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Les clubs de convergence et la critique de l’approche classique

2 Croissance économique et convergence

2.2 Les clubs de convergence et la critique de l’approche classique

La dynamique d’un indicateur de dispersion de la répartition des PIB par tête peut se révéler trompeuse (Barro et Sala-I-Martin 1992). En e¤et, si les pays étudiés ont subi en début de période un choc agrégé ayant diminué temporairement leur écart-type jusqu’à la rendre inférieur à son niveau de long terme, on observera un accroissement de cet écart-type au cours du temps. Cette critique est également valable pour l’approche de la -convergence.

Selon Quah (1993, 1996a), ni la -convergence, ni la -convergence ne permettent

de mettre en évidence l’éventuelle existence de clubs de convergence. En plus, Des- doigts (1997) précise qu’une insu¢ sance de ces régressions tient au fait qu’elles ne fournissent d’information que sur le comportement moyen dans la coupe transver- sale. Pour appréhender la convergence, il est plus intéressant de comprendre com- ment les économies se comportent les unes par rapport aux autres que d’identi…er un ensemble de variables qui vont servir de proxy à l’état stationnaire vers lequel tend une économie type, pour tester ensuite si le taux de croissance tend à croître lorsque cette économie tend vers cet état stationnaire.

La théorie traditionnelle de la croissance suppose que tous les pays ont les mêmes caractéristiques technologiques. Il semble cependant réaliste de penser que les écono- mies n’ont pas accès à la même technologie. L’existence de seuil dans l’accumulation des facteurs de production ou dans le niveau de développement des secteurs clés de l’économie pourrait conditionner l’apparition de processus de production e¢ cace dans cette économie. En e¤et, Azariadis et Drazen (1990) montrent que la présence de seuils en terme d’externalité permet de générer des équilibres multiples et stables sur le long terme.

Des travaux (cf. Durlauf et Johnson (1995), Berthelemy et Varoudakis (1996)) ont pu con…rmer la multiplicité des régimes de croissance. Ces derniers seraient ainsi séparés par des seuils quantitatifs ou qualitatifs dans l’accumulation de cer- taines variables comme le capital humain, le degré d’ouverture des économies ou leur niveau de développement …nancier. Autrement dit, il semble que le processus de convergence serait véri…é non pas au niveau mondial mais plutôt pour des clubs de pays qui, en revanche, ne convergeraient pas entre eux. Des auteurs comme Lucas (1988), Azariadis et Drazen (1990), Galor et Zeira (1993), Benabou (1996), Durlauf (1996), Tsiddon (1997) et Becker et al. (1990), ont montré dans leurs travaux que

l’incorporation de la formation de capital humain dans le modèle de base dé…nit un environnement dans lequel la convergence des clubs apparaît comme l’hypothèse testable la plus pertinente sous un ensemble d’hypothèses réalistes.

Lucas (1988) ou Azariadis et Drazen (1990) ont montré que sous l’hypothèse de la croissance des rendements d’échelles sociaux liés à l’accumulation de capital humain, les conditions initiales en matière de distribution de ce capital humain déterminent le destin ultime d’économies identiques à tous les autres égards, ce qui génère la convergence des clubs. Galor et Zeira (1993) ont également observé la convergence des clubs, en présence d’imperfections du marché du capital conjuguées aux non convexités dans la production de capital humain. Ainsi des pays dont les caractéristiques structurelles, les niveaux d’output par tête et de capital humain sont similaires, peuvent évoluer vers des niveaux de long terme di¤érents lorsque leurs distributions initiales de ce capital humain di¤èrent.

Benabou (1996), Durlauf (1996) ou Galor et Tsiddon (1997) ont montré que des externalités locales ou parentales dans la formation de capital humain des enfants renforcent le rôle déterminant de la distribution de capital humain initial sur la solution de long terme d’économies identiques à tous autres égards.

