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Camillo Berneri selon l'Ovra

1.1.8 L'ubiquité de Camillo Berneri

Lorsque nous analysons les documents de l'Ovra, il semble évident que la police italienne considère le lieu où ce dernier se trouve au moment où la note est rédigée comme une donnée fondamentale pour définir l'activité politique de l'anarchiste. Cela est sans doute la conséquence de la nécessité de pouvoir localiser et contrôler les activités du « subversif », mais nous verrons que ce choix a aussi des raisons plus complexes.

Le contrôle exercé par la police sur tous les déplacements que Berneri réalise au cours des années est constant et parfois difficilement justifiable. En 1916, Berneri vit à Reggio Emilia et n'a subi aucune condamnation pour sa conduite. Cependant, n'importe quel déplacement de l'anarchiste suscite la préoccupation des autorités italiennes. Même une petite excursion à Bagni della Porretta, une petite commune célèbre pour ses thermes, donne lieu à une communication directe aux préfectures de Milan et Bologne pour que l'anarchiste soit surveillé226. Plusieurs documents communiquent également l'installation définitive de Berneri

225 Note confidentielle, 12-7-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 2.

81 à Arezzo qui avait été motivée par la mutation d’Adalgisa Fochi, mère du jeune militant227. Comme d'habitude, une surveillance stricte du comportement du jeune anarchiste est mise en place par les autorités locales. Malgré ces mesures, Berneri ne se fait pas trop remarquer par la police pour son activité de militant politique. Le premier déplacement significatif auquel la police fait référence concerne la vie sentimentale de l'anarchiste : Camillo Berneri va à Gualtieri pour se marier avec Giovanna Caleffi, mais après la cérémonie, il rentre à Arezzo228. Il est assez significatif que les autorités attribuent plus d'importance au déplacement de Camillo Berneri qu'à son nouvel état civil.

Quelques mois après son mariage, l’anarchiste doit rejoindre l’Académie Royale de Turin mais il rentre bientôt à Arezzo car il tombe malade et passe sa période de convalescence chez sa mère. Au vu de ses diplômes, à partir du 15 octobre de 1917, Berneri rejoint « il Comando di Corpo di Armata di Alessandria »229 pour fréquenter le cours obligatoire pour les aspirants officiers. Ensuite, la Préfecture de Florence informe le ministre de l'Intérieur que Berneri « si trova aggregato alla I sezione del Deposito del 3 Reggimento Genio telegrafisti, qui di stanza, quale studente universitario230 ». À cette époque, l’anarchiste commence aussi l'université et doit partager son temps entre ses études et les obligations militaires. L'autorité militaire a également été informée des antécédentes politiques de Camillo et l'« Arma dei Reali Carabinieri » a mis en place une stricte vigilance pendant les heures où l'anarchiste n'est pas sous le contrôle militaire. Berneri est bientôt envoyé au Régiment 88 de l’Infanterie de Livourne mais il a des problèmes de santé et en novembre, décide à nouveau de passer la période de convalescence chez sa mère.

Les notes successives de la police s’intéressent aux changements de domicile que Berneri est obligé de faire à cause de son travail de professeur. Le 10 juin 1923 la Préfecture de Florence informe que Berneri « si è trasferito a Montepulciano dove è insegnante in quel Regio Ginnasio231». La fiche biographique de Berneri est envoyée aussi à la Préfecture de Sienne et à la Sous-préfecture de Montepulciano pour réaliser les contrôles de routine. L'année suivante, Berneri obtient un poste de professeur d'histoire et de philosophie au lycée classique de la ville de Cortona. L'étape suivante du parcours professionnel de Camillo Berneri est Camerino, une ville dans la province de Macerata. L'anarchiste obtient un poste de

227 Communication d’octobre de 1916 et télégramme de 21-11-1916 de la Préfecture de Arezzo, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

228Communication de la Préfecture de Reggio d'Émile 12-1-1917, F 1.

229 Communication de la Préfecture de Arezzo 3-11-1917, in Acs, Cpc, D.537, F.1. 230Communication de la Préfecture de Florence, 3-7-1919, in Acs, Cpc, D.537, F.1. 231Communication de la Préfecture de Florence, 10-6-1923, in Acs, Cpc, D.537, F. 1.

