européenne, ou du moins à en renforcer les arguments politiques. Si l’on s’en tient aux accords Suisse-UE conclus, il semble que les droits politiques fédéraux ont des conséquences sur l’importance des négociations préalables et parallèles aux accords Suisse-UE (b) et sur le type de règles secondaires qui régissent le maintien dans le temps des règles primaires (c).

a. La relation Suisse-UE, objet d’exercice des droits politiques fédéraux

L’exercice des droits politiques fédéraux peut affecter de plusieurs manières la relation de la Suisse à l’Union européenne546. D’une part, l’approbation d’un accord avec l’Union européenne peut justifier le recours au referendum.

Le referendum serait obligatoire si la Suisse voulait conclure un traité d’adhésion à l’Union européenne (vote du peuple et des cantons)547. C’est sur le fondement de l’article 140 de la Constitution qu’a été rejetée, par le peuple et les cantons, la ratification de l’accord EEE en 1992548.

aux cantons la décision d’ouverture des négociations d’adhésion, et à rompre toute discussion entamée à cet effet. Le Conseil fédéral a proposé de rejeter l’initiative, comme l’Assemblée (resp. : Message du 23 août 1995, FF 1995, n° 43, pp. 820-826 ; Arrêté du 21 juin 1996, FF 1995, n° 26, p. 40). L’initiative a été rejetée. Cependant, à la suite de la motion adoptée par le Parlement le 15 juin 2016, le Conseil fédéral a formellement présenté à l’UE une lettre de retrait de la demande d’adhésion déposée en 1992.

546 Astrid EPINEY/Karine SIEGWART (dir.), Démocratie directe et Union européenne, Freiburg, Universitätsverlag, 1997, 143 p. ; Ridha FRAOUA/Luzius MADER, « Les accords sectoriels et la démocratie suisse », in D. FELDER/C. KADDOUS (dir.), Accords bilatéraux Suisse-UE, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 149-182 ; Ridha FRAOUA, « Procédure d’approbation et de mise en œuvre des Accords bilatéraux II : aspects constitutionnels », in C. KADDOUS/ M. JAMETTI GREINER

(dir.), Accords bilatéraux II Suisse-UE, Bruxelles, Bruylant, 2006, pp. 119-154.

547 Art. 140, al. 1, b) Cst., qui soumet au vote du peuple et des cantons « l’adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales ».

548 Pour le Conseil fédéral, les éléments de supranationalité présents dans les accords relatifs à l’EEE ne suffisaient pas à réaliser toutes les conditions de l’art. 89 al. 5 Cst. [devenu art. 140 précité] et qu’en conséquence, la ratification de ces traités ne constituait pas une adhésion à une communauté supranationale au sens de cette disposition. Toutefois, il estimait opportun de les soumettre au referendum obligatoire car l’accord EEE oblige les Etats de l’AELE à créer deux organisations qui contiennent des éléments supranationaux (la Cour AELE et l’Autorité de surveillance AELE) ; l’accord EEE est un traité international comportant un vaste champ d’application matériel ; de nombreuses dispositions de l’EEE sont directement 215

Les éléments subjectifs et objectifs déterminant la relation

Les accords Suisse-UE peuvent également être soumis au referendum facultatif : si 50 000 citoyens ou 8 cantons le demandent dans les 100 jours à compter de la publication officielle de l’accord, un referendum (vote du peuple) peut être demandé pour les traités qui « sont d’une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables », les traités qui « prévoient l’adhésion à une organisation internationale » et depuis 2003 ceux qui « contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en œuvre exige l’adoption de lois fédérales »549. De même, un referendum facultatif peut retarder l’application550 voire remettre en cause une loi préparant un cadre juridique favorable aux négociations avec l’Union européenne, ou une loi de mise en œuvre d’un accord Suisse-UE551. En pratique, « l’arme du referendum est efficace »552 : environ 7% des lois adoptées par l’Assemblée sont soumises au referendum, et une loi sur deux ne passe pas l’épreuve du scrutin.

