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La création de la Chambre de la fédération selon la Constitution de 2005

Dans le document Université Panthéon-Assas (Page 140-143)

Première partie : Vers un régime fédéral en Irak

2.1. Chapitre 1 : Les structures de l’État

2.1.1. Section 1. Le pouvoir législatif

2.1.1.2. La Chambre de la fédération

2.1.1.2.1. La création de la Chambre de la fédération selon la Constitution de 2005

La nouvelle Constitution irakienne ne consacre qu’un seul article à la création et à la composition de la Chambre de la fédération, qui constitue pourtant l’un des piliers du pouvoir législatif dans un système fédéral. Il s’agit de l’article 65, qui précise que cette Chambre doit réunir des représentants des régions et des gouvernorats non organisés en région. Ce groupement, sous une même disposition, des régions et des gouvernorats non organisés en région, vise sans doute à ne pas donner au Kurdistan un pouvoir disproportionné en l’absence d’autres régions. Cependant, il est à noter que, comme nous l’avons vu dans le chapitre 2 du premier titre de cette partie, les gouvernorats non organisés en région n’ont pas vocation à être un élément constitutif du système fédéral, et n’ont donc pas leur place dans un tel organisme.

Cet article prévoit que la Chambre de la fédération sera créée par une loi de la Chambre des représentants adoptée à la majorité des deux-tiers. Ainsi, son existence et toutes les précisions concernant son statut, ses modalités de fonctionnement, et ses rapports avec la Chambre des représentants, sont laissées aux mains de cette dernière.

Cela crée d’office une situation de déséquilibre entre les deux chambres, en conférant à la Chambre des représentants une forme de domination menaçant la stabilité du pouvoir législatif fédéral, qui devrait reposer sur deux chambres d’importance égale.

En outre, ayant un rôle protagoniste dans la création de la Chambre de la fédération, la Chambre de représentants a le droit d’en modifier ou d’en annuler les pouvoirs, voire de voter la suppression définitive de cette Chambre332. Cela la met dans une position de force en cas de désaccord entre les deux, renforçant encore le déséquilibre.

Concernant la date de création de la Chambre de la fédération, la Constitution reporte d’emblée l’application des dispositions qui la concernent jusqu’au deuxième mandat de la Chambre des représentants. L’article 137 prévoit :

332 MAWLOUD, M.-O., op.cit. p.520.

« L’application des dispositions contenues dans les articles relatifs à la Chambre de la fédération, où que (ces dispositions) soient citées dans cette Constitution, est reportée jusqu’à la promulgation d’une décision de la Chambre des représentants, par la majorité des deux-tiers, à une date ultérieure à la fin de son premier mandat à compter de l’entrée en vigueur de cette Constitution. »

Trois ans après le début de ce deuxième mandat, la Chambre de la fédération n’a toujours pas été créée et, d’après les recherches que nous avons menées pour cette thèse, ne semble avoir fait l’objet d’aucun projet de création. En l’absence de cette Chambre, c’est la Chambre des représentants qui concentre à elle seule le pouvoir législatif fédéral en Irak. Cette absence amplifie encore le déséquilibre au sein du pouvoir législatif, et y ajoute deux autres dimensions : d’une part, un déséquilibre entre le gouvernement central et les régions au sein de l’Irak fédéral333 ; d’autre part, un déséquilibre entre les intérêts arabes et les intérêts kurdes. En effet, face à une Chambre des représentants dominée par les Arabes, sunnites et chiites, une Chambre de la fédération – dans l’hypothèse où sa composition et ses modalités de fonctionnement donneraient au Kurdistan une représentation assez importante pour représenter un droit de veto – pourrait empêcher l’adoption de lois contraires aux intérêts kurdes334.

Au regard des risques que tous ces déséquilibres constituent pour le régime et la stabilité des institutions en Irak, il eût été plus prudent et plus cohérent que la création de la Chambre de la fédération relevât de la Constitution.

