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Camillo Berneri selon l'Ovra

1.1.6 Le cercle relationnel de Berneri

Selon la police italienne, Camillo Berneri n'est pas seulement capable de convaincre des jeunes militants à accomplir des actes subversifs mais son importance et sa force politique dépendent aussi de l'ensemble des relations que l'intellectuel anarchiste entretient avec plusieurs militants de différentes idéologies politiques. Pour cela, il nous semble important d’analyser les notes que la police consacre aux contacts entre l’anarchiste et les hommes politiques les plus connus de l'antifascisme italien.

Déjà en 1916, les autorités italiennes signalent que Berneri fréquente en même temps des ouvriers et des étudiants parmi lesquels « riscuote buona fama »89. Sa bonne réputation chez les militants de son âge lui permet bientôt de commencer à avoir des relations avec des hommes politiques très importants dans le milieu libertaire. Le chef de la police Bocchini fait référence aux « rapporti segreti con il Malatesta Enrico »90. Ce dirigeant de l'état fasciste mentionne la relation d'amitié entre les deux anarchistes en 1927 mais nous savons que les deux militants anarchistes étaient amis depuis longtemps. Malatesta, comme nous aurons l'occasion de l'analyser par la suite, est un point de référence pour Berneri dans le mouvement anarchiste et il n'est pas étonnant qu'il reste en contact avec son ancien maître pendant son exil en France. Le nom de l’anarchiste lombard apparaît aussi dans une lettre où un militant anarchiste écrit à Malatesta pour lui communiquer que dans la Plateforme proposée par

89 Fiche biographique de Camillo Berneri in Acs, Cpc, D.537, F.1.

45 Macno et Archinoff, il y aura « un pochettino, come dice Berneri, di autorità. »91 Probablement, l'intellectuel lombard est cité dans cette missive car il s'est retrouvé avec quelques camarades à Bourg-La-Reine pour discuter de la proposition politique de ses camarades russes. A cette occasion, la police italienne mentionne également parmi les participants à cette réunion politique aussi la présence de Luigi Fabbri car l'opinion de ce dernier a fortement influencé la position des autres camarades, en donnant un jugement très négatif à propos de la « Plateforme de Archinove »92.

Dans plusieurs notes de la police, on analyse la relation que Berneri entretient avec Luigi Fabbri, une des personnalités les plus respectée dans le mouvement anarchiste italien. Selon les informations dont l'Ambassade italienne à Paris dispose, Berneri et Fabbri se fréquentent régulièrement même pendant leur exil car les deux intellectuels anarchistes se réunissent habituellement avec d'autres camarades dans de sordides cafés de la banlieue parisienne où ils peuvent obtenir facilement une petite salle pour discuter des leurs projets politiques. Selon l'ambassadeur italien en France, dans ces réunions Berneri et Fabbri discutent de « la necessità di ricorrere a piani delittuosi nella lotta antifascista. Nulla di concreto sarebbe stato mai deciso circa l'organizzazione di attentati in Italia. L'argomento conclusivo delle riunioni era sempre quello dell'impiego dei fondi ricevuti dai centri anarchici in America e dalle sottoscrizioni dei Comitati esistenti in Francia.» 93 En mars 1928, une note confidentielle informe le ministère des Affaires étrangères de l'organisation d'une réunion du comité anarchiste en France. L'informateur souligne la participation à cette réunion de Berneri et Fabbri qui auraient pris des décisions de type organisationnel. Suite à cette rencontre politique, ce comité a envoyé des lettres à leurs camarades résidents encore en Italie, dans lesquelles, ils considèrent utile l'augmentation des dépenses pour soutenir « un più energico movimento insurrezionale. Tale movimento dovrebbe riunire tutte le forze anarchiche all'estero, e più specialmente in Italia, cercando gli elementi più adatti e propensi a tale movimento nelle masse proletarie. » 94

Il est évident que la police italienne considère qu'il existe une collaboration intense entre Camillo Berneri et Luigi Fabbri, mais, selon quelques informateurs de la police, cette relation ne serait pas complètement sincère de la part de l'intellectuel lombard, car ce dernier

91 Lettre de Dante Pinzuti à Malatesta sur la Plateforme Archinove, 8-5-1927, in Acs, Cpc, D.537, F. 1.

92 La Plateforme Archinove est un nouveau modèle d’organisation proposé par l’anarchiste russe Piotr Archinov et ses camarades en 1927 pour réaliser une meilleure coordination au sein du mouvement libertaire.

