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Une condition économique précaire précaire

Camillo Berneri selon l'Ovra

1.1.10 Une condition économique précaire précaire

Un aspect auquel les notes de la police italienne consacrent souvent une certaine importance est la situation économique du « subversif ». Comme nous le verrons, la représentation que les informateurs donnent de la condition financière de l’anarchiste est parfois contradictoire car ils veulent en même temps souligner qu’il vit dans une situation marginale, qu’il a à sa disposition des grands moyens économiques pour accomplir des actions subversives et ils essaient aussi de démontrer que Berneri développe son activité politique pour des intérêts économiques afin de le discréditer.

Même les premières notes de la police font souvent référence à la condition économique de l'anarchiste. Dans son cas, au début la connaissance de la situation financière de la mère est particulièrement importante car l'anarchiste n'a pas atteint une indépendance économique. Pour cela, les informateurs précisent souvent qu’Adalgisa Fochi est une enseignante de l'école primaire et que Camillo Berneri et sa mère ne peuvent pas compter sur l'aide économique de son père car ce dernier vit loin. Même dans une fiche biographique rédigée lorsque Camillo a déjà fêté ses dix-huit ans, la police souligne que le jeune homme « trae il suo sostentamento dalla famiglia.»342 Ce dernier détail est assez significatif car de cette manière on souligne une certaine inaptitude au travail de la part de l'anarchiste vu qu'il n'aide pas encore financièrement sa famille, bien qu'il ait un âge qui lui permettrait de commencer à gagner sa vie.

À la fin de ses études universitaires, Berneri commence à travailler comme enseignant dans plusieurs écoles du second degré du centre de l'Italie. Bien que Berneri ait désormais obtenu une autonomie financière, sa condition économique suscite quand même des commentaires négatifs de la part des espions de l'anarchiste. Lorsque l'intellectuel libertaire travaille à Camerino, Moneta, un dirigeant fasciste local, surveille le comportement de Berneri. C'est ainsi qu'il remarque que l'anarchiste lombard et sa femme se disputent régulièrement et qu'ils vivent de manière bien plus luxueuse qu’ils ne peuvent se le permettre avec le seul salaire d’un professeur de lycée. Moneta essaie de découvrir l'origine des ressources financières de la famille Berneri et obtient la réponse à ses doutes, en surveillant le courrier reçu par Berneri. En effet, le dirigeant fasciste découvre que le professeur reçoit

108 beaucoup de lettres de l'étranger et surtout de grandes quantités d'argent en provenance de l'Amérique latine pour réaliser des actions subversives.

Même pendant son exil en France, selon la police italienne, l'anarchiste italien a besoin de considérables ressources économiques pour organiser des actions terroristes contre les autorités fascistes et pour mettre en place un service de contrespionnage ayant l'objectif de neutraliser l'action du service secret italien. Notamment les espions de la police italienne font référence au modus operandi typique de Berneri dans la gestion des ressources financières à disposition des forces antifascistes. En juin 1928, l'espion Cremonini relate les critiques formulées par Berneri aux anarchistes à ce propos :

« Si è diffuso sulla necessità di agire coraggiosamente, disperatamente e abilmente contro le persone che incarnano il Fascismo e, se certi compagni influenti, come il Fabbri, avessero ascoltato lui ed avessero chiesto fondi ai compagni d'America per metterli a disposizione non di pezzi di carta senza importanza, ma dell'azione violenta, a quest'ora avremmo fatto pentire più di una persona al servizio del fascismo. Non bisogna conservare inutili scrupoli come quello di dover rendere conto del denaro ricevuto purchè questo serva alla nostra causa. »343

