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Camillo Berneri vu par les anarchistes

1.2.4 Un anarchiste hétérodoxe

Après avoir analysé les positions des spécialistes de Camillo Berneri qui ont présenté l’anarchiste comme un symbole de l’idéologie libertaire, il nous paraît nécessaire de prendre en considération les chercheurs qui ont mis en valeur la complexité de la personnalité politique de l’intellectuel libertaire. Dans un premier temps, nous analyserons les idées de ces interprètes de la pensée de Berneri qui n’ont pas douté de sa réelle appartenance à l’univers libertaire. Ensuite, nous verrons comment certains chercheurs ont essayé de démontrer que le terme anarchiste était limitatif pour une personnalité comme celle de l’intellectuel libertaire.

Gino Cerrito574 est un des premiers spécialistes de l’idéologie libertaire qui souligne la complexité de la position de Camillo Berneri au sein du mouvement libertaire. Au premier colloque sur Berneri en 1977, ce professeur de l'Université de Florence consacre une bonne partie de son intervention à analyser la position de l'intellectuel lombard pendant la Guerre civile espagnole, car il considère que cet évènement représente pour Berneri l'opportunité de démontrer la validité de ses théories politiques. Comme cela arrive souvent parmi les spécialistes qui travaillent sur cette phase de la vie de Berneri, Cerrito souligne que l'anarchiste lombard a soutenu la nécessité de s’opposer à la participation de la C.N.T. au

574

Gino Cerrito est un historien qui a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire du mouvement ouvrier : Le

mouvement anarchiste de ses origines à 1914 ; Malatesta, écrits choisis; De l’insurrectionalisme à la Semaine rouge; le Rôle de l'organisation anarchiste et Andrea Costa in le socialisme italien. En outre, Cerrito était aussi

assez connu pour son activité de militant in le mouvement libertaire italien. Il avait surtout soutenu la nécessité de résoudre le problème organisationnel.

186 Gouvernement républicain mais ce choix, d'après Cerrito, a été trop tardif car « nell'ottobre 1936 […] non si rendeva conto che la C.N.T. e la F.A.I. non godevano più di quel « prestigio assorbente » che godevano nei mesi immediatamente successivi al 19 luglio »575

. En outre, ce professeur de l'Université de Florence manifeste ses doutes sur les choix politiques de Camillo Berneri, en posant toute une série de questions rhétoriques afin de démontrer la faiblesse des propositions contenues dans la lettre envoyée par l'anarchiste lombard à sa camarade Federica Montseny en avril 1937. Par conséquent, selon Cerrito, l’intérêt historique de Berneri dépend principalement du jugement qu'il faut donner sur ses théories à propos de la révolution libertaire.

Le premier spécialiste de Camillo Berneri à analyser la position difficile de l'intellectuel libertaire au sein du mouvement anarchiste en Espagne est Michele Olivari576. Lorsque ce professeur de l'Université de Pise analyse le point de vue de Berneri sur la situation politique et militaire de la Guerre civile, il définit sa position comme « centrista », car en même temps l'anarchiste essaie de défendre les succès de la Révolution espagnole mais considère nécessaire « la ricerca di soluzioni razionali e concrete, nell'ambito di una guerra rivoluzionaria ai problemi reali. »577 D'abord, Michele Olivari explique et contextualise le choix de Berneri d'organiser les volontaires italiens dans une unique colonne intégrée dans les rangs de la C.N.T.. Il met notamment en relief le fait que cette décision « significa un'adesione alla linea scelta dalla C.N.T.all'indomani della vittoria (in Catalogna) sulla sollevazione militare : rinuncia all'affermazione integrale della propria obiettiva preminenza […] e accettazione di un compromesso con le altre forze antifasciste sia all'interno del Governo regionale catalano che dei comitati sindacali. »578

Cependant, d'après ce spécialiste, « nell'inverno 1937 cominciano a manifestarsi alcuni segni d'attrito fra gli organismi direttivi della C.N.T e il gruppo redazionale di Guerra di Classe, di cui, ovviamente, Berneri assume piena responsabilità. » Les raisons de ces contrastes dérivent principalement du jugement négatif que la plupart des militants antifascistes italiens donnent à propos de la collaboration entre les anarchistes et les communistes. En tout cas, « la reazione di Berneri è cauta, misurata. Egli comprende la pericolosità di un'opposizione aperta alle direttive ufficiali in un

575

Giovanni Cerrito, « L'anarchismo attualista » in Atti del Convegno di studi su Camillo Berneri, op.cit., p. 94.

