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Camillo Berneri selon l'Ovra

1.1.4 Les dangers de la culture

1.1.4 Les dangers de la culture

Il nous semble fondamental de souligner qu’un aspect qui distingue Camillo Berneri de la plupart de ses camarades anarchistes est sa formation culturelle. Nous verrons que les notes de la police font souvent référence aux étapes de son parcours intellectuel et au développement de ses initiatives culturelles, car cet aspect de sa personnalité le rend particulièrement redoutable aux yeux des autorités italiennes à cette époque. Les fascistes, en particulier, se méfiaient de ces intellectuels qui avaient la capacité de manipuler les masses dans le camp adverse.

Déjà pendant sa jeunesse, il est présenté comme un travailleur « discretamente assiduo » possédant un certain bagage culturel puisque il a fréquenté la troisième année du lycée. Les mises à jour sur le parcours scolaire de Camillo sont régulières : « Il Berneri ha attualmente dato gli esami di licenza liceale, ma deve rifare in ottobre le prove di latino, greco e matematica. »43 Bien entendu, les études du « subversif » étaient une donnée particulièrement significative pour les forces de sécurité car à l'époque les aspirants révolutionnaires ayant la possibilité de recevoir une formation scolaire ne devaient pas être très nombreux. D'autant plus que sa formation lui permettait de pouvoir intervenir aussi dans des débats publics malgré son jeune âge : Berneri était considéré comme quelqu'un « capace

31 di tenere conferenze » car il avait déjà parlé en publique à Gênes en 1915 pendant un meeting antimilitariste.

En règle générale, pendant son service militaire, l'anarchiste italien paraît mener une « vita ritirata »44, mais, en décembre 1917, les autorités policières sont alarmées par son désir de publier un nouveau journal révolutionnaire intitulé La giovane internazionale. Afin de faire connaître ce projet, il envoie une lettre circulaire à des coreligionnaires de nombreuses villes. Il est possible que Berneri ait aussi essayé d'impliquer dans ses plans des camarades français car l'ambassade de Paris demande que Berneri soit mis sous stricte surveillance suite aux lettres du 15 mars 1917 et du 16 mai 1916.45 Cette hypothèse serait confirmée par une lettre du 26 février de 191946, dans laquelle l'Ambassade italienne de Paris informe que Berneri a contacté un militant anarchiste de Paris pour lui décrire le « risveglio anarchico » qui était en cours en Italie. Il a notamment fait mention de la réapparition de Volontà de Ancone, de Libertario de La Spezia et de la naissance de L'Iconoclasta de Pistoie, de la

Giovane Internazionale de Florence et du Novatore en Sardaigne. Ce qui préoccupe beaucoup

la police italienne est aussi la volonté manifeste de l'anarchiste lombard de créer un réseau international pour les revues révolutionnaires italiennes. En effets, Berneri en profite aussi pour demander à son camarade s'il lui est possible de trouver des contacts pour vendre les journaux anarchistes italiens en France. En même temps Berneri se propose pour diffuser les publications françaises et pour lui fournir des plus amples renseignements sur le mouvement anarchiste italien.

Bien que Berneri ait beaucoup participé à la vie culturelle de Florence, il ne reste que peu d'informations sur cette période dans les sources policières. On a juste une note de la préfecture de Guastalla qui relate que l'anarchiste lombard va se déplacer dans cette ville pour tenir une conférence sur la « culture sociale »47. Cette communication a lieu le 12 septembre 1920 dans une salle de la mairie de la ville où Berneri parle devant une centaine de personnes. Selon la police, à cette occasion le statut intellectuel de l'anarchiste a évolué. En effet, Berneri ne se présente plus comme un simple militant anarchiste qui tente de convaincre le public de

44 Communication de la Préfecture d’Arezzo, 3-11-1917, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

45 Communication de l'Ambassade de Paris, 7 avril 1917, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

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Lettre de l'Ambassade de Paris au Ministère de l'intérieur, 26 février 1919, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

32 la nécessité de participer aux actions du mouvement, mais son activité universitaire lui permet de se présenter comme un intellectuel engagé capable de traiter des sujets le plus importants.

