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PORTEE ET LIMITE DES MODELES D’OFFRE DE TRAVAIL DANS LA COMPREHENSION DES RELATIONS

Section 1 : Les développements du modèle standard d’offre de travail

1.2. Les effets du système d’imposition

L’examen des effets du système d’imposition sur l’offre féminine de travail a donné lieu à une importante littérature. Cette attention est motivée par le fait que le système fiscal modifie considérablement le rendement net du travail, auquel la décision du partenaire qui contribue de façon secondaire au revenu du ménage sera particulièrement sensible. La prise en compte des impôts est nécessaire afin d’obtenir une estimation non biaisée des élasticités, et permet de comprendre certaines différences de comportement observées d’un pays à l’autre. Une incidence particulièrement importante de l’impôt est attendue en cas d’imposition progressive (1.2.1), toutefois variable selon l’unité d’imposition (1.2.2).

1.2.1. Les effets d’un impôt progressif sur le revenu

Un prélèvement fiscal sur le revenu du travail peut être assimilé une baisse de salaire net, dont le modèle standard identifie deux effets (cf. chapitre 1) :

(1) un effet revenu : le travailleur compense sa perte de revenu en accroissant son offre

de travail ;

(2) un effet de substitution : la baisse du revenu du travail l’incite à réduire son offre de travail pour augmenter son loisir.

L’effet de l’impôt est donc en théorie totalement ambigu. On s’attend néanmoins à un résultat négatif, l’effet de substitution étant généralement dominant – d’autant plus probablement que le volume initial de travail est important.

L’ampleur de l’effet attendu dépend toutefois du régime d’imposition. L’impact d’un taux donné sera en effet plus important lorsque le régime est progressif que lorsque l’impôt strictement proportionnel. La différence entre les deux systèmes peut être représentée simplement par le fait que le taux ne s’applique, dans un régime progressif, qu’au-delà d’un certain niveau de consommation (C0 dans la figure 3.2). L’effet de substitution, qui traduit le « découragement »

induit par la baisse du rendement net du travail, est identique à celui produit par une hausse de l’impôt proportionnel. Mais l’effet revenu direct est plus faible puisque le taux marginal ne s’applique dans ce cas qu’à un nombre réduit d’heures (les h0 premières heures). Ainsi, à taux égal,

l’impôt progressif produit certainement un « découragement net » plus important, et induit donc une offre de travail plus faible – si celle-ci n’est pas contrainte.

Figure 3.2 :

Effets comparés d’un impôt progressif ou proportionnel

C L Lpg L Lpp w wpg wpp C0

Soit w le taux de salaire initial

wpg le taux de salaire net perçu après imposition progressive ; le taux de salaire ne s’applique qu’au-delà d’un certain niveau d’offre de travail, et donc au delà d’un niveau de consommation donné C0

wpp le taux de salaire net obtenu dans le cas d’une imposition strictement proportionnelle Le taux d’imposition est identique à celui

affectant, dans le cas précédant, la seconde partie de la contrainte de budget ; mais il s’applique désormais à l’ensemble de cette contrainte ; On voit que l’effet revenu induit par l’imposition proportionnelle est plus important et donc que : L < Lpp< Lpg soit H > Hpp> Hpg < h0 >

T

L’effet de l’impôt sera en outre d’autant plus important que le nombre initial d’heures de travail est élevé, la décroissance du rendement marginal du travail allant alors en s’accélérant. La présence d’un impôt progressif peut ainsi influencer de façon particulièrement importante la décision de travailler à temps plein ou à temps partiel.

La progressivité de l’impôt affecte également les modalités de la décision d’offre de travail, puisque cette dernière entraîne dans le même temps la sélection d’une tranche d’imposition. Le

salaire net devient (partiellement) endogène, et la décision optimale d’offre de travail tient compte de l’effet induit par des variations du volume de travail sur le taux d’imposition84.

1.2.2. Imposition jointe versus séparée

L’unité d’imposition, ménage ou individu, constitue un autre élément clé de l’incidence de l’impôt sur les comportements féminins d’offre de travail. Pour donner un aperçu de son importance, on peut comparer, de façon très schématique, les effets attendus d’un régime d’imposition jointe ou séparée.