Par conséquent, selon Berneri, ses camarades se préoccupent trop de gâcher l'argent reçu par le mouvement ; mais on doit noter toutefois qu'il est impossible de savoir si une opération sera « rentable » avant de la mettre en place. Pour exemplifier ce concept, Cremonini raconte un épisode clarifiant son point de vue sur la manière dont un antifasciste devrait se comporter dans certains cas. Cela ne faisait pas longtemps que Berneri avait accueilli un jeune camarade pour le préparer à une mission quand finalement il le considéra inapte pour cette tâche et le renvoya à la base, en lui payant les frais du voyage et de logement. En pareil cas, selon la reconstitution de Cremonini, Berneri ne considérait pas comme nécessaire d'expliquer la situation à un comité de contrôle. Cette manière de gérer les ressources financières à disposition des anarchistes suscite des tensions parmi ses camarades. Selon des sources de l'Ambassade italienne à Paris, Berneri et ses camarades se réunissent habituellement dans de sordides cafés de la banlieue parisienne pour discuter de ces questions. Notamment, selon l'informateur, « l'argomento conclusivo delle riunioni era sempre quello dell'impiego dei fondi ricevuti dai centri anarchici in America e dalle sottoscrizioni dei Comitati esistenti in Francia.»344

343 Note confidentielle, 20-6-1928, in Acs, Cpc, D.537, F.2.

109 Le 28 juin 1928, une note confidentielle de la police annonce qu'un communiqué est apparu dans les journaux anarchistes : des litiges ont surgi entre les anarchistes italiens restés en Europe et ceux qui vivent en Amérique. 345 Ceux-ci accusent notamment les responsables des activités libertaires en Italie d'avoir détourné des fonds destinés aux victimes du régime fasciste. Berneri doit expliquer les raisons de la disparition de 300 dollars que leurs camarades résidents aux États Unis avaient réunis pour les aider. L'intellectuel anarchiste se justifie, en expliquant que cet argent avait été utilisé pour financer des actions antifascistes en Italie, mais qu'il ne pouvait pas être plus précis pour ne pas risquer la divulgation d'informations stratégiques, les agents fascistes étant présents partout. Apparemment ces explications contentent les anarchistes réfugiés en Amérique car ensuite on peut trouver une autre communication annonçant que « nel campo anarchico un'intesa per svolgere un programma uniforme è intervenuta tra i gruppi italiani sparsi in Francia e en America »346. En réalité, selon l'auteur de la note, Berneri aurait obtenu cet argent « in via straordinaria » et il l'aurait utilisé probablement pour réaliser des objectifs personnels.

Selon la police, Berneri peut toujours compter aussi sur l'appui financier d'autres groupes politiques vu que, selon l'espion Cremonini, l'organisation mise en place par l'anarchiste exige des grands moyens économiques pour financer toutes ses activités subversives mais les militants libertaires n'ont pas de grandes disponibilités financières. Nous avons déjà cité la relation existant entre Carlo Rosselli, le fondateur de G.L., et l'anarchiste italien. En août 1929, l'espion Menapace se plaint parce que l'état psychologique de Berneri a profondément changé depuis qu'il a reçu des nouvelles à propos de son ami Rosselli. L'espion souligne que « l'arrivo del Rosselli, che Camillo dice essere [...] fornito di buoni mezzi finanziari, gli fa sorgere tante speranze perché dice di avere in lui, sicuramente un forte appoggio. »347 Par conséquent, d'après Menapace, Camillo Berneri avec impatience de rencontrer Rosselli pour préparer un plan d'action. Naturellement, l'informateur souligne la dangerosité de ces perspectives : Berneri et son ami vont organiser une nouvelle formation politique capable d’agir de manière plus incisive contre le Fascisme grâce aux considérables moyens financiers de Rosselli.

En outre, selon les sources de la police, Berneri peut toujours compter aussi sur le financement constant d'organisations occupant des droits des exilés afin de satisfaire ses nécessités personnelles. Par exemple, en 1930 le consul italien à Bruxelles communique que

345 Note confidentielle, 11-7-1928, in Acs, Cpc, D.537, F.2. 346 Ibidem

110 « il Comitato dei Diritti d'Asilo pare abbia rimesso al Berneri una ingente somma di danaro (circa 6000 franchi) e lo abbiano consigliato di recarsi in Svizzera. »348

Lorsque nous analysons l'image que la police italienne donne des militants antifascistes, nous trouvons souvent des références à la situation économique de ces derniers. Pour mieux comprendre le point de vue du service secret italien sur les conditions économiques de ces hommes politiques, se révèle très utile l'analyse réalisée par Ermanno Menapace dans son texte autobiographique intitulé Tra i fuoriusciti349.