À la fin de ses études universitaires, Berneri commence à travailler comme enseignant dans les écoles du second degré du centre de l'Italie. Le 10 juin 1923 la Préfecture de Florence informait que Berneri « si è trasferito a Montepulciano dove è insegnante in quel Regio Ginnasio »48. La fiche biographique de l’anarchiste est aussi envoyée à la Préfecture de Sienne et à la Sous-préfecture de Montepulciano pour réaliser les contrôles de routine. L'année suivante, Berneri obtient un poste de professeur d'histoire et de philosophie au lycée classique de la ville de Cortona. Cette nouvelle position sociale de l'anarchiste pose sans doute des problèmes au service de renseignements italiens car Berneri a désormais la possibilité de diffuser ses idées politiques, en jouissant d'une plus grande autorité.

La police italienne se montre également intéressée par les lectures dont l'intellectuel nourrit sa culture. Pour cela on observe avec préoccupation que l'anarchiste lombard « riceve numerosi giornali e riviste di propaganda sovversiva comunista ed anarchica »49. Cette remarque ne signifie pas forcement que Berneri reçoit de la presse d'idéologie communiste, dans la mesure où la police de cette époque ne fait souvent que peu de distinction entre ces deux tendances politiques. L'étape suivante du parcours professionnel de Camillo Berneri est Camerino, une ville dans la province de Macerata. L'anarchiste obtient un poste de professeur de philosophie et d'histoire de l'art au Lycée de la ville. Dans une communication provenant de la Préfecture de Macerata, on souligne avec préoccupation que le professeur Berneri « professa idee anarchiche »50, ce qui lui vaut la recommandation d'être mis sous stricte vigilance. Évidemment, même le courrier de l’anarchiste est toujours sous le contrôle de la police. Le préfet de Macerata envoie au ministère de l'Intérieur quatre copies de La Antorcha, journal anarchiste que le « comunista » Berneri aurait dû recevoir mais que la police a intercepté au bureau de la Poste de Camerino.51

Pour comprendre quel avait été, selon la la police italienne, le rôle intellectuel tenu par Camillo Berneri à cette époque, il est utile de prendre aussi en considération la documentation

48 Communication de la Préfecture de Florence, 10-6-1923, in Acs, Cpc, D.537, F. 1.

49 Communication de la Sous-préfecture de Cortona, 25-6-1924, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

50

Communication de la Préfecture de Macerata, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

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33 recueillie par Rizzo, un préfet de la police italienne, afin de démontrer l'implication de Camillo Berneri dans un attentat contre Benito Mussolini, réalisé par Gino Lucetti le 11 septembre 1926 dans le quartier Nomentano à Rome. Rizzo a présenté les résultats de son enquête au Tribunale Speciale per la difesa dello Stato. Les juges de ce tribunal étaient les consuls de la Milizia fascista et ils devaient émettre un jugement sur des attentats mettant en danger la vie de Mussolini ou d'un membre de la famille royale et, plus généralement, sur la sécurité de l'État italien. Les documents de ces procès sont conservés dans l'Archive Centrale de l'État à Rome.

Le préfet Rizzo fonde ses accusations sur l'anarchiste lombard d'après le témoignage de Gino Bibbi, un camarade de Berneri. Dans ses déclarations à la police, Bibbi relate que sa première rencontre avec l'intellectuel lombard avait fondamentalement des raisons politiques: « Prima di iscrivermi al Politecnico di Milano, ebbi agio di conoscere a Firenze Camillo Berneri, in occasione di una gita fatta in quella città in un ambiente pacifico, credo in un caffé. Conoscevo di fama il Berneri perché scriveva a favore del movimento anarchico e quindi i miei rapporti con lui naturalmente si iniziarono immediatamente e continuarono »52

.

