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Les pouvoirs budgétaires, fiscaux et monétaires

Dans le document Université Panthéon-Assas (Page 194-197)

Première partie : Vers un régime fédéral en Irak

2.2. Chapitre 2 : La répartition des pouvoirs dans le système fédéral irakien

2.2.1. Section 1 : Les pouvoirs exclusifs du gouvernement fédéral

2.2.1.3. Les pouvoirs budgétaires, fiscaux et monétaires

L’article 110-3 de la Constitution attribue exclusivement au gouvernement fédéral – en plaçant de façon assez disparate à l’intérieur d’un même article des pouvoirs d’importance variée – la formulation des politiques fiscale et douanière de l’État, la formulation de la politique commerciale nationale, l’établissement du budget général de l’État, la formulation de la politique monétaire et l’émission de la monnaie, et enfin la création et la gestion de la banque centrale.

En Suisse, la Constitution confère au gouvernement fédéral le pouvoir de définir les principes et le cadre général de la politique fiscale515 ainsi que la politique des impôts fédéraux qui doit tenir compte de la taxation directe des cantons et des communes516. La Constitution oblige en outre le gouvernement fédéral à maintenir l’équilibre fiscal entre les cantons lorsqu’il décide des contributions et des financements de chaque canton à la lumière des prévisions concernant leurs capacités517. Par ailleurs, le gouvernement fédéral est compétent pour la mise en place

514 Art. 9-1-b de la Constitution irakienne de 2005

515 Art. 127 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse de 1999

516 Art. 128 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse de 1999

517 Art. 135 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse de 1999

des lois relatives aux douanes et aux taxes douanières sur les marchandises importées518.

Au Canada, les compétences fiscales, budgétaires et commerciales sont partagées entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces au titre des articles 91 et 92 de la Constitution. Le pouvoir fédéral se charge des questions de la dette publique, de la politique commerciale et des échanges, de la taxation, et de l’émission de la monnaie. Les provinces devant par ailleurs assurer de nombreux services publics, elles peuvent de leur côté imposer une taxation locale directe afin de financer des services dans les limites de leur territoire; elles bénéficient par ailleurs d’autres sources de financement possible à travers un accès aux emprunts nationaux et internationaux. Ces provinces se sont ainsi progressivement dirigées vers un financement autonome de leurs dépenses.

En Belgique, la Constitution prévoit que le gouvernement fédéral est compétent pour adopter une loi fixant le système de financement des communautés, et que ce sont les parlements des communautés qui déterminent, chacun pour ce qui le concerne, l'affectation de leurs recettes519.

Pour ce qui est de l’Irak, si l’orientation générale de la Constitution est très claire dans le sens de l’attribution des compétences budgétaires, fiscales et commerciales au gouvernement fédéral, la formulation spécifique de ces dispositions soulève en revanche des questions.

En effet, concernant la politique douanière, l’application de l’article 110-3 risque de se heurter aux dispositions de l’article 114-1 selon lesquelles l’administration des douanes est gérée par le gouvernement fédéral en coordination avec les gouvernements des régions et gouvernorats non organisés en région dans le cadre des pouvoirs partagés. En effet, on peut s’attendre à ce que dans la pratique, des contradictions et des tensions puissent émerger entre la politique et l’administration dans le domaine fiscal et douanier. Or, dans la mesure où, en vertu de l’article 115, en cas de conflit entre le gouvernement central et les régions sur une question de compétence, c’est la loi de ces dernières qui prime, l’article 114-1 risque d’atténuer la portée de l’article 110-3.

518 Art. 133 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse de 1999

519 Art. 175 de la Constitution belge de 1994

La question de la compétence budgétaire de l’État telle qu’elle est traitée par la Constitution nous apparaît également confuse. En effet, après avoir été mentionné à l’alinéa 3 de l’article 110, l’établissement du budget général de l’État est énoncé à nouveau à l’alinéa 7 du même article, sans qu’apparaisse une raison claire pour cette nouvelle mention. De plus, cet alinéa mentionne également l’établissement du budget d’investissement. Or, le système reposant sur un double budget en vigueur en Irak depuis la création du Conseil de la reconstruction, a été remplacé, après la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, par un système de budget unique. Le budget d’investissement n’est d’ailleurs mentionné nulle part parmi les compétences du Conseil des ministres et de la Chambre des représentants.

Les dispositions de l’article 110 doivent être complétées, selon l’article 106, par la création d’une Commission publique de contrôle composée d’experts du gouvernement fédéral, des régions et des gouvernorats. Cette commission doit avoir pour mission de contrôler l’affectation des recettes fédérales et la répartition équitable des allocations, aides et crédits provenant des organisations internationales en fonction des besoins de chaque région ou gouvernorat. Elle doit également vérifier l’utilisation optimale des ressources financières fédérales et la transparence des procédures et processus y afférant520. Notons que cette Commission n’a pas encore été mise en place et que la répartition des recettes fédérales est aujourd’hui fixée par la loi sur le budget votée annuellement521. Jusqu’à présent, cette loi a toujours clairement confirmé que le gouvernement fédéral en Irak conserve le contrôle du budget alloué aux régions et gouvernorats522.

Nous remarquons par ailleurs que la Constitution irakienne a omis une question très importante concernant la politique de la dette publique. L’Irak ayant un passif très

520 Art. 106 de la Constitution irakienne de 2005.

521 À titre d’exemple, la Loi du budget fédéral de 2011 promulguée le 20 février 2011 (accessible sur le site Internet officiel de la Chambre des représentants www.parliament.iq) fixait la part de la région du Kurdistan à 17 % de l’ensemble des dépenses. En vertu de l’article 14 de cette loi, en cas d’excédent du budget fédéral de l’année, une enveloppe supplémentaire de 17 % de l’excédent serait ajoutée au budget de la région sous réserve que le gouvernement du Kurdistan fasse une estimation prévisionnelle de ses recettes de 2011 et qu’il la communique à la Direction du budget du ministère fédéral des Finances.

522 Chaque année, la Loi sur le budget fédéral comporte une disposition précisant que la part de la région ne sera débloquée qu’après la tenue de consultations et de concertations entre les ministères compétents du gouvernement fédéral et de la région du Kurdistan. Cf. Art. 14-2 de la Loi sur le budget fédéral de 2011.

lourd en la matière523, il aurait été opportun de prévoir une disposition constitutionnelle limitant la possibilité pour l’État de recourir aux emprunts auprès d’États étrangers et d’institutions financières internationales pour des motifs autres que l’investissement dans des secteurs productifs.

Enfin, nous remarquons que la Constitution n’attribue nulle part au gouvernement fédéral le pouvoir de prélever des impôts. Nous considérons que cela est en rapport avec l’importance des revenus liés au pétrole, qui confèrent au gouvernement une pleine autonomie financière vis-à-vis de ses citoyens. On peut cependant se demander quel est le droit de parole d’un peuple exonéré d’impôts, et si la démocratie ainsi constituée est bien saine524.

Dans le document Université Panthéon-Assas (Page 194-197)