82 professeur de philosophie et d'histoire de l'art au Lycée de la ville. Dans une communication provenant de la Préfecture de Macerata, on souligne avec préoccupation que le professeur Berneri « professa idee anarchiche232 », ce qui lui vaut la recommandation d'être mis sous stricte vigilance. Comme nous l’avons vu précédemment, Moneta, un dirigeant fasciste de Camillo, relate que pour punir son comportement, Berneri est « stangato di santa ragione dal fascista Lorenzetti233 ». Ce sont cet épisode, la stricte surveillance de la police et la fascisation de l'État italien qui ont persuadé probablement Berneri de la nécessité de quitter son pays. C'est ainsi que le 30 avril 1926, le Préfet de Macerata communique au ministère de l'Intérieur que Camillo Berneri « si è allontanato dal detto Comune per ignota destinazione. In seguito però ad accurate indagini ed accertamenti esperiti dalla Sottoprefettura di Camerino, per mio ordine, è risultato che il suddetto ha varcato clandestinamente la frontiera ed attualmente trovasi a Nice (Francia) come rilevasi da una lettera inviata alla sua famiglia in Camerino e che accludo in copia234 ».

Il est possible de trouver dans la fiche biographique de Berneri, d'autres détails sur le départ de l'anarchiste italien pour la France235. Dans un premier temps, il aurait rejoint, en compagnie de sa femme, la petite ville de Bellaggio, puis Milan. C'est dans la capitale lombarde qu'il se serait séparé de Giovanna Caleffi pour se diriger tout seul à S. Remo, une ville près de la frontière. Après avoir passé quelques jours en Ligurie, il passe clandestinement la frontière et rejoint Nice.

En juin 1926, l'ambassade de Paris informe le ministère de l'Intérieur que les recherches lancées pour localiser le « subversif » Camillo Berneri ont été pour le moment vaines236. Bien entendu, les autorités italiennes n'ont pas les mêmes possibilités de contrôle sur les mouvements de « subversifs » dans le territoire français qu'en Italie. Pour le moment, la police politique doit se contenter des informations provenant des préfectures présentes dans la péninsule. Selon la Préfecture de Florence, malgré son départ en France, l'anarchiste a sous-loué son appartement, « ciò che indurrebbe a ritenere che egli abbia intenzione di tornare in Firenze tanto più che risulta tuttora iscritto al locale Ufficio Anagrafe237 ». Même la police de Camerino continue à surveiller étroitement aussi la femme de Berneri. Le 28 juin 1926, la

232Communication de la Préfecture de Macerata sans date, in Acs, Cpc, D.537,F.1. 233 Ibidem

234Communication de la préfecture de Macerata, 30-4-1926, in Acs, Cpc, D.537, F 1. 235 Fiche biographique de Camillo Berneri in Acs, Cpc, D.537, Fasc.1.

236 Télégramme de l'Ambassade d'Italie à Paris, 16-6- 1926,in Acs, Cpc, D.537, F.1. 237 Communication de la Préfecture de Florence, 24-6-1926, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

83 Préfecture de Macerata envoie à la Direzione Generale de P.S. du ministère de l'Intérieur un compte rendu des déplacements réalisés par Giovanna Caleffi pendant l'absence du mari238. Cette surveillance permet à la police d'avoir les premières nouvelles sur l'exil de Berneri en France. Les autorités italiennes arrivent à découvrir l'adresse où sans doute Berneri se trouve maintenant. Selon la police de Camerino, « i bagagli della famiglia Berneri sono stati spediti dallo scalo ferroviario di Castelraimondo al seguente indirizzo « Fochi Cornelia chez Feliz Vezzani Rue des Clevs 43 bis, Paris (18), Francia »239.

À partir de ce moment, la police se met sur les traces de l'exilé à Paris mais, bien qu'au courant du nouveau domicile de Berneri, continue à suivre aussi tout déplacement de sa famille. Grâce à ce travail de surveillance, la Préfecture de Reggio Emilia découvre que Giovanna Caleffi et ses deux filles ont passé un bref séjour dans l'Émile, puis ont rejoint le « subversif » à Nice240. Pour pouvoir mieux contrôler ces déplacements, le ministère de l'Intérieur demande à cette même Préfecture de vérifier les numéros de passeport des membres de la famille de l'anarchiste italien. Malgré ces informations concernant la famille et la nouvelle adresse de l'anarchiste, nous avons l'impression que les autorités italiennes n'arrivent pas à suivre tous les mouvements de Berneri. Pour cela, le 24 mars 1927, le

Casellario politico Centrale demande de réaliser 130 copies de la photo de l'anarchiste italien

à la division photographique afin de les faire circuler dans toutes les préfectures des douanes du Royaume. D'après la police politique, Berneri serait, en effet, prêt à rentrer en Italie pour réaliser un attentat, d'où la nécessité de l'intercepter à la frontière de l'État italien pour qu'il soit fouillé et arrêté241.

