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Un État de droit, démocratique et pluraliste

Dans le document Université Panthéon-Assas (Page 108-111)

Première partie : Vers un régime fédéral en Irak

1.2. Chapitre 2 : L’adoption du régime fédéral dans la Constitution permanente de 2005

1.2.2. Section 2 : Les grands changements apportés par la nouvelle Constitution irakienne de 2005

1.2.2.1. Les principes fondamentaux de la Constitution irakienne

1.2.2.1.2. Un État de droit, démocratique et pluraliste

Malgré l’absence de traditions démocratiques en Irak et l’obstacle que cela peut représenter à la mise en place d’un tel régime, l’article 1 de la nouvelle Constitution

240 OMAR, Ch., Les caractéristiques du système fédéral en Irak. Une étude analytique et comparative, thèse de doctorat, sous la direction de Pichtiwan Abdul-Kader, Université de Koya, 2009, p.115.

définit la République d’Irak comme une république fédérale, parlementaire et démocratique :

« La République d’Irak est un État fédéral, indépendant et pleinement souverain, son système de gouvernement est républicain, représentatif (parlementaire), et démocratique. Cette Constitution garantit l’unité de l’Irak. »

Succédant à quatre décennies de dictature, et quelles que soient ses chances de succès, ce nouveau régime et le principe de liberté publique qu’il introduit représentent une avancée historique pour l’Irak et pour le monde arabe dans son ensemble.

Parmi les éléments cardinaux de ce nouveau régime, la Constitution reconnaît la pluralité de l’Irak :

« L’Irak est un pays multi-ethnique, multi-religieux et multiconfessionnel ; il est membre fondateur et actif de la Ligue arabe et il est engagé à respecter sa charte ; il fait partie du monde musulman »241.

Nous remarquons que, tout en admettant cette diversité, la Constitution n’en spécifie cependant pas nommément les composantes, contrairement aux constitutions d’autres pays multi-ethniques242. En énumérant tous les peuples constitutifs de l’Irak, la Constitution aurait permis d’offrir une garantie supplémentaire aux minorités ethniques et religieuses, jusqu’aux moins nombreuses d’entre elles, telles que les chaldéens et les Yézidis, sans pour autant altérer l’importance et la légitimité des majorités relatives arabe et kurde ou de la majorité musulmane, qui restent indéniables.

Notons ici qu’il ne devrait pas revenir à la Constitution irakienne de juger si l’Irak est ou non un membre actif de la Ligue arabe. L’appartenance de l’Irak à la Ligue et sa qualification de membre actif devrait être définie par la Ligue arabe elle-même dans son règlement intérieur, et non dans la Constitution irakienne243. Mais pour

241 Art. 3 de la Constitution irakienne de 2005

242 Dans le cadre d’une réforme constitutionnelle proposée par le roi du Maroc dans le contexte du Printemps Arabe, les Marocains ont adopté par référendum, le 1er juillet 2011, une nouvelle Constitution qui cite dans son préambule toutes les composantes de la société marocaine : « Le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamiques, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie des influences africaine, andalouse, hébraïque et méditerranéenne ».

243 OMAR, Ch., op. cit. p.117.

certains Arabes sunnites, il était nécessaire, de réaffirmer, à travers cette appartenance, le caractère arabe de l’Irak face à l’Iran perse et aux Kurdes d’Irak.

Sur la base de cette pluralité constitutionnellement reconnue, et malgré l’expansion du terrorisme en Irak après 2003, les Irakiens poursuivent leurs efforts vers la construction d’un État de droit. Cela est affirmé dès le préambule de la Constitution, qui déclare que « le terrorisme n’a pas empêché le peuple irakien de construire l’État de droit ».

Le chapitre 2 prévoit la quasi-totalité des dispositions caractéristiques d’un État de droit. Ce chapitre, intitulé « Droits et libertés », énumère les droit civiques et politiques des citoyens irakiens (articles 14 à 21) ainsi que leurs droits sociaux, économiques et culturels (articles 22 à 36). Des libertés fondamentales, qui n’étaient pas présentes sous le régime baassiste, sont garanties, telles que la liberté d’expression, la liberté de réunion, d’association et de rassemblement pacifique, la liberté de la presse, la liberté de pensée et de conscience (articles 35 et 36), ainsi que la liberté de culte (article 10).

