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Typologie 3 : impact de l’innovation sur l’organisation

SECTION 1 : Question de recherche et cadre théorique

IV. Construction sociale Il existe un phénomène de réseau mais le

2.3. Typologie 3 : impact de l’innovation sur l’organisation

Nous terminerons cette partie en questionnant l’importance de cette innovation pour les entreprises. Selon Chatterjee et al. les technologies web doivent être classées dans les innovations de type 3, c’est-à-dire des innovations qui reflètent des actions concernant l’ensemble de l’entreprise, car elles affectent la stratégie, les activités, les processus (Chatterjee et al. 2002), avec en ordre d’importance :

- Type 1: “process innovation restricted to the functional IS core”;

- Type 2: “innovation applies IS products and services to the administrative core of the host organization business”;

- Type 3: “innovation integrates IS products and services with core business technology, and typically impacts upon general business administration as well. The whole business is potentially affected, and the innovation may well be strategic, in terms of offering competitive advantage to those which are among the early adopters” (Swanson 1994).

Considérer les technologies web comme des innovations de type 3 implique que le nombre de parties prenantes sera bien plus important que dans le cas des innovations de type 1 ou 2. La question de la division du travail, de la répartition des rôles entre les différents groupes professionnels est donc, avec cette nouvelle approche, nettement plus présente1.

Cette première partie a permis de montrer que les technologies web étaient des technologies équivoques, peu restrictives, très évolutives et qui nécessitent la mobilisation de compétences variées. Ces caractéristiques sont essentielles à considérer pour comprendre leur diffusion car elles amènent le chercheur à réfléchir à des approches théoriques qui permettent de considérer finement les contextes locaux d’implémentation sans assimiler les technologies web à de simples boites noires.

1 Déterminer dans quel type il faut ranger une innovation est évidemment plus simple a posteriori, une fois que celle-ci est déjà utilisée depuis un certain temps.

Ce travail de définition a permis de faire émerger des propositions qui renvoient aux prémices proposées par Orlikowski et Lacono (2001) pour aborder l’analyse des TI :

1) “Because IT artifacts are designed, constructed, and used by people, they are shaped by the interests, values, and assumptions of a wide variety of communities of developers, investors, users, etc.” ; 2) “their materiality is bound up with the historical and cultural aspects of their ongoing development and use, and these conditions, both material and cultural, cannot be ignored, abstracted, or assumed away” ;

3) “IT artifacts are usually made up of a multiplicity of often fragile and fragmentary components, whose interconnections are often partial and provisional and which require bridging, integration, and articulation in order for them to work together” ;

4) “IT artifacts are neither fixed nor independent, but they emerge from ongoing social and economic practices”;

5) “IT artifacts are not static or unchanging, but dynamic” (Orlikowski et al. 2001).

Ces prémices sont cohérentes avec notre description des technologies web et avec notre intention de prendre en compte le rôle des acteurs et du contexte dans une perspective dynamique. Ce travail de définition réalisé, abordons à présent le cœur de notre problématique : la question de la diffusion.

« La question était de savoir si les « sources de vie » n’ont pas été affaiblies par le développement… - Des chemins de fer ? s’écria Kolia. - Non, pas des chemins de fer, jeune outrecuidant, mais de la tendance à laquelle les chemins de fer peuvent servir, pour ainsi dire, d’image et de figuration plastique. On se dépêche, on se démène à grand bruit pour le bonheur de l’humanité ! Un penseur retiré du monde déplore cette trépidation : « L’humanité devient trop bruyante et trop industrielle, aux dépens de sa quiétude morale. » - « Soit ; mais le bruit des charrettes qui apportent le pain aux hommes affamés vaut peut-être mieux que la quiétude morale », réplique triomphalement un autre penseur qui circule partout et se détourne du premier avec superbe. Et moi, l’abject Lébédev, je ne crois pas aux charrettes qui apportent le pain à l’humanité ! Car si une idée ne les dirige pas, ces charrettes peuvent froidement exclure du droit au pain qu’elles transportent une bonne partie du genre humain ; cela s’est déjà vu. »

Dostoïevski, F. 2002. (1868-1869). L’idiot. Paris, Folio, p. 495.

