• Aucun résultat trouvé

Les illusions perdues : difficult´ es et limites m´ ethodo logiques

Dans le document en fr (Page 79-81)

suite des acteurs·trices

1.3.2 Les illusions perdues : difficult´ es et limites m´ ethodo logiques

L’abondance des sources : trier, ou comment renoncer `a l’illusion d’ex- haustivit´e

La premi`ere difficult´e de ce travail, commune aux sociologues qui s’aventurent dans les archives et aux historiens qui font de l’histoire contemporaine, a ´et´e de faire face `a la tr`es grande profusion de mat´eriaux, notamment de contenus num´eris´es, mais aussi de tr`es grands nombres de fonds dont la num´erisation des sommaires les rend plus accessibles et plus facilement identifiables. Plutˆot que d’identifier des traces rares ou peu accessibles, il s’est donc agi de se frayer un chemin dans des corpus toujours plus abondants et d’identifier la pertinence de certaines sources. Il a fallu `a partir de l`a ´echapper `a l’impasse de « tout consulter », dans un contexte de surabondance d’archives (Grandi et Ruiz, 2012), et faire de nombreux aller-retours entre mes diff´erents corpus pour y rep´erer une coh´erence non seulement chronologique, mais aussi s´emantique.

J’ai tˆach´e pour cela de faire preuve de toute la cr´eativit´e m´ethodologique que des chercheur·e·s comme les historiennes Claire Lemercier et Claire Zalc, ou avant elles le quantitativiste et ergonome canadien Edward Tufte, ont pu m’inspirer (Tufte, 1983; Lemercier et Zalc, 2007). Dans cette perspective, j’ai port´e une attention particuli`ere `a la synth`ese graphique de nombreuses donn´ees d’archives, consid´erant que l’image peut, au mˆeme titre que les mots, avoir une valeur d´emonstrative et donner `a voir les r´esultats d’une recherche (Tufte, 1983; Sousanis, 2015).

La difficult´e d’enquˆeter sur quatre types d’acteurs·trices sur quarante ans

La deuxi`eme difficult´e que j’ai rencontr´ee lors de ce travail renvoie `a mon ambition d’enquˆeter sur plusieurs types d’acteurs·trices, sur quatre d´ecennies. Si je reste convaincue `a l’issue de ma recherche que cela m’a permis de mettre au jour des ph´enom`enes de circulation des normes entre diff´erents espaces a priori relativement cloisonn´es, cela s’est ´egalement accompagn´e d’une posture inconfortable tout au long de la th`ese : celle d’avoir sans cesse l’impression de ne pas suffisamment maˆıtriser la litt´erature d’un champ pr´ecis, ou de devoir laisser de cˆot´e des mat´eriaux qui auraient pu ˆetre int´eressants, voire de devoir renoncer `a investiguer certains fonds ou espaces sociaux, ou d’´etudier certain·e·s acteurs·trices. Si j’ai peu souvent eu l’impression d’une saturation de ma collecte de donn´ees, propre aux travaux se concentrant sur un champ unique, j’ai en revanche eu

souvent l’agr´eable ´etonnement de trouver de nombreuses correspondances entre les diff´erents espaces et acteurs·trices ´etudi´e·e·s.

Suivre les traces de ces diff´erent·e·s acteurs·trices sur quatre d´ecennies m’a ´

egalement conduit `a me focaliser sur des mat´eriaux disponibles sur de longues p´eriodes, comme les corpus de presse et de revues ou le Dictionnaire Vidal, et `

a porter une attention particuli`ere `a la notion de trajectoire : trajectoire des individus, mais ´egalement trajectoire des objets, des id´ees, des pratiques et des repr´esentations. De ce point de vue, les enquˆetes d´emographiques ou sociologiques r´ep´et´ees dans le temps ont ´egalement constitu´e un mat´eriau pr´ecieux.

Un travail situ´e sur une p´eriode plus restreinte (Sanseigne, 2019) m’aurait sans doute amen´e `a affiner certaines hypoth`eses ou donner davantage de densit´e ethnographique `a certaines trajectoires ou certains groupes d’acteurs·trices. Mais ce parti-pris pour un cadre chronologique large m’a permis de voir comment se construit et se perp´etue une norme pendant plusieurs d´ecennies, jusqu’`a ce qu’elle devienne si ´evidente qu’on en oublie son histoire. Ce sont les ressorts de cette d´es-historicisation que j’ai cherch´es ici `a mettre au jour.

Difficult´es d’articuler le niveau micro, m´eso et macro

L’analyse de l’ar`ene contraceptive permet de rendre compte de logiques de groupes d’acteurs·trices, et de donner une vision m´eso et macro du fa¸connement d’une norme et de repr´esentations autour d’un objet technique et m´edical. Mais pour rendre compte des dynamiques de ces diff´erents groupes et des luttes pour imposer telle ou telle norme de consommation, de prescription, il est utile de se pencher, `a l’instar de ce que propose l’analyse bourdieusienne, sur les trajectoires des acteurs dans les diff´erents champs. Si cette th`ese n’a la pr´etention d’ˆetre exhaustive ni dans l’analyse des champs, ni dans celles des trajectoires de ses acteurs·trices, mettre en lien ces trajectoires individuelles avec l’´evolution des pratiques contraceptives ou prescriptives au niveau plus macro peut permettre de faire ´emerger ce lien analytique entre enjeux individuels et enjeux collectifs. Quand j’avais suffisamment d’´el´ements pour retracer ces trajectoires, je me suis efforc´ee de les mobiliser de les mettre en lien avec les dynamiques plus g´en´erales de chaque champ de l’ar`ene contraceptive.

Ce premier chapitre a permis de d´efinir le cadre th´eorique et m´ethodologique de la th`ese, en proposant une mani`ere d’´etudier la gen`ese de la norme contraceptive fran¸caise, entre les ann´ees 1960 et les ann´ees 2000, et de mettre au jour sa constitution comme ´evidence. Afin d’historiciser cette ´evidence, le chapitre suivant retrace la progressive centralit´e de la pilule dans les pratiques contraceptives en France, ainsi que dans les repr´esentations m´ediatiques et m´edicales.

Chapitre 2

La centralit´e de la pilule

Dans le document en fr (Page 79-81)