93Communication de l'Ambassade d'Italie au Ministère de l'intérieur, 28-8-1928, in Acs, Cpc, D 537, F 1. 94 Note confidentielle, 19-3-1928, Acs, Cpc, D.537, F.1.

46 essaierait de profiter du grand respect dont Fabbri jouit auprès des militants libertaires, afin d'utiliser les réserves économiques du mouvement pour ses propres objectifs politiques. D'après l'espion Cremonini, malgré l'apparente concordance existant entre Berneri et Fabbri, les deux ont des points de vue bien différents sur la gestion des ressources financières du mouvement. A ce propos Cremonini relate les critiques formulées par Berneri à l'égard de Fabbri : « Se certi compagni influenti, come il Fabbri, avessero ascoltato lui ed avessero chiesto fondi ai compagni d'America per metterli a disposizione non di pezzi di carta senza importanza, ma dell'azione violenta, a quest'ora avremmo fatto pentire più di una persona al servizio del fascismo. »95

Selon les sources du service secret italien, Berneri utilise l'amitié de Luigi Fabbri comme couverture pour organiser des actions violentes qui pourraient sinon créer des résistances parmi les autres membres du mouvement libertaire. Ils font référence notamment à une réunion qui a lieu en juin 1928 à Paris. Cette rencontre se produit car Fabbri, en tant que représentant du comité de la revue Lotta Umana, a critiqué fortement le choix de la revue

Iniziativa de publier un appel pour la formation des groupes révolutionnaires sur une

proposition du Comité d'action anarchiste, dont Berneri est le chef. Le représentant du comité de rédaction de Iniziativa nie la volonté, de la part de son journal, de créer une nouvelle organisation antifasciste mais en même temps soutient « la necessità di dare alla protesta antifascista una forma più ardita e meno propagandistica. » Berneri, en tant que représentant du Comité d'action, participe à cette réunion, mais pendant son déroulement il préfère garder le silence pour éviter de mentionner les détails des projets mis en place par son organisme. L'anarchiste lombard affirme que s'il se comportait différemment, il mettrait en danger sa réalisation. Après plusieurs discussions, finalement Fabbri accepte les explications de Berneri et du comité de rédaction de Iniziativa mais il manifeste quand même une certaine inquiétude parce que des agents provocateurs avaient déjà publié un appel de la même nature afin d'impliquer des militants naïfs dans d'obscures manœuvres politiques. Selon l'informateur, Fabbri a décidé de renoncer à poursuivre cette polémique avec la rédaction de Iniziativa parce qu'il fait confiance à Berneri même s'il n'est pas au courant des projets que le professeur a mijoté.

En réalité, l'informateur soutient que Fabbri et les anarchistes composant Lotta Umana seraient de véritables naïfs parce que « non immaginano neppure lontanamente il ruolo che Berneri tiene nell'antifascismo ». Selon cette reconstitution des faits, Berneri arrive à réaliser

47 ses plans criminels aussi grâce à la protection que Fabbri lui offre. Selon la police, ce dernier le soutiendra même après son départ à Montevideo lorsque Camillo Berneri sera accusé d'avoir été piégé par Menapace. 96

