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produire et de la façon de partager » (B ROSSOLET , 1992, p 69) − et qui se retrouve

Section 3 : L’approche collective avec règle de partage des revenus

3.1.2. Une approche en termes de Pareto-efficience

Cette caractérisation générale est proposée par BROWNING et CHIAPPORI (1998)68, qui

considèrent un problème de décision collective dans lequel chaque individu dispose d’une fonction d’utilité propre et où le processus de décision conduit à des allocations mutuellement avantageuses (i.e. collectivement efficaces au sens de Pareto).

Formellement, les conjoints F et M achètent n biens en quantité q (y compris le loisir). Les prix de marché sont donnés par le vecteur p et R désigne la dépense totale, supposée exogène. Ces biens sont répartis en consommation privée (xf et xm) et en consommation publique x. Les

fonctions de demande xf, xh et x sont compatibles avec la rationalité collective si et seulement si il

68 Cf. aussi MOREAU (2001) pour une mise en perspective de ce cadre au sein des approches pluri-décisionnelles de la famille.

existe deux fonctions d’utilité individuelles Uf(xf, xm, x) et Um(xf, xm, x) telles que pour tout (p, R),

(xf, xm, x) est Pareto-efficace, étant donné les contraintes :

• d’allocation interne des ressources : xf + xm + x = R (2.43)

• budgétaire : p’q = R (2.44)

Si les fonctions de demande (xf, xm, x) satisfont ces conditions, alors il existe une fonction µ(p, R)

telle que (xf, xm, x) est solution de :

x , x , xMax µ(p, R)Uf m f(xf, xm, x) + (1-µ(p, R))Um(xf, xm, x) (2.45) sous la contrainte p (xf, xm, x) = R (2.46)

On remarque ici que les fonctions d’utilité sont très générales : elles sont compatibles avec l’altruisme, mais aussi avec l’égoïsme69 ou toute forme d’externalités ou d’interaction entre les

préférences individuelles.

Comme le soulignent APPS et REES (1997), le ménage peut alors être interprété comme une

économie à deux agents où les prix sont imposés de l’extérieur, et les résultats traditionnels de la Théorie de l’Equilibre Général peuvent être utilisés. En particulier, si nous appliquons les premier et second théorèmes de l’Economie du Bien-Être, nous pouvons décentraliser le processus de décision. D’abord, le revenu du ménage est réparti entre ses membres selon une certaine règle de partage collectivement « négociée ». Une fois cette distribution effectuée, chaque agent maximise son utilité sous sa propre contrainte budgétaire. Les ménages se distinguent alors selon leur position sur la frontière de Pareto.

Dans ce cas, la fonction-objectif du programme (2.45) définit la fonction de bien-être du ménage, où la fonction µ(p, R) peut être interprétée comme le poids relatif de F au sein de l’objectif du groupe. Cette fonction de distribution condense ainsi, sous une forme inconnue, le processus de décision qui aboutit à une certaine répartition de l’utilité au sein du ménage. Ce processus est toutefois sensible ici aux variations de prix, de revenus et de salaires. On retrouve ainsi l’intuition de SAMUELSON (1956) selon laquelle le ménage se comporte comme s’il maximisait un objectif de

groupe qui n’est rien d’autre qu’une pondération des objectifs individuels. S’y ajoute néanmoins ici le fait que cette pondération dépend de l’ensemble des prix de marché, du niveau des revenus, et d’un ensemble de « facteurs distributionnels » donné par l’environnement.

69 Dans ce cas, si le conjoint i est égoïste, l’utilité marginale qu’il retire d’une consommation de son partenaire est nulle ∂Ui/∂xj = 0, mais la formulation autorise également une externalité négative.

On note en outre que, à la différence du modèle unitaire, les prix interviennent dans la fonction de bien-être du ménage, via µ(p, R). Aussi, si ce dernier terme ne varie pas en fonction de (p, R), on retrouve les prédictions du modèle unitaire, qui devient ici un cas particulier. Si, en revanche, les variations de prix et de revenu influencent la distribution du bien-être, alors les conditions de SLUTSKY du modèle unitaire ne sont pas vérifiées – comme c’est le cas pour toute fonction d’utilité qui intègrent les prix comme argument.

Des restrictions (paramétriques) générales peuvent être dérivées de l’hypothèse de rationalité collective. Les effets compensés d’une variation de prix sur les fonctions de demande observées

sont définis par une pseudo-matrice de SLUTSKY. Son premier terme correspond alors à l’effet de

substitution traditionnel, à niveaux d’utilité et de fonction de distribution µ constants. Le second terme de S exprime quant à lui les effets des variations de prix sur µ.

