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une diversit´ e de m´ ethodes

Dans le document en fr (Page 143-157)

Du d´ebut des ann´ees 1960 `a la parution des premiers d´ecrets d’application de la loi Neuwirth r´egulant les conditions de prescription des contraceptifs oraux (1969), des m´ethodes barri`eres (1969) puis des DIU (1972)11, la contraception demeure

un objet ill´egitime, et sa prescription expose th´eoriquement les m´edecins `a des sanctions de l’instance repr´esentative de la profession, l’Ordre des m´edecins. Ainsi, le 24 janvier 1962 paraˆıt un communiqu´e de l’Ordre national des m´edecins, qui affirme que « le m´edecin n’a aucun rˆole `a jouer ni aucune responsabilit´e `a assurer

dans l’application des moyens anticonceptionnels, dans les conseils au public, ou les d´emonstrations relatives `a ces moyens. » (cit´e par S. Garcia, 2011, p. 82, et souvent repris dans les diff´erents entretiens r´ealis´es avec des expert·e·s actif·ves `

a cette ´epoque). Comme le note S. Garcia, cette d´eclaration s’accompagne de menaces de « graves sanctions disciplinaires » `a l’´egard des m´edecins inscrit·e·s sur les listes des centres de Planning familial et acceptant de recevoir leur client`ele.

Ainsi, celles et ceux qui poss`edent des savoirs, savoir faire et ressources en contraception d´eploient cette expertise dans un cadre militant (MFPF), ou dans un cadre professionnel mais par militantisme (consultation d’orthog´enie, de contra- ception `a l’hˆopital, et conseil en contraception dans le cadre des consultations priv´ees), tout en ayant la menace de sanctions professionnelles qui p`esent sur eux. Raoul Palmer re¸coit par exemple `a deux reprises des blˆames du Conseil de l’Ordre, en 1961 et 1963, pour avoir d´efendu publiquement la contraception12. Certains m´edecins craignent ces sanctions, comme le souligne Jacqueline Kahn-Nathan :

« Quand le pr´esident de l’Ordre des m´edecins se prononce contre la contracep- tion, qu’est-ce que vous risquiez ?

- Oui, je pense qu’on risquait des sanctions ordinales. Enfin moi ¸ca m’aurait embˆet´ee si on m’avait suspendue pendant trois mois. (...)

- Et `a votre avis `a quel moment la position de l’Ordre des m´edecins vis `a vis de la contraception a chang´e ? Est-ce que c’est juste le changement l´egal qui a fait que une majorit´e de m´edecins a ´et´e d’accord, ou est-ce que. . .

- Avant qu’il y ait le changement l´egal, il y a eu d’´enormes articles partout, dans toute la presse, et petit `a petit progressivement les m´edecins se sont sentis concern´es. Mais pendant tr`es longtemps les m´edecins se sont dit : “c’est d´efendu, on le fait pas.” Et puis petit `a petit, et les m´edias ont jou´e un grand rˆole l`a dedans, qui ´etaient fondamentalement pour, en particulier les journaux f´eminins (...), et quand la loi est venue, alors ¸ca a explos´e, mais on en parlait, ¸ca se faisait officiellement, tout le monde le disait, les st´erilets ont ´et´e en vente, les pilules se sont. . . C’est venu plus petit `a petit, ¸ca a ´et´e une r´eflexion parce qu’on en a beaucoup parl´e, c’´etait tr`es `a la mode `a ce moment-l`a. Moi j’ai toujours pens´e personnellement, que je ne risquerai pas de sanction juridique. Ils allaient pas me poursuivre, parce que c’´etaient pas des gens `a poursuivre, mais j’aurais tr`es bien pu avoir trois mois d’interdiction d’exercer, ce qui m’aurait tout de mˆeme gˆen´ee. Embˆet´ee, parce que c’est comme ¸

ca ce que je croutais. Mais j’ai pas pens´e qu’on prenait un grand risque, mais ¸ca c’est par rapport `a la guerre. Moi j’avais tellement v´ecu la guerre comme un risque 12. G. Schlogel, « Raoul Palmer et l’aventure cœlio-chirurgicale de 1940 `a 1995 », Comit´e de lecture du 27 mai 1995 de la Soci´et´e fran¸caise d’Histoire de la M´edecine, publi´e dans Histoire des sciences m´edicales, Tome XXX, no2, 1996, BIUM Paris-Descartes, Dalsace0.