Un grand nombre d’études théoriques ont mis l’accent sur l’importance de la distribution des revenus pour la dynamique des économies et leurs comportements à long terme. Ainsi, Galor et Zeira (1993), Benabou (1996), Durlauf (1996) ont mon- tré que la présence d’imperfections sur le marché du capital, conjuguée à l’existence des coûts …xes dans la production de capital humain ou de biens …naux, génère la convergence des clubs au sens où des pays identiques en termes de caractéristiques structurelles ou de niveau de production par tête initiale sont susceptibles de conver- ger vers des équilibres de long terme di¤érents en termes de distribution initiale des

revenus.

Dans une contribution du même ordre, Benhabib et Rustichini (1996) démontrent qu’en présence de con‡its en matière de distribution des revenus, des niveaux de richesse faibles peuvent persister étant donné l’impact des con‡its en matière d’in- citation à l’accumulation. La fécondité o¤re également un cadre de travail pertinent qui débouche sur l’hypothèse de convergence des clubs. Comme l’indiquent Barro et Becker (1990), la multiplicité des états stationnaires est possible dans le modèle avec fécondité endogène. Becker et al. (1990) soulignent que, lorsque la fonction de production de capital humain est non convexe et lorsque le taux d’actualisation de l’utilité des dynasties futures décroît avec leur taille, l’économie se caractérise par des équilibres multiples : les conditions initiales en terme de nombre d’enfants ou de niveau de capital humain déterminent l’équilibre de long terme.

Galor et Zeira (1993), Galor et Tsiddon (1997) ont démontré la robustesse de l’hypothèse de convergence des clubs en présence de mouvements internationaux des capitaux. En e¤et, l’existence d’une mobilité internationale parfaite du capital éli- mine l’importance des conditions initiales dans le modèle de croissance néoclassique, dans lequel la dynamique de l’économie dépend uniquement de l’évolution de ratio capital/travail. Ainsi comme le soulignent Galor et Zeira (1993), en présence d’im- perfections du marché du capital dans les pays domestiques, la multiplicité d’équi- libres de long terme prévaut malgré la mobilité parfaite des capitaux ; et comme le montrent Galor et Tsiddon (1997), la mobilité parfaite du capital n’exclut pas la multiplicité d’équilibres stationnaires dans un environnement où le niveau de capital humain parental est un input de la fonction de production de capital humain des enfants.

classant les pays suivant des critères arbitraires tels l’appartenance à une zone géo- graphique ou à un système économique, ou la …xation a priori de niveau limite de PIB par tête. Baumol (1986) e¤ectue ses régressions en distinguant les 16 pays in- dustrialisés sélectionnés par Maddison (1982), les pays à économie plani…ée et les pays capitalistes à faibles revenus. Grier et Tullock (1989) opèrent quant à eux leurs estimations en considérant les pays de l’OCDE, d’une part, et un groupe de 89 pays, d’autres part. Au sein de ceux-ci, les auteurs e¤ectuent également une distinction géographique entre continents asiatique, africain et américain. Durlauf et Johnson (1995) construisent a priori des sous-groupes de pays en utilisant des seuils limites de PIB par habitant et de taux d’alphabétisation.

Les travaux empiriques sur les clubs de convergence n’ont pas réussi à mettre en évidence un seuil quantitatif ou une variable cruciale, par exemple le capital humain, qui permettrait de passer d’un sentier de long terme à un autre. Par conséquent, il n’est pas possible de préciser le caractère transitoire ou permanent de l’appartenance à un club. Or c’est là une question déterminante pour la politique économique. Dans le premier cas, les di¤érents sentiers d’équilibre pourraient être interprétés comme di¤érents stades de développement des économies. Le second cas rejoindrait l’hypothèse de trappe à pauvreté : en dessous d’un certain seuil de capital, l’économie ne pourrait que converger vers un équilibre de long terme à faible productivité et ne pourrait entamer un processus de développement.

Quelle que soit l’optique qu’ils retiennent, les travaux empiriques sur la question de la convergence continuent de se heurter à des di¢ cultés techniques importantes. Il reste di¢ cile d’en tirer des conclusions su¢ samment robustes pour aboutir à des recommandations de politique économique. Des pistes techniques continuent d’être explorées notamment en ce qui concerne les déterminants de la croissance et l’e¤et

de la politique économique sur la croissance (voir Rodrik (2005), Djankov et al. (2002), Easterly (2005)).