La rencontre suivante entre les deux anarchistes a lieu à Milan. A cette occasion Bibbi fait ressortir la condition d'intellectuel de Berneri : « Mi rivide con piacere e simpatia e andò a consultare libri in una biblioteca e nelle ore libere si soffermò sugli argomenti politici del momento senza accennarmi alle sue condizioni speciali di vita. Mi disse che era insegnante a Firenze e che sperava di ottenere un altro posto in un altro Istituto che gli permettesse di vivere più agiatamente. »

Donc, pour le moins au début de sa version des faits, Bibbi présente au préfet de la police Rizzo Berneri comme un intellectuel anarchiste occupé principalement par ses études. Ensuite, selon ce témoin, Berneri se voit obligé de quitter son pays à cause de sa réputation : « Mi disse che doveva uscire dall'ambiente ove viveva perché la vita si era resa impossibile e vi era pericolo data la sua notorietà»53. Même pendant l'exil, Bibbi continue de recevoir des nouvelles sur des projets culturels que le professeur souhaite mettre en place : « Mi scrisse di tanto in tanto cartoline e mi convinsi che il suo nuovo lavoro doveva essere diretto a costruire una nuova casa editrice con fini letterari e sociali. Credo che ciò costituisca ancora la sua aspirazione intima. » Lorsque Berneri annonce dans une lettre que Lucetti, un camarade anarchiste, se rendra à Milan, Bibbi pense que son camarade vient pour organiser un

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Actes concernant la dénonciation de Camillo Berneri, les frères Molinari et Nella Giacomelli par le préfet Rizzo au Tribunale speciale pour leur implication dans deux attentats advenus en 1926 à Rome et en 1928 à Milan contre Benito Mussolini, in Acs, Tribunale speciale per la difesa dello Stato, D. 1555, p.5.

34 mouvement politique contre le régime fasciste: « Un giorno del mese di giugno 1926 mi inviò una lettera in cui mi segnalava la partenza del Lucetti per Milano con l'incarico di venirmi a trovare. » 54 Bibbi considère son camarade comme un savant consacré à ses études et par conséquent il est très surpris quand Lucetti lui avoue que le but de son voyage est « di attentare alla vita del Presidente. » Dans son interrogatoire, Bibbi souligne que sa réaction a été immédiate : « Gli dissi che ciò non poteva giovare alla nostra causa e mi meravigliai di Berneri »55.

Bibbi soutient que les objectifs de leur action politique avaient été bien différents jusqu'à ce moment : « Eravamo allora nel momento in cui il Regime fascista attraversava la crisi di travaglio di tutti i gravi movimenti. Io ed il Berneri pensavamo allora che fosse possibile ancora ostacolare il consolidamento di uno stato di cose contrastanti con i nostri principi libertari. Pensavamo quindi che si potesse determinare un movimento contrario. ». Il est intéressant de voir comment Bibbi justifie le changement d'attitude du professeur anarchiste :

« Il Berneri era uno studioso e secondo me non aveva alcuna esperienza profonda della vita, ciò che mi autorizza a pensare che egli -attualmente in terra straniera- possa essere vittima di influenze esteriori tali da farlo allontanare dalla sua linea semplice di educatore di coscienze anarchiche nel senso dell'elevazione spirituale dell'individuo senza ricorrere ad azioni che possano portare al raggiungimento di scopi opposti. Intendo parlare di azioni terrroristiche che io non ho mai pensato che possano diventare il bagaglio di un anarchico della mia mentalità e della mentalità che ho sempre sognato. »56

D'après ce témoignage, Berneri apparaît comme quelqu'un de très dangereux pour la société car, en étant tout occupé par ses études et par ses intérêts culturels, il n'a pas vraiment l'occasion de faire l'expérience nécessaire pour affronter la réalité quotidienne de la vie. Par conséquent, le professeur serait quelqu'un d'assez naïf et facilement manipulable par des personnes malintentionnées.

Il est assez significatif que dans ce témoignage on associe la culture d'un individu à sa dangerosité sociale. En suivant la logique du raisonnement présenté dans l'enquête du préfet de la police, on arrive à la conclusion qu'une personne qui consacre sa vie aux études et à la

54 Ibidem,.

55 Ibidem, p.6.

35 culture peut devenir facilement un criminel. Cela explique bien les motivations de la méfiance de la part de la police à l'égard d'un intellectuel engagé comme Berneri.