576 Michele Olivari est un historien, spécialiste de l’histoire moderne de l’Espagne et du Portugal. Il enseigne histoire moderne à l’Université de Pise et s’est occupé de Camillo Berneri au début de sa carrière de chercheur.

577

Michele Olivari, L'azione politica di Camillo Berneri nella Guerra civile spagnola, Florence, Leo S.Olschki, 1984, p.218.

187 momento in cui la politica di partecipazione al Governo sta minando l'unità e l'efficenza della C.N.T., unica garanzia reale, per quanto relativa, contro la « normalizzazione » in atto. »579 Michele Olivari utilise cette dernière expression, en faisant référence au procès que les forces communistes et leurs alliés ont déclenché afin d'annuler les conquêtes révolutionnaires obtenues par les anarchistes au début de la Révolution espagnole. Cette situation politique crée de forts contrastes entre les militants libertaires qui considèrent utile de continuer la collaboration avec les communistes et ceux qui souhaitent voir cette relation politique évoluer dans une autre direction. Malgré cela, selon Olivari, « Guerra di Classe non accetta dunque di diventare portavoce dell'opposizione interna, benchè non solo Berneri, ma anche la maggioranza dei redattori, non condividano del tutto la linea politica del movimento spagnolo. » C'est ainsi que, pour la première fois, Michele Olivari met en évidence la position délicate de Camillo Berneri au sein du mouvement anarchiste pendant la Guerre civile espagnole.

En général, les participants aux colloques consacrés à l'intellectuel anarchiste n'ont pas suffisamment tenu compte de cette situation, parce que sinon ils auraient dû revoir certaines positions simplistes sur le rôle politique de Berneri pendant la Guerre civile espagnole. Cependant, lorsqu’un nouveau colloque consacré à la figure de Camillo Berneri est organisé en 2005, nous avons l'impression que l'approche analytique choisie a changé par rapport aux études précédentes proposées par les militants anarchistes, car Augusta Molinari, une professeure universitaire qui présente cette journée d'études, introduit tout de suite l'idée que Berneri a réalisé « un confronto critico con la tradizione del pensiero anarchico e un'apertura ad altre culture politiche »580

. Actuellement, Berneri apparaît comme un innovateur dans son mouvement : « Le sue posizioni politiche, non sempre chiaramente definite, com'é naturale accada quando si cerca una « via » nuova e si fa in un contesto storico che lascia poco spazio a radicali cambiamenti, suscitarono perplessità e spesso anche fastidio in vari settori del movimento anarchico. »581 C'est pour cela que, selon Augusta Molinari, « non stupisce che le idee di Berneri sulla rivoluzione sociale suscitassero scompiglio tra gli anarchici » mais, pour le moment, la professeure préfère parler d'originalité car l'intellectuel lombard a été surtout « un anarchico poco compreso dagli anarchici »582.

579 Ibidem, p.239.

580

Augusta Molinari, « Presentazione » in Camillo Berneri, singolare\plurale, op.cit., p.9

581 Ibidem, p.9.

188 A ce propos, la position de Giampietro Berti est particulièrement importante583, ce professeur de l'Université de Padoue est sans doute le plus connu des spécialistes de l'anarchisme participant aux colloques centrés sur la figure de Camillo Berneri. Dès le commencement des recherches sur Berneri, cet historien a la capacité de traiter les questions regardant l’intellectuel libertaire de manière indépendante par rapport aux autres spécialistes et d'anticiper très vite des problématiques qui seront des sujets de discussion dans les colloques ultérieurs sur l’anarchiste italien. Dans ses travaux de recherche, Berti ne laisse aucun doute sur la valeur qu'il attribue à la figure de Camillo Berneri :

« In lui è rappresentato il primo autentico momento in cui l'anarchismo si interroga criticamente su se stesso e si interroga in un momento cruciale della sua storia. Nei vent'anni decisivi che corrono dalla Rivoluzione russa alla Rivoluzione spagnola giunge infatti a maturazione l'intero ciclo storico iniziato nel 1872, un ciclo che aveva visto il movimento anarchico come parte integrante del movimento operaio e socialista. »584

D'après Giampietro Berti, Berneri a le courage de se poser toute une série de questions auxquelles tout le mouvement anarchiste devrait trouver des réponses, après les dernières évolutions historiques :