D’autre part, le système suisse connaît des initiatives populaires qui peuvent remettre en cause les négociations en cours entre la Suisse et l’Union européenne. Plus encore, de telles initiatives peuvent affecter la mise en œuvre d’accords déjà conclus avec l’Union européenne, problème qui se pose également à l’égard des autres conventions ratifiées par la Suisse553. Tel est le cas des initiatives constitutionnelles dès lors que la modification envisagée vise à acquérir un statut constitutionnel554. Or, leur validité juridique est examinée au regard des règles impératives du droit international, dont ne font évidemment pas partie les accords Suisse-UE555.

applicables ; l’approbation de l’Accord EEE exige nécessairement une adaptation du droit constitutionnel (Message du Conseil fédéral du 18 mai 1992 relatif à l’approbation de l’Accord EEE, FF 1992, vol. IV, n° 33, pp. 1-654, spéc. pp. 525 et s.).

549 Art. 141, al. 1, pt. d), Cst.

550 Le referendum législatif est suspensif.

551 Peuvent (notamment) faire l’objet d’une demande de referendum les lois adoptées par l’Assemblée fédérale, c’est-à-dire : « Toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit » (art. 141 (al. 1), pt. a) Cst., lu en combinaison avec l’art. 164 Cst.).

552 Andreas AUER et a., Droit constitutionnel suisse, op. cit., p.269, §832, y compris pour les statistiques et exemples de lois acceptées et rejetées ces dernières années.

553 La Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH, RO 1974 2151) est probablement l’une des conventions les plus visées matériellement par les initiatives populaires.

554 L’initiative populaire ne vise, au niveau fédéral, que la révision de la Constitution.

L’initiative populaire législative en revanche existe dans tous les cantons.

555 Les citoyens suisses peuvent « proposer la révision totale de la Constitution » (art. 138 Cst.) ; si l’initiative recueille 100 000 signatures, la révision est élaborée par l’Assemblée avant d’être soumise au vote du peuple et des cantons.

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Ces initiatives placent alors la question des rapports Suisse-UE sur le terrain le plus sensible juridiquement (et politiquement), qui est celui du rang dans l’ordre juridique interne, du droit international conventionnel par rapport au droit constitutionnel556. De tels conflits peuvent être réduits en amont en d’examen. En premier lieu, l’Assemblée examine la validité juridique de l’initiative : lorsqu’une initiative populaire ne respecte pas les principes de l’unité de la forme et de la matière, ou les règles impératives du droit international, l’Assemblée fédérale la déclare totalement ou partiellement nulle. Si l’initiative est juridiquement valide, l’Assemblée se prononce ensuite sur l’opportunité de son adoption. L’effet de ce second examen diffère selon que l’initiative ait été conçue comme un « projet rédigé » ou une « proposition conçue en termes généraux » (art. 139, al. 4 Cst.). Dans le premier cas, toute initiative revêtant la forme d’un projet rédigé est soumise au vote du peuple et des cantons (art. 139, al. 5 Cst.). Mais l’Assemblée peut opposer à l’initiative un « contre-projet » qui sera soumis au vote en même temps. Dans le second cas, si l’Assemblée approuve l’initiative, elle élabore la révision partielle dans le sens de l’initiative et la soumet au vote du peuple et des cantons.

Les chances d’adoption d’une initiative ont été élargies en 2009 (art. 140 al. 2, pt. B, Cst., RO 2009 6409) : désormais, si l’Assemblée rejette l’initiative, le peuple décide des suites à donner. S’il accepte l’initiative, l’Assemblée élabore le projet demandé par l’initiative (qui sera ensuite à nouveau soumis au vote du peuple et des cantons pour approbation).

On soulignera à titre d’exemple l’initiative « Pour le renvoi effectif des étrangers criminels », acceptée le 28 novembre 2010, et l’initiative « Pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en œuvre) ». Ces initiatives concernent notamment les accords Suisse-UE (ainsi que la CEDH ou la Convention AELE), car un renvoi automatique d’un ressortissant de l’UE serait contraire à l’ALCP. L’Assemblée fédérale ne peut cependant pas déclarer nulle l’initiative pour ce motif. En revanche, sont prises en compte les règles de droit international impératif notamment les règles de jus cogens telles que décrites par la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités (RO 1990 1112) ainsi que certaines garanties posées par la CEDH.