CHAPITRE 2

Diffusion des technologies web : proposition d’un modèle intégrateur

Les évaluations sur le nombre de sites sont variables selon les sources et il n’est pas toujours facile de faire des recoupements en raison des différences dans les périmètres et les dates des comptages. Ainsi, l’OCDE recensait 35 millions de sites web en activité en juillet 2002 dans les pays membres de l’organisation. Selon l’éditeur britannique Netcraft, il y avait plus de 100 millions de sites web dans le monde au début du mois de novembre 2006 (Anonyme 2006). Enfin, selon l’OCLC (Online Computer Library Center)1, la Toile comprenait au début du 21ème siècle 8,7 millions de sites Internet à travers le monde, dont 3,1 millions de sites délibérément ouverts au public. Si ces écarts dans les valeurs sont importants, l’essentiel n’est

1

pas là mais dans les rythmes de croissance : entre 1998 et 2002, le nombre de sites a par exemple progressé de 457% (Santrot 2001)1.

Nombre de sites Internet dans le monde

0 500 000 1 000 000 1 500 000 2 000 000 2 500 000 3 000 000 3 500 000 1998 1999 2000 2001 2002 Public Privé En construction

- Sites publics : le site fournit un accès libre et non restreint à l’ensemble ou du moins à une partie significative du contenu.

- Site privé : le contenu du site est destiné à une audience restreinte : soit de façon explicite (accès payant ou sur autorisation), soit de façon implicite (évidence d’après la nature du contenu).

- En construction : le site n’est pas terminé et/ou il offre du contenu trivial, qui représente très peu d’intérêt.

Le graphique illustre bien la rapidité de la diffusion des technologies web, mais expliquer pourquoi et comment s’est déroulée cette diffusion est une question nettement plus complexe. Les recherches sur la diffusion des innovations technologiques sont traditionnelles et volumineuses en MSI (Moore et al. 1991; Orlikowski et al. 2001) :

“the adoption of information technologies by individuals and organizations has been an area of substantial research interest since the early days of computerization (…) The adoption of information technologies by individuals and organizations is part of the process of IT implementation, a research area which has received substantial attention during the last 25 years (Kwon et al. 1987). Understanding how to implement IT successfully is one of the challenging issues facing the IS field (Brancheau et al. 1990; Swanson 1988)” (Moore et al. 1991).

Si le sujet est toujours d’actualité, il est aussi largement rebattu. Nous voulons donc éviter de produire une nouvelle recherche sur un cas empirique récent, la diffusion des technologies web1, qui irait simplement corroborer des théories existantes. Notre objectif est de montrer en quoi les spécificités des technologies web nécessitent au contraire une nouvelle approche pour aborder cette question très classique de la diffusion des innovations technologiques.

Avant de présenter une revue de la littérature, il nous a semblé indispensable de prendre certaines précautions pour utiliser au mieux les recherches qui portent sur la diffusion des technologies.

Les mots de la diffusion : A.A.A.

Les mots en sciences sociales sont de véritables pièges. La difficulté est d’autant plus grande quand le terme est utilisé dans le langage de tous les jours – de ce constat vient peut-être l’explication du jargon utilisé par les scientifiques qui vise à se différencier et à mieux saisir la complexité du réel :

« Comme dans les langues de métiers, la prolifération conceptuelle correspond à une attention plus soutenue envers les propriétés du réel, a un intérêt mieux en éveil pour les distinctions qu'on peut y introduire » (Levi-Strauss 1962, p. 5).

Le mot diffusion est certes régulièrement utilisé dans la vie quotidienne, et pourtant, il est difficile de proposer une définition simple et porteuse de sens de ce concept. Où commence et où s’arrête la diffusion ? Quels sont les processus à l’œuvre ? Le lecteur attentif aura remarqué l’absence du terme même de diffusion dans la citation de Moore et Benbasat. Les auteurs utilisent les mots d’adoption et d’implémentation. Cette différence dans l’utilisation des mots n’est pas qu’anecdotique. Elle renvoie à la diversité des perspectives et des analyses sur cette question. Certains auteurs considèrent que les problématiques d’adoption et d’implémentation sont liées tandis que d’autres assimilent adoption et diffusion. Une synthèse de la littérature ne permet pas de trouver une parfaite cohérence dans les réponses apportées par les chercheurs. La vision communément partagée de la diffusion renvoie au processus

1 La diffusion de ces technologies au niveau du grand public ne sera pas directement abordée. Pour avoir des éléments sur cette question, le livre de Katz (2002) offre un panorama intéressant.

Katz, J.E., et Rice, R.E. Social Consequences of Internet use. Acess, Involvement, and Interaction. The MIT Press, Cambridge, Mass., 2002, p. 460.

d’adoption, par des organisations ou des individus, d’une innovation technologique1. Cette diffusion est « horizontale » mais elle évacue complètement la question de la « diffusion verticale », la diffusion au sein d’une organisation. Certains auteurs proposent d’utiliser des modèles sur la diffusion pour considérer cette question (Brancheau et al. 1990; Raho et al. 1987). Plus fondamentalement, plusieurs chercheurs considèrent qu’il est essentiel de lier la question de la « diffusion horizontale » avec celle de l’utilisation au niveau organisationnel – question de l’assimilation (Fichman et al. 1999; Ranganathan et al. 2004; Tung 1994) – et de l’utilisation au niveau individuel – question de l’appropriation (Robertson et al. 1996; Schwieger et al. 2004). C’est à partir de l’analyse de ces « trois A », adoption, assimilation, et appropriation, que nous avons construit notre définition de la notion de diffusion.