Cet espion avait participé à la libération de Fiume sous le commandement de Gabriele D'Annunzio en 1919 mais a partir de 1927 il travaille comme informateur de la police politique. Comme nous l’avons vu, Menapace est chargé de surveiller Camillo Berneri en exil. Ceci explique sa connaissance approfondie du milieu fréquenté par l'anarchiste italien et de ses camarades. Au début de sa mission, Menapace essaie de se mêler avec les autres exilés sans susciter de soupçons sur son passé. Ainsi, il commence à fréquenter le restaurant « Firenze » à Paris, point de rencontre des antifascistes exilés. Son propriétaire est un ancien député socialiste qui, selon l'espion, profite du désespoir des expatriés italiens employés dans l'établissement pour les payer le moins possible. Menapace devient bientôt le plongeur de la taverne et l'amant de la serveuse Margherita qui lui raconte les sombres secrets de ces antifascistes qui, selon lui, profitent de la situation pour mener la belle vie. Dans son texte biographique, Menapace décrit de manière très méprisante cette ambiance, en accusant d'ingratitude les militants antifascistes. Selon son point de vue, les exilés italiens ont d'abord bénéficié de la clémence de Mussolini, qui a donné à la plupart un passeport pour sortir régulièrement du pays, et ensuite se sont organisés pour profiter de leur position politique afin de vivre sans travailler :

« Miglioli comunista cominciò ad intascare i rubli russi ed il denaro di Belgrado ; Turati ad amministrare le pubbliche sottoscrizioni ; Giannini a far cantare il merlo perché altri merli cantassero ; Donati e Stragliati, con l'obolo di don Sturzo, aprirono la sacrestia ristorante ; Buozzi e Sardelli ebbero sollevate le pene dell'esilio dalla seconda internazionale con duemila franchi d'assegno...»350.

Menapace, par conséquent, soutient que les dirigeants antifascistes se font entretenir par leurs partis et organisations de référence, n'étant pas capables de gagner leur vie normalement. Il

348 Communication du consul italien à Bruxelles au Ministère de l'intérieur, 27-7-1930, in Acs, Cpc, D.537, F.1. 349Ermanno Menapace avait publié ce texte trois ans après avoir interrompu son activité d'espion. La publication de ce texte avait été financé par le ministère de l'Intérieur.

111 ajoute aussi, qu'au lieu de travailler pour leur cause politique, ils passent leur temps à se soûler au restaurant « Firenze » ou dans le lit de Margherita, en ignorant leurs camarades plus pauvres qui ont pourtant besoin de leur aide financière pour survivre.

Comme nous l’avons vu, même Berneri jouissait selon les espions de la police d'une situation économique aisée mais cette interprétation positive de la condition économique de Camillo Berneri est en grande partie contredite par une série de notes informatives soulignant, au contraire, la précarité de la situation financière de l'anarchiste et de sa famille. Déjà, au début de son exil, l'intellectuel est à la recherche d'autres sources de financement car, selon les informations à disposition de la police italienne, les modestes bénéfices tirés de la publication de ses articles dans des journaux « subversifs » et de la vente de l'opuscule Mussolini

normalizzatore ne lui permettent pas de vivre dignement en France. Pour cela, selon un

informateur, Berneri propose ses œuvres politiques aux militants antifascistes présents pendant une réunion du Comité antifasciste dans la salle Bullier à Paris. Même une lettre envoyée à un ami encore résidant en Italie, démontre la volonté de Berneri de trouver des autres sources de financement pour sa vie personnelle. Dans ce document, Berneri fait référence au projet de publier « una rassegna per le donne »351qui a attiré l'attention de la police parce qu'ils y ont vu comme une tentative de faire connaître les idées anarchistes même à la partie féminine de la population. En réalité, le projet de Camillo Berneri ne paraît pas trop ambitieux et confirme plutôt la nécessité pour l'anarchiste de se procurer de l'argent au début de son exil. Dans cette lettre, il demande simplement à son ami de l'aider à obtenir quelques abonnements « fra le mogli, le fidanzate et le compagne » des autres camarades pour cette publication qui apparemment ne verra pas le jour.