Ainsi, deux effets sur la contrainte budgétaire se cumulent lors d’une variation de prix : d’abord un déplacement de la frontière parétienne qui conduit à une nouvelle allocation des ressources, à µ(p, R) constant ; ensuite, un déplacement, sur la nouvelle frontière, en raison de la variation de µ(p, R). BROWNING et CHIAPPORI (1998) déduisent de ces relations des restrictions concernant la

symétrie et le rang de S qu’il est possible de tester à partir de l’estimation des fonctions de

demande70. Des conditions supplémentaires dites de linéarité et de proportionnalité sont en outre

identifiées si on considère que des paramètres extra-environnementaux α peuvent influencer la fonction de distribution du bien-être, désormais notée µ(p, R, α).

BROWNING et CHIAPPORI montrent ainsi qu’il est possible de dériver des restrictions très

générales qui permettent de tester la pertinence axiomatique du cadre collectif. Seule l’hypothèse de Pareto-efficience du processus de décision apparaît ici nécessaire pour obtenir de telles restrictions, sans qu’aucune spécification de ce processus n’ait quant à elle été requise. Ces

restrictions apparaissent toutefois insuffisantes à ce stade pour retrouver le processus d’allocation des ressources et les préférences individuelles à partir de la seule observation des fonctions de demande. D’autres hypothèses structurelles sur les comportements sont nécessaires, en particulier pour identifier les comportements collectifs d’offre de travail.

3.2. Le modèle collectif d’offre de travail

70 Leur résultat principal est que la symétrie de la matrice de SLUTSKY n’est pas nécessaire, alors qu’elle est une propriété de l’approche unitaire. Des conditions générales de test du cadre collectif sont alors identifiées : la matrice de SLUTSKY doit être égale à la somme d’une matrice symétrique et d’une matrice de rang 1.

L’application aux décisions d’offre de travail repose sur la seule hypothèse qu’il existe une « règle de partage » des revenus φ (p,R, α), qui décrit la règle de répartition interne des ressources que des conjoints suivent implicitement quand ils choisissent une allocation Pareto-optimale particulière (BOURGUIGNON, CHIAPPORI, 1992).

Bien que ce partage ne soit pas connu par le modélisateur, CHIAPPORI (1988a, 1992) montre qu’il

est possible d’identifier la règle de partage et les niveaux d’utilité individuelle à partir d’un nombre très limité d’hypothèses sur les comportements individuels. Ces hypothèses portent alors sur le type de consommation et/ou sur les préférences, dont la forme est alors plus restrictive que celles présentées précédemment. En particulier, on suppose que les préférences individuelles sont séparables, ce qui implique que les conjoints se comportent soit en égoïstes, soit en « altruistes » au sens de BECKER (selon l’hypothèse de caring), mais ce qui exclut toute autre forme

d’interaction entre leurs préférences71. On suppose en outre l’absence de consommation

publique, ou, le cas échéant, une parfaite séparabilité des utilités entre consommations publiques et privées (BOURGUIGNON et al., 1993 ; CHIAPPORI et al., 2001 ; cf. encadré 2.3).

Dans ce cas, tout se passe dès lors comme si les décisions étaient prises selon un processus en deux étapes :

(i) Une première étape collective, où les conjoints déterminent une règle de partage des

revenus hors travail – définie, le cas échéant, conditionnellement au niveau des dépenses en bien public. Cette règle dépend des salaires individuels, du revenu hors travail et des facteurs de distribution.