Parmi les personnalités politiques qui, selon la police, sont en contact avec Camillo Berneri, nous trouvons aussi Severino Di Giovanni, un militant anarchiste très connu pour la violence de ses actions revolutionnaires97. Berneri reçoit à son adresse de Camerino des lettres de Di Giovanni en 1926, après son départ en France. Cependant, la préfecture de Macerata envoie ce matériel épistolaire au ministère de l'Intérieur puisque la police continue de surveiller les adresses de Camillo Berneri en Italie. La relation entre Di Giovanni et l’anarchiste lombard alarme le service secret italien car la police soupçonne que les deux veuillent réaliser des plans subversifs ensemble mais, en réalité, dans les lettres de Di Giovanni on ne trouve aucune référence à des actions violentes à mettre en œuvre. Le ton de Di Giovanni est très aimable à l'égard de Berneri et témoigne une certaine amitié entre les deux. Berneri lui a proposé de poursuivre sa collaboration pour la publication de prochains numéros de Culmine, la revue dont Di Giovanni est le responsable. Ce dernier se montre très intéressé par cette proposition mais il veut un peu plus de détails. En même temps, Di Giovanni informe Camillo Berneri que ceux qui soutiennent le journal ont décidé qu'il faut que les articles aient « carattere anche di battaglia oltre quello culturale. »98 Di Giovanni est aussi très critique à l'égard des revues libertaires qui sont en train de paraître en Argentine parce que « non hanno nulla a che vedere con l'anarchismo. » Il attaque, en particulier, Doleffe, le directeur de La Rivolta, car ce dernier est en train de répandre des médisances sur le compte de Di Giovanni. Malgré ces rumeurs, Severino Di Giovanni, dans sa lettre, espère pouvoir compter sur l'amitié et le sérieux de Berneri afin qu'il puisse continuer sa collaboration avec Culmine sans se laisser influencer par ses ennemis. La police se montre très préoccupée parce que Severino Di Giovanni est « un settario pericoloso per la sua indole fanatica »99. En tenant compte de la situation, selon l'auteur de la communication, « è rilevante la circostanza che dall'estero il prof. Berneri possa prendere contatto con individui del genere. Il fatto poi che egli si trova in Francia obbliga specialmente il nostro servizio alla più stretta vigilanza per seguire attentamente i maneggi del Berneri per conoscerne le relazioni.»100

96 Note confidentielle, 23-8-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 2.

97 Lettre de la Préfecture de Macerata adressée au Ministère de l'intérieur, 17-5-1926, in Acs, Cpc, D.537, F.1. 98 Ibidem.

99 Lettre de Di Giovanni à Camillo Berneri, 10-4-1926, in Acs, Cpc, D.537, F.1 F195 100 Ibidem.

48 La police est probablement très attentive, car dans la même période où il écrit ces lettres à Camillo Berneri, Severino Di Giovanni est auteur aussi d'une série d'actions violentes en Argentine. Notamment, il organise un attentat contre l'ambassade des États Unis pour protester contre la détention de Sacco et Vanzetti. La figure de Di Giovanni sera progressivement isolée au sein du mouvement anarchiste précisément en raison de son choix de réaliser des actes violents qui culminent avec l'homicide d’Emilio Lopez Arango, le directeur de la revue rivale La Protesta. En tout cas, après avoir mentionné cette lettre de 1926, la police ne fait plus référence à une relation directe entre Berneri et Di Giovanni, même si des personnes très proches de l’intellectuel lombard comme Francesco Barbieri restent en contact avec lui.

Ce qui surprend parfois les agents au service de la police fasciste est la capacité de Berneri à se mettre en relation aussi avec des personnalités politiques très importantes qui n'appartiennent pas au mouvement libertaire. Par exemple, Ermanno Menapace fait souvent référence à l'étroite relation que l'intellectuel italien entretient avec Guido Miglioli. L'espion donne une image très négative de ce dirigeant antifasciste car il se présente comme un croyant catholique faisant partie du Comitato dei contadini, mais la réalité, est bien différente : « Miglioli è la principale figura italiana che vi dirige il movimento comunista. »101 Pour cela, Miglioli doit souvent aller à Berlin où se trouve le commandement communiste qui est aussi le centre de ralliement de tous les agents au service de la cause soviétique. Cette attitude ambiguë de Miglioli n'a pas été découverte par ses camarades car les espions communistes évitent d'utiliser la poste, moyen de communication mis sous contrôle par la police. Miglioli est l'un des premiers antifascistes avec lesquels Menapace arrive à entretenir de bonnes relations. Pendant son séjour à Bruxelles, l'espion fréquente assidument l'ancien député catholique ainsi que Camillo Berneri.