Même l'impossibilité de la part de Berneri d'obtenir un domicile fixe pour lui et sa famille est assez significative. L'anarchiste peut offrir à sa femme et à ses deux enfants une maison de sa propriété seulement a partir de l'été 1928. En septembre de cette année, le commissaire Bandiera communique au ministère de l'Intérieur que Berneri a déménagé depuis deux mois à Montreuil352. Dans cette petite ville de la banlieue parisienne, l’anarchiste italien a fait construire une petite maison de 5 pièces pour y vivre avec sa femme, ses deux filles et sa mère. Cependant, les conditions auxquelles Berneri obtient son domicile démontrent la modeste disponibilité économique de l'anarchiste. Selon l'auteur de cette communication, « il Berneri assicura che per far fronte alla modesta spesa di costruzione [...] si è servito della dote

351 Lettre de Camillo Berneri à Giacomo Brassesi, 9-8-1926, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

112 di sua moglie. » Il est évident que la décision d'utiliser l'argent reçu de la famille de sa femme pour construire sa maison dépend de ces modestes possibilités économiques.

Dans les documents présentés par Menapace dans son livre sur son activité d'espion, l'ancien combattant fiumano fournit une autre version à propos de l'origine de l'argent utilisé par Berneri pour acheter sa maison. Menapace présente une lettre adressée par Camillo à son ami Cianca où l'anarchiste, avant de réaliser une action subversive, explique quelles sont les raisons de son angoisse :

« Ecco come stanno le cose. Mia moglie, per sgravare il magro bilancio di casa nostra, dal peso dell'affitto, ha accettato dai suoi genitori l'offerta di « un prestito amichevole » per costruirsi una casetta. Per le leggi francesi sono stato obbligato a firmare il contratto d'acquisto sul terreno. Sono quindi comproprietario della casa. Una condanna, avendo una proprietà, implicherebbe, per il risarcimento dei danni, la vendita e la relativa confisca della mia parte. »353

Pour résoudre cette situation, Berneri voudrait céder définitivement la propriété de cet immeuble à sa femme et à ses enfants mais il craint de ne pas avoir ni le temps ni l'argent nécessaires pour réaliser cet acte notarié : « Dovrò, se le spese sono un po'forti fare un debito. E non so ora a chi potrò rivolgermi. In casa siamo al verde. C'è appena da tirare avanti. […] Ho pensato a questo perché ieri mia moglie si è vista rifiutare un credito in un magazzino perché non c'era la mia firma come avvallo.»354 Par conséquent, l'anarchiste ne paraît pas vivre dans l'aisance comme souvent les espions du régime fasciste le soutiennent.

Lorsque Menapace soutient la nécessité de financer un journal qui crée des tensions au sein du milieu antifasciste, l’espion insiste sur le fait que Berneri n'a pas les ressources économiques pour le financer car « guadagna 10 franchi al giorno per scrivere indirizzi »355. En même temps, même les camarades de Berneri paraissent se préoccuper de la précarité de sa situation. Selon une note confidentielle, l'anarchiste Bifolchi « si interessa vivamente presso il segretario dell'associazione internazionale dei lavoratori (AIT) allo scopo di offrire al Berneri stesso una occupazione che gli dia il modo di vivere meglio sia finanziariamente che moralmente »356.

Après sa sortie de prison en 1931, la situation économique de Berneri, selon les espions de la police, devient encore plus complexe. On trouve plusieurs notes de la police où

353Ermanno Menapace, Tra i fuoriusciti, Les Imprimeries générales, Paris 1933, p.102-103. 354 Ibidem, p.102-103.

355 Note confidentielle, 28-4-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 2. 356 Note confidentielle, 23-2-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 1.