Le Conseil fédéral a considéré que la définition restrictive de ces règles impératives par l’initiative populaire sur la mise en œuvre était contraire à ces règles, l’initiative devant être déclarée partiellement nulle au sens de l’art.139 al. 3 Cst. Il a ainsi proposé à l’Assemblée de soumettre au peuple la partie valable, et, en opportunité, de recommander de la rejeter (Message du 20 novembre 2013, FF 2013, n° 50, pp. 8493-8542).

556 Andreas AUER et a., Droit constitutionnel suisse, op. cit., pp. 458 et s., §§1350 et s.

557 Deux voies sont envisagées, et en premier lieu celle de l’extension de l’examen préliminaire de l’initiative avant la récolte des signatures. L’Office fédéral de la justice et la Direction du droit international public pourraient remettre aux auteurs de toute initiative populaire un avis officiel non contraignant sur la compatibilité de leur texte avec le droit international avant le début de la récolte des signatures. Cela permettrait aux auteurs de l’initiative de la rectifier s’ils le souhaitent dans un sens conforme au droit international. Cela permettrait ensuite aux citoyens d’être avertis quant à d’éventuels problèmes de compatibilité de l’initiative avec le droit international car les listes de signatures devraient porter une formule-type indiquant le résultat de ce contrôle préalable et une référence à l’avis officiel : Rapport du Conseil fédéral du 5 mars 2010 sur les relations entre le droit international et le droit interne, FF 2010, n° 13, pp. 2067-2144.

Les éléments subjectifs et objectifs déterminant la relation

l’initiative peut opérer une conciliation entre les exigences de l’accord Suisse-UE et celles résultant de la nouvelle disposition constitutionnelle.

Cependant, ces procédés ne permettent pas d’éviter complètement le risque de contrariété avec un accord Suisse-UE.

La relation Suisse-UE avance ainsi sur un terrain « versatile », parce que la mise en œuvre fréquente de l’expression de la volonté du peuple et des cantons peut profondément modifier le cadre de négociations de nouveaux accords Suisse-UE mais aussi les conditions d’application des accords Suisse-UE existants. En d’autres termes, les droits politiques fédéraux rendent plus complexes l’adoption d’un accord Suisse-UE comme ses garanties de maintien dans le temps. Par conséquent, l’influence la plus notable des droits fédéraux suisses se retrouve probablement dans la place de la négociation par rapport aux accords Suisse-UE d’une part, et certaines règles secondaires relatives à la vie des accords d’autre part.

b. L’influence sur la durée des négociations des accords

L’influence des droits populaires suisses se manifeste dans les négociations qui peuvent être une « mission difficile pour les négociateurs suisses »558. C’est déjà la compétence du Conseil fédéral559 en ce qui concerne la décision de négocier avec l’Union européenne560 qui peut être mise en cause par des initiatives populaires. Ces difficultés se prolongent dans l’exercice même des négociations : les droits populaires influencent la durée des négociations des accords. Il ne s’agit pas uniquement pour les négociateurs suisses d’assurer,

D’autre part, le contrôle de validité de l’initiative, exercé au regard des dispositions impératives du droit international pourrait être élargi à « l’essence des droits fondamentaux » : Rapport du Conseil fédéral du 30 mars 2011 additionnel au rapport du 5 mars 2010 précité, FF 2011, n° 17, pp. 3401-3448.

558 Bettina KAHIL, Suisse-Europe : mesurer le possible, viser à l’essentiel. Aspects politiques et juridiques des négociations bilatérales, Centre Patronal, Lausanne, 1995, spéc. p. 15.

559 Art. 184 « Relations avec l’étranger », de la Constitution suisse :

« 1 Le Conseil fédéral est chargé des affaires étrangères sous réserve des droits de participation de l’Assemblée fédérale; il représente la Suisse à l’étranger. 2 Il signe les traités et les ratifie. Il les soumet à l’approbation de l’Assemblée fédérale. […] ».

560 Ainsi, le Conseil fédéral avait recommandé de rejeter aussi bien l’initiative « Négociations d’adhésion à la UE: que le peuple décide! » (message du 23 août 1995, FF 1995, vol. IV, n° 43, pp. 820-826), qui visait à subordonner la décision d’ouverture de négociations à une votation du peuple et des cantons, que l’initiative « Oui à l’Europe » (message du 27 janvier 1999, FF 1999, vol. IV, n° 22, pp. 3494-3504), qui visait l’ouverture immédiate de négociations d’adhésion avec l’Union européenne.