Dans la reconstitution des faits fournie par Menapace, Miglioli et Berneri paraissent très proches. L'espion, dans une note du 27 décembre 1928, raconte même la soirée de Noël qu'il a passée avec les deux militants antifascistes à Bruxelles102 : « Il Berneri ha passato tutto il giorno di Natale con il Miglioli e me in casa della Vitto; alla sera ci accompagnò in una sala da ballo popolare e mi fece conoscere gli anarchici Fiorentini, Lunardi ed altre tre ai quali per ovvie ragioni non chiesi il nome; stemmo assieme fino alle tre del mattino e la Vitto ballò con

101 Ermanno Menapace, Tra i fuoriusciti, Paris, Les Imprimeries générales, 1933, p.63

102 Note confidentielle, 28-12-1928, in Acs, Ministero dell'interno, Dir. Gen. p. s., Divisione Polizia politica,

49 essi. »103 Menapace pense utiliser Vittorini, une amie à lui, pour extorquer d'importantes confidences à Miglioli et Berneri.

Selon Menapace, la collaboration entre Miglioli et Berneri est très assidue. Par exemple, en décembre 1928, avant de partir pour Moscou, l'ancien député populaire, bien qu'il doive terminer un compte-rendu pour les agents soviétiques, écrit un texte en français sur l'espionnage fasciste pour démontrer que le gouvernement français a expulsé Berneri pour satisfaire l'ambassade italienne à Paris.104A son tour, Berneri, selon l'informateur Cremonini, aide également Miglioli à diffuser sa pensée dans des revues antifascistes : « il Professore [...] ha gettato le basi per la pubblicazione di una rivista internazionale, che ospiterà gli strali antifascisti del Miglioli. »105 En outre, d'après Menapace, à chaque fois que se produisent des événements d'une certaine importance, Miglioli considère nécessaire d'informer tout de suite Berneri. En janvier 1929, un militant anarchiste s'est présenté au consulat italien de Bruxelles pour obtenir un passeport pour aller vivre en Espagne. C'est ainsi qu'on lui a proposé de devenir un informateur de la police italienne. Ses fonctions seraient de contrôler les activités des antifascistes106. Comme ce militant anarchiste explique la situation à Miglioli, ce dernier cherche tout de suite Berneri pour lui communiquer la nouvelle sans le trouver. D'après Menapace, l'ancien député populaire pense profiter de la situation pour introduire quelques-uns de leurs camarades dans les rangs de l'espionnage italien, mais il considère nécessaire d'entendre l'opinion de Berneri, avant d'agir.

Menapace soutient que Berneri et Miglioli ont crée une vraie et propre organisation ayant le but d'appâter des jeunes antifascistes et de les pousser à accomplir des actions violentes contre le régime fasciste. L'ancien député populaire s'occupait d'accueillir des jeunes antifascistes dans les structures des associations catholiques françaises tandis que« l'anarchico Berneri visitava quasi giornalmente gli agnelli di Miglioli, dopo di che assorbiva un thè veramente russo, elaborando fraterni e divini progetti »107.

Selon la police, la relation que Berneri entretient avec Miglioli lui permet de s'en sortir même lorsque l'anarchiste paraît dans une situation très précaire à cause de ses actions subversives. En avril 1929, une communication du consulat de Bruxelles présente la situation de l'anarchiste en Belgique : « Il provvedimento d'espulsione a suo carico non avrà

103 Ibidem.

104 Information confidentielle, 28-12-1928, in Acs, Cpc, D 537, F 1.

105 Note de la Divisione Politica pour la Divisione Affari generali e riservati, 23-1-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 1.

106 Information confidentielle, 3-1-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 1.

50 esecuzione, avendo il Berneri, coadiuvato da Miglioli, ottenuto l'appoggio presso le autorità di persone influenti nel partito di sinistra. »108 Il est évident que les bonnes relations que Berneri entretient avec Guido Miglioli, lui permettent de jouir du soutien d'organisations qui normalement ne s'intéresseraient pas à la situation d'un anarchiste comme lui.

Dans les notes de la police italienne, à chaque fois que les informateurs ont perdu la piste de l'anarchiste, ils le retrouvent, en contactant Miglioli et ses connaissances.Par exemple, lorsque l'anarchiste se trouve en Allemagne, au début un informateur fasciste essaie de rencontrer Camillo chez Guido Miglioli, mais l'ancien député populaire se trouve en Russie. Ainsi, l'espion contacte discrètement le Comité européen des paysans, en voulant obtenir des informations plus précises concernant Berneri.