113 ses auteurs se demandent quel sera le futur de l'anarchiste car sa réputation a beaucoup changé, après qu'il a été piégé par Menapace. Notamment, un informateur de la police soutient que l'anarchiste ne peut plus agir efficacement parce que « è un uomo mezzo finito e non gode più della fiducia che riscuoteva dai compagni. »357 Cette situation lui empêche aussi de pouvoir jouir du soutien économique des organisations politiques proches de lui. Par conséquent, Berneri paraît alors plus soucieux de trouver une occupation qui lui permette de subvenir aux besoins de sa famille. C'est pour cela que l'intellectuel libertaire décide de travailler « come magazziniere presso una cooperativa francese per costruzioni a Fontenay sous Bois (Seine) dove sono occupati gli anarchici Castagnoli e Angeli. »358 La police tient à souligner l'importance du cercle relationnel dont l'anarchiste peut jouir, lorsqu'il a besoin de trouver un travail.

Comme nous l’avons vu, selon le service secret italien, en 1932 Berneri est au service de la police française et reçoit de l'argent pour ses missions mais cette hypothèse est remise en question par une note confidentielle de Cremonini. Selon l'espion fasciste, à cette période l'intellectuel libertaire ne paraît pas avoir à sa disposition de considérables moyens financiers. Au contraire, il apparaît très inquiet en raison de ses problèmes économiques : « Il compagno Berneri, essendo stato disoccupato per diversi mesi, si era rivolto a me perché domandassi a Nenni, se assumendo una rappresentanza di articoli per barbiere […] si potesse ritrarne un certo guadagno per potere vivere senza adattarsi a fare da manuale muratore »359. Par conséquent, Cremonini dément catégoriquement que l'anarchiste « in questo momento possa disporre di somme di denaro. »360. Selon l'espion, au contraire, Berneri a dû demander un crédit à Recchioni pour pouvoir sortir de sa difficile situation économique. L'homme d'affaire italien lui a envoyé cette somme sur le lieu de travail de Cremonini mais ce prêt n'est pas encore arrivé à destination. Par conséquent, l'intellectuel libertaire s'est vu obligé de travailler comme peintre en bâtiment.

En juin 1933, les espions fascistes s'intéressent à nouveau à la nouvelle activité entreprise par l'anarchiste italien afin de garantir une situation économique plus aisée à sa famille. Dans une note confidentielle, un espion informe la Division police politique que « Berneri a mezzo Cremonini sta comprando un negozio sul quale verserebbe 25000 francs ed

357 Note confidentielle, 27-7-1931, in Acs, Cpc, D.537, F.2. 358 Note confidentielle, 7-8-1931, in Acs, Cpc, D.537, F.2.

359 Note confidentielle, 22-10-1932, in Acs, Ministero dell'interno, Dir. Gen. p. s., Divisione polizia politica,

Fascicoli personali Serie A 1927-1944,D. 11, f. Berneri.

114 il resto a credito. »361 L'épicerie commence à fonctionner fin juin et est fréquentée surtout par des anarchistes habitant dans le quartier. Il est intéressant que l'espion Cremonini aide l'anarchiste italien à acquérir une activité commerciale, bien que la police fasciste ait empêché n’importe quelle initiative de Berneri pour pouvoir rester légalement en France. Nous avons vu que le service secret italien exerçait des pressions auprès des autorités françaises pour que l'anarchiste soit expulsé du territoire français. En outre, l'espion Menapace avait essayé de pousser Berneri à abandonner l'Europe et à se réfugier en Amérique du sud, en l'isolant politiquement de ses camarades mais cette tentative avait finalement échoué. Évidemment la stratégie de la police a évolué : ses responsables espèrent neutraliser l'activité subversive de l'anarchiste, en lui donnant la possibilité d'obtenir une plus grande stabilité économique.

La police se montre toujours très intéressée par l'évolution de la situation économique de l'anarchiste et ses espions lui envoient des notes concernant sa nouvelle activité commerciale. Un informateur décrit ses mouvements et se montre surpris parce que l'intellectuel italien n'essaie pas de se cacher des autorités françaises lorsqu'il va sur les