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produire et de la façon de partager » (B ROSSOLET , 1992, p 69) − et qui se retrouve

CONCLUSION-RESUME

Nous avons, tout d’abord, recherché les fondements des décisions d’offre et de division du travail dans une approche non coopérative des comportements. Les modèles non coopératifs d’offre de travail ne constituent pas un cadre suffisant dans la mesure où ne sont pas pris en compte les enjeux stratégiques de pouvoir liés à la division du travail de long terme. La division du travail pose en effet un problème de coopération asymétrique, que nous avons représenté sous la forme du jeu de la confiance de KREPS (1990) : la division du travail sera conditionnelle à la crédibilité de l’engagement du conjoint spécialisé dans le secteur marchand à ne pas accaparer la totalité du surplus auquel son pouvoir de négociation peut lui permettre de prétendre à long terme. Aucun mécanisme auto-exécutoire ni dispositif institutionnel externe n’apparaissent toutefois suffisants pour assurer la crédibilité de cet engagement. Seule la confiance accordée par le conjoint spécialisé dans le secteur domestique – même de façon très prudente – permet de soutenir la coopération. Cette confiance ne peut alors être réduite à un calcul stratégique permettant d’évaluer la crédibilité des engagements. Loin d’être un symptôme d’irrationalité, elle traduit la capacité pour les individus de juger la nature de la relation qui les lie, et de prendre de la hauteur vis-à-vis de leurs intérêts individuels en visant une rationalité collective. En suivant l’argumentation de BEN-PORATH (1980) et POLLAK (1985), on a soutenu que la confiance est

constitutive de la mise en place d’une organisation familiale efficiente, et scelle alors son identité. Le fondement de cette confiance, et des comportements coopératifs qui en découlent, réside dans la définition de règles relationnelles spécifiques qui définissent davantage la nature de la relation – par la définition d’obligations très générales, d’attitudes etc. – que son contenu exhaustif, et sur lesquelles se fonde alors la coopération. L’attention portée à la nature spécifique des relations familiales contribue, avec la formation d’une certaine intimité entre ses membres, l’adoption de règles de loyauté, etc., à l’efficience économique de l’organisation domestique.

ailleurs, les points de comparaison offerts par les normes de comportement sont des repères importants de l’évaluation de la justice (fairness) de la division du travail. Les études empiriques menées par GAGER (1998), et SMITH, GAGER et MORGAN (1998) suggèrent par exemple que les femmes évaluent la justice de la division du travail dans leur couple par rapport à la contribution du conjoint et à ce qu’elles observent dans les autres couples de même statut social.

L’existence de comportements coopératifs n’exclut toutefois pas la présence de conflit entre les conjoints sur les choix d’allocation des ressources. Cette combinaison entre coopération et conflit est au cœur d’un ensemble d’analyses des décisions économiques des ménages : d’un côté les modèles de négociation coopérative ; de l’autre, le modèle collectif qui propose une généralisation du cadre coopératif. Ces deux ensembles ont été présentés dans un deuxième et troisième temps. La division du travail a d’abord été présentée comme solution – de NASH – d’un modèle de

négociation coopérative, dès lors que la distribution du surplus satisfait les contraintes de rationalité individuelle donnée par l’utilité minimale éprouvée par chaque conjoint en cas de divorce. Son intensité est néanmoins limitée en raison de l’effet anticipé sur le pouvoir de négociation. A la différence du modèle unitaire, tous les revenus ne sont plus supposés mis en commun. Les choix du ménage seront dans ce cas différents selon la distribution interne du revenu entre les partenaires. Les controverses autour du choix du point de menace mettent toutefois en cause la pertinence de l’analyse. Le divorce apparaît une hypothèse de menace difficilement estimable empiriquement et théoriquement peu crédible. L’équilibre non coopératif comme position de menace est alors préféré par certains auteurs, hypothèse qui permet en outre de rompre définitivement avec l’hypothèse de mise en commun des revenus. La solution axiomatique de NASH apparaît toutefois difficilement testable, et impose une solution particulière

que la seule hypothèse de coopération ne permet pas de justifier.

Le modèle collectif se présente comme une généralisation axiomatique de l’approche coopérative, fondée sur l’unique hypothèse d’efficience collective des décisions. L’addition d’une hypothèse de préférences individuelles séparables permet de décrire un processus de décision relativement simple : une première étape, collective, détermine la règle de partage des revenus ; les conjoints sont ensuite capables, dans un deuxième temps, de déterminer leur comportement en fonction de leurs préférences individuelles – égoïstes ou altruistes au sens du caring. Trois avantages de l’approche ont été soulignés : (i) la cohérence du projet avec le principe d’individualisme méthodologique, auquel l’approche unitaire faisait entorse, (ii) l’ouverture à un ensemble d’arrangements coopératifs plus important que celui retenu par la solution de NASH et donc moins contraignant du point de vue de la rationalité individuelle ; (iii) la portée empirique qui, à partir d’un nombre limité d’hypothèses, permet de contourner le problème d’estimation des points de statut quo, d’identifier les formes structurelles des comportements – règle de partage des revenus et préférences individuelles –, et de tester la validité de cette représentation. A ce titre, plusieurs travaux ne rejettent pas les restrictions du modèle collectif, alors que le modèle unitaire est systématiquement rejeté. Les restrictions du modèle collectif sont toutefois rejetées – dans certains travaux – au sein de groupes de population particuliers comme par exemple les parents

d’enfant(s) en âge préscolaire. Cette rationalisation des décisions collectives s’effectue toutefois au prix d’une ignorance totale de l’intérêt intrinsèque porté par les conjoints à la nature de leur relation : sa valeur est uniquement instrumentale, de sorte que, en dernier lieu, seul compte le résultat accompli en termes de partage des revenus entre les conjoints, en considérant ces derniers comme de simples partenaires-cohabitants. Pourtant, comme le soulignent eux-mêmes BEN-PORATH (1980) et POLLAK (1985), cet intérêt pour la relation, constitutif de leur identité,

représente le cœur même de l’établissement de comportements coopératifs, et plus encore de la création d’une organisation économique tout à fait particulière. Cette valeur n’est pourtant pas strictement reflétée par la règle de partage des revenus – traduisant le fait que la nature de la relation n’est pas strictement réductible à son contenu : un partage de revenus donné – et l’état des consommations individuelles qui lui sont associées – correspondra ainsi par exemple à des situations de bien-être différentes selon que le revenu a été acquis par un transfert autoritairement décidé par le conjoint, ou de façon autonome. Elle aura une incidence sur les décisions d’offre de travail puisqu’une femme pourra par exemple préférer gagner par son travail un revenu moindre que ce qu’elle pourrait obtenir de son conjoint sans travailler. En ne considérant que les états de consommation et de loisir comme base d’information sur le bien-être, le cadre utilitariste semble, plus fondamentalement, incapable de considérer la variété de nature des relations conjugales qui peuvent être établies par les conjoints, qui soutiennent une perception variable du travail et des obligations familiales, et supportent des calculs et des formes d’organisation différentes. On en déduit la nécessité de concevoir la famille comme une organisation politique, et de concevoir alors les correspondances existant entre les différents registres de relation possibles, leur encastrement social, et la variété des formes d’organisation domestique.

CHAPITRE 3

PORTEE ET LIMITE DES MODELES D’OFFRE DE

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