quotidien, imm´ediat, et vital de tous les jours, que je pouvais pas, c’´etait d´erisoire pour moi. . . Mais des autres dans les mˆemes circonstances ne l’ont pas fait. Parce que je vois bien, beaucoup de mes coll`egues, qui ont dix ans de moins, l`a, qui n’ont pas pris du tout part `a la lutte pour la contraception, parce qu’elles pensaient que c’´etait pas leur probl`eme (...) ! Et elles voulaient pas d’ennui... (...) La loi, en France en particulier, vient le plus souvent ent´eriner un ´etat de fait, et ne le pr´ec`ede pas. C’est parce que la contraception s’est r´epandue clandestinement que il y a eu la loi qui est venue ent´eriner un ´etat de fait. La loi vient a posteriori. La deuxi`eme chose, c’est une phrase qui n’est pas de moi, elle est d’Andr´e Compte-Sponville, qui a dit : “la loi dit le permis et le d´efendu, elle ne dit pas le bien et le mal.” Et ¸ca faut bien se le mettre en tˆete, et moi je me le suis mis en tˆete, d’autant plus que j’´etais absolument d´ej`a de cet avis pour d’autres raisons personnelles, disons les raisons de la guerre. La loi dit le permis et le d´efendu, elle ne dit pas le bien et le mal. Et ¸ca ¸ca me semble fondamental. Et la loi vient a posteriori. (...) Et alors moi je pensais que la loi disait le permis et le d´efendu, pas le bien et le mal (...) et que c’est de la non assistance `a personne en danger, et qu’on avait la clef et la serrure et qu’on ne devait pas mettre la clef dans la serrure, ¸ca me semblait idiot. » (Jacqueline Kahn-Nathan, gyn´ecologue m´edicale, ancienne interne des hˆopitaux de

Paris, et sp´ecialiste du DIU, entretien le 11 mars 2016)

De mani`ere assez int´eressante, elle rattache l’engagement militant de certain·e·s prescripteurs·trices en faveur de la contraception `a l’exp´erience de la guerre, qui aurait fait relativiser le poids normatif de la loi, comme dessinant une fronti`ere entre permis et interdit, clairement distincte de la fronti`ere entre bien et mal, renvoyant ainsi `a l’immoralit´e, selon elle, de la loi de 1920. B. Pavard note le « rˆole des engagements pr´ealables » d’une partie de ces m´edecins dans leur orientation vers l’ill´egalit´e de la cause contraceptive (Pavard, 2012c, p.47-49). En effet, la Seconde Guerre mondiale constitue pour la plupart des m´edecins qui acceptent de prescrire des contraceptifs malgr´e la loi de 1920 et la menace du conseil de l’Ordre, une forme de socialisation `a des pratiques ill´egales, au nom d’une justice sociale, lorsque la loi paraˆıt injuste. Une partie d’entre eux·elles est ainsi tr`es tˆot engag´ee dans la R´esistance, et la plupart poss`ede des dispositions militantes fa¸conn´ees par une appartenance `a des associations, des partis ou des organisations politiques. Comme le montre S. Garcia, ces dispositions, ainsi que leur position domin´ee dans le champ m´edical, conduisent ces m´edecins `a mettre `a distance la morale prˆon´ee par le Conseil national de l’Ordre des m´edecins, et `a se lancer dans une entreprise de « d´el´egitimation » de cette instance ordinale (Garcia, 2011, p. 76).

Au moment o`u les instances repr´esentatives de la profession m´edicale nient le rˆole des m´edecins dans la mise en œuvre du contrˆole des naissances, les menacent

de sanctions, et leur d´enient ainsi toute expertise, quelles instances reconnaissent quel·le·s expert·e·s ?

Dans la presse des ann´ees 1960, puis dans les commissions parlementaires ou minist´erielles convoqu´ees en vue de r´eviser la loi de 1920, deux types d’expertise sont mobilis´es, qui prolongent les deux types d’expertise d´ej`a existantes avant 1960 : une expertise hospitali`ere, le plus souvent technique et scientifique, et l’expertise des militant·e·s du MFPF, davantage pragmatique, qui s’appuie aussi bien sur un savoir clinique sur les m´ethodes que sur une r´eflexion sociale sur la port´ee de leur utilisation. Ainsi, du cˆot´e de l’expertise hospitali`ere, dans la lign´ee de l’avant-garde constitu´ee par Jean Dalsace et Raoul Palmer, le service de gyn´ecologie m´edicale et d’endocrinologie d’Albert Netter devient le premier service hospitalier `a proposer une consultation en contraception `a partir de 1961, dirig´ee par Jacqueline Kahn- Nathan. Albert Netter (1910-2012), form´e `a la gyn´ecologie et `a l’endocrinologie, participe, avec Ren´e Musset, `a achever le processus d’institutionnalisation de la gyn´ecologie m´edicale en France, d´emarr´e `a la fin du XIXe si`ecle et qui s’accen-