« Quale è il ruolo dell'anarchismo dopo la vittoriosa rivoluzione d'ottobre? Che posizione devono prendere gli anarchici di fronte all'avvento dei regimi totalitari ? Ha ancora senso il rifiuto categorico della dialettica politica dopo i decenni infruttuosi dell'attesa rivoluzionaria ? E vero che l'anarchismo muore se si media con l'esistente ? Gli schemi sociologici del vecchio patrimonio scientifico sono capaci di riflettere alle domande poste dal mutamento strutturale avviato dai mutamenti socioeconomici ? »585

Ce spécialiste vénitien analyse les principales problématiques soulevées par l'anarchiste italien tout au long de sa vie, parce qu'il considère fondamental d'analyser « in che senso e

583 Giampietro Berti est professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Padoue. Ses recherches sont orientées sur l'histoire des idées au dix-neuvième siècle. Il a approfondi notamment deux thématiques : la culture politique et philosophique dans la région de la Vénetie et l'histoire de la pensée socialiste et anarchiste. Berti a consacré plusieurs œuvres à ce dernier sujet parmi lesquelles nous rappelons Francesco Saverio Merlino ;

Dall'anarchismo socialista al socialismo liberale ; Errico Malatesta e il movimento anarchico italiano e internazionale 18721932 et Il pensiero anarchico. Dal Settecento al Novecento.

584

Gianpietro Berti « Sull'anarchismo di Berneri il problema del « revisionismo » in Memoria antologica, saggi

critici e appunti biografici in ricordo di Camillo Berneri nel cinquantesimo della morte, op.cit., p.81.

189 fino a che punto la riflessione berneriana si è spinta nel processo di revisione »586. C'est ainsi que ce spécialiste de l'anarchisme prend en considération l'opinion de Berneri sur les conséquences de la Révolution bolchévique, la question religieuse, l'abstentionnisme électoral, la convergence des totalitarismes, le relativisme doctrinal, le rôle politique du mouvement anarchiste et son destin historique.

Berti a sans aucun doute le mérite de souligner le lien existant entre la position philosophique et la vision politique de Camillo Berneri. D'après ce spécialiste du mouvement anarchiste, Berneri se différencie des autres penseurs anarchistes ayant une conception philosophique du siècle précédent, car « nel pensiero di Berneri confluiscono dunque allo stesso tempo una concezione illuministica ed una più moderna concezione relativistica. »587

L'historien vénitien souhaite expliquer quel est le chemin parcouru par Berneri pour réaliser cette innovation méthodologique que l'intellectuel libertaire considère nécessaire pour actualiser l'anarchisme. D'après Giampietro Berti, Camillo Berneri croit nécessaire « adattare ( e a volte anche piegare ) il programma anarchico alle condizioni storiche date, modellandolo secondo le tradizioni e le caratteristiche di ogni paese come aveva ben precisato durante il dibattito internazionale sui compiti dell'anarchismo. »588 Cela est très significatif, car cette manière d'envisager les questions politiques, d'après Giampietro Berti, marque toutes les prises de position politiques de l'intellectuel libertaire. Cette nouvelle méthode choisie par l'intellectuel libertaire dépend du nouveau rôle assumé par les masses suite au premier conflit mondial, problème que la génération de Berneri doit affronter forcément : « Le masse non sono più trascinate dalle minoranze agenti perché sono esse stesse, per gran parte, forza storica primaria. Ed è grazie a questa forza opportunamente manipolata, che si è potuto attivare una demagogia allo stesso tempo autoritaria e rivoluzionaria. »589

Gianpietro Berti soutient que Berneri est l’un des premiers à comprendre que « l'emergenza delle masse comporta una diversa capacità di elaborare il progetto rivoluzionario. Questo non può più essere soltanto l'espressione di un'élite intellettuale calata dall'alto. » Pour cela il faut créer un plus grand équilibre entre les minorités et les masses, d'où « la revisione di alcuni postulati dell' ideologia, una revisione che non deve compromettere l'ispirazione etica di fondo. »590

586 Ibidem, p.84.

587 Ibidem, p.91.

588 Ibidem, P100.

589

Gianpietro Berti, « Il « revisionismo » di Berneri nella storia dell'anarchismo italiano » in Camillo Berneri

singolare\plurale, op.cit., p.15 -16.

