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Camillo Berneri selon l'Ovra

1.1.14 Un agent du contrespionnage

En analysant les documents concernant Camillo Berneri conservés dans les Archives Centrales de l'État à Rome, nous avons pu constater que l'anarchiste, pendant son exil, a dû mener sa lutte politique contre un système d'espionnage très bien organisé. La Division police politique ne comptait pas seulement sur les renseignements obtenus grâce aux nombreux espions qui étaient au service du Chef de la police Bocchini, mais aussi sur les institutions représentatives de l'État italien à l'étranger qui étaient utilisées comme des organes d'espionnage.

En effet, il est significatif de voir que plusieurs notes concernant Camillo Berneri sont envoyées par l'Ambassade d'Italie à Paris afin de répondre aux requêtes du Chef de la police italienne. Il est évident aussi que, pendant le régime fasciste, les consulats ou les ambassades, ne se limitaient pas à remplir leur fonction de représentation diplomatique mais devaient s'acquitter aussi d'une série de tâches d'investigation pour le compte du ministère de l'Intérieur italien. Les institutions diplomatiques de l'État italien étaient souvent en contact avec les informateurs de la police qui surveillaient leurs victimes à l'étranger. Dans le cas de Berneri,

141 ils étaient si nombreux que parfois ils se retrouvaient dans le même acte politique sans qu’eux-mêmes soient au courant du travail d'espionnage réalisé par les autres. Cette situation pouvait en effet se produire car les informateurs au service de la Division police politique devaient développer leur activité dans la plus grande discrétion car, s’ils étaient découverts par les militants antifascistes, ils auraient sans doute payé leur appartenance au service secret fasciste de leur vie. En étant conscient de cela, le chef de la police Bocchini assignait à chacun de ses informateurs un nombre et un pseudonyme devant rester secrets. C'est pour cela que dans les comptes-rendus envoyés par les indicateurs de la police, on trouve souvent sur la marge gauche du document des nombres écrits à la main. Ces indications servent à identifier chaque agent au service de la police et à leur garantir l'anonymat au cas où les communications étaient interceptées par les militants antifascistes.

Malgré ces strictes règles visant à rendre inaccessibles les données concernant les informateurs de la police italienne, Berneri, selon la Division police politique, comprend assez rapidement que Mussolini avait créé un service secret dans le but de poursuivre les militants antifascistes expatriés et même de l’utiliser pour ses objectifs politiques. En avril 1928, l'intellectuel tient un discours pendant une réunion chez un ami anarchiste, afin de mettre en garde ses camarades à propos des pièges préparés contre eux par le service d'information fasciste. A cette occasion, selon la police italienne, Berneri montre qu’il a conscience de la situation :

« L'Okrana fascista ha la sua sede all'Ambasciata italiana. Ambasciatori, consoli e viceconsoli sono i capi dello spionaggio e della provocazione fascista. La casa dello spione Serracchioli è la succursale dove spie e puttane brindano più o meno alla buona riuscita di complotti polizieschi e delle spedizioni garibaldine e tirolesi; ed è chiara l'attitudine losca e fosca delle note spie Serracchioli, Finzi e Ghini che d'accordo con l'Ambasciata si accaniscono ad accusare gli innocenti. Ed è nostro compito di precisare altre e più alte e più vaste responsabilità e trarre la morale di quel rigurgito di spioni e agenti provocatori. »450

Bien que Seracchioli soit désormais considéré comme un espion de la police par les anarchistes, il continue à donner des informations à la Division police politique sur le comportement des militants antifascistes. En juin 1928, Seracchioli communique à ses chefs un texte écrit par Berneri que l'espion a obtenu, par la médiation de Cremonini. Berneri a remis ce discours aux camarades présents à une réunion organisée pour discuter de la visite du

450Note confidentielle, 18-4-1928, in Acs, Ministero dell'interno, Dir. gen.p.s., Divisione polizia politica

