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Il « “ Deus ex machina” dell'opposizione italiana » dell'opposizione italiana »

Camillo Berneri selon l'Ovra

1.1.13 Il « “ Deus ex machina” dell'opposizione italiana » dell'opposizione italiana »

Dans la plupart des communications où la police fait référence à Camillo Berneri, l'anarchiste n'a pas un rôle direct dans la réalisation des attentats préparés par les antifascistes contre le régime de Benito Mussolini. Souvent, l'intellectuel libertaire semble plutôt être en retrait et de n’agir qu’en tant que soutien organisationnel et idéologique dont les auteurs de l'attentat ont besoin pour réaliser l'action subversive de manière efficace. Par exemple, dans le dossier consacré à l'anarchiste italien, se trouve une note confidentielle faisant référence à un acte terroriste où Berneri ne paraît pas avoir de responsabilité directe dans l'exécution de l'attentat : « il 17 aprile sono partiti dalla Francia per l'Italia quattro persone appartenenti alla

394 Note de la Division Police Politique, 25-6-1935, in ACS, Cpc, D.537, F.2, f430

395Note confidentielle, 28-7-1935, Ministero dell'interno, Dir. Gen. p. s. , Divisione Polizia politica, Fascicoli

125 Società Gabbiano. Essi sarebbero forniti di due bombe a percussione. [...]Sono persone di animo risoluto e pare abbiano preparato il terreno in Roma e potrebbero rifornirsi di denaro presso il Prof. Berneri, nato a Firenze. »396

Bien que l'existence du groupe Gabbiano soit, par la suite, niée par l'ambassadeur italien à Paris, ces documents nous servent à comprendre quel rôle Berneri commence à incarner pour la police et ses informateurs, dans le paysage du terrorisme antifasciste. Selon les sources du Chef de la police, l'intellectuel libertaire n'est pas seulement un militant prêt à agir de manière violente contre les autorités italiennes mais il serait devenu aussi une référence pour les plus violents et les plus dangereux des anarchistes. Le 9 novembre 1927, le chef de la police Bocchini envoie une missive urgente pour mieux comprendre l'importance que Camillo Berneri a acquise dans le milieu antifasciste : « Per opportuna conoscenza e per i possibili acceratamenti dei quali si gradirà conoscere l'esito comunicasi che da fonte confidenziale viene ancora segnalata la pericolosa attività antifascista del noto Professore Berneri a Parigi. Questi sarebbe l'animatore ed il Capo dei peggiori elementi anarchici. »397 L'intellectuel libertaire s'occuperait surtout de fournir à ses camarades les moyens techniques et financiers nécessaires pour réaliser des actions criminelles contre le régime fasciste. Dans ce cadre, « Berneri starebbe anche cercando di realizzare un altro progetto criminoso: comperare un aeroplano che dovrebbe essere pilotato da un aviatore italiano per lanciare bombe notte tempo sulla villa Torlonia o su qualsiasi altra abitazione di S.E. il Capo del Governo. »398

Selon la police, Berneri est aussi très influent dans le milieu antifasciste car il participe aux principales décisions regardant les activités antifascistes en France. Dans une note confidentielle399, il est fait référence à des réunions du comité anarchiste à Paris. Les principaux participants seraient Schiavina, Berneri, Fabbri, Gozzoli et ils auraient pris des décisions de type organisationnel. En conséquence, Berneri a envoyé à ses camarades résidents encore en Italie des lettres dans lesquelles il soutient la nécessité d'augmenter les dépenses pour organiser « un più energico movimento insurrezionale. Tale movimento dovrebbe riunire tutte le forze anarchiche all'estero, e più specialmente in Italia, cercando gli elementi più adatti e propensi a tale movimento nelle masse proletarie. »400 Pour obtenir ces

396 Note confidentielle, 17-4-1927, in Acs, Cpc, D.537, Fasc.1.

397 Communication urgente du Chef de la police Bocchini, 9-11-1927, in Acs, Cpc, D.537, F. 1. 398 Ibidem.

399 Note confidentielle, 19-3-1928, Acs, Cpc, D.537, F.1. 400 Ibidem.

126 résultats, Berneri considère nécessaire de financer un organe de presse clandestin plus efficace et d'améliorer les relations avec les autres partis antifascistes.