Au début de l'année 1928, le Consulat de Bruxelles signale, pour la première fois, au ministère de l'Intérieur la présence de Berneri dans la capitale belge242. La raison qui pousse l'anarchiste italien à s'y rendre revêt un intérêt particulier : Berneri a contacté plusieurs « subversifs » « per assumere informazioni circa l'opera degli agenti del R.Governo che in questa giurisdizione sorvegliano le mene antifasciste dei fuoriusciti italiani243 ». L'anarchiste italien commence à fréquenter régulièrement la capitale de la Belgique où se trouvent de nombreux antifascistes exilés provenant de toute l'Europe et avec lesquels Berneri va nouer des liens qui lui seront d'une aide précieuse pendant son parcours politique. Le 24 janvier

238 Communication de la Préfecture de Macerata, 28-6-1926, in Acs, Cpc, D.537, F.1. 239 Ibidem.

240 Communication de la Préfecture de Reggio d'Émile, 21-2, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

241Communication du Ministère de l'intérieur pour « Prefetti confine Terra e Mare », 27-3-1927, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

242 Communication du Consulat belge, 6-1-1928, in Acs, Cpc, D.537, F. 1. 243Ibidem.

84 1928, le consul lui-même communique que Berneri a décidé de vivre à Bruxelles et qu'il a été remarqué dans un café de la Grande Place en compagnie de quelques « subversifs »244. La décision de s'éloigner de la capitale française dépend sans doute du climat délétère existant parmi les antifascistes italiens à Paris.

Dans plusieurs notes confidentielles, les espions italiens communiquent à la Division de police politique qu’en mars 1928 Berneri se trouve à nouveau en France pour préparer l'assassinat de l'espion fasciste Savorelli. Ensuite, la police française divulgue que l'anarchiste, après l'attentat, est revenu en Belgique. Au contraire, selon les informations recueillies par le ministère des Affaires Étrangères, en mars 1928 Berneri participe à une réunion du comité anarchiste en France. Les principaux participants seraient Schiavina, Fabbri, Gozzoli et ils auraient pris des décisions de type organisationnel245. Selon le consul italien à Bruxelles, Berneri n'a pas arrêté ses activités clandestines après l'affaire Savorelli, bien qu'à la suite de l’assassinat de ce dernier, il risque d'être expulsé de France. En tous cas, même si l'anarchiste italien devra se soumettre à une mesure d'expulsion, un brigadier en mission à l'étranger est très pessimiste sur les conséquences effectives de cette sentence car « egli rientrerà dopo pochi giorni sotto altro nome stabilendosi nei dintorni di Parigi. »246 Selon un informateur, en avril 1928, Berneri rejoint Bruxelles avec Alberto Giannini, le directeur de Il merlo, pour continuer son activité de propagande247 », mais le consul de Marseille soutient que l'anarchiste maintient encore la base de ses opérations subversives à Paris. Cela serait démontré par le témoignage du « subversif » Chierici et de sa maîtresse Belloni qui affirment que Berneri n’a dormi que trois nuits à Marseille et ensuite est reparti en direction de Paris.

Pendant l'été 1928, la présence de Berneri est signalée aussi à Berlin pour une réunion sécrète des militants communistes et encore à Bruxelles pour la rencontre qui a été organisée par les anarchistes présents dans l'agglomération bruxelloise. Ce n’est qu’en septembre 1928 que l'intellectuel paraît avoir obtenu une résidence fixe car le commissaire Bandiera communique au ministère de l'Intérieur que Berneri a déménagé depuis deux mois à Montreuil248. Dans cette petite ville de la banlieue parisienne, l'anarchiste italien a fait construire une petite maison de cinq pièces pour y vivre avec sa femme, ses deux filles et sa

244 Communication du Consulat belge, 26-1-1928, in Acs, Cpc, D.537, F. 1. 245 Note confidentielle, 19-3-1928, in Acs, Cpc, D.537, F.1.

