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Une approche synthétique

4 Le cadre intégré

4.3 Une approche synthétique

L’intégration économique implique une accroissement dans les échanges de biens, de services, de capitaux et d’idées directement à travers la communication entre individus et indirectement à travers les biens, services et capitaux. L’intégration économique présente habituellement des e¤ets ambigus : moins de pro…ts parce qu’il y a plus de concurrence et plus de pro…t parce qu’il y a un marché plus important. Une approche synthétique est construite à partir de la nouvelle théorie de la crois- sance (Helpman et Krugman 1985) qui autorise les rendements d’échelle croissants et la concurrence imparfaite ; elle relie la nouvelle économie géographique (Fujita et al 1999) qui prédit que, à mesure que les barrières commerciales sont réduites, on devrait s’attendre à ce que les …rmes dans le secteur à rendement d’échelle croissant se relocalisent dans le marché le plus important et la nouvelle théorie de la croissance (Grossman et Helpman 1991) qui suggère que l’intégration économique à travers la di¤usion de la connaissance peut permettre d’éviter une structure centre-périphérie.

4.3.1 Le modèle

La présentation du modèle s’inspire de Baldwin et Martin (2004). Les chapitres 4 et 5 donnent un aperçu de la formalisation mathématique du modèle. Nous en pré- sentons la structure type, à travers la …gure (1.1), et les implications pour l’analyse de l’intégration et du développement.

L’économie est composée de trois secteurs : un secteur de l’innovation (I) ; un secteur manufacturier (M ) et un secteur traditionnel (T ). Il y a deux facteurs de production que sont le capital (K) et le travail (L). L’économie est formée de deux régions symétriques en terme de préférences, technologies et de coûts de transaction. Le secteur manufacturier est du type Dixit-Stiglitz et produit di¤érentes variétés de

Fig. 1.1 –Structure du modèle de croissance et agglomération. Source : Baldwin et Martin (2004)

biens. Il y a des coûts …xes en terme de capital. La production de chaque variété requiert une unité de capital qui peut être interprétée comme une idée, une nouvelle technologie, un brevet, etc. En plus du coût de capital …xe, la production suppose des coûts variables en terme de travail. Le secteur traditionnel produit un bien homogène avec des économies d’échelle constant et en concurrence parfaite à partir du seul facteur travail.

Le stock de travail régional est …xe et immobile. Chaque région fait de l’innova- tion et produit du capital (capital physique et humain) qui peut soit être mobile ou immobile à partir du facteur travail dans un environnement de concurrence parfaite. Le consommateur représentatif a une préférence pour la variété. Il a une fonction d’utilité intertemporelle et consomme le bien traditionnel et un bien composite des di¤érentes variétés de biens modernes.

Quatre con…gurations sont considérées dans la résolution du modèle et ont des implications en terme de politiques économiques. Ces quatre con…gurations corres- pondent au croisement des cas de spillover global, de spillover local et des cas avec et sans mobilité du capital.

Quand le spillover de connaissance est global, le taux de croissance ne dépend pas de la géographie. Si les coûts de transaction sont élevés, l’absence de mobilité du capital conduit à la convergence des deux régions. Quand les coûts de transaction sont faibles, l’absence de mobilité du capital conduit à la divergence asymptotique des deux régions, quelle que soit la distribution initiale, tout le capital est concentré dans une seule région. Avec la mobilité du capital, si le capital n’est pas entièrement détenu dans le Nord, des …rmes vont continuer à produire dans le Sud, toutefois certaines vont se délocaliser dans le Nord. Ainsi la distribution initiale du capital est déterminante pour la distribution régionale du revenu dans le cas de la mobilité du

capital. La mobilité du capital, tant physique qu’humain, devrait donc être facilitée entre pays bien intégrés (coûts de transaction entre pays nul ou presque).

Quand les spillovers sont localisés, la géographie a¤ecte la croissance et vice versa. L’absence d’un secteur d’innovation n’empêche pas l’accumulation dans le Sud. La concentration géographique dans le Nord peut améliorer le bien-être dans le Sud. De faibles coûts de transaction sur le bien …nal peuvent renforcer la divergence de revenu s’ils entraînent un processus d’agglomération. Toutefois de faibles coûts de transaction sur les idées produisent des e¤ets opposés. L’équilibre centre-périphérie devient instable et déclenche une industrialisation soudaine du Sud qui conduit à la convergence.

4.3.2 Les implications

Le modèle établit des prédictions en terme de politiques d’intégration et de dé- veloppement.

La croissance est soutenue par une dynamique endogène de création d’innova- tions, produites dans le secteur de R&D à l’aide de capital humain ou de biens intermédiaires di¤érenciés. L’accumulation de l’innovation dans une région produit une externalité de connaissance locale ou globale. Les relations de complémenta- rité entre les di¤érents secteurs renforcent les e¤ets centripètes de demande. La croissance peut encore être soutenue par l’accumulation du capital humain ou par l’accumulation du capital physique qui produit une externalité locale et globale.

4.3.2.1 Causalité cumulative croissance et agglomération. Il se produit une double causalité entre les phénomènes d’agglomération et de croissance. Il y a d’une part un e¤et positif de l’agglomération sur la croissance. Ainsi, tout ce qui

favorise la concentration géographique des activités favorise également la croissance. D’autre part, la croissance devient elle même une nouvelle force centripète. La syn- thèse géographie-croissance ajoute donc une force supplémentaire d’agglomération via l’e¤et de croissance.