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compte tenu de l’hypothèse du referendum conventionnel facultatif, l’« acceptabilité politique » du futur accord Suisse-UE. La marge de négociations peut en outre être limitée en cours de discussions par l’intervention d’initiatives populaires561. Les négociations de l’accord de 1999 sur les transports terrestres se sont ainsi avérées difficiles, alors même qu’il existait déjà un accord ayant posé des fondements à la collaboration dans ce domaine562. L’acceptation par le peuple et les cantons d’une initiative « Pour la protection des régions alpines » en 1994 a d’abord retardé l’adoption par le Conseil de l’UE du mandat de négociations avec la Suisse563, l’Union européenne ayant décidé de « s’accorder un temps de réflexion pour réexaminer la question de ses liens en général avec la Suisse »564. A la suite des éclaircissements apportés par la Suisse sur la mise en œuvre de cette initiative, le Conseil de l’UE adopte les mandats de négociation en 1995. Mais de nouveau, le dépôt d’une initiative a retardé la survenance d’un accord (les derniers points de blocage des accords de 1999 étant liés à cet accord ainsi que celui sur le transport aérien)565. Ce n’est qu’à la suite du rejet du referendum le 27

561 Voir les références au « multi-level game » faites par René SCHWOK, Suisse-Union européenne, l’adhésion impossible ?, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2010, 2ème éd., spéc. p. 24. Pour une analyse qui ne se limite pas à cette théorie de Putnam, voir Pascal SCIARINI, « La Suisse dans la négociation sur l’Espace économique européen », Annuaire suisse de science politique, 1992, n° 32, pp. 297-322, spéc. pp. 299 et s.

562 Accord du 2 mai 1992 entre la Suisse et la CE sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route, RO 1993 1198 / JO L 373 du 21.12.1992, p. 26. Cependant cet accord avait lui-même été le fruit de difficiles négociations en marge des discussions sur l’EEE : Helen WALLACE, « Vers un espace économique européen : chances et difficultés d’une négociation conclue au finish », R.M.C.U.E. 1991, n° 351, pp. 694-703, spéc. p. 700.

563 Alors que le Conseil de l’UE envisageait à la fin de l’année 1993 d’accepter la proposition de la Suisse d’entamer des négociations sectorielles (compte tenu du récent rejet de l’EEE), le peuple et les cantons suisses ont accepté le 20 février 1994 une initiative populaire introduisant un nouvel article dans la Constitution suisse afin de transférer sur le rail au maximum le trafic passant par les Alpes (initiative populaire fédérale « Pour la protection des régions alpines contre le trafic de transit », RO 1994 1101). Par conséquent, la Commission européenne a mené des discussions exploratoires avec les autorités suisses destinées à obtenir « les éclaircissements requis par les Ministres des Transports de la Communauté au sujet des différentes questions liées aux modalités de mise en œuvre de l’initiative des Alpes » : v. les conclusions du Conseil de l’UE, affaires générales, 1796ème session, 31 octobre 1994, (communiqué de presse : PRES/94/219, 31/10/1994).

564 Rapport intermédiaire du Conseil fédéral du 29 mars 1995, sur la politique d’intégration européenne de la Suisse, FF 1995, vol. III, n° 21, pp. 191-217, spéc. p. 210.

565 La Communauté espérait négocier l’accès aux véhicules de 40 tonnes. De son côté, la Suisse cherchait à établir un cadre juridique interne favorable à l’issue des négociations avec la CE (Message du Conseil fédéral du 23 juin 1999 relatif à l’approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la CE, FF 1999, vol. VI, n° 34, pp. 5440-6398, spéc. p. 5455).

L’Assemblée fédérale a adopté le 19 décembre 1997 une loi fédérale concernant une redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (LPLP, RO 2000 98). Mais en

Les éléments subjectifs et objectifs déterminant la relation

septembre 1998566 que les négociations externes avec la Communauté européenne ont pu aboutir le 1er décembre 1998. Ainsi, et sans le considérer comme la seule explication du délai écoulé entre les premières propositions de discussions de la Suisse et l’entrée en vigueur de l’accord – près de dix ans après –, l’exercice du jeu démocratique en Suisse rend incertaine la volonté de l’Etat suisse dans les négociations Suisse-UE.

