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Les langues officielles

Dans le document Université Panthéon-Assas (Page 124-127)

Première partie : Vers un régime fédéral en Irak

1.2. Chapitre 2 : L’adoption du régime fédéral dans la Constitution permanente de 2005

1.2.2. Section 2 : Les grands changements apportés par la nouvelle Constitution irakienne de 2005

1.2.2.2. Les grandes questions culturelles, sociales et religieuses

1.2.2.2.3. Les langues officielles

La Constitution reconnaît les langues arabe et kurde comme les langues officielles de l’État irakien277, faisant de cette dernière la cinquième langue officielle au Moyen-Orient, après l’arabe, le persan, le turc et l’hébreu. La Constitution reconnaît par ailleurs le turkmène et le syriaque comme autres langues officielles au sein des territoires administratifs où elles représentent une certaine proportion de la population. Il en est de même pour toute autre langue à la condition que la population l’accepte par référendum.

275 L’article 18, alinéa 2 de la Constitution irakienne de 2005 prévoit : « Est irakien l’individu né de père irakien ou de mère irakienne, cela sera déterminé par la loi. »

276 L’article 88 de la Constitution irakienne de 2005 stipule : « Les juges sont indépendants et ne sont soumis à aucune autorité, mise à part la loi, et aucune autorité n’est autorisée à s’ingérer dans les affaires du pouvoir judiciaire et de la justice. »

277 La question des langues officielles en Irak a fait l’objet d’importantes négociations lors de la rédaction de la Constitution de 2005. En effet, les Arabes souhaitaient que le kurde ne devienne une langue officielle, aux côtés de l’arabe, qu’au Kurdistan. Les Kurdes, eux, revendiquaient une reconnaissance des deux langues en tant que langues officielles dans les institutions de l’ensemble de l’Irak. Cette revendication était pour les Kurdes une façon d’affirmer leur existence et leur importance en tant que peuple à part entière au sein de l’Irak. Ils veulent, que les Irakiens sachent une vérité absolu, celle qu’il existe un autre peuple dans ce pays avec des caractères différents. La langue kurde, pour eux, est facteur principal de leur existence. Face à la proposition kurde et afin d’étayer leur position, les Arabes ont proposé que chaque région d’Irak ait sa propre langue officielle aux côtés de l’Arabe. Ce sont finalement les Kurdes qui sont parvenus à imposer leur point de vue.

L’article 4 de la Constitution dispose:

« 1. La langue arabe et la langue kurde sont les deux langues officielles de l’Irak, et il est garanti aux Irakiens le droit à l’éducation de leurs enfants dans leur langue maternelle, comme le turkmène, le syriaque ou l’arménien, dans les institutions éducatives gouvernementales, selon les règles pédagogiques, ainsi que toute autre langue dans les institutions éducatives privées.

2. La définition de la langue officielle et la manière d’appliquer les règles de cet article seront déterminées dans une loi relative à :

a. La publication du journal officiel dans les deux langues ;

b. L’usage des deux langues dans les institutions officielles telles que la Chambre des représentants, le Conseil des ministres et les tribunaux, ainsi que lors des conférences officielles ;

c. La reconnaissance des documents et correspondances officiels écrits dans les deux langues ainsi la publication des documents officiels également dans les deux langues ;

d. L’ouverture d’écoles où l’enseignement se fait dans les deux langues, selon les directives pédagogiques ;

e. L’emploi (des deux langues) dans tout autre domaine régi par le principe d’égalité, comme les billets de banque, les passeports et les timbres ;

3. Les institutions fédérales et officielles (institutions locales) du Kurdistan emploient les deux langues278 ;

4. Le turkmène et le syriaque sont deux autres langues officielles dans les unités administratives où elles représentent une certaine densité de la population ;

5. Chaque région ou gouvernorat a le droit d’adopter toute autre langue locale comme une langue officielle supplémentaire si la majorité de leur population le décide par référendum. »

Sur la question des langues, la Constitution irakienne diffère de la LAT principalement en deux points. Le premier concerne la reconnaissance constitutionnelle du turkmène et du syriaque, au sein des unités administratives où la population le justifie, et de langues officielles supplémentaires sur référendum. En effet, la LAT n’accordait pas cette possibilité.

Le deuxième point concerne l’usage des langues officielles : la Constitution oblige les institutions fédérales et locales de la région du Kurdistan à utiliser l’arabe et le kurde279, alors que la LAT n’exigeait l’usage des deux langues que pour les institutions fédérales du Kurdistan, et non pour les institutions locales. Du point de vue

278 Notons que l’usage de ces deux langues dans toutes les institutions fédérales souligne l’aspect fédéral de l’État irakien.

279 Art. 4, alinéa 3 de la Constitution irakienne de 2005

kurde, il s’agit d’une régression sur le plan linguistique dans la mesure où l’obligation de l’usage de la langue arabe même dans les institutions locales représente un frein à l’évolution, voire à la survie de la langue kurde.

En attribuant une reconnaissance officielle aux langues pratiquées sur le territoire irakien, l’article 4 de la Constitution irakienne suit le modèle constitutionnel d’autres pays fédéraux. À titre d’exemple, l’article 16 de la loi constitutionnelle canadienne de 1982 prévoit: « Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada ».

Malgré la reconnaissance constitutionnelle de ces langues officielles, il n’est pas garanti que les dispositions portées à l’article 4 seront appliquées280. Cette garantie fait défaut au niveau constitutionnel même, puisque cet article laisse à une loi ultérieure le soin de déterminer de nombreux détails. Dans les faits, l’arabe reste la langue la plus répandue au niveau national. Dans les secteurs de la fonction publique en particulier, cet article 4 risque de se heurter à une connaissance très limitée de la langue kurde. En effet, les Arabes n’ont jamais consenti à apprendre le kurde et l’application de cet article sera difficile pour eux281. Le bilinguisme canadien et le trilinguisme belge rencontrent les mêmes difficultés.

Sans une très forte volonté politique, qui n’existe pas pour le moment, l’article 4 ne sera donc vraisemblablement pas appliqué comme il est prévu dans la Constitution.

280 Dans le cadre des recherches que nous avons effectuées sur les sites Internet officiels de la Chambre des représentants, de la présidence de la République et du Conseil des ministres, nous avons remarqué que les deux premiers sites sont rédigés en arabe, en kurde et en anglais, alors que le dernier n’est rédigé qu’en arabe et en anglais. Il est surprenant que le Conseil des ministres n’assure pas une version de son site dans toutes les langues officielles du pays avant de présenter une version en langue anglaise, qui n’a pourtant aucun statut officiel en Irak. Notons qu’en revanche, tous les sites Internet des institutions publiques de la région du Kurdistan que nous avons consultés sont pour leur part publiés dans les trois langues – arabe, kurde et anglais.

281 BABAN, B., op. cit., p. 96.

1.2.2.2.4. Les autres apports de la Constitution de 2005 à la société

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