Par ailleurs, l’article 105 prévoit la création d’une commission publique devant garantir les droits des régions et gouvernorats non organisés en région concernant, notamment, leur participation à la gestion des différentes institutions fédérales, leur représentation au sein des délégations à l’étranger, et leur présence aux conférences régionales et internationales. Cette commission doit être composée des représentants du gouvernement fédéral, des régions et des gouvernorats non organisés en région. La création et les modalités de cette commission restent à déterminer par une loi ultérieure335, ce qui, encore une fois, en laisse le sort aux mains d’un gouvernement central peu enclin à diluer son pouvoir. Notons ici qu’à ce jour, huit ans après

333 ALI, A., op.cit. p. 170.

334 Selon Saywan Barzani, Ambassadeur d’Irak en Italie, « la moitié des représentants (au sein de la Chambre de la fédération ) devraient être des Kurdes pour empêcher l’adoption de lois contraires aux intérêts kurdedans l’Assemblée nationale irakienne. BARZANI S. op. cit., p. 403.

335 Art. 105 de la Constitution irakienne de 2005

l’adoption de la Constitution, cette commission, elle non plus, n’a toujours pas été créée336.

On peut s’interroger sur la raison d’être de l’article 105 de la Constitution. La commission qu’il prévoit et la Chambre de la fédération sont-elles appelées à avoir des fonctions assez différentes pour justifier l’existence de deux organismes337? Le législateur irakien voulait-il combler le vide parlementaire pendant le premier mandat de la Chambre des représentants, en créant une commission qui remplacerait la Chambre de la fédération? Dans cette hypothèse, cette commission aurait-elle été souhaitée par les constituants kurdes pour protéger les intérêts de leur région ? Si tel est le cas, pourquoi les Arabes auraient-ils accepté cette proposition ?

De façon plus large, nous nous interrogeons sur l’absence à ce jour de cette commission comme sur celle de la Chambre de la fédération, qui sont pourtant des instruments essentiels du fédéralisme.

Bien entendu, le fait qu’il n’y ait qu’une seule entité fédérée en Irak remet à lui tout seul en question l’opportunité de telles institutions. Une analyse de la situation politique de l’Irak depuis 2003 fournit des réponses complémentaires à cette question.

En effet, le contexte de transition a pu favoriser la prise d’engagements et les promesses, surtout de la part des Arabes et des Américains qui voulaient stabiliser la situation en Irak dans les meilleurs délais et à tout prix. Par ailleurs, la situation intérieure en Irak, marquée par les violences et les actes terroristes, a pu détourner des priorités et paralyser le fonctionnement des institutions politiques existantes, entravant ainsi la mise en place de nouvelles structures338. Au-delà de ces raisons

336 Un comité gouvernemental a été constitué en 2012 afin de rédiger un projet de loi concernant la création de cette commission. Lors de la première réunion de ce comité le 2 juillet 2012, il a été question qu’il assure les fonctions de la commission en question en attendant sa création, ce qui n’a pas été confirmé à ce jour. Information trouvée sur le site Internet d’actualités irakien Iraqi Media Net : www.imn.iq, consulté le 28 octobre 2012.

337 POUPART, A., op. cit., p. 103.

338 Lors d’une interview en juin 2009, répondant à une question concernant la Chambre de la fédération et la commission publique sur les droits des régions et gouvernorats, Nechirvan Barzani, Premier ministre du Kurdistan d’Irak, a déclaré: « Pour nous, la question de la sécurité en Irak est la priorité.

Au Kurdistan, nous vivions davantage en sécurité que dans le reste de l’Irak, mais nous sommes tous dans le même pays et nous faisons partie de l’Irak, donc cette question nous concerne. C’est pourquoi nous ne nous préoccupons pas assez souvent de la question de la création de ces institutions fédérales. »

conjoncturelles, l’absence de ces deux institutions révèle peut-être l’existence d’une opposition au système fédéral irakien lui-même339.

2.1.1.2.2. La composition et les pouvoirs de la Chambre de la

Dans le document Université Panthéon-Assas (Page 140-143)