La diffusion de quoi ?

La très large majorité des recherches se focalise sur une innovation particulière et note qu’il est indispensable de prendre en compte la spécificité de la technologie. Si l’on se restreint au champ des systèmes d’information, il est légitime de s’interroger sur la possibilité de comparer des résultats issus de recherches sur la diffusion des PGI (progiciels de gestion intégrés), des PGAO (progiciels de gestion assistés par ordinateur), des SIAS (Système d’Aide à la Décision), des plates-formes de connaissances (ou en anglais « Computer Aided System Engineering »), ou encore d’un logiciel comme Lotus Notes. Ce problème n’est pas tellement spécifique à notre recherche. Les résultats en sciences de gestion sont toujours basés sur des données issues d’un terrain spécifique, unique par définition. Pour pallier cette difficulté, la solution proposée est de deux ordres : d’une part élaborer des typologies d’innovations technologiques pour pouvoir comparer les cas et, d’autre part, conserver bien à l’esprit le contexte des recherches pour ne pas importer un résultat sans aucune précaution. Nous avons commencé ce travail dans la partie précédente en caractérisant les technologies web et en les situant par rapport aux autres technologies des systèmes d’information. A titre indicatif, nous présentons dans le tableau ci-dessous les types de technologies analysées pour souligner la très grande diversité des technologies étudiées. Certains auteurs étudient des classes de technologies, tandis que d’autres se focalisent sur des systèmes, des langages, des applications ou bien encore des supports différents.

Tableau 4 ; La diffusion, de quelles technologies parle-t-on ?

TYPE NOM REFERENCE

ADOPTION

Innovation technologique (Rogers 1995)

(Abrahamson et al. 1997) (Damanpour et al. 2001) TI (Huff et al. 1985) (Baskerville et al. 2001) Informatique (Attewell 1992) (Thong 1999)

Technologies web (Nambisan et al. 2000) Technologie générique Echanges de Données Informatisés (Iacovou et al. 1995) (Teo et al. 2003) Logiciels (Zmud 1982)

Logiciels commerciaux (Lassila et al. 1999) Logiciel d’aide pour gérer les

réunions

(Zigurs et al. 1998) Logiciels / tableur (Brancheau et al. 1990) Gestion de production

assistée par ordinateur

(Swan et al. 1995) (Robertson et al. 1996) (Mole et al. 2004) (Cooper et al. 1990) Application TI pour le « reengineering » de processus (Newell et al. 2000) Ordinateurs (Moore et al. 1991)

(Caselli et al. 2001b) (Venkatesh et al. 2001) Support

Téléphone vidéo (Kraut et al. 1998) Systèmes ouverts (Chau et al. 1997) Système

Windows 3.1 (Karahanna et al. 1999) ASSIMILATION

TI (Armstrong et al. 1999) (Lassila et al. 1999) (Brady et al. 2002) Technologies web (White et al. 1988)

(Chatterjee et al. 2002) (Ranganathan et al. 2004) Innovations techniques à

l’usage des médecins

(Meyer et al. 1988) Technologie générique

Technologies orientées objet (Fichman et al. 1997) (Cho et al. 2001) Progiciel de Gestion Intégré (Robey et al. 1999)

(Besson 1999) (Robey et al. 2002) Applicatif

Plate-forme de connaissance (« Computer Aided System Engineering »)

APPROPRIATION

TI (Allingham et al. 1992) (Orlikowski 1992) (Mulhmann 2001) (Hislop 2003)

Intranet (de Vaujany 2000)

Technologie générique

E-mail (Rowe et al. 2000) (Van Den Hoof 2005) Système d’Aide à la Décision (DeSanctis et al. 1994)

(Dennis et al. 2001) Système de paiement électronique (Schwieger et al. 2004) Applicatif Ordinateur (Davis 1989) (Boullier 2001)

Support Traitement de texte (Johnson et al. 1984)

Logiciel Notes (Orlikowski 2000) Système

Télématique (Saint-Laurent-Kogan 1998) Ces deux précisions faites, nous pouvons maintenant aborder la revue de littérature et indiquer le cadre théorique retenu.

1. L’adoption des technologies web : un processus orienté par un ensemble limité de