tue dans les ann´ees 193013, en cr´eant en 1949 le premier service hospitalier de

gyn´ecologie m´edicale `a l’hˆopital Necker `a Paris14. Sp´ecialis´e dans le domaine de la

fertilit´e f´eminine, puis masculine, il ´etudie de nombreux traitements hormonaux contre diverses affections gyn´ecologiques, offrant des alternatives m´edicales `a une sp´ecialit´e alors domin´ee par les interventions chirurgicales. S’il s’engage en faveur de la contraception dans les ann´ees 1960, en proposant notamment `a J. Kahn-Nathan d’ouvrir une consultation officieuse de contraception `a Necker15, son engagement

demeure discret, et apparaˆıt peu dans l’espace public, jusqu’`a la loi Neuwirth. Cette expertise, souvent mobilis´ee dans la presse, principalement en r´ef´erence aux contraceptifs oraux ou aux DIU, conforte une figure classique de l’expertise scientifique.

De la mˆeme mani`ere, la commission commandit´ee `a partir de 1965 par le ministre de la sant´e Raymond Marcellin, charg´ee d’´etudier les impacts sur la sant´e des contraceptifs oraux (voir encadr´e 3.1), convoque treize experts : tous des hommes, m´edecins hospitaliers, ayant une forte reconnaissance scientifique dans chacun de leur domaine (cardiologie, canc´erologie, endocrinologie, h´ematologie, pneumologie). Leur verdict, en mars 1966, affirmant que les contraceptifs oraux ne pr´esentent pas de dangers av´er´es, et peuvent ˆetre prescrits dans la limite des contre-indications, mˆeme s’ils n´ecessitent une surveillance m´edicale, est mis en sc`ene m´ediatiquement, renfor¸cant la figure de l’expert m´edical (homme) arbitre des

13. Voir `a ce sujet la th`ese en cours d’Aurore Koechlin sur l’institutionnalisation de la gyn´eco- logie m´edicale en France.

14. Entretien avec Jacqueline Kahn-Nathan `a son domicile, 11 mars 2016. 15. Entretien avec Jacqueline Kahn-Nathan `a son domicile, 11 mars 2016.

risques de certains produits pour la sant´e publique. Parmi ces experts, on retrouve Albert Netter, mais ´egalement ´Etienne-´Emile Baulieu (n´e en 1929), chercheur en biologie et en endocrinologie ayant initialement une formation m´edicale, qui a ´et´e form´e et inform´e sur la contraception orale au contact de Gregory Pincus aux

´

Etats-Unis. Comme il le souligne lui-mˆeme en entretien, cette rencontre l’aura convaincu de l’efficacit´e de la pilule œstro-progestative, et le fait qu’il mobilise la documentation scientifique de l’OMS lors des d´elib´erations de la « commission pilule » ne sera sans doute pas ´etranger au verdict final de la commission, favorable `

a la contraception hormonale :

« C’est la commission command´ee par Raymond Marcellin, c’est celle-l`a ? - Oui c’est ¸ca, bon ils ont fait une commission, ils m’ont mis dedans et c’´etait assez

amusant parce que la premi`ere r´eunion, c’´etait sur la pilule (...), ils ont mis tous les gens qui sont susceptibles de donner la pilule et qui voient les complications, il y avait le type qui ´etait sp´ecialiste du poumon, du sang, des cancers, etc. (...) je crois qu’il y avait treize personnes, chiffre amusant. . . Et tous les types ont parl´e, et en gros ils ont tous dit : “oh, c’est dangereux, on sait pas ce qui va se passer.” ¸Ca c’est en 1966. (...) Mais dans l’intervalle, le probl`eme de la contraception s’´etait beaucoup d´evelopp´e, grˆace aux Am´ericains et `a Pincus en particulier, et `a l’organisation mondiale de la sant´e, `a l’OMS, il y avait un comit´e dont la France ne faisait pas partie, parce que la France n’avait pas encore de loi Neuwirth, et d’autorisation de la contraception, donc y avait pas de repr´esentant fran¸cais officiel. Et moi ils m’ont nomm´e consultant, comme ¸ca, scientifique, sans nationalit´e, mˆeme si ´evidemment je restais fran¸cais. Et donc je participais `a des r´eunions auxquelles eux n’avaient pas acc`es, qui ´etaient tr`es int´eressantes, j’allais `a Gen`eve tr`es souvent, et donc quand ils ont fait le tour de table en France, ce que je vous disais, j’ai entendu tous ces hommes relativement connus, enfin dans le monde m´edical, canc´erologues, toute une s´erie de m´edecins, qui disaient, en gros, faut pas faire, attendons de voir ce qui se passe ailleurs, et voil`a. Et j’ai dit : “´ecoutez, il y a d´ej`a des documents, vous les connaissez pas, il y a des r´esultats, il y a des ´etudes... Si vous voulez, je vous demande pas de prendre une d´ecision, mais de vous renseigner, et je vais vous procurer, parce que j’ai les documents internes `a l’organisation mondiale de la sant´e, que je peux vous montrer...” Donc j’ai fait venir, et apr`es c’est comme ¸ca qu’il y a eu la Loi Neuwirth. . .