190 Giampietro Berti définit la théorie de Berneri comme «un anarchismo schizofrenico », car il doit préserver une certaine union entre raison et sentiment. Pour réaliser cela, l'anarchisme « deve partire dalla consapevolezza che senza una critica del nucleo tradizionale - mantenendo ferma allo stesso tempo la sua ispirazione originaria - non è possibile sostenere le sfide poste dal mutamento storico. Il carattere del revisionismo berneriano è gravato dunque da questa latente e insuperabile duplicità. »591

Cette mutation idéologique proposée par Berneri n'est pas bien acceptée par la plupart des anarchistes, car, d'après Giampietro Berti, « il suo revisionismo sembra presentarsi sotto le spoglie di un eclettismo che si propone di utilizzare il meglio di ogni tradizione ideologica, riformulando l'insieme delle tendenze in una chiave aperta e problematica. » Une possible conséquence de cette manière d'envisager les problèmes est donc «la messa in discussione dell'unità fra teoria e prassi. »592 Cela explique aussi les résistances que provoque ce type d'approche dans le milieu anarchiste vu que « il possibilismo berneriano risulta così incline a derive opportunistiche che certo non potevano essere viste con particolare simpatia dal movimento. » 593

L'interprétation que Gianpietro Berti donne de la théorie libertaire formulée par Berneri implique « senz'altro l'effettiva possibilità di una lettura riformistica dell'anarchismo fino ad un suo possibile snaturamento »594. Par contre, ce spécialiste du mouvement libertaire tient à souligner que cette analyse de la pensée de Berneri ne signifie pas que l'intellectuel libertaire renonce au « salto rivoluzionario » mais simplement que l'anarchiste lombard n'accepte pas « l'assolutismo ideologico » des autres penseurs. D'après Gianpietro Berti, Berneri est bien conscient de la difficulté de sa position idéologique et il essaie quand même de résoudre « il problema della revisione entro la prospettiva del mantenimento dell'identità. » En tout cas, d'après l'historien vénitien, Berneri n'a pas encore trouvé une solution au problème politique de l'anarchisme. En effet, «anche se si mantiene ferma l'affermazione berneriana secondo cui è anarchico colui che crede nella possibilità dell'anarchia come sistema politico. »595, dans la théorie de l'anarchiste lombard, la cohérence entre les moyens et les buts que Malatesta avait abordée pour la première fois n’existe pas encore.

Par conséquent, Berti, comme les autres spécialistes que l’on vient de citer, soutient que la pensée proposée par l'intellectuel italien représente une profonde innovation au sein du

591 Ibidem, p.18. 592 Ibidem, p.20. 593 Ibidem, p.19. 594 Ibidem, p.20. 595 Ibidem, p.22.

191 mouvement libertaire mais, en même temps, il ne remet pas en cause son appartenance à cette formation politique.

Il est assez significatif qu'en 2008 Stefano D'Errico, l'auteur de l’anthologie la plus complète de textes de Camillo Berneri596, décrit et actualise les problématiques analysées par les spécialistes qui considèrent l'intellectuel italien comme un révisionniste mais il ne souhaite pas encore en tirer les conséquences, en se posant, par exemple, des questions sur les motivations qui ont poussé l'anarchiste à rester au sein du mouvement libertaire. Au contraire, il affirme que Berneri permet « una riconversione etica della politica »597, en démontrant que l'intellectuel lombard reprend un chemin déjà exploré par les premiers militants anarchistes. Selon D'Errico, Berneri est encore « un anarchico che crede all'anarchia e, ancor più all'anarchismo » qui a le courage de défendre le choix gouvernemental de la C.N.T pendant la Guerre civile espagnole sans se laisser tenter par des voies plus faciles. Ce spécialiste du syndicalisme suit le chemin interprétatif ouvert par Berti, en soulignant l'anti-dogmatisme de Berneri mais il ne réalise pas une analyse critique de la proposition politique de l’intellectuel italien qui pourrait souligner les éventuelles contradictions entre ses positions et son appartenance au mouvement anarchiste.

Il est évident que désormais la phase historiographique pendant laquelle les anarchistes considéraient principalement l'intellectuel libertaire comme un symbole de la résistance des militants libertaires contre le totalitarisme stalinien est terminée mais la compréhension de la complexité de la position de Camillo Berneri au sein du mouvement libertaire est encore une question irrésolue pour ces spécialistes.