Il est clair que, la police italienne soupçonne que Berneri, grâce à son charisme auprès des militants anarchistes, arrive à influencer les décisions de ses camarades en France et aussi à préparer un mouvement insurrectionnel en Italie. Ces suppositions sont confirmées par plusieurs notes concernant les actions subversives réalisées par les militants antifascistes où Berneri garde toujours le rôle d'organisateur. L’implication de l'anarchiste italien dans l'assassinat de Savorelli, un espion fasciste tué à Paris en 1928, est dans ce cas de figure, emblématique. A cette occasion, la police italienne paraît prendre ses décisions en se basant sur les informations publiées dans la presse. En effet, le 19 mars 1928, le Préfet de Reggio d'Émilie ordonne une perquisition chez les parents proches de Camillo Berneri « in seguito alle notizie apparse sul Corriere della Sera di oggi circa omicidio commesso in Parigi in danno Savorelli. »401 C'est le ministère des Affaires étrangères qui se charge de donner à la Direction Générale de la Police italienne un résumé des dernières communications que l'Ambassade d'Italie à Paris a collecter sur l'assassinat de Savorelli402. Selon cette reconstitution, le jour de l'assassinat, une personne qui s'est présentée comme M. Finzi, a appelé l'ambassade pour laisser un message concernant l'assassinat de Savorelli par un inconnu. C'est ainsi que le vice-consul se rend sur le lieu du crime, où la police française est en train de réaliser les premières investigations. Apparemment, l'homicide s'est produit lors de la prise de petit-déjeuner de Savorelli chez Seracchioli, un ami de la victime. Ce dernier s'est présenté au vice-consul comme un informateur de la police italienne et a expliqué que l'homicide avait sans doute des causes politiques. De plus, Seracchioli a essayé de rassurer le vice-consul en lui avouant qu'il avait détruit les lettres permettant de comprendre les relations entre la police italienne et le mort avant l'arrivée de la police française. Par la suite, dans le document envoyé par l'ambassade italienne de Paris, on résume les nouvelles relevées dans les journaux du jour. Selon l'Humanité, la maison de Seracchioli, est en réalité « un centro poliziesco fascista » et Savorelli pourrait avoir été assassiné par ses chefs car son activité d'espion avait été désormais découverte.

Nous pouvons noter qu’au début de l’affaire, Berneri n'est pas tout de suite reconnu comme responsable de cette action criminelle mais le fait que le mobile de cet assassinat soit politique contraint la police française à réaliser des enquêtes dans le milieu antifasciste italien.

401Télégramme de la Préfecture de Reggio d'Émile, 19-3-1928, in Acs, Cpc, D.537, F.1, F.225

402 Exprès envoyé par le Ministère des affaires étrangères à la Direction générale de la Police, 24-3-1928, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

127 C'est pour cela que la police française commence à suivre les traces de Stock, c'est à dire « il professor anarchico Barbieri o Barnieri o Bernieri come lo qualificano i vari giornali ». Ce dernier aurait voulu récupérer des « documenti compromettenti relativi alla preparazione in Francia e nel Belgio di un attentato contro S.E.Mussolini. I particolari del complotto sarebbero stati comunicati alla polizia francese nel gennaio scorso.» Au début du mois d’avril 1928, le ministère de l'Intérieur envoie encore un courrier exprès au Ministère des Affaires étrangères pour recevoir davantage d'informations concernant les dessous de l'assassinat de Savorelli. L'Ambassade d'Italie à Paris répond en utilisant des nouvelles apparues sur « grandi organi d'informazione che mantengono un servizio speciale permanente presso la Polizia e che quindi attingono le notizie a fonte diretta »403. Évidemment, l'ambassade ne peut pas compter sur d'autres sources que les journaux français. Selon ces derniers, « Savorelli sarebbe stato condannato da un tribunale rivoluzionario sedente in un Caffé, presieduto dall'anarchico Berneri, membro influente della concentrazione antifascista, assistito dal Bonito (amico del Modugno) e da un altro militante non nominato. »404

Nous pouvons remarquer que le rôle tenu par Berneri dans l'affaire se précise. L'anarchiste, selon la police française, aurait voulu éliminer Savorelli « perché deteneva la prova scritta dell'essersi egli appropriato di 4000 franchi sui cinquemila destinati al Ghini per compiere un attentato contro S.E. Mussolini e possedeva anche documenti circa un attentato contro Arnaldo Mussolini. »405 Donc Berneri, selon la police française, n'a pas été l'assassin de Savorelli mais le cerveau de l'opération. L'exécuteur de l'homicide a été Pavan qui se sentait coupable, aux yeux de ses camarades, d’avoir accepté des aides financières de la part de fascistes. Il est évident que la Division police politique considère Berneri comme un des principaux inspirateurs des actions réalisées par les antifascistes contre les organismes représentant le pouvoir de Benito Mussolini à l'étranger.