142 Ministre Rocco451 à Paris à l' occasion du Congrès de culture sociale. D'après l'intellectuel anarchiste, Rocco ne viendrait pas à Paris pour discuter de questions culturelles mais pour « influenzare e preparare il terreno per il processo Pavan »452. Berneri croit que les fascistes craignent ce procès car il serait accablant et démasquerait tous les complots de leurs services secrets qui sont toujours actifs. C'est pour cela que, selon l'anarchiste, il faudra essayer d'organiser une campagne de presse pour profiter de l'occasion, afin de dévoiler les complots élaborés par Mussolini et son régime à l'étranger. Les opinions publiques italienne et internationale ignorent toutes les manœuvres dont les fascistes sont responsables à l'étranger. Berneri juge, dans cette optique, très important de pouvoir compter sur les journaux français qui pourraient sensibiliser l'opinion publique à ce propos. De plus, « la concentrazione antifascista, aiutata da influenti persone dell'alta massoneria, si interesseranno per preparare anche l'opinione pubblica dell'Estero. » Cela servira à démontrer, d'après Berneri, que « a Parigi scorrono molti rivoli d'oro per spiare i pochi che sono attivi. Verrà rivelata tutta la rete di spionaggio : dallo pseudo giornale antifascista all'invio di circolari, dalla pubblicazione di opuscoli a un tanto al rigo, al pedinamento, al furto, al complotto addomesticato. » D'après l'espion fasciste, Berneri pense avoir rassemblé assez de documents démontrant la culpabilité de « l'agenzia del malaffare di boulevard Magenta » mais cela ne lui suffirait pas parce que, selon l'anarchiste, « le spie bisogna punirle. C'è un vile solo-ed è la spia ! » Seracchioli communique de toute urgence le contenu de ce renseignement à la Division police politique. Il faut que ses supérieurs sachent que l'anarchiste soupçonne Rocco de vouloir influencer les autorités françaises pour éviter une appréciation défavorable par le gouvernement italien dans le procès concernant l'assassinat de Savorelli. En outre, la police politique italienne doit être au courant que Berneri peut mettre en danger leur activité d'espionnage à l'étranger. On vient de voir que le « subversif » italien souhaite dévoiler des éléments prouvant les activités illégales développées par les agents au service du Fascisme dans leur base à Paris. Il est par conséquent évident, pour les informateurs de la police, que Berneri n'est pas seulement au courant de l'existence d'un service d'espionnage au sein des institutions fascistes mais qu’il souhaite aussi rendre publique l'activité illégale des espion italiens présents en France.

Pour réaliser cet objectif, selon Menapace, Berneri a contacté aussi son ami Miglioli. L'espion soutient dans ses notes que les deux militants voudraient écrire un texte en français sur l'espionnage fasciste afin de démontrer que le Gouvernement français a expulsé Berneri

451 Alfredo Rocco devient Ministre de Justice et des affaire de culte du Gouvernement fasciste de Mussolini a partir de 1925. Il est l'auteur du Codice Rocco, une série de normes visant à éliminer les garanties de l'état libéral et à mettre en place le système répressif propre d'un état totalitaire.

143 pour contenter l'ambassade italienne à Paris453. En janvier 1929, les espions font à nouveau référence à la publication de ce livre qui serait intitulé « Lo Spionaggio fascista all'Estero ». La commercialisation de cet ouvrage est attendue avec beaucoup d'inquiétude par la police italienne parce qu'il risque de dévoiler les activités secrètes de ses agents. Par la suite, un informateur de la police rassure ses supérieurs sur le contenu de ce livre dont Berneri a souvent retardé la publication : « Tale opuscolo annuncia clamorosamente la rivelazione completa del servizio dello spionaggio fascista, ma in realtà è ben più modesta cosa [...]In realtà esso consiste nella raccolta di quello che è già stato pubblicato dai giornali antifascisti su questo soggetto. »454 L'informateur envoie aussi à l'avance la présentation du livre : « Il problema dello spionaggio fascista all'Estero […] interessa non soltanto i proscritti ma anche i governi delle nazioni europee la cui sicurezza ha tutto da temere dall'attività di una organizzazione della quale non si sa dove cessi la funzione della polizia e dove cominci quella di penetrazione militare e politica. » Évidemment, le but de cette publication est aussi de convaincre les représentants politiques des pays dans lesquels les antifascistes sont réfugiés sur la nécessité de s’opposer au régime fasciste.