L’article 15 garantit des droits individuels fondamentaux :

« Tout individu a le droit de jouir de la vie, de la sécurité et de la liberté. »

L’article 17 garantit le droit à la vie privée :

« 1. Tout individu a le droit au respect de la vie privée, dans la mesure où cela ne va pas à l’encontre des droits des autres citoyens et de la morale publique. 2. L’inviolabilité du domicile est préservée, et aucun domicile ne peut être violé, ni fouillé ou mis en danger, sauf dans le cas d’une décision judiciaire, et en accord avec la loi ».

L’indépendance de la justice, déjà garantie par la LAT, est maintenue. L’article 19 précise que le pouvoir judiciaire est indépendant, qu’aucun crime ou punition ne peuvent être admis sans se baser sur un texte de loi, que le droit à un procès juste et équitable est maintenu et garanti pour tous, et que tout accusé sera présumé innocent jusqu’à ce que le tribunal déclare sa culpabilité.

En outre, dans son troisième chapitre, la Constitution consacre une section (articles 102 à 108) à la création de commissions indépendantes pour des secteurs stratégiques de la vie publique. L’article 102 dispose :

« La Haute Commission des Droits de l’Homme, la Haute Commission Indépendante pour les Élections et la Commission d’Intégrité sont des commissions indépendantes et sous le contrôle du Parlement244, leurs fonctions seront déterminées par une loi ».

Les articles suivants continuent d’énumérer les commissions indépendantes telles que la Banque Centrale Irakienne, le Bureau de Contrôle Financier, le Comité des Médias et des Communications, ainsi que le Comité des Legs Pieux245. L’article 104 prévoit la création d’un comité rattaché au Conseil des ministres, nommé

« Fondation des Martyrs »246. D’autres commissions fédérales indépendantes sont prévues dans la Constitution : il s’agit de la commission publique visant à garantir les droits des régions et des gouvernorats non organisés en région247, de la commission publique pour contrôler et allouer les revenus fédéraux248 et d’un conseil nommé

« Conseil du Service Public Fédéral »249. La Constitution précise que la création de ces commissions, leurs fonctions et leurs compétences seront déterminées par la loi. De plus, elle laisse la possibilité de créer d’autres commissions indépendantes : « Il est possible de créer d’autres commissions indépendantes, selon le besoin et la nécessité, par la loi»250.

Toutes les dispositions semblent être là pour que l’Irak puisse devenir un État de droit et se développer comme un pays démocratique251. La question qui demeure est la suivante : les dispositions en question seront-elles vraiment appliquées ? L’héritage de trente-cinq ans de dictature et les divergences au sein même de l’appareil politique irakien ne constitueront-ils pas des obstacles trop importants?

1.2.2.1.3. Un État fédéral

244 Ceci est la traduction du texte original. Ces deux qualifications, qui peuvent sembler contradictoires, y sont formulées ainsi.

245 Art. 103 de la Constitution irakienne de 2005

246 La Fondation des Martyrs a été créée par le décret du Conseil présidentiel n° 3 du 8 janvier 2006.

Voir le site Internet http://www.alshouhadaa.com/.

247 Art. 105 de la Constitution irakienne de 2005

248 Art. 106 de la Constitution irakienne de 2005. Malgré l’importance d’une telle commission, en particulier dans la mesure où la région de Kurdistan a depuis longtemps des ressources propres, cette commission n’existe pas en Irak.

249 Art. 107 de la Constitution irakienne de 2005. Le Conseil du Service Public Fédéral fut créé par la Loi n° 4 de 2009, soit trois ans et demi après l’adoption de la Constitution irakienne de 2005, pour gérer les affaires concernant le fonctionnement public fédéral, y compris la nomination et la promotion des fonctionnaires fédéraux.

250 Art. 108 de la Constitution irakienne de 2005

251 MAKAYA, K., « La volonté de comprendre », disponible sur le site Internet http://pages.usherbrooke.ca/imakaya/Constitution_irakienne2.htm consulté le 19 septembre 2011.

Dans le document Université Panthéon-Assas (Page 108-111)