246 Lettre du préfet de la police en mission en France, 7-6-1928, in Acs, Cpc, D.537, F.1. 247 Note confidentielle, 13-4-1928, Acs, Cpc, D.537, F.1.

85 mère. À la même époque, selon un autre informateur, Berneri a à sa disposition, dans la capitale française, une garçonnière249.

Malgré ces informations assez circonstanciées, l'espion Cremonini250 informe le Division police politique du ministère de l'Intérieur du système de contrôle qu'il a mis en place pour surveiller Berneri, lorsqu'il est à Bruxelles ou à Marseille. Finalement, l'Ambassade italienne à Paris remet en cause la nécessité de faire surveiller Berneri à Marseille, comme l'avait proposé Cremonini, l'anarchiste ne s'étant pas rendu dans cette ville depuis juin. En outre, l'ambassadeur met en garde la Division police politique du Ministère de l'Intérieur sur les informations que ses fonctionnaires reçoivent par leurs espions. Notamment au sujet de quelques communications fournies récemment par des collaborateurs de la police, qui ne constituaient pas des informations de première main mais des nouvelles déjà apparues dans le journal antifasciste Libertà!. Même la légion de Pérouse ne paraît pas très fiable, vu qu'elle soutient avoir dévoilé l'adresse de Berneri à Chicago251, tandis que toutes les autres sources de la police politique italienne soutiennent que l'intellectuel serait encore en Europe. Comme il arrive souvent, les informateurs de la police paraissent hantés par la préoccupation de repérer le lieu de résidence de l'intellectuel anarchiste et pour cela les sources finissent par se contredire entre elles.

Fin novembre 1928 seulement, une note confidentielle communique des informations précises : Berneri est expulsé de la France pour son activité politique clandestine. Au début, il pourrait jouir d'une prorogation de quinze jours et pense demander l'hospitalité en Suisse pour rejoindre son ami Bertoni mais il n'a pas le temps d'organiser les préparatifs à son départ. Le 10 décembre, la police entoure sa maison et il est raccompagné à la frontière belge252. La version que Menapace donne de l'expulsion de Berneri est assez intéressante dans l'optique d'une comparaison avec la version que le protagoniste de l'événement fera plus tard :

« Avevo visto scendere [Berneri] alla stazione di Mons e credevo che venisse consegnato alla polizia belga invece, e questo vi dà un'idea dei sistemi francesi, la polizia aveva solo l'ordine di accompagnarlo al confine e siccome il Berneri avrebbe potuto esser preso alla stazione dai belgi, i due ispettori che lo scortavano, all'arrivo del treno in stazione, lo nascosero nella cucina del vagone

249 Note confidentielle, 2-9-1928, in Acs, Cpc, D 537, F 1.

250 Note confidentielle, 18-10-1928, in Acs, Ministero dell'interno, Dir. Gen. p. s., Divisione polizia politica

Fascicoli personali Serie A 1927-1944, D. 11, F. Berneri.

251 Communication de la Légion de Pérouse au Ministère de l'intérieur, 24-10-1928, in Acs, Cpc, D 537, F 1. 252 Note confidentielle, 21-12-1928, in Acs, Ministero dell'interno, Dir.gen. p.s.,Divisione polizia politica

86 ristorante e quando videro che la polizia belga era già salita sul treno, lo fecero scendere ed uscire dalla stazione. Il Berneri attese il treno successivo per Bruxelles253 ».

Dans un article de 1930, Berneri raconte ainsi son transfert : « In treno conversazione con i due nuovi accompagnatori. Fino a Mons. Là è il passaggio clandestino. Mi si fa passare nel vagone restaurant, si spia il momento in cui i poliziotti belgi salgono sul treno per il controllo dei passaporti. E mi fanno scendere...254 ». Évidemment, l'intellectuel libertaire avait relaté les faits à Menapace étant donné qu’à partir du 15 décembre 1928, il le fréquente assidument. C'est ainsi que, pendant plusieurs mois, la Division police politique ne doit pas se préoccuper de chercher des informations concernant le lieu où se trouve le « subversif ».