En analysant les documents de l'Ovra, nous avons l'impression que, selon le service secret italien, la puissance politique de Camillo Berneri dépend de son amitié avec Guido Miglioli. Les deux militants antifascistes sont toujours en contact et l’ancien député catholique offre souvent à Berneri la couverture logistique dont l’anarchiste a besoin pour organiser ses plans « subversifs ». Il est évident que la Division police politique considère l'ancien député catholique comme un des principales points de référence de l'activité subversive de Berneri, même si Miglioli n'est pas le seul homme politique proche du Parti communiste avec lequel l'anarchiste a de bonnes relations.

A la fin de janvier 1929, l'intellectuel anarchiste rencontre le dirigeant communiste Ottavio Pastore.109 Ce dernier est un des fondateurs du Parti communiste italien. En exil en France, il s'occupe surtout de l'activité syndicale, en participant à la Commissione della mano

d'opera straniera. Pour échapper au contrôle des agents de l'Ovra, Pastore décidera d'aller

finalement en Russie où il travaillera dans l'Internationale communiste.

Pastore rencontre Berneri dans une réunion de militants communistes pour faire le point sur l'organisation d'un congrès de la « Ligue contre l'impérialisme » à Berlin, un organisme soutenant la lutte des antifascistes italiens expatriés. Pendant cette rencontre, l'auteur de la lettre laisse entendre qu'il existe une relation particulière entre le dirigéant communiste et Berneri : « Durante la riunione di cui sopra, il Pastore consegnò a Berneri un plico chiuso contenente probabilmente denaro e un secondo grande plico proveniente dal noto Pistocchi. Consegnò inoltre diversa corrispondenza destinata a Cilla e Miglioli. » Pistocchi est sans doute un dirigeant républicain qui a été, par la suite, accusé d'être un informateur de la police. Selon cette communication, Berneri a connu Ottavio Pastore parce que l’intellectuel

108 Communication du consulat italien de Bruxelles, 5-4-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 1. 109 Lettre du consulat italien à Bruxelles, 6-2-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 1.

51 lombard est un bon ami de Miglioli. En outre, l'anarchiste italien paraît avoir des responsabilités qui vont au-delà du simple rôle de trait d'union entre les deux hommes politiques : Berneri reçoit de l'argent pendant une réunion politique organisée par les militants communistes pour mettre en place un Comité antifasciste internationale. Il est évident que l'auteur de cette communication laisse entrevoir que Berneri est financé par Pastore pour accomplir des actions subversives qui menacent les intérêts fascistes à l'étranger.

Les bonnes relations que Berneri entretient avec ce dirigeant communiste font supposer à la police italienne que l'intellectuel anarchiste peut compter aussi sur les infrastructures du Parti communiste pour réaliser ses plans. Cette hypothèse est confirmée par plusieurs communications envoyées à la Division police politique. En mai 1928, l'ambassadeur italien à Berlin a envoyé une communication au ministère des Affaires étrangères pour l'informer que Berneri a participé à une réunion organisée et présidée par Misiano, un des fondateurs du P.C d'.Italie en 1921110. Le consul italien à Bruxelles arrive même à affirmer que Berneri est « il capo assieme al noto Roncoroni Saverio del servizio di spionaggio organizzato in Francia dal partito comunista per sorvegliare gli atti dei fiduciari fascisti. » 111

En outre, selon la police italienne Berneri entretient des bonnes relations avec le Secours rouge international car en novembre 1928, l'anarchiste participe à une réunion de cette organisation communiste pour protester contre la condamnation à mort d'un camarade et pour demander l'amnistie pour tous les communistes détenus en France112. A son tour, c'est le Secours rouge international qui, lorsque Berneri est expulsé en décembre 1928, présente le communiqué suivant pour protester contre l'intervention de la police dans le domicile de l'anarchiste italien: « La polizia di Tardieu, animata da uno zelo che deve soddisfare Mussolini, si fa in quattro: l'8 dicembre il sig Camillo Berneri, professore d'italiano rifugiato