Avec la dynamique de la croissance, la taille globale de l’économie augmente et de plus en plus d’activités économiques doivent se répartir entre les deux régions. Il y a ainsi de nouveau schémas d’équilibre géographique, sous l’impulsion d’un renforcement de l’e¤et de concurrence qu’exercent les unes sur les autres les …rmes de plus en plus nombreuses qui se localisent au même endroit.

4.3.2.2 L’analyse de l’intégration économique régionale. La synthèse géographie- croissance montre que les coûts de transaction portant sur la mobilité inter-régionale

du capital (mobilité du capital) et des idées (externalités d’apprentissage) sont des aspects importants de l’intégration économique. Elle intègre des éléments qui enri- chissent l’analyse de l’intégration économique régionale : la prise en compte de la dimension régionale, l’analyse des di¤érents aspects de l’intégration économique et l’étude de la croissance et de la convergence des économies.

La dimension géographique. La prise en compte de la dimension régionale des politiques de la zone d’intégration peut être appréhendée d’une part comme un changement d’échelle par le passage d’entité pays à des entités régions. D’autre part, les conséquences du changement territorial sont pris en compte à travers trois ca- naux : une dimension locale des mécanismes économiques, les spéci…cités de chaque région, les mobilités. L’intégration des facteurs géographiques (coûts de transport et de manière générale de transaction et économies d’agglomération) permet de donner

une dimension plus locale aux mécanismes économiques en montrant comment les e¤ets de facteurs économiques peuvent être in‡uencés par des phénomènes d’acces- sibilité ou de di¤usion. Les spéci…cités de chaque région et l’inégale répartition entre régions des caractéristiques économiques sont relevés par le passage à une échelle d’analyse plus …ne. L’on prend en compte les deux aspects de la mobilité en s’intéres- sant aux mobilités intra-nationales aussi bien qu’aux mouvements internationaux.

Ainsi, grâce à la diversité des mécanismes décrits et à la variété des paramètres pris en compte, les modèles de la synthèse permettent d’analyser des types de régions très diverses : régions rurales - régions urbaines ; régions urbaines de tailles et de compositions di¤érentes ; pays du Nord (riches) et pays du Sud (pauvres) ; régions riches - régions pauvres dans chaque pays.

Les politiques d’intégration. Les politiques d’intégration économique peuvent soit avoir pour objectif principal d’instaurer un marché commun, soit revêtir la forme de politiques économiques communautaires. Ces di¤érentes politiques produisent des e¤ets sur les facteurs économiques et/ou sur les facteurs géographiques. Toute po- litique permettant d’améliorer les échanges sur les marchés en supprimant ou en diminuant les obstacles tarifaires ou institutionnels jouent en faveur de la diminu- tion des coûts de transaction (suppression des barrières douanières, contrôle des barrières non tarifaires, amélioration des moyens de transport et de communication transrégionaux, homogénéisation des politiques …scales, des systèmes d’éducation, mise en place d’une monnaie unique, etc.). Il s’en suivra des e¤ets directs en faveur de l’augmentation du volume des échanges entre les régions.

La formation de zone d’intégration accroît la taille de marché et conduit souvent à une réduction des coûts du fait de l’exploitation des économies d’échelle ou par

une réorganisation plus e¢ cace de la structure de production. Il peut se créer des économies d’échelle dynamiques par les e¤ets d’apprentissage et un renforcement des e¤ets de concurrence entre les …rmes plus nombreuses ce qui stimule la R&D et l’innovation.

L’intégration d’économies di¤érentes permet l’incorporation de facteurs écono- miques plus nombreux et des caractéristiques di¤érentes. Les pays ou régions peuvent être caractérisés par des degrés de di¤érentiation de la production plus ou moins grands, par des di¤érents niveaux de quali…cation de la main d’oeuvre ou di¤é- rentes dotations et qualités des infrastructures publiques, par des degrés variables de rigidité des économies en terme de mobilité ou de restructuration.

Croissance et convergence. La synthèse géographie-croissance o¤re un éclai- rage des e¤ets des politiques d’intégration économiques sur la croissance et la conver- gence. L’accumulation spatiale des activités n’est pas neutre dans les potentialités de croissance. Ainsi, les régions denses en activités ont potentiellement un avantage pour leur croissance et leur développement. Il y a un e¤et rétroactif de la dynamique de la croissance sur la concentration géographique des facteurs de croissance. Les avantages précédents renforcent ce qui est source d’inertie dans les trajectoires de croissance. Les avantages initiaux renforcés par une forte inertie des évolutions ap- paraissent décisifs. Les changements de développement économique ne sont que le re‡et des conditions initiales et tout avantage initial tend à s’accentuer.

Toute di¤érence, même petite dans les conditions initiales, conduit le système économique vers des schémas géographiques et de croissance inégaux. Les politiques d’intégration des marchés ne peuvent améliorer la convergence entre les régions. Toute diminution des coûts d’interaction rend plus important des facteurs localisés

ce qui accentue le poids des conditions initiales et contribue donc au démarrage des processus cumulatifs de divergence. Les politiques économiques communautaires pourraient contrer ces processus en modi…ant en conséquence les dotations initiales des régions défavorisées par l’amélioration des infrastructures publiques d’éducation, de communication, de R&D, etc. Les forces centripètes sont faibles et les forces centrifuges sont renforcées.