Cette considération est confirmée par la présentation que la police donne de Berneri, lorsque l'anarchiste est impliqué dans une enquête menée par le préfet Rizzo. Comme nous l’avons vu précédemment, ce fonctionnaire de l'État italien réalise des recherches afin de découvrir qui est le responsable d'un attentat perpétré contre Mussolini, le 11 septembre 1926. A cette occasion, dans le quartier Nomentano à Rome, Gino Lucetti, un militant anarchiste, a lancé une bombe sur la voiture de Mussolini. L'explosif blesse une dizaine de personnes présentes sans atteindre le Premier Ministre. Après deux ans d'enquête, en mai 1928, Rizzo

403 Télégramme de l'Ambassade d'Italie à Paris, 2-4-1928, in Acs, Cpc, D.537, F.1. 404 Ibidem.

128 décide de faire arrêter Bibbi, Enrico, Libero Molinari, et Nella Giacomelli pour leur collaboration avec Berneri dans l'organisation d'une association criminelle à Paris. A l'époque, les frères Molinari habitent sur la Place Oberdam à Milan avec l'institutrice Nella Giacomelli, tandis que Gino Bibbi est relegué à Ustica. Le 28 juin 1928, Rizzo dénonce Libero Molinari, Bibbi et Berneri au Tribunale Speciale per la difesa dello Stato pour « correità nell'attentato Lucetti ». Pour Enrico Molinari et Giacomelli, le préfet de police demande seulement la relégation pour leur activité de militants anarchistes. Les juges de ce Tribunale Speciale per

la difesa dello Stato étaient les consuls de la Milizia fascista et ils devaient émettre un

jugement sur des attentats mettant en danger la vie de Mussolini ou d'un membre de la famille royale et, plus généralement, sur la sécurité de l'État italien. Benito Mussolini décide de mettre en place cet organisme, par la promulgation d'une loi le 25 novembre 1926, qui est la conséquence d’une série d'attentats dont le duce a été la cible principale.

Il est intéressant d'analyser la déclaration que le préfet de police présente au Tribunale

speciale pour démontrer que Camillo Berneri est l'organisateur de l'attentat réalisé par Lucetti

contre Mussolini. Selon le discours de Rizzo, cette action criminelle serait la conséquence des accords entre Bibbi et Berneri :

« Quest'ultimo cercava di abbattere il regime costituito uccidendo o facendo uccidere il Capo del Governo e contemporaneamente iniziare un movimento generale di rivolta nel Regno. Il Bibbi doveva costituire il punto di appoggio in Italia per facilitare l'impresa, dico il Bibbi per indicare il gruppo di Milano di cui faceva parte il compagno del Bibbi stesso, Molinari Libero, allora studenti entrambi al Politecnico. »406

Pour clarifier le rôle tenu par Berneri dans l'organisation de cette action contre le régime fasciste, Rizzo avait dirigé ses investigations à Paris :

« Potei accertare che un'organizzazione contro il Regime esiste ed esisteva a Parigi diretta dall'anarchico Berneri Camillo, già residente in Italia ora fuoruscito. Tale organizzazione si rivelò a me stando all'estero in occasione di un delitto commesso in Francia : il delitto Savorelli. Seguendo le indagini in territorio estero potei stabilire che il Berneri Camillo in qualità capo della predetta organizzazione, si serviva per mantenersi in contatto con i compagni del Regno e pure per commettere attentati nel Regno degli anarchici Bibbi Gino e Molinari Libero ».