Or, une fois signés et ratifiés – y compris par voie référendaire – les accords Suisse-UE ne sont pas à l’abri des incertitudes sur leur mise en œuvre que peuvent introduire des initiatives populaires. C’est le cas en particulier dans le domaine de l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP567), compte tenu de son importance politique, économique et sociale, voire environnementale568. Certes, l’étape de la mise en œuvre de l’initiative offre l’occasion de concilier la nouvelle disposition constitutionnelle avec l’ALCP.

Mais réaliser rune conciliation n’est pas toujours simple voire possible, d’autant qu’une telle recherche peut de nouveau être entravée par une nouvelle initiative. Par exemple, L’exemple de l’initiative « Pour le renvoi des étrangers criminels » illustre cette idée569. Alors que le Conseil fédéral recherchait une solution de conciliation avec l’ALCP570, une nouvelle

avril 1997, un referendum contre cette loi aboutit (c’est-à-dire que le nombre de signatures requis pour organiser un referendum est atteint).

566 C’est-à-dire, a contrario, l’acceptation de la loi sur la RPLP précitée.

567 Accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes, RO 2002 1529 / JO L 114 du 30.4.2002, p. 6.

568 Voir l’initiative populaire « Halte à la surpopulation - Oui à la préservation durable des ressources naturelles », dite « EcoPop ». Suivant le Conseil fédéral et le Parlement (Message du Conseil fédéral du 23 octobre 2013, FF 2013, n° 46, pp. 7783-7837 ; art. 2 de l’arrêté de l’Assemblée fédérale du 20 juin 2014, FF 2014, n° 25, pp. 4943-4944), le peuple et les cantons l’ont rejetée le 30 novembre 2014.

569 L’initiative « Pour le renvoi des étrangers criminels », entrée en vigueur le 28 novembre 2010, a introduit dans la Constitution suisse un nouvel article 121 qui prévoit que les étrangers condamnés pour certaines infractions (meurtre, viol, brigandage, fraude à l’aide sociale…)

« doivent être expulsés du pays par les autorités compétentes et frappés d’une interdiction d’entrer sur le territoire allant de 5 à 15 ans ». Compte tenu des problèmes qu’il pose à l’égard du droit international liant la Suisse (notamment la CEDH et les accords Suisse-UE), le Département fédéral de justice a institué un groupe de travail chargé d’élaborer un rapport proposant des variantes de mise en œuvre (le rapport a été remis le 28 juin 2011).

570 Le Conseil fédéral a, en 2012, envoyé en consultation deux variantes pour la mise en œuvre de l’initiative sur le renvoi : « Aucune des deux variantes ne garantit […] le respect plein et entier de l’ALCP conclu avec l’UE. Il n’est en effet pas possible de concilier systématiquement le droit pertinent de l’UE dans le cadre de cet accord, qui prévoit que chaque cas d’espèce fasse l’objet d’un examen individuel, avec les buts figurant dans la nouvelle disposition constitutionnelle. La variante 1 permet néanmoins de tenir davantage compte des exigences découlant de l’ALCP que la variante 2 » (voir le communiqué du Conseil fédéral du 23 mai 2012, disponible sur : https://www.bj.admin.ch/

570 Le Conseil fédéral a, en 2012, envoyé en consultation deux variantes pour la mise en œuvre de l’initiative sur le renvoi : « Aucune des deux variantes ne garantit […] le respect plein et entier de l’ALCP conclu avec l’UE. Il n’est en effet pas possible de concilier systématiquement le droit pertinent de l’UE dans le cadre de cet accord, qui prévoit que chaque cas d’espèce fasse l’objet d’un examen individuel, avec les buts figurant dans la nouvelle disposition constitutionnelle. La variante 1 permet néanmoins de tenir davantage compte des exigences découlant de l’ALCP que la variante 2 » (voir le communiqué du Conseil fédéral du 23 mai 2012, disponible sur : https://www.bj.admin.ch/