La Division police politique du ministère de l'Intérieur italienne reste confiante sur l'inefficacité de cet appel à la mobilisation internationale contre le Fascisme. En outre, les fonctionnaires de cette division sont d'autant plus rassurés, par le commentaire de l'espion Umberto Ferrari sur la sortie du livre. Selon cet informateur, ce livre n'est pas que « la ripetizione e la riunione di tutti gli episodi già pubblicati dalla Libertà e dagli altri giornali antifascisti. »455 Malgré cela, la parution du livre provoque la réaction de quelques espions accusés par l'intellectuel libertaire. Notamment, selon Ferrari, le militant Ghini « va dicendo che vuole percuoterlo per averlo il Berneri indicato, nel suo libro edito a Marsiglia, come nostro rappresentante, unitamente al Traverso, sebbene per quest'ultimo il Berneri ha fatto una rettifica sull'ultimo numero della Liberta »456. L'intellectuel anarchiste avait accusé Ghini, car Jules Hanhart, un ancien informateur de la Division police politique, avait suggéré à Berneri les noms de plusieurs espions de la police afin de mettre en danger la structure belge du service secret italien dont le principal responsable était l'ingénieur Gennaro Starace. Hanhart souhaitait se venger du chef du service secret italien en Belgique car ce dernier l'avait renvoyé pour son manque d'initiative457.

453 Information confidentielle, 28-12-1928, in Acs, Cpc, D 537, F 1. 454 Note confidentielle, 30-1-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 2. 455 Note confidentielle, 2-3-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 2. 456 Note confidentielle, 5-4-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 2.

144 Pour la Division police politique, Camillo Berneri n'était pas seulement un ennemi du régime fasciste mais représentait aussi une grande menace pour la continuité de l'activité du service secret italien car l'anarchiste aurait pu le mettre en grave crise, en démontrant l'authenticité de ses accusations. En outre, il est nécessaire d'ajouter que, selon la Division police politique, Berneri ne se limite pas à dénoncer l'existence du service secret italien et ses pratiques illégales mais il attaque directement ce système à travers des actions subversives. Déjà, au début de l'année 1928, le Consulat de Bruxelles signale, pour la première fois, au ministère de l'Intérieur la présence de Berneri dans la capitale belge458. La raison qui pousse l'anarchiste italien à s'y rendre revêt un intérêt particulier. En effet, selon ce consulat, Berneri a contacté plusieurs anarchistes « per assumere informazioni circa l'opera degli agenti del R.Governo che in questa giurisdizione sorvegliano le mene antifasciste dei fuoriusciti italiani. Egli ha chiesto di Savorello, di Rigobello e di altri. »459 Le 24 janvier 1928, le consul lui-même communique que Berneri est venu vivre à Bruxelles et qu'il a été remarqué dans un café de la Grande Place en compagnie de quelques « subversifs »460.

Pour contrebalancer l'action de la police fasciste à l'étranger, Berneri a commencé à développer une nouvelle activité : il veut découvrir quelles sont les manœuvres mises en place par le service secret italien et créer une organisation antifasciste pour les neutraliser. L'assassinat de l'espion Savorelli fait partie de cette nouvelle stratégie du militant libertaire. A cette occasion, c'est le Ministère des Affaires étrangères qui se charge de donner à la Direction Générale de la Police italienne un résumé des dernières communications que l'Ambassade d'Italie à Paris a collecté sur l'assassinat de Savorelli461. Comme nous l’avons vu, le jour de l'assassinat, une personne qui s'est présentée comme M. Finzi, a appelé l'ambassade pour faire un communiqué sur l'assassinat de Savorelli perpétré par un inconnu. C'est ainsi que le vice-consul se rend sur le lieu du crime, où la police française est en train de réaliser les premières investigations. Apparemment, l'homicide s'est produit lors de la prise de petit-déjeuner de Savorelli chez Seracchioli, un ami de la victime. Ce dernier s'est présenté au vice-consul comme un informateur de la police italienne et a expliqué que l'homicide avait sans doute des causes politiques.