406 Actes concernant la dénonciation de Camillo Berneri, les frères Molinari et Nella Giacomelli par le préfet Rizzo au Tribunale speciale pour leur implication dans deux attentats advenus en 1926 à Rome et en 1928 à Milan contre Benito Mussolini, in Acs, Tribunale speciale per la difesa dello Stato, D.1155, p. 58-59

129 Selon le préfet, dans le milieu anarchiste « si diceva che Berneri aveva organizzato l'attentato contro S.E. il capo del Governo avvenuto nel settembre 1926, appoggiando il Lucetti a Milano presso gli studenti al Politecnico Bibbi Gino e Molinari Libero. »407 A ce stade des recherches, Rizzo donne cette reconstitution de faits : « Berneri invia facendolo precedere da una missiva diretta al Bibbi a cui lo affida. Il Bibbi riceve il compagno, gli dà alloggio per non farlo cadere nelle mani della P.S., gli dà vitto, lo presenta al Molinari Libero ed ha con lui una discussione intorno alla preparazione di quello che doveva essere il piano generale di rivolta. Poi il Lucetti si avvia per la capitale. »

Le préfet Rizzo base sa reconstitution des faits aussi sur le témoignage de Gino Bibbi, un ami de Berneri. Le témoin soutient que, lorsque l'intellectuel libertaire annonce dans une lettre que Lucetti se rendra à Milan, il pensait que son camarade venait en Italie pour organiser un mouvement politique contre le régime fasciste :

« Un giorno del mese di giugno 1926 mi inviò una lettera in cui mi segnalava la partenza del Lucetti per Milano con l'incarico di venirmi a trovare. Eravamo allora nel momento in cui il Regime fascista attraversava la crisi di travaglio di tutti i gravi movimenti. Io ed il Berneri pensavamo allora che fosse possibile ancora ostacolare il consolidamento di uno stato di cose contrastanti con i nostri principi libertari. Pensavamo quindi che si potesse determinare un movimento contrario. »

Dans son interrogatoire, Bibbi soutient être surpris quand Lucetti lui avoue que le but de son voyage est « di attentare alla vita del Presidente. Gli dissi che ciò non poteva giovare alla nostra causa e mi meravigliai di Berneri ». Cependant, Lucetti réalise son plan et cela paraît à Rizzo une motivation suffisante pour arrêter les accusés.

Après la détention de Gino Bibbi, Libero et d’Enrico Molinari, interviennent à leur faveur plusieurs anarchistes ayant connu Mussolini pendant sa campagne pour l'intervention directe de l'Italie dans la Première Guerre mondiale. Notamment l'ancien anarchiste Oberdam Gigli qui a dirigé un journal interventionniste pour ensuite adhérer au mouvement fasciste. Celui-ci jouit dans ces circonstances d'une certaine crédibilité aux yeux de Mussolini et se permet d'écrire une lettre au duce pour appuyer ses anciens camarades :

« Un vecchio arnese di polizia ha arrestato in Milano, fra le molte, anche tre persone che mi sono care, e per le quali vorrei che la mia garanzia avesse sufficiente valore. Ha arrestato, per una sua scaltra

130 manovra, e pur sapendo quello che faceva tre persone che nulla mai hanno fatto che potesse giustificare anche lontanamente il provvedimento; e da oltre 70 giorni le tiene segregate dal mondo e sta tessendo una trama di sospetti e di calunnie per giustificare il suo atto ».408

Dans cette lettre, Gigli rappelle aussi à Mussolini le comportement de Rizzo à l'époque où tous les deux manifestaient pour l'intervention de l'Italie en guerre : « Questo vecchio arnese di polizia è quello stesso che nel 1914-15 scioglieva a randellate le nostre dimostrazioni interventiste, e che nell'aprile 1915 accoppava a Milano il povero Marcora e attentava alla libertà di Filippo Corridoni. »

Hoepli, un ami du père des deux frères et éditeur des œuvres de Mussolini, et des collègues d'Enrico Molinari se portent aussi garants pour les trois prévenus. Ces derniers fournissent un dossier pour éclaircir la position de leurs amis. Dans ce document, est démontrée l'importance du rôle tenu par l'ancien militant anarchiste dans le développement de l'industrie chimique en Italie. Henry Molinari est le directeur de tous les travaux pour la réalisation des infrastructures destinées à la production industrielle du sel de l'État fasciste. Entretemps, Bibbi, enfermé dans la prison de S. Vittore à Milan, change sa version des faits409. Selon l'anarchiste, au début de l'interrogatoire, le préfet de la police Rizzo lui avait dit qu'il soupçonnait Molinari pour l'attentat à la Fiera de Milan et lui avait garantit que les investigations sur l'attentat réalisé par Lucetti contre Mussolini étaient terminées. Par ailleurs, Lucetti, interrogé par le préfet, déclare qu'il n'a jamais connu Libero Molinari et qu'il a vu Berneri à Nice lors de son départ d'Italie mais « non l'ho più rivisto nè ho mantenuto corrispondenza con lui. Egli non sapeva del mio proponimento di attentare al Capo del Governo ».410 C'est ainsi que « con ordinanza del 7 settembre il Tribunale Speciale il Molinari ed il Bibbi sono scarcerati ed il Bibbi restituito al confino dove trovasi prima dell'arresto. » 411