71 La principale restriction impliquée par l’hypothèse de caring est que chaque partenaire est indifférent entre toutes les actions privées que son conjoint considère comme équivalente, et ne se soucie donc pas de la manière dont le niveau d’utilité agrégé est obtenu par son époux. Une conséquence de cette restriction est que la condition de Pareto- efficience en termes de préférences « altruistes » est réductible à une Pareto-efficience en termes de préférences privées (WEISS, 1997). Ainsi, il est clair que toute décision qui est Pareto-efficiente, lorsque les préférences sont de type caring, est également Pareto-efficiente lorsque les préférences sont égoïstes. Si ce n’était pas le cas, il serait possible d’accroître l’utilité égoïste d’un membre sans affecter négativement celle de son partenaire. Toutefois, l’utilité « altruiste » serait accrue pour au moins un membre sans que celle du partenaire soit affectée, ce qui est contradictoire. En fait, la frontière de Pareto de conjoints « altruistes » – au sens de caring – est un sous-ensemble de la frontière parétienne obtenus lorsque les individus sont égoïstes (CHIAPPORI, 1992). Par ailleurs, on doit souligner, pour être tout à fait juste, que BROWNING et CHIAPPORI (1998) et BROWNING et al. (2002) proposent une généralisation du cadre collectif qui ne requiert aucune hypothèse particulière ni sur le type de consommation, ni sur la forme des préférences individuelles, qui sont par conséquent compatibles avec des préférences altruistes mais aussi toute forme d’externalité et d’interaction entre les préférences individuelles (cf. paragraphe 3.1). Des conditions générales de test de l’efficience collective sont dérivées. Toutefois, dans ce cas, le modèle collectif n’est pas identifié de façon unique. Des restrictions supplémentaires sur la forme des préférences sont nécessaires afin d’identifier les comportements, restrictions qu’envisagent les auteurs en considérant des préférences séparables, c’est-à-dire soit égoïstes, soit de type caring. CHIAPPIORI (1988a) montre qu’il est néanmoins possible de dériver des restrictions non paramétriques dans le cas où les préférences sont caractérisées de façon très générale. En revanche, lorsque l’un des conjoints ne travaille pas, tout ensemble fini d’offre de travail est compatible avec de telles préférences (cf. CHIAPPORI, 1992).

(ii) Puis l’étape des décisions individuelles où chaque individu gère indépendamment sa consommation privée et son offre de travail, en maximisant son utilité, étant donnée la contrainte de revenu individuel issue de la première étape.

L’observation des comportements de demande et d’offre de travail permet alors d’en identifier les composantes structurelles – même en l’absence d’information sur les comportements individuels – et de tester la validité de la spécification collective. L’avantage de l’approche est de ne pas nécessiter une estimation de l’utilité cardinale éprouvée au point de menace − à la différence de la solution de NASH− et d’engendrer par conséquent des restrictions testables sur les fonctions

d’offre de travail et de demande. Trois points forts peuvent être soulignés :

(i) D’abord, en décomposant ainsi le processus de décision, au cours duquel les décisions

d’allocation des ressources – choix de consommation et/ou offre de travail – s’effectuent de façon strictement individuelle, le modèle contourne très habilement le problème de l’agrégation des préférences concernant la production ou la consommation, auquel se heurte inévitablement l’approche unitaire. Le principe d’individualisme méthodologique est ainsi respecté. La règle de partage des revenus est en outre ici endogénéisée alors qu’elle est supposée fixe dans le cadre unitaire, ou dépendante de l’altruisme du chef de famille.

(ii) De plus, l’espace des arrangements coopératifs atteignables a priori est plus ouvert que

celui envisagé dans une négociation à la NASH. Le modèle de décision est alors plus

général et moins contraignant du point de vue de la rationalité individuelle.

(iii) Enfin, la portée empirique de l’approche est particulièrement prometteuse puisqu’il est possible d’identifier la règle de partage des revenus et les comportements individuels qui lui sont associés (cf. encadré 2.3). Elle permet ainsi de résoudre, dans certains cas, le problème d’assignabilité des consommations individuelles induit par le fait que seule est observable la consommation agrégée du ménage. Elle permet en outre une analyse en termes de « pouvoir » de négociation – via la règle de partage – qui ne nécessite pas une mesure des points de menace.

Soulignons pour conclure cette présentation les extensions apportées au cadre théorique initial, dont on peut dégager trois orientations. Elles visent, d’une part, à prendre en compte l’existence d’activités jointes (i.e. non séparables) entre les conjoints, à travers la présence de consommations publiques et/ou d’une production domestique spécifiques à certaines configurations de ménages – notamment en présence d’enfant(s) (APPS, REES, 1997 ; CHIAPPORI, 1997 ; CHIAPPORI et al., 2001). L’identification des comportements – développée au stade théorique – repose toutefois sur

des hypothèses très restrictives concernant la structure des comportements (cf. encadré 2.372). Des

développements visent par ailleurs à prendre en compte la présence d’impôts (DONNI, 2000), et à

l’existence de membres inactifs dans le ménage (BLUNDELL et al., 1998). Elles concernent enfin la recherche empirique des déterminants sociaux de la règle de partage, dans la lignée de l’analyse entreprise par CLARK et al., (2001), afin de mieux discerner les principes qui fondent la répartition des revenus, au-delà d’un simple effet de « pouvoir » donné par des options détenues par les conjoints à l’extérieur du ménage.