Dans l'analyse de la pensée de Berneri proposée par Gianpietro Berti, nous trouvons souvent des observations qui paraissent laisser des doutes sur l’appartenance de l'intellectuel italien au mouvement libertaire. L’historien vénitien soutient que la plus importante contribution de Berneri est le détachement définitif de l'anarchisme humaniste du socialisme révolutionnaire traditionnel : « Il significato profondo del revisionismo berneriano prevede, di fatto, la definiva sottomissione della politica all'etica, che a sua volta si accompagna al rifiuto del modello socialista rivoluzionario. »598C'est ainsi que, grâce à l'intellectuel libertaire, « la rivoluzione sociale, sebbene sia nata da una specifica base di classe, diviene umanistica nei suoi processi evolutivi. »599 Pour cela, Gianpietro Berti soutient que Berneri ne refuse pas

596

Stefano D’Errico, Anarchismo e politica, Milan, Mimesis, 2007.

597Id., « Anarchismo e politica : il caso Berneri » in Un libertario in Europa, op.cit., p.149

598 Ibidem, p.22.

192 seulement la politique de classe marxiste, mais « ogni forma classista, vale a dire rifiuto di ogni forma di caratterizzazione storico sociale dell'idea anarchica. » C'est une interprétation importante étant donné que la plupart des militants et des penseurs du mouvement anarchiste ont toujours revendiqué la nécessité d'une lutte de classe pour éliminer les injustices sociales.

C'est sans doute pour cela que cet historien préfère prévenir les possibles objections, en affirmant qu'il ne considère pas comme signifiant le fait que Berneri ait dirigé en Espagne un journal intitulé Guerra di Classe, « perché ciò che conta sono le implicazioni logiche delle scelte ideo-logiche, non le manifestazioni contingenti che ad esse si accompagnano dovute, in questo caso, alla guerra civile spagnola. » Cependant, selon l'historien vénitien, cette vision humaniste de l'anarchisme de Berneri n'est pas facilement conciliable avec les idées précédemment exprimées par l'intellectuel libertaire à propos d'une évolution méthodologique de la théorie libertaire :

« Da un lato Berneri rivendica la necessità di riconoscere le ragioni della contingenza, fino a ritenere che gli stessi principi anarchici possano essere messi in discussione, dall'altro afferma che la sfera etica dell'anarchismo – concepito come istanza individualistica- non può che sfociare in una prospettiva umanistica, la quale si risolve in una generale visione anticlassista (o aclassista). »600

Les observations que Gianpietro Berti fait sur le révisionnisme de l'intellectuel libertaire dans un essai publié en 1986 laissent aussi des doutes sur la nature idéologique de la théorie politique de Berneri. Par exemple, cet universitaire en arrive à affirmer que « ne deriva una visione dell'anarchia che sul piano della dimensione politica inclina decisamente verso il liberalismo. »601 Si dans cet essai publié en 1986 ce spécialiste du mouvement libertaire ne fait que souligner la proximité idéologique de la réflexion de Berneri à la pensée libérale, dans son intervention au colloque de 2005, il se permet de comparer ouvertement l'intellectuel libertaire à un penseur libéral comme Popper.

Comme Gianpietro Berti, Pietro Adamo602 tend à associer Berneri à des figures du libéralisme italien du début du vingtième siècle comme Piero Gobetti ou Ernesto Rossi, étant donné que, d’un point de vue scientifique, l'intellectuel libertaire subit les mêmes influences que ces intellectuels contemporains. D'après ce professeur de l'Université de Turin,

600 Ibidem, p.23.

601 Ibidem, p.91.

602 Pietro Adamo est un professeur de la Faculté de Lettres de Turin. Il a publié plusieurs œuvres parmi lesquelles nous rappelons Il dio dei blasfemi. Anarchici e libertini nella Rivoluzione inglese ; Puritanesimi e

modernità; Appartenenza religiosa e cultura politica tra Cinque e Seicento; La città e gli idoli. Politica e religione in Inghilterra 1525-1572 et Camillo Berneri, anarchia e società aperta.

193 l'intellectuel libertaire réussit même à « anticipare le conclusioni sperimentalistiche de Karl Popper »603, en utilisant le même langage scientifique que le philosophe des sciences Paul K. Feyerabend.

L'association de la pensée de Berneri à une conception politique libérale et humaniste proposée par Gianpietro Berti et Pietro Adamo a sans aucun doute fortement influencé