L'ambassade italienne de Paris donne une importance considérable aux informations recueillies par le journal du Parti Communiste Français sur cet évènement. Selon l'Humanité,

458Communication du Consulat belge, 6-1-1928, in Acs, Cpc, D.537, F. 1. 459 Ibidem.

460 Communication du Consulat belge, 26-1-1928, in Acs, Cpc, D.537, F. 1.

461 Exprès envoyé par le Ministère des affaires étrangères à la Direction générale de la Police, 24-3-1928, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

145 la maison de Seracchioli, est en réalité « un centro poliziesco fascista » et Savorelli pourrait avoir été assassiné par ses chefs car son activité d'espion avait été désormais découverte. Le journal du PCF promet de fournir des preuves pour démontrer sa version des faits et révèle que l'activité de l'espionnage fasciste en France est bien plus étendue que l'on ne pense. En plus de Savorelli, au moins cinq agents provocateurs feraient partie de l'organisation de Seracchioli. Le Soir et Le Populaire insistent sur l'existence d'un plan concocté par les agents fascistes Savorelli, Ghini et Seracchioli pour organiser de faux attentats contre Arnaldo Mussolini et le dirigeant socialiste Augusto Turati. Selon la même source, ce complot prévoit aussi d'impliquer les antifascistes dans une action insurrectionnelle dans le Haut-Adige. Dans un autre article, L'Humanité soutient elle aussi la thèse du complot et va encore plus loin en attribuant la responsabilité de l'assassinat aux fascistes. Selon le journal du Parti Communiste Français, les services secrets italiens auraient décidé d'éliminer Savorelli pour inculper les antifascistes et ainsi commencer une campagne contre les réfugiés politiques italiens.

Cela dit, selon d'autres sources de l'Ambassade italienne de Paris en contact direct avec la police française, cette dernière serait sur les traces de Stock, c'est à dire « il professor anarchico Barbieri o Barnieri o Bernieri come lo qualificano i vari giornali ». Ce dernier aurait voulu récupérer les « documenti compromettenti relativi alla preparazione in Francia e nel Belgio di un attentato contro S.E.Mussolini. I particolari del complotto sarebbero stati comunicati alla polizia francese nel gennaio scorso. » Finalement, dans le Petit Parisien, Seracchioli revient sur l'épisode en relatant que Berneri et un manchot ont visité précédemment son appartement pour connaître le lieu du crime. En tout cas, le fonctionnaire du Ministère des Affaires étrangères manifeste sa préoccupation, Seracchioli devenant, selon son opinion, trop bavard. Ce dernier commentaire nous fait comprendre qu'effectivement Serracchioli travaille comme agent de la police italienne et que ses chefs craignent que ses activités secrètes au-delà de leur juridiction soient découvertes. C'est pour cela qu'ils ne veulent pas qu'un de leurs agents avoue aux journaux français qu'un militant antifasciste avait assez de griefs pour éliminer Savorelli.

Au début d'avril 1928, le ministère de l'Intérieur envoie encore un courrier exprès au Ministère des Affaires étrangères pour recevoir davantage d'informations sur les dessous de l'assassinat de Savorelli : « Savorelli sarebbe stato condannato da un tribunale rivoluzionario sedente in un Caffé, presieduto dall'anarchico Berneri, membro influente della concentrazione antifascista, assistito dal Bonito (amico del Modugno) e da un altro militante non

146 nominato. »462 Nous pouvons remarquer que le rôle tenu par Berneri dans l'affaire se précise. L'anarchiste, selon la police française, aurait voulu éliminer Savorelli « perché deteneva la prova scritta dell'essersi egli appropriato di 4000 franchi sui cinquemila destinati al Ghini per compiere un attentato contro S.E. Mussolini e possedeva anche documenti circa un attentato contro Arnaldo Mussolini. » Donc Berneri, selon la police française, n'a pas été l'assassin de Savorelli mais plutôt le cerveau de l'opération. L'exécuteur de l'homicide fut Pavan qui se sentait coupable, aux yeux de ses camarades, pour avoir accepté des aides financières de la part de fascistes.