Encadré 2.3 :

Le modèle collectif d’offre de travail des ménages

Le ménage est modélisé comme une économie à deux agents où les prix s’imposent à eux. L’unique hypothèse concernant le processus de décision est que les allocations intra-familiales sont Pareto-efficientes : l’allocation est donc collectivement efficiente au sens où aucune autre ne peut accroître simultanément le bien-être des deux partenaires. Les résultats de la théorie de l’équilibre général s’appliquent alors à ce cas particulier. Les décisions du ménage peuvent, étant donnée la Pareto-efficience, être représentées par le programme suivant : i i,C L Max Wi=W[ Um(Cm, Cf, Lm, Lf), Uf(Cm, Cf, Lm, Lf), wm, wf, Rm, Rf ] sous contraintes Wj j w (2.47) wmLm + wfLf + Cm+ Cf ≤ (wm + wf).T + Rm + Rf

Pour i, j =f, m, i ≠ j, et où Um et Uf désignent respectivement les sous-utilités du mari et de la femme,

supposées faiblement séparables. Cm, Cf, Lm et Lf représentent les consommations privées (exclusives) et les

quantités de loisir (également privé et exclusif) des partenaires masculin et féminin.

Les préférences de chaque membre j peuvent être de type égoïste Uj(Cj, Lj) ou « altruiste » au sens de

BECKER Wj[Um(Cm, Lm), Uf(Cf, Lf)], pour j = m,f. L’hypothèse de séparabilité, centrale pour identifier les

comportements, implique que l’utilité de chaque partenaire n’est pas affectée directement par le niveau de loisir de son partenaire, mais seulement indirectement par la sous-utilité qui lui correspond. Cette hypothèse implique donc que chaque conjoint est indifférent sur l’ensemble des actions privées que son partenaire considère équivalentes, et sur la façon par laquelle il atteint un niveau d’utilité donné. Une implication directe de cette restriction est que la Pareto-efficience en termes de préférences privées (Um, Uf) est une condition nécessaire de

la Pareto-efficience concernant les préférences sociales (ou « altruistes » : Wm, Wj).

Etant donné cette hypothèse de séparabilité, tout se passe comme si le ménage agissait en deux étapes : le revenu hors travail est d’abord alloué entre les membres, ceux-ci décidant ensuite individuellement de leur offre de travail et de leur consommation. Le modèle de comportement est très similaire au comportement décrit dans une économie d’allocation walrasienne à deux agents. Il en diffère néanmoins par l’introduction des prix et des facteurs distributionnels dans les niveaux d’utilité minimums wf et wm - qui dépendent de l’ensemble (wf, wm, R, α).

Par une application du second théorème de l’économie du bien-être (APPS et REES, 1997), le programme

est équivalent au programme décentralisé :

72 Rappelons brièvement que, en présence de production domestique, l’identification des comportements – i.e. de la règle de partage et des préférences individuelles – repose sur des hypothèses relativement fortes sur la valeur du bien domestique et/ou sur la fonction de production (APPS, REES, 1997 ; CHIAPPORI, 1997).

i i,C L Max Wi=W[Um(C m, Cf, Lm, Lf), Uf(Cm, Cf, Lm, Lf), wm, wf, Rm, Rf] sous contrainte wiLi + Ci ≤ wiT + φ (wi, wj,R, α) (2.48)

CHIAPPORI (1988, 1992) montre qu’il existe une fonction wj(wi, wj, R, α) telles que Li et Lj sont solutions

de (2.47) si et seulement si il existe une fonction φ (wi, wj,R, α) telle que Li est solution de (2.48). Il montre en

outre que :

(i) Il est possible de dériver des conditions paramétriques sur les offres de travail différentes de

celle du cadre unitaire et qui peuvent donc être utilisées pour comparer les deux cadres. On montre que, même si les membres du ménage sont altruistes et les allocations Pareto-efficientes, la règle d’allocation optimale peut être différente de celle prédite par le modèle « unitaire ». La règle d’allocation apparaît ainsi davantage affectée par les salaires relatifs des partenaires et par d’autres variables qui affectent leur position de négociation que par les conditions d’optimisation jointe du modèle unitaire. Celui-ci n’existe que comme cas

particulier où le ménage maximise W=W[Um,Uf] sous contrainte wmLm+wfLf+Cm+Cf = (wm+wf)T+R, et où,

par conséquent, la répartition des revenus n’affecte pas les niveaux de consommation des membres.

Les restrictions découlent de l’équivalence entre les programmes (2.47) et (2.48). Le premier permet d’en déduire les offres de travail Lf(wf, wm, R, α), et Lm(wf, wm, R, α). Le second conduit à des offres exprimées sous

la forme : lf(wf, φ (wi, wj,R, α)), et lf(wf, R- φ (wi, wj,R, α)).