- Oui. Mais parce qu’effectivement, cette commission dont vous parlez, elle a rendu un avis plutˆot favorable. . .

- Apr`es ! Ayant lu tout ¸ca, eux mˆemes ont appris, et apr`es ils ont dit voil`a, on a appris des choses (...) Oui, c’´etait ´evident que ¸ca marchait (...) Y avait mˆeme dans des pays arabes, comme par exemple en Tunisie, o`u la contraception donc, a ´et´e

tr`es tˆot, grˆace `a Bourguiba, propos´ee, et donc il y avait, c’´etait facile, et c’´etait convaincant, il y avait le r´esultat am´ericain. . . C’est d’ailleurs curieux ce que les gens se renseignent peu (...) Ils ont un cˆot´e ignorance qui m’interrogeait, parce que les gens les plus connus ou les plus sp´ecialis´es au fond ne connaissaient pas. » ( ´Etienne- ´Emile Baulieu, chercheur en endocrinologie et biologie `a l’Inserm, entretien

du 16 mars 2016, `a son bureau `a l’hˆopital du Kremlin-Bicˆetre)

Ainsi, comme il le souligne, les personnalit´es reconnues ici comme des expert·e·s scientifiques sp´ecialis´e·e·s s’int´eressent assez peu `a la pilule, ou mˆeme `a la contra- ception, `a cette ´epoque. Les expert·e·s reconnu·e·s dans le monde hospitalier qui s’y int´eressent, comme Jean Dalsace, Raoul Palmer, Albert Netter, et, plus tard, Jacqueline Kahn-Nathan, le font par militantisme, souvent dans un cadre qui d´epasse l’exercice de leur activit´e professionnelle. Ces hospitalier·e·s sont ´egalement les principaux·ales d´etenteurs·trices, en tant que gyn´ecologues form´e·e·s `a l’endo- crinologie pour la plupart, d’une expertise naissante sur les contraceptifs oraux. Henri Rozenbaum r´ealise ainsi, en 1968, la premi`ere th`ese de m´edecine fran¸caise sur la pilule16, qui nourrira ensuite largement le rapport de l’Inserm de 1971 sur les contraceptifs oraux17.

L’expertise revendiqu´ee par les militant·e·s du MFPF repose, elle, sur une connaissance plus pratique des m´ethodes moins centr´ee, dans les ann´ees 1960, sur la contraception hormonale. `A l’instar des m´edecins de Maternit´e Heureuse `a la fin des ann´ees 1950, de nombreuses jeunes militantes18 vont se former, au d´ebut des

ann´ees 1960, `a la prescription contraceptive dans les cliniques de Londres. Ainsi, comme le rappelle ´Elisabeth Aubeny, gyn´ecologue m´edicale ayant milit´e pour la contraception puis pour l’avortement, et co-fondatrice, avec David Serfaty, de la Soci´et´e europ´eenne de contraception, les militantes ´etaient essentiellement form´ees `

a la prescription de diaphragmes, puis progressivement de pilules contraceptives :

« On a commenc´e par prescrire des diaphragmes, mais ¸ca on ´etait `a Broca, je me souviens, avec Dalsace, qui a dit : “je m’en vais, je vais ouvrir un planning familial `a Grenoble.” On lui a dit : “qu’est-ce que c’est que ¸ca ?” Il a dit : “on va prescrire des diaphragmes aux femmes, etc.” On est rest´es bluff´es parce que nous la m´edecine, c’´etait des maladies, c’´etait pas la contraception. Et puis alors les diaphragmes, on s’est dit que c’´etait pas mal parce que nous ont ´etait de la g´en´eration avec Jo¨elle [Brunerie] o`u on a vu mourir les femmes d’avortement. Apr`es 16. H. Rozenbaum, 1967, « La Responsabilit´e du m´edecin devant la contraception orale », th`ese de doctorat en m´edecine.