Selon ces informations, Berneri serait le chef d'une organisation de contrespionnage avec pour but d'éliminer les agents fascistes. Dans ce télégramme de l'ambassade d'Italie à Paris, Berneri serait soupçonné de bénéficier de la complicité de 70 à 80 agents prêts à agir. Le 14 avril 1928, d’autres indications sur les présumés coupables de l'assassinat, sont transmises dans un autre télégramme de l'ambassade d'Italie à Paris. Selon cette communication adressée au ministère de l'Intérieur463, Pavan a été arrêté en Suisse et Berneri a nié une quelconque implication dans l'assassinat devant l'Autorité judiciaire de Paris, même s'il a reconnu vouloir démasquer tous les agents provocateurs cachés en France. Toutefois, selon l'ambassade, on ne trouve aucun témoin disposé à accuser Pavan pour l'assassinat de Savorelli. Le 28 mai 1928, l'ambassade italienne à Londres transmet d'autres indications sur Berneri au Ministère des Affaires étrangères. Selon un informateur qui a connu les suites de l'instruction ouverte sur l'assassinat de Savorelli, le juge Girard a établi que Berneri et ses camardes avaient découvert que Ghini et Savorelli étaient des agents fascistes. En conséquence, un des deux avait été condamné à mort. Le juge relève aussi, que le jour avant l'homicide, Berneri était avec un camarade encore inconnu et avait visité la maison de Seracchioli et lui avait demandé des informations sur Bruxelles. A cette occasion, l'anarchiste italien s'était présenté comme Monsieur Stok pour brouiller les pistes. Par contre, l'auteur de l'assassinat ne serait pas Berneri mais un autre militant antifasciste parce que Finzi, le témoin de l'homicide, a affirmé « in maniera non dubbia che l'uccisore del Savorelli fu il Pavan, arrestato 4 o 5 giorni dopo il delitto. »464 En tous cas, selon l'informateur, la nouvelle la plus importante est que « Berneri stesso non nasconde che egli è uno dei capi più importanti dello spionaggio antifascista in Francia. » Cela est confirmé, selon Menapace, par l'attitude tenue

462Ibidem.

463Télégramme de l'Ambassade d'Italie au Ministère de l'intérieur, 14-4-1928, Acs, Cpc, D.537, F.1.

464 Communication du consulat italien à Londres au Ministère des affaires étrangères, 22-6-1928, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

147 par les camarades de Berneri, lorsque les autorités italiennes ont essayé de corrompre un militant antifasciste qui avait annoncé sa volonté d'abandonner la politique465.

Selon la reconstitution de Miglioli, l'anarchiste Castaldi s'était présenté au consulat italien de Bruxelles pour obtenir un passeport dans le but d’aller vivre en Espagne. C'est ainsi qu'on lui a proposé de devenir un informateur de la police italienne. Ses fonctions seraient de contrôler les activités de Berneri et de Forcellini, un autre camarade antifasciste. Comme Castaldi a préféré en parler avec ses camarades antifascistes, Miglioli a cherché tout de suite Berneri pour lui communiquer la nouvelle sans le trouver. D'après Menapace, l'ancien député populaire pense profiter de la situation pour introduire quelques-uns de leurs camarades dans les rangs de l'espionnage italien. Pour cela, Castaldi et un autre antifasciste devraient se déclarer prêts à travailler au service de Bocchini, le chef de la police à Rome. L'objectif final du plan de Miglioli serait de réaliser un attentat contre le Fascisme sans aucun risque pour les exécuteurs mais, avant de prendre des décisions importantes, il se doit d’écouter l'opinion de Berneri, le responsable du contrespionnage antifasciste.

Par conséquent, selon la Division police politique, l'intellectuel libertaire est reconnu par ses camarades comme un agent de contrespionnage antifasciste et ses choix stratégiques le confirment. Tout d'abord, selon le service secret italien, ses actions subversives n'ont pas seulement pour objectif d'abattre le régime fasciste mais aussi de mystifier la réalité des faits pour calomnier Mussolini et son mouvement. Par exemple, en mai 1928, un agent du service secret italien communique au ministère de l'Intérieur la teneur d'une conversation concernant des attentats « che vogliono fare alla frontiera franco-italiana e che il Berneri d'accordo con la