Encadré 3.2 :

Effets comparés d’une imposition jointe versus séparée sur les revenus du « travailleur secondaire »

(GUSTAFSSON, 1996)

On considère un couple pouvant être soumis à deux dispositifs d’imposition différents :

(i) Dans le premier cas, chaque partenaire est imposé de façon individuelle, et peut bénéficier d’un forfait d’exonération de revenu imposable lui permettant de disposer d’un certain niveau de revenu non salarial.

(ii) Dans le second cas, le revenu du couple fait l’objet d’une imposition jointe. Le partenaire à plus fort revenu peut alors bénéficier des deux forfaits d’exonération.

Le revenu du travail du partenaire féminin associé à ces deux situations peut être représenté dans un plan qui relie le niveau de revenu du ménage au volume de travail du partenaire féminin :

84 Cf. en particulier MACURDY,GREEN et PAARSH (1990), GUSTAFSSON (1996), ATALLAH (1998) et BLUNDELL et MACURDY (1999) pour des synthèses récentes sur cette question. La principale difficulté liée à l’estimation des comportements en présence d’un impôt progressif provient du fait que le paramétrage de l’équation d’offre de travail doit alors être contraint afin de tenir compte du fait qu’un individu « rationnel » peut décider de limiter son volume de travail à un niveau donné en raison de la perte de bien-être qui serait induite par l’accroissement de sa durée de travail, via la croissance du taux marginal d’imposition. Il faut imposer un effet salaire non compensé positif – l’effet substitution (Es) étant alors contraint à être supérieur à l’effet revenu (ER) : Es - ER > 0, de manière à « convexifier » l’ensemble budgétaire (HAUSMAN, 1985 ; BLUNDELL, 1993). On impose ainsi une pente positive à la courbe d’offre de travail, interdisant de fait toute courbure. L’ajout de cette restriction a néanmoins un coût méthodologique, puisque la forme des comportements est postulée a priori. Les conditions de cohérence théorique des décisions se transforment ainsi en contraintes imposées sur les observations empiriques, sans que les données puissent les contredire (MACURDY et al., 1990 ; BLUNDELL,1993). L’omission de restrictions spécifiques en présence d’un impôt progressif biaise négativement les élasticités du volume de travail : les effets de substitution sont sous-estimés et les effets revenu sur-estimés. Dans le cas d’un impôt proportionnel, l’omission est moins néfaste dans la mesure où le biais est alors absorbé par le terme constant (HAUSMAN, 1985).

xj xs Revenu Imposition séparée Imposition jointe ws wj a b c d

wj, ws représentent les taux de salaire net

respectivement dans un régime d’imposition joint ou séparé ; wj,<ws, puisqu’il est imposé au taux

marginal correspondant au revenu du couple. xj, xs désignent les niveaux de revenu non

salarial ; xj > xs puisqu’il est possible, pour le

mari de déduire deux forfaits.

La contribution du travail féminin au revenu du ménage dans le cas d’une imposition séparée (représentée par le segment ad) peut être comparée à celle obtenue dans un cas d’imposition jointe (bc).

Heures de travail h

Il apparaît que l’imposition jointe est préférée tant que le volume de travail ne dépasse pas un certain niveau, c’est-à-dire tant que la réduction d’impôt fait plus que compenser le plus faible rendement marginal du travail – par exemple lorsque la femme travaille à temps partiel. L’imposition individuelle est en revanche préférée si la durée du travail dépasse ce pallier – par exemple lorsque la femme travaille à temps plein. L’imposition jointe réduit donc fortement l’intérêt de l’activité du travailleur secondaire, cette réduction s’amplifiant avec le volume de travail et le taux marginal d’imposition. Le régime d’imposition joint peut alors être interprété comme un système dissuadant l’activité à temps plein des femmes ou favorisant le temps partiel.

On parle de régime d’imposition jointe lorsque l’impôt – le niveau du taux d’imposition – est calculé à partir des revenus cumulés des conjoints d’un ménage, par opposition au calcul fondé, dans un régime d’imposition séparée, sur les revenus individuels. Le régime joint renforce les effets négatifs de l’impôt sur l’offre de travail du « travailleur secondaire » puisque son revenu est alors soumis à un taux d’imposition nettement plus élevé que dans le cas d’une imposition séparée. La présence de dispositifs d’exonération, qui plus est transférables d’un partenaire à l’autre, nuance toutefois l’effet désincitatif associé à une imposition jointe. Les avantages d’un régime par rapport à l’autre dépendent dans ce cas du volume de travail (cf. encadré 3.3).

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