Il est intéressant de noter que pendant le procès pénal, personne ne semble se préoccuper de la position de Berneri qui, selon l'interprétation des faits de Rizzo, est celui qui a projeté l'attentat. Bibbi, même lorsqu'il dément sa première déclaration, ne corrige pas les affirmations impliquant Camillo Berneri dans l'attentat contre Mussolini. D'autre part, ceux qui interviennent pour défendre les frères Molinari, n'essayent même pas de démontrer que les informations obtenues par Rizzo à Paris n'avaient aucun fondement vu qu'il ne cite aucune

408 "Lettre de Oberdam Gigli à Benito Mussolini ", 9 août 1928, in Attentato alla Fiera, Milano 1928 », Milan, Mursia, 2009 p. 87.

409 Cf. texte intégral in Annexe n.10, p.553. 410 Ibidem, p. 84.

411 Communication du Ministère de l'intérieur, Division Police Politique, 26-10-1928, in Acs, Cpc, D.537, Fasc.1.

131 source dans son document. Il est évident que Rizzo a décidé d'attribuer à Berneri la responsabilité de l'organisation de l'attentat car l'intellectuel anarchiste est désormais considéré par le service secret fasciste comme le promoteur des actes terroristes réalisés par les militants antifascistes contre Mussolini. Pour la même raison, aucun des accusés essaye de démontrer l'innocence de Berneri étant donné que la seule tentative de défendre l'intellectuel libertaire, aurait pu aggraver la position des accusés aux yeux des représentants de l'État italien.

Comme on peut s'en apercevoir, la police politique italienne continue à attribuer à l'anarchiste italien n'importe quelle action terroriste tendant à déstabiliser la société italienne. C'est dans cette logique que, le 17 juillet 1928, le consul de Marseille rapporte à la Division Police Politique du ministère de l'Intérieur qu'il a obtenu l'arrestation du « subversif » Chierici et de sa maîtresse Belloni. Les deux individus auraient avoué au consul et au vice-préfet de la police marseillaise avoir reçu par l'anarchiste Berneri trois bombes à retardement. Ce dernier aurait dormi trois nuits à Marseille et serait reparti en direction de Paris. Néanmoins, aucun matériel explosif n'a été trouvé dans la maison des deux suspects.412 On a deux échos de cette affaire dans une note confidentielle envoyée le 30 juillet 1928413. Selon un informateur, Camillo Berneri, dans une petite réunion d'amis a commenté le comportement du consul italien de Marseille. Selon cette source anonyme, « Berneri nega di essere stato a Marsiglia nell'epoca incriminata dal console e trae pretesto da questo " trucco " inscenato ai suoi danni per scagliarsi con una valanga di apostrofe e di minacce contro il fascismo ed i suoi sostenitori. » Les anarchistes soutiennent que le diplomate a essayé de démontrer que Berneri était l'organisateur de l'attentat de la Fiera de Milan sans en avoir les preuves. Cet acte terroriste avait eu lieu le 12 avril 1929 à l'occasion de l'inauguration de la « IX Fiera Esposizione » et les autorités fascistes considéraient les anarchistes comme responsables de la mort d'une vingtaine de personnes et d'une quarantaine de blessés. Pour obtenir ces informations, le consul a intimidé Rina Belloni, la femme d'un camarade de Berneri, pour qu'elle témoigne contre lui. Cette camarade aurait dû signer une déclaration où elle avouait avoir hébergé l'intellectuel anarchiste quelques jours chez elle et lui avoir gardé une caisse de bombes. Comme Belloni refusait, le consul lui a donné des gifles et l'a même menacé de la faire fusiller comme complice de l'attentat de Milan. Ensuite, vue la résistance de l'accusée, le fonctionnaire du Ministère des Affaires étrangères, lui a même offert 10000 francs mais Belloni a refusé la proposition. Finalement, la femme a été libérée grâce à l'intervention des

412 Télégramme du Consul italien de Marseille, 17-7-1928, in Acs, Cpc, D.537, F.2. 413 Note confidentielle, 30-7-1928, in Acs, Cpc, D.537, F.1.