Les égalités Lf(wf, wm, R, α) = lf(wf, φ (wi, wj,R, α)) et Lm(wf, wm, R, α) = lf(wf, R- φ (wi, wj,R, α)) permettent

d’obtenir des restrictions paramétriques qui caractérisent les fonctions de demande du modèle, comparables

aux relations de SLUTSKY, et identifiables même si les revenus ne sont pas individuellement observables. On

obtient, dans le cas où les offres de travail des deux partenaires sont positives, (a) des restrictions concernant

les effets propres négatifs, et (b) des conditions sur les effets croisés compensés équivalentes aux conditions de Slutsky, mais qui n’impliquent ici aucune symétrie – cf. plus bas.

(ii) Partant de là, la règle de partage unique φ ainsi que les fonctions d’utilité individuelles peuvent être identifiées à une constante près, simplement à partir de la fonction d’offre de travail individuelle. Ainsi, les restrictions issues de la Pareto-efficience, combinée aux hypothèses standards sur les utilités individuelles, l’assignabilité des consommations privées – i.e. ici la séparabilité des utilités – suffisent pour identifier les préférences et la règle de partage empirique (à une transformation linéaire près). La règle de partage est ainsi

endogénéisée, en fonction des niveaux de salaire et de revenus individuels et de l’ensemble des paramètres environnementaux α qui influencent le pouvoir de négociation des conjoints, alors qu’elle était supposée constante dans le modèle unitaire.

Le principe intuitif d’identification est alors relativement simple (cf. BOURGUIGNON et CHIAPPORI, 1992) :

étant donné le caractère privé des consommations, les variations de salaire d’un conjoint ou du revenu non salarial induisent un simple effet revenu sur le comportement de son partenaire, qui transite intégralement par la règle de partage des revenus. Par exemple, si une hausse de 10% du salaire masculin et une hausse de 5% du revenu non salarial commun ont un effet identique sur le comportement féminin, alors ces deux variations affectent le partage des revenus de manière identique ; il est donc possible de déduire, pour la règle de partage, le taux marginal de substitution entre le revenu commun et, d’une part, le salaire masculin, et d’autre part les facteurs de distribution. On identifie ainsi les variations partielles de la règle de partage (à une constante près73).

Techniquement, ces T.M.S. engendrent deux équations qui portent sur les dérivées partielles de la règle de partage : R / w R L / w L m f m f ∂ ϕ ∂ ∂ ϕ ∂ = ∂ ∂ ∂ ∂ et R / R L / Lf f ∂ ϕ ∂ α ∂ ϕ ∂ = ∂ ∂ α ∂ ∂ (2.49) Un argument similaire peut être appliqué pour un changement du niveau de salaire féminin afin de dériver

73 La raison de cette détermination « à une constante près » est que le comportement dépend des préférences, et non du revenu en soi ; il est dans ce cas impossible de un individu doté d’une utilité de la forme U(C, L) et recevant un revenu R, d’un individu percevant une utilité U(C+k, L) et disposant d’un revenu R-k.

74 CHIAPPORI (1997) étudie en outre le cas où le prix du bien n’est pas uniforme entre les ménages. Il montre alors que, si on suppose l’existence d’au moins deux sources de revenu non salarial, alors l’impact de chaque source sur la règle de partage peut être exactement identifiée, même si l’effet des salaires reste quant à lui ambigu. Par ailleurs, si on suppose que la négociation intra-familiale ne dépend pas des contributions respectives des membres au revenu total, alors la règle de partage peut être identifiée.

les effets sur le comportement du mari : ) 1 R /( w R L / w L f m f m − ∂ ϕ ∂ ∂ ϕ ∂ = ∂ ∂ ∂ ∂ et 1) R /( R L / Lm m − ∂ ϕ ∂ α ∂ ϕ ∂ = ∂ ∂ α ∂ ∂ (2.50)

Ces quatre équations peuvent être résolues afin d’identifier les dérivées partielles de la règle de partage. Les contraintes sur les dérivées croisées de la règle de partage imposent alors des restrictions testables sur les offres

de travail, analogues à celles de SLUTSKY du cadre unitaire, sans aucune condition de symétrie.

La règle de partage et les préférences restent identifiables lorsque l’un des partenaires ne travaille pas sur le

marché, mais repose sur un principe plus complexe (CHIAPPORI, 1997 ; BLUNDELL et al, 1998). Dans ce cas en

effet, le salaire de réservation peut ne pas être unique puisque le revenu non salarial individuel obtenu après les transferts intra-familiaux dépend du niveau de salaire à travers la règle de partage. Il peut alors y avoir plusieurs taux de salaire pour lesquels un individu est indifférent entre le travail et l’inactivité. Des restrictions

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