17. Inserm, 1971, Rapport `a M. le Ministre de la Sant´e Publique et de la S´ecurit´e Sociale. Les contraceptifs oraux, Paris, ´Editions de l’Inserm.

Encadr´e 3.1 – La « commission pilule » de 1965-66 commandit´ee par le ministre de la sant´e Raymond Marcellin

En 1965, face `a la prise de position de Fran¸cois Mitterrand lors de l’´election pr´esi- dentielle et `a l’intensification du d´ebat sur la r´egulation des naissances `a l’Assembl´ee, o`u plusieurs projets de lois sont d´epos´es, et dans la presse, le ministre de la sant´e publique Raymond Marcellin est charg´e de former une commission de sp´ecialistes pour ´etudier « les cons´equences ´eventuelles sur la sant´e de l’absorption de pro- duits anticonceptionnels », dans l’´eventualit´e d’une lib´eralisation de la contraception (Pavard, 2012c, p. 71).

Cette commission, surnomm´ee par la presse la « commission pilule », ou encore la « commission des 13 Sages », est form´ee de treize m´edecins et chercheurs sp´ecialistes de diff´erents domaines de la m´edecine, tous des hommes ayant acquis une certaine notori´et´e et reconnaissance dans leur domaine. Elle comprend ainsi : un obst´etricien, un p´ediatre, un n´ephrologue, deux canc´erologues, un h´ematologue, deux biologistes (dont ´E.- ´E. Baulieu), un endocrinologue (A. Netter), un pharmacologue, un psychiatre,

un embryologue, et un g´en´eticien.

Apr`es plusieurs mois de d´elib´erations, et en s’appuyant sur les principaux r´esultats des enquˆetes ´epid´emiologiques produites dans le monde anglo-saxon et par les instances de sant´e internationales comme l’OMS, la commission conclut le 23 mars 1966 `a l’absence de contre-indications majeures `a la prescription des contraceptifs œstro- progestatifs. Elle attire toutefois l’attention sur les modifications de facteurs sanguins pouvant favoriser les thromboses, ainsi que sur le risque hypoth´etique d’une action canc´erig`ene. Elle ´emet des r´eserves `a la prescription de ces produits pour les femmes diab´etiques ou pr´esentant des ant´ec´edents thrombo-emboliques, et conclut `a l’absence de risque t´eratog`ene en l’´etat des connaissances. Elle reste mesur´ee ´egalement sur la prescription sur de tr`es longues p´eriodes dans un but de pr´evention chez des femmes non malades, et appelle `a poursuivre les recherches cliniques, biologiques et statistiques (rapport publi´e dans Le Monde du 24 mars 1966).

Repris dans divers organes de presse, ce rapport constitue un moment important du d´ebat sur la l´egalisation de la contraception en France, et n’est pas sans cons´equence sur le d´eroul´e des d´ebats `a l’Assembl´ee nationale autour du projet de loi d´epos´e par Lucien Neuwirth. Ce « feu vert pour la pilule », comme le titre le magazine Paris-Match le 26 avril 1966, constitue une premi`ere ´etape vers le vote, en 1967, de la loi Neuwirth.

les autres ils ont pas vu, mais nous on a vu mourir des femmes. Donc on est all´ees s’initier `a la contraception par les diaphragmes en Angleterre. Et je me souviens qu’en arrivant en Angleterre on a d´ecouvert le planning familial anglais qui est une institution extraordinaire et ils nous ont envoy´e·e·s dans les diff´erents centres pour apprendre `a mettre les diaphragmes. Et dans un centre, on a vu des gens `a qui on prescrivait des petites pilules. Alors on a dit : “qu’est-ce que c’est, ¸ca ?”, et parce que on en avait jamais entendu parl´e, en France c’´etait pas arriv´e jusque l`a, et ils nous ont dit : “c’est des pilules contraceptives” – “ah bon ?”, “et c’est efficace `a 99 %”. Ouaah ! Avec des coll`egues, on est rest´e·e·s bluff´e·e·s, en croyant pas que c’´etait possible. Et c’est, en plus ils nous ont dit : “c’est dissoci´e de l’acte sexuel”. On est rest´es bluff´e·e·s, en disant mais comment ¸ca se fait que nous on n’ait rien du

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