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DANS LES APPROCHES NON COOPERATIVES ET

partenaire 47 Soulignons que les effets anticipés de la spécialisation sur le pouvoir de négociation

1.5.3. La confiance comme fondement de l’organisation domestique

La principale limite de l’application du cadre des jeux non coopératifs aux décisions provient de la représentation très réductrice qui est proposée des relations conjugales ou familiales en les traitant comme des relations parfaitement anonymes. Cette abstraction s’avère pourtant particulièrement insatisfaisante puisqu’elle revient à ignorer les attentes particulières qui caractérisent les relations familiales, et leur dénie de ce fait toute spécificité. Une telle posture apparaît de toute évidence inadéquate puisqu’elle ignore la mise en place, avec la formation de la famille, de relations tout à fait spécifiques entre ses membres, qui appuient l’émergence d’une organisation économique d’un type particulier, au sein de laquelle les conjoints vont chercher, à des degrés divers, à définir des objectifs communs, fusionner certaines ressources, ou encore répartir certaines prérogatives dans le but d’organiser leurs échanges et leur production de façon collectivement efficiente. Le fondement de la coopération conjugale se trouve alors dans l’attention particulière qui est portée à la nature des relations. Ce caractère n’échappe pas à BECKER, ni à BEN-PORATH (1980) et

POLLAK (1985), qui mettent en avant le statut particulier de la famille comme organisation économique, en raison des relations spécifiques qui fédère ses membres et participe à la création d’une identité collective. La réflexion de ces derniers, inspirée par l’économie des coûts de transaction, a ceci d’original qu’elle conçoit l’inefficience de la contractualisation des échanges entre hommes et femmes nécessaires à la production de leur bien-être comme le fondement même du rôle économique des ménages, et de la coopération particulière qui s’établit entre ses membres. A ce titre, leurs analyses peuvent se lire comme un dépassement de l’approche stratégique, le point d’arrivée de celle-ci servant de point de départ de celles-là. Elles en prennent toutefois le contre-pied puisque la solution envisagée face à l’incapacité de contractualiser les

échanges intra-familiaux – notamment ceux engendrés par la spécialisation du travail – débouche non pas vers moins de collectif, comme le préconise un comportement stratégique, mais vers plus de collectif : la formation d’une organisation.

Présentons brièvement, pour conclure cette section, l’argumentation qui est proposée par ces auteurs, qui empruntent leurs arguments à la théorie des coûts de transaction. Le ménage est analysé, comme il l’était chez BECKER, à la manière d’une petite entreprise. La transaction – et

non plus seulement la production – constitue désormais l’unité fondamentale permettant de comprendre l’existence économique du ménage et son fonctionnement. Celle-ci est alors justifiée par l’inefficience d’une contractualisation des échanges, de la même manière que l’existence des firmes est justifiée dans les théories de l’entreprise : face à l’impossibilité d’établir un contrat complet de long terme qui spécifie toutes les contingences – ou face à son coût extravagant – le recours répété au marché – assimilable à une succession de contrats de court terme - ne constitue pas une solution efficace, et ce, pour deux raisons (POLLAK, 1985) :

(i) D’une part, parce qu’il apparaît particulièrement coûteux (en information, publicité, négociation, ou en provision en cas de rupture de contrat) en raison de la rationalité limitée des individus et de l’existence d’asymétries d’information ;

(ii) D’autre part, parce que le risque de rupture de la relation associé à une

contractualisation de court terme aura pour effet de décourager les investissements en capital spécifique au ménage dont le rendement est contingent à la poursuite de la relation.

Dans ce contexte, le mariage peut être interprété comme une fusion réalisée afin de gérer les échanges de manière efficace et inciter les partenaires à entreprendre des investissements dont les bénéfices collectifs sont inscrits dans la durée (POLLAK, 1985). Les investissements spécifiques

réalisés au sein du ménage sont donc source d’efficience non seulement, comme le suggère BECKER, parce qu’ils permettent d’accroître le rendement de la production, mais aussi parce qu’ils

économisent des coûts de transaction − au moins les coûts fixes qui peuvent être amortis par le

volume et la répétition des échanges (BEN-PORATH, 1980). Face à l’échec de la contractualisation,

le ménage s’érige ainsi comme une organisation économique alternative au marché permettant une gestion efficace (i.e. à moindre coût) des échanges.

Selon BEN-PORATH, un ménage peut donc être identifié à une (mini) organisation

économique, fondée sur un ensemble de règles visant à aménager une relation de coopération de long terme, et certaines délégations de pouvoir, en établissant pour cela un ensemble d’obligations réciproques, dont les termes ne sont pas tous formulés explicitement et

dont les éléments ne sont pas séparables. Ces obligations sont elles-mêmes définies selon des buts collectifs généraux, et pour un usage permanent ou, plus précisément, pour une durée qui n’est pas spécifiée par avance. Autrement dit, l’organisation du ménage est caractérisée par un ensemble de règles relationnelles qui définissent la nature de la relation, et sur lesquelles repose la gestion des transactions familiales et l’établissement d’une relation de coopération de long terme. Tout se passe dès lors comme si l’organisation familiale était donc assise sur un contrat incomplet54, au contenu parfois tacite ou imprécis, les attentes étant définies en compréhension et

non en extension, et qui «

permet l’apparition d’une identité collective vis-à-vis des autres,

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