La situation change à la fin de janvier 1929, parce que « gli anarchici sono riusciti a sapere che il Governo Belga, aderendo – dicono - ad una amichevole pressione dell'Ambasciata Italiana, ha ordinato l'espulsione del Belgio del Prof. Berneri255». Après l'annonce de sa probable expulsion de Belgique, l'anarchiste préfère se cacher de la police belge, en attendant qu'on prenne une décision sur son avenir. Berneri prend cette décision parce qu'il veut suivre les conseils du député Brenfour qui veut intervenir à sa faveur. C'est ainsi qu'au début du mois de février 1929, Menapace ne reçoit plus de nouvelles sur lui. Dans le livre que Menapace publiera pour souligner l'importance de son travail d'informateur en 1930, il donnera une version de la disparition momentanée de Berneri assez différente. Tout d'abord, l'espion fasciste soutiendra que le député belge a dû informer l’anarchiste à propos de son décret d'expulsion le 20 mars 1929, c'est à dire trois mois et demi après qu'une note confidentielle mentionne pour la première fois cette nouvelle. De plus, dans le texte de Menapace, Berneri et sa femme décident de passer clandestinement la frontière franco-belge et de se réfugier à Paris pour éviter que la police belge puisse les contacter pour leur communiquer l'expulsion imminente de l’anarchiste. C'est ainsi que « nella sua nuova residenza parigina io lo visitavo spesso e il nostro progetto di trasferirci assieme in Isvizzera veniva ogni volta esaminato256 ».

Cette reconstruction de faits n'est pas conciliable avec les informations que les espions de la police fournissent à leurs chefs à la même époque. Par exemple, Cremonini communique que « nonostante tutte le indagini che ho fatto per vostro ordine non ho potuto appurare in

253 Note confidentielle, 14-12-1928, in Acs, Ministero dell'interno, Dir.gen. p. s., Divisione polizia politica

Fascicoli personali Serie A 1927-1944, D. 11, f. Berneri.

254 Camillo Berneri, Pensieri e battaglie, édité par le Comitato Camillo Berneri, Paris, 1938, p.67 255 Note confidentielle, 23-1-1929, in Acs, Cpc, D 537, F 2.

87 nessun modo che Berneri stia per tornare in Francia. Anzi vi posso dire che la madre non ha nessuna speranza che egli possa riavere neppure un permesso di soggiorno limitato257 ». Au contraire, Cremonini est fier d'avoir obtenu enfin des adresses fiables de Berneri en Belgique. Une communication du consulat de Bruxelles éclaircit la situation logistique et judiciaire de l'anarchiste en Belgique : « il Berneri […] dimora nei locali soprastanti al Café Renommée situato nella Grande Place. Informa altresì che il provvedimento d'espulsione a suo carico non avrà esecuzione, avendo il Berneri, coadiuvato da Miglioli, ottenuto l'appoggio presso le autorità di persone influenti nel partito di sinistra258 ».

Entretemps, Berneri n'a pas attendu d'avoir des clarifications sur sa condition de réfugié politique et est parti pour Zurich, en attendant que Miglioli et Fabbri terminent de préparer le congrès antifasciste à Berlin259. La présence de l'anarchiste italien en Suisse serait confirmée par un autre informateur qui a vu Gobbi envoyant de Suisse un courrier adressé à Berneri260. Début avril 1929, l'intellectuel italien est encore signalé par un informateur en Suisse261. À cette occasion, la présence de Berneri dans la République helvétique est liée à celle de l'avocat socialiste Alessandro Pertini. En mai de la même année, selon une communication du ministre de l'Intérieur, Berneri se trouve dans la région de Sarre où son ami Luigi Damiani l'a hébergé262. L'anarchiste italien se serait rendu aussi à la frontière franco-allemande pour rencontrer un important dirigeant communiste. Par contre, dans une note confidentielle de début mai, l'espion Ferrari doute que Berneri soit parti en Suisse « dato la moneta a cambio altissimo e supponendo le risorse del Berneri assai limitate263 ». Mario Lami, un antifasciste ami de la famille de Berneri, soutient que la mère de l'anarchiste lui a avoué que son fils se trouve vraisemblablement à Paris.

Comme nous le voyons, parfois les notes se contredisent entre elles et cela donne l'impression que la police italienne et ses informateurs ont perdu la piste de l'intellectuel anarchiste. Pour cela les autorités italiennes donnent des informations peu précises sur la situation logistique de l'anarchiste. Par exemple, nous trouvons une note où « il Ministro dell'Interno comunica che il Berneri ha ripreso i suoi viaggi preferiti attraverso le diverse