D'après la police italienne, l'anarchiste italien, lorsqu'il s'installe en France, met encore au service de la cause révolutionnaire ses qualités d'intellectuel, en continuant son activité de propagande. Berneri reçoit aussi de nouvelles responsabilités grâce à son prestige intellectuel: « egli prende viva parte al movimento antifascista ed è utilizzato dai dirigenti di questo movimento per la compilazione di opuscoli di propaganda e di articoli nei giornali sovversivi. »57 La police italienne manifeste son inquiétude car Berneri, depuis le début de son activité de propagande en France, a diffusé aussi l'opuscule «Mussolini normalizzatore ». Cette œuvre de propagande a même été vendue pendant une réunion du Comité antifasciste dans la salle Bullier à Paris. Cette publication alarme toutes les autorités italiennes pour son contenu antifasciste. Pendant toute l'année 1927 se succèdent plusieurs communications qui alertent la police sur la possible diffusion de ce texte. Par exemple, dans un télégramme du 15 mars 1927 signé par le chef de la police Bocchini, on trouve la recommandation suivante : « Pregasi disporre d'accordo autorità postali sequestro opuscolo dell'anarchico italiano Berneri Camillo intitolato « Mussolini normalizzatore » edito questi giorni Parigi a cura del Comitato del cosiddetto terrore bianco »58. On prohibe notamment l'introduction de « Mussolini normalizzatore » et on recommande sa réquisition dans tout le Royaume d'Italie.

A cette période, une autre initiative culturelle de Berneri intéresse la police italienne. Parmi les documents du dossier consacré à l'intellectuel libertaire, figure aussi une communication de la Préfecture de Forlì informant le ministère de l'Intérieur d'une lettre envoyée par Berneri à son camarade Giacomo Brassesi. A cette occasion, c'est le projet de Berneri de publier bientôt « una rassegna per le donne »59 qui a attiré l'attention de la police, probablement parce qu'elle y a vu comme une tentative de faire connaître les idées anarchistes même à la partie féminine de la population.

Souvent les notes de la police au sujet de la possibilité que Berneri soit en train de préparer des activités subversives sont en contradiction avec les informations qui décrivent les activités culturelles de l'anarchiste. Par exemple, en novembre 1927, l'Ambassade italienne à Paris est en train de chercher à confirmer les soupçons que le Chef de la police Bocchini fait peser sur l'anarchiste Berneri, mais ne trouve apparemment aucune information permettant

57

Lettre du chef de la police au Sous-secrétaire d'État, début 1927, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

58 Télégramme du Chef de la police Bocchini, 15-3-1927, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

36 d'étayer les hypothèses faites par la police. Dans une note de 27 novembre de 1927, l'Ambassade italienne à Paris dément l'informateur du ministère de l'intérieur « circa un attentato organizzato dal Prof. Camillo Berneri »60. Selon la police française, en réalité, « il Berneri frequenta la Biblioteca Nazionale di Parigi e quella di Vincennes, dove egli procederebbe a delle ricerche su alcuni soggetti storici, per conto di professori italiani. » Cette note fait probablement allusion aux recherches réalisées par Berneri et sa femme pour le compte de Gaetano Salvemini, son ancien professeur à l'Université de Florence.

Les informations que Brichetti, compagne d'enfance de l’anarchiste, donne à la police sur son camarade contredisent parfois l'image d'intellectuel submergé dans ses études qu'on trouve dans la documentation de l'Ovra. Dans ses notes confidentielles, Brichetti présente Berneri comme un ennemi du monde de la culture car il veut expérimenter des nouvelles armes contre les spectateurs pendant la représentation d'une pièce de théâtre.61 Ces informations contrastent avec une autre note confidentielle de la même période selon laquelle Berneri passerait son temps à travailler à la Bibliothèque Nationale de Paris62.

Souvent aux yeux de la police italienne, il est difficile d'établir les limites entre l'activité politique de l'anarchiste et ses initiatives intellectuelles. Parfois, les enquêteurs soupçonnent que derrière les rencontres culturelles auxquels l'anarchiste participe se cachent, en réalité, des objectifs subversifs. Par exemple, en novembre 1928, l'Ambassade d'Italie à Paris communique que Berneri « ha spiegato la sua attività sovversiva tenendo delle conferenze politico-letterarie »63. De même, trois ans plus tard, une note confidentielle informe que l'anarchiste Bibbi continue à fréquenter le siège de Giustizia e Libertà, où il garde contact avec le républicain Raffaele Rossetti. La police italienne les soupçonne de se réunir parfois au siège de Giustizia e Libertà aussi avec Berneri « per combinare qualche cosa di non ancora ben precisato. »64 Ces soupçons se révèlent infondés car le résultat le plus important de ces rencontres est la création d'un cercle culturel italien à Paris.

60 Note de l'Ambassade italienne à Paris, 27-11-1927, in Acs, Cpc, D.537, F. 1.

61 Note confidentielle, 20-4-1934, in Acs, Ministero dell'interno, Dir. Gen. p. s., Divisione Polizia politica,

Fascicoli personali Serie A 1927-1944, D. 11, F. Berneri.

62 Note confidentielle, 27-4-1934, in Acs, Ministero dell'interno, Dir. Gen. p. s., Divisione Polizia politica,

Fascicoli personali Serie A 1927-1944, D. 11, F. Berneri.

63 Télégramme de l'Ambassade d'Italie à Paris, in Acs, Ministero dell'interno, Direzione generale pubblica sicurezza, Divisione polizia politica, Fascicoli personali Serie A 1927-1944, Dossier 11, F. Berneri.

37 L'espion Cremonini, en mai 1932, communique que « si è formato un circolo di coltura, come dice lui, allo scopo di prendere contatto e scambiarci le idee »65. Les organisateurs de cette association culturelle sont Berneri, Rossetti, Schettini, Montasini, Bibbi, Giopp et Samory. Malgré cette information, la Division police politique ne renonce pas à donner à cette association aussi une valeur politique : « si svolge attualmente un'intensa attività per raggruppare in seno al Centro italiano di cultura tutti i gruppi e le correnti politiche antifasciste della piazza »66. Il est évident que le service d'information italien considère toute activité culturelle de l'anarchiste comme une manière d'avancer dans son projet subversif.

En même temps, dans la documentation de l'Ovra, la valeur intellectuelle de Berneri paraît évoluer au fil des années car l'anarchiste semble désormais avoir un statut intellectuel international. En novembre 1932, la Division police politique parvient, grâce à un de ses informateurs, à obtenir un carnet d'adresses de Camillo Berneri. C'est ainsi que la police italienne peut se faire une idée des personnes et des organisations toujours en relation avec l'anarchiste. Dans cette liste on trouve aussi des militants anarchistes comme Sébastien Faure, mais aussi des intellectuels internationaux avec lesquels Berneri reste en contact, comme Freud. Les liens internationaux de Berneri sont aussi démontrés par la provenance de la presse envoyée à son adresse : L'Adunata dei Refrattari, Il Martello et Il Nuovo Mondo sont publiés aux États-Unis ; Libero Mondo et Fede à Rome; Le Reveil en Suisse et Ideas en Amerique du Sud. Tout cela pousse la police à imaginer que Berneri est en contact avec des intellectuels de différentes parties du monde, ce qui le rend encore plus dangereux à ses yeux. Pour cette raison Berneri paraît avoir une remarquable autorité intellectuelle auprès des ses camarades. Grâce à cela, selon le consul italien de Lyon, l'intellectuel libertaire peut même critiquer un groupe anarchiste de cette région à cause de la médiocre qualité de Insorgiamo, la revue que ses camarades lyonnais ont publié peu de temps auparavant67.

En février 1933, pour la première fois, Berneri n'est plus considéré comme dangereux à cause de ses plans subversifs mais pour sa position intellectuelle. Selon un informateur de la police, Berneri est menacé d'expulsion par les autorités françaises. Renato Castagnoli, ami de l'anarchiste, aurait affirmé que « il 9 febbraio, giorno nel quale il Berneri dovrebbe aver rinnovato il permesso per poter continuare a risiedere